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commune de Beaufort la somme de 17,670 francs, et à celle de Laneuville celle de 18,323 francs avec intérêts à partir de ce jour;

Fixe pour la commune de Beaufort à la somme de 115,982 francs la valeur représentative des usages en bois de chauffage, déduction faite des frais de façon, contributions, garde, balivage et autres mentionnés en l'expertise, et pour la commune de Laneuville, a 69,587 francs la valeur des usages en bois dans la même forêt, les mêmes déductions étant faites;

«Ordonne que les experts joindront aux chiffres qui viennent d'être fixés le produit des droits de maronage qu'ils sont chargés d'estimer, et détermineront pour chacune des communes, sur les emplacements acceptés par elles, l'assiette et l'étendue de leur cantonnements, en prenant pour base l'opération des experts Gellé et Robinot, et en procédant par voie d'augmentation ou de retranchement, suivant le chiffre afférent à chaque commune qui sera déterminé en suite de l'évaluation des droits de maronage; surseoit à statuer sur les dépens en définitive, etc. »

Les sieurs Drappier et consorts ont interjeté appel de ce jugement.

LA COUR;

ARRÉT.

En ce qui touche l'homologation de l'expertise: Considérant que les intimés ne s'opposent pas à cette homologation partielle, et qu'il est utile de la prononcer afin de fixer d'une manière définitive les points qui ne sont pas susceptibles de litige et qui doivent servir de base aux opérations de cantonnement;

Sur l'étendue des droits de maronage des communes : Considérant que la disposition du jugement qui prescrit de comprendre dans les bois de maronage tous ceux posés par le charpentier, mais par le charpentier seulement, quelle que soit leur valeur, et sans qu'il faille distinguer entre les bois sciés ou simplement équarris, rentre, au lieu de s'en écarter, dans le sens de l'hypothèse indiquée par les experts, et que ceux-ci ont unanimement admise ; Adoptant, au surplus, sur ce grief, les motifs des premiers juges;

En ce qui touche la détermination de l'émolument usager: Sur le nombre des maisons usageres, sur l'évaluation de l'affouage et la répartition à faire entre les communes, ainsi que sur la fixation du nombre de têtes de gros bétail et de pores pour chaque ménage; - Adoptant les motifs des preiniers juges;

Sur l'évaluation des droits de pâturage: Considérant que la somme de 2,198 francs, à laquelle les experts ont estimé la pâture annuelle sur le canton des Clairs-Chênes, seul grevé de cette servitude, est évidemment exagérée:

Qu'il suffit, pour s'en convaincre, de remarquer que ce chiffre donnerait pour la pâture de chaque hectare un produit annuel de 17 francs, tandis que les experts n'ont évalué qu'à 15 francs le produit de l'hectare en bois taillis;

Qu'il est impossible d'admettre que le pâturage puisse donner un revenu supérieur à celui du bois taillis lui-même, et qu'il convient de le fixer dans l'espèce à 5 francs par hectare, soit pour les 129 hectares 30 ares 70 centiares formant le canton des Clairs-Chênes, à la somme annuelle de 650 francs, au lieu de 2,198 francs;

Sur l'évaluation du droit de glandée et paisson pour les porcs : Considérant que la question n'est pas de savoir quelle est en droit la signification des mots glandée et paisson, mais bien d'apprécier, en fait, l'importance des avantages que les communes trouvaient dans l'exercice du droit de grasse pâture pour les porcs, reconnu à leur profit par l'arrêt de 1833, et que loin de s'écarter de la vérité, les experts et le tribunal en ont fait une équitable et saine application, en portant ce droit à 1 fr. 71 c. par an et par tête de porc; qu'il échet donc de maintenir l'émolument annuel pour la commune de Laneuville à 456 fr. 05 c., faisant un capital de 8,721 francs, et pour la commune de Beaufort à 427.fr. 50 c., faisant un capital de 8,550 francs;

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Sur les intérêts du capital à payer aux communes pour le rachat des droits de pâturage, de glandée et de paisson: - Considérant que l'instance en rachat n'a pas empêché les usagers d'exercer, s'ils ont voulu le faire, les droits de grasse et de vaine pâture, et que, d'un autre côté, les propriétaires de la forêt de Dieulet n'ont pu, pendant la durée de cette instance, opérer leur libération, puisque le chiffre de leur dette n'était pas définitivement fixé; qu'il n'y a donc pas lieu d'ajouter les intérêts au capital dont ils sont constitues débiteurs pour le temps qui s'est écoulé jusqu'à ce jour; mais que les intérêts devront courir à compter de l'arrêt qui consomme le rachat en liquidant la créance des communes, à défaut par les appelants de se libérer par le versement immédiat du principal;

Sur l'estimation de la valeur du taillis qui couvre le canton attribué aux communes: Considérant que les experts se conformant à l'usage et aux règles généralement admises en cette matière, ont estimé le taillis, non d'après sa valeur actuelle, mais d'après la valeur qu'il aura à l'âge de son exploitabilité;

Considérant que, pour la détermination du prix de feuille de chaque coupe, les experts assimilant le taillis à un capital ont recherché la somme qui, reçue annuellement, pendant vingt-cinq ans, et augmentée de ses intérêts composés, procurerait à la fin de cette période un capital égal à la valeur qu'aurait le taillis de la coupe au jour de l'exploitation, et que c'est cette somme qu'ils ont adoptée comme représentant le prix de feuille; Qu'à la vérité cette théorie repose sur la supposition que les feuilles ont toutes une valeur égale, ce qui peut n'être pas rigoureusement vrai, mais que néanmoins la manière de procéder des experts ne porte pas préjudice aux parties, parce que la fiction sur laquelle reposent leurs calculs n'en affecte pas les résultats définitifs; que l'estimation, peut-être un peu trop faible, des taillis approchant de l'âge d'exploitabilité, se trouve compensée par l'estimation trop forte des taillis plus

Jeunes;

Considérant d'ailleurs que la méthode suivie par les experts est celle qui paraît avoir été adoptée jusqu'à cette époque dans toutes les opérations de cantonnement amiables ou judiciaires, tandis que la méthode contraire par les appelants est une théorie nouvelle que la pratique ne semble pas avoir consacrée jusqu'à ce jour, quel que soit le mérite qu'elle peut avoir au point de vue scientifique;

Considérant enfin que ces deux méthodes aboutissent, dans la réalité, à des résultats semblables, parce que les experts, en estimant la valeur du taillis suivant le mode qu'ils ont adopté, estiment en même temps le sol ou le capital producteur comme ne devant pas cesser ses fonctions; qu'ils ajoutent les intérêts de ce capital à ceux de la valeur du taillis, et qu'ils obtiennent ainsi la même somme que celle à laquelle conduirait l'application de la théorie préconisée par les appelants;

Sur l'estimation de la valeur de la futaie: Considérant que c'est avec raison que les experts ont estimé la futaie suivant sa valeur actuelle, et que le tribunal a consacré ce mode d'évaluation, parce que la futaie est un produit immédiatement réalisable et que l'expérience démontre que ses accroissements annuels compensent à peine les intérêts de la somme qu'on réaliserait en l'exploitant annuellement;

Considérant que cette manière d'estimer la futaie est aussi généralement usitée en matière de cantonnement qu'elle est recommandée par l'administration forestière à ses agents et prescrite par le décret du 19 mars 1857; Considérant que les experts ne sont pas tombés dans la contradiction que leur reprochent les appelants en évaluant la futaie suivant sa valeur actuelle et le taillis d'après la valeur qu'il aura à l'âge de son exploitabilité, parce qu'à la différence du taillis qui n'aurait, s'il était coupé trop jeune, aucune valeur convenable, la futaie a toujours une valeur sérieuse susceptible d'être réali

sée; que cette différence capitale dans la nature des deux produits explique et justifie pleinement la différence des deux modes d'appréciation suivis par les experts;

Considérant, au surplus, que le système proposé par les appelants tendrait à imposer aux communes un mode de jouissance qui pourrait être contraire à leur intérêt ou même impossible pour elles, suivant leur situation financière; qu'il porterait ainsi une véritable atteinte à leur droit de propriété, qui doit être absolu et réalisable aussitôt que le cantonnement est consommé;

Sur l'estimation du sol : Considérant que l'estimation du sol faite par la majorité des experts et approuvée par le tribunal est vicieuse, en ce sens que les experts n'ont apprécié que l'un des produits principaux du sol, le taillis, pour en induire la valeur du sol lui-même, et qu'ils n'ont pas fait entrer en ligne de compte la futaie, qui est aussi un des revenus importants du sol qui la nourrit; Que s'il est vrai que la futaie, parvenue à un certain âge, ne prend plus un accroissement bien sensible, de sorte qu'on peut considérer la portion du sol qu'elle couvre comme frappée momentanément d'une sorte de stérilité, il est également certain que cette partie du sol produirait, si elle était dépouillée de sa futaie,.un taillis d'un revenu précieux; qu'elle produira plus tard ce taillis après l'abatage de la futaie; que la présence de cette futaie doit donc entrer en ligne de compte pour l'estimation de la valeur du sol, et que la majorité des experts est restée au-dessous de la vérité en négligeant complétement ce deuxième élément ;

Considérant que l'estimation du sol faite par l'expert dissident, d'après la valeur des sols brisés similaires dans la localité, et d'après les prix de vente les plus récents, u'est entachée d'aucune erreur; que les exemples que cite l'expert et les motifs qu'il donne à l'appui de son opinion les justifient compléteinent que la raison prescrit done aux magistrats d'adopter cette estimation qui offre toutes les garanties désirables dans l'espèce;

Sur les dépens d'appel : Considérant que les appelants et les communes intimées succombent respectivement devant la Cour sur une partie de leurs prétentions; que c'est donc le cas de répartir les dépens d'appel dans une équi table proportion;

Par ces motifs, statuant sur l'appel des sieurs Drappier, Nanquette et consorts, homologue le procès-verbal d'expertise en date des 23 et 26 février 1837, en ce qui concerne l'étendue de la forêt, le nombre, l'âge et l'étendue des coupes, le nombre et le cubage des arbres, l'évaluation des produits en bois de diverses qualités, et le prix moyen de ces bois, l'âge de l'exploitabilité de la forêt, la division des maisons usageres en quatre classes, l'évaluation de la durée des bois de marouage dans la localité, ainsi que la détermination de la quantité de ces bois nécessaire à chaque classe de maisons, le chiffre total des charges à déduire sur les différents droits d'usage, et le choix de l'emplacement du canton à attribuer aux communes;

Met le jugement dont est appel au néant: 1o En ce que le tribunal a fixé l'émolument du droit de pâturage pour Laneuville à la somme de 463 fr. 12 c.. faisant en capital celle de 9,302 fr. 40 c., et pour Beaufort à la somme de 456 francs, faisant en capital 9,120 francs; — 2o En ce que le point de départ des intérêts du capital à payer aux communes pour le rachat des droits de grasse et vaine pâture, a été fixe au jour du jugement; 3o En ce que le tribunal a homologué l'opinion des experts Gellé et Robinot, quant à l'estimation du sol de la portion de forêt à abandonner aux communes ;

Emendant quant à ce, fixe l'émolument annuel du droit de pâturage pour la commune de Laneuville à 137 fr. 55 c., faisant en capital la somme de 2,751 francs, et pour la commune de Beaufort à 134 fr. 85 c., faisant en capital la somme de 2,697 francs; Condamne, en conséquence, les appelants à payer pour le rachat de tout droit de pâturage, de paisson et de glandée, savoir: à la commune de Laneuville la somme de 11,472 francs et à la com

mune de Beaufort la somme de 11,247 francs, ensemble les intérêts de ces sommes au taux légal, à dater du jour de la prononciation dudit arrêt; homologue, en ce qui touche la valeur du sol de la portion de la forêt,à attribuer aux communes, l'estimation et la fixation de l'expert dissident;

Sur le surplus des griefs des appelants, rejette l'appel et ordonne que le jugement sortira effet, notamment en ce qui concerne le droit de maronage, l'évaluation de l'affouage, le nombre des usagers, celui des têtes de gros bétail et de porcs, par chaque ménage, l'évaluation du droit de paisson et de glandée, ainsi que l'estimation de la superficie en taillis et futaie de la portion de la forêt à abandonner aux communes, et enfin la nomination des experts nommés par le tribunal, lesquels procéderont conformément aux bases posées par l'arrêt; Ordonne qu'il sera fait masse des dépens d'appel, qui seront supportés dans la proportion des deux tiers par les appelants, l'autre tiers restant à la charge des communes intéressées; Fait mainlevée de l'amende consignée.

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Du 25 février 1860. Lallize, av.).

N° 55.

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(MM. Lezaud, 1er prés.; Souëf, av. gén.; Volland et

COUR DE CASSATION (Ch. crim.). 28 février 1861.
Force majeure, caractères, cassation, contravention.

L'excuse de force majeure est admissible, même à l'égard des simples contraventions (1).

Si, au cas où le prévenu invoque la force majeure, il appartient souverainement aux juges du fait de constater les circonstances qui l'ont mis dans l'impossibilité d'obeir aux prescriptions de la loi, il est réservé à la Cour de cassation de vérifier si les circonstances présentent le caractère de la force majeure (2).

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(Maisonneuve c. Min. public.) ARRÊT.

LA COUR ; Attendu qu'il est de principe que la force majeure met à l'abri de toute responsabilité devant la loi pénale; que s'il appartient souverainement au juge du fait de constater les circonstances qui ont mis le prévenu dans l'impossibilité d'obéir aux prescriptions de la loi, il est réservé á la Cour de cassation de reconnaître si les circonstances présentent tous les caractères du moyen péremptoire de défense résultant de la force majeure ; Attendu..... que dans l'état des faits, le juge a pu, en se fondant sur l'existence de la force majeure, relaxer le prévenu de la poursuite dont il était l'objet ; REJETTE.

Du 28 février 1861. (MM. Vaïsse, prés. ; du Bodan, rapp.; Savary, av. gen.)

(1-2) Ce principe a été appliqué fréquemment en matière forestière. Voir crim. cass., 17 mai 1850, et ter avril 1854, À, F, B, 5, p. 161 et 6, p. 221. Voir aussi MM. Meaume, Comm., no 1419, et Dalloz, Rép. gen., vo FORÊTS, no 320.

No 56.

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COUR IMPÉRIALE DE POITIERS (Ch. corr.). — 25 avril 1864.

Forêts, adjudicataire, cahier des charges, contraventions, bonne foi, arbustes nuisibles, fragon, extraction, délai.

L'obligation imposée à un adjudicataire de coupe d'extraire les arbustes nuisibles s'applique à l'extraction des fragons (1). L'adjudicataire qui a été autorisé à remettre, après l'abatage des arbres, l'extraction des arbustes nuisibles qu'une clause spéciale l'obligeait à opérer préalablement à cet abatage, n'est point fondé à se prévaloir de ladite autorisation pour dépasser le délai fixé par le cahier des charges générales pour l'entière exploitation de la coupe. L'infraction commise par l'adjudicataire d'une coupe de bois aux clauses du cahier des charges relatives au mode d'abatage des arbres et au nettoiement de la coupe, constitue non un délit, mais une contravention; dès lors cet adjudicataire ne peut échapper à l'amende édictée par l'art. 37 du Code forestier.

(Forêts c. Chapacou )

Suivant acte du 8 octobre 1859, le sieur Chapacou s'est rendu adjudicataire d'une coupe de la forêt domaniale de Saulnay.

Il était tenu, d'après l'art. 2 du cahier des clauses spéciales, de détruire les arbustes nuisibles avant l'abatage des arbres. D'un autre côté, d'aprés l'art. 32 du cahier des charges générales, l'exploitation de la coupe devait être entièrement terminée le 15 avril 1860. Quelque temps après l'adjudication, le sieur Chapacou a demandé et obtenu que l'extraction des arbustes nuisibles suivrait l'abatage des arbres au lieu de le précéder, ainsi que l'exigeait l'art. 2 des clauses spéciales.

Il a été constaté par procès-verbal régulier que postérieurement au 15 avril 1860, c'est-à-dire après l'expiration du délai dans lequel l'exploitation de la coupe devait être terminée, de nombreux fragons couvraient encore une partie du sol de cette coupe. En raison de ce fait, le sieur Chapacou a été traduit devant le tribunal de police correctionnelle, pour s'entendre condamner aux peines édictées par l'art. 37 du Code forestier. Devant le tribunal, le prévenu a soutenu, d'une part, que le fragon ne rentre pas dans la catégorie des arbustes nuisibles; d'autre part, que l'autorisation qui lui avait été accordée impliquait la faculté de n'opérer l'extraction des arbustes nuisibles qu'après le 15 avril 1860; et, enfin, il a invoqué une excuse tirée de sa bonne foi. Ce dernier moyen a été accueilli par un jugement de relaxe, dont l'administration des forêts a interjeté appel.

ARRÉT.

LA COUR ; Attendu que le fait à raison duquel est poursuivi Jacques Chapacou n'est en réalité, sous quelque aspect qu'on le puisse ou veuille considérer, qu'une simple infraction à l'une des clauses du cahier des charges dressé, le 22 juin 1859, par l'administration forestière, et par elle définitive

(1) L'espèce de FRAGON la plus commune et la seule qui croisse naturellement en France, est le FRAGON PIQUANT, ruscus aculeatus, connu aussi sous les noms de houx frelon, brusque, buis piquant, myrthe épineux. (Dict. de Baudrillart.)

(2) Il a été jugé, de même, qu'une contravention aux clauses du cahier des charges ne peut être détruite par des considérations de bonne foi et d'équité. Crim. cass., 29 mai 1835, affaire Azaïs; Dalloz, Rép. gen., vo FORÈTS, no 1244; Meaume, C. forest., nos 194 et 1418.

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