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ART. 18. Les effets de la vente courront à partir du 1er juillet 1870, quelle que soit la date du contrat intervenu entre l'Etat et chacun des concessionnaires. ART. 19. Nos ministres, etc.

No 51.—TRIBUNAUX CORRECTIONNELS D'ARBOIS ET DE GRAY. -14 et 16 oct. 1871.

Chasse, arrêtés préfectoraux interdisant la chasse à tir dans les départements occupés; force obligatoire.

Les arrêtés préfectoraux qui dans les départements occupés ont interdit la chasse à tir pendant l'occupation sont légalement obligatoires (1). (B***)

La question de la légalité des arrêtés préfectoraux qui, dans les départements occupés par les armées allemandes, ont interdit la chasse à tir pendant l'occupation et n'ont autorisé que certains modes de thasse, vient d'être sou

(1) La Gazette des Tribunaux avait, dans son numéro du 26 octobre 1871, émis un avis contraire à la decision qui à prévalu dans les jugements ci-dessus; nous croyons devoir le reproduire en son entier.

La circulaire du ministre de l'intérieur en date du 24 août dernier, sur l'exercice du droit de chasse dans les départements occupés par les troupes alleInandes, vient de soulever certaines difficultés pratiques sur lesquelles nous avons ete consultés.

« Quelques prefets ont ouvert la chasse dans leurs départements, quoique ceuxci soient partiellement occupés par les armees allemandés ou soumis aux passages de ces troupes. Toutefois, pour se conformer aux prescriptions, d'ailleurs tres-prudentes et très-sages de M. le ministre de l'intérieur, ils ont interdit la chasse au fusil dans les localités qui pouvaient être visitées par les Prussiens.

« M. le ministre de l'interieur a pensé probablement que cette interdiction pouvait avoir lien par un simple arrète préfectoral ou par une circulaire ministérielle. Nous voyons en effet dans une lettre qu'il a récemment adressée à un honorable député et qui a reçu une certaine publicite: « La question relative à l'ouverture de la chasse dans les départements occupes par les troupes alle«mandes a été l'objet d'un échange de dépêches entre M. le ministre des affaires « étrangères et mon departement, et c'est à la suite de renseignements fournis « par les autorités allemandes qu'il m'a paru, ainsi qu'a mon collègue, impos«sible d'autoriser l'exercice de la chasse au fusil dans les départements encore « occupés. >>

Mais un arrêté et même une circulaire suffisent-ils pour rendre cette interdiction légalement obligatoire et partant, pour rendre les contrevenants passibles des peines correctionnelles édictées par la loi du 3 mai 1844? C'est ce qu'il importe 'examiner.

La loi du 3 mai 1814 établit en principe que nul ne pourra chasser, même sur sa proprieté, si la chasse n'est pas ouverte et s'il ne lui a pas clé délivré de permis de chasse par l'autorité competente. Elle déclare dans l'article 9 que « dans ale temps où la chasse est ouverte, le permis donne a celui qui l'a obtenu le droit a de chasser de jour a tir et a courre. Elle attribue aux préfets le droit d'ouvrir et de fermer la chasse dans chaque departement, de refuser le permis de chasse a certains individus qui ont subi des condamnations ou qui se trouvent dans des conditions particulières d'existence; elle les charge même de déterminer l'époque de certaines chasses et les espèces d'animaux malfaisants que l'on peut détruire en tout temps sur ses terres : elle les autorise également à prendre des arrêtés pour prévenir la destruction des oiseaux, pour interdire la chasse en temps de neige, ou pour autoriser l'emploi de chiens levriers; mais nulle part elle ne leur a conféré le droit de détruire les concessions qu'elle a faites, d'interdire un mode de chasse qu'elle a permis, de restreindre, en un mot, son application en

levée, le même jour, devant les Tribunaux correctiounels d'Arbois (Jura), et de Gray (Haute-Saône).

A Arbois, l'individu poursuivi se nommait B***, cafetier à Poligny. Quoique muni d'un permis de chasse, il a été, le 16 octobre courant, condamné aux peines portées par l'article 12 de la loi du 3 mai 1844, pour avoir chassé à l'aide d'un fusil.

Voici les motifs importants de la décision des premiers juges:

«Attendu que c'est encore à tort que ce dernier soutient que l'arrêté du préfet du Jura, en date du 26 août 1871, qui a modifié celui du 13 du même mois, en déclarant que l'exercice du droit de chasse au fusil resterait suspendu dans toute la partie du département soumise de droit à l'occupation des troupes allemandes, n'est pas légalement obligatoire, et que le Tribunal ne peut prononcer de peine contre ceux qui y contreviennent lorsqu'ils sont munis d'un permis de chasse.

« Que cette prétention serait vraie si, pour interdire ou suspendre l'usage du fusil, le préfet s'était fondé sur les dispositions de la loi du 3 mai 1844, puisqu'alors il aurait, en défendant un mode de chasse formellement autorisé et en restreignant une faculté concédée en termes exprès, franchi le cercle des attributions que lui confèrent et que déterminent nettement les articles 3 et 9 de ladite loi, mais qu'il n'en est pas ainsi; que la prohibition dont la légalité est contestée a, comme l'indiquent suffisamment soit les instructions ministérielles que vise l'arrêté qui la contient, soit la restriction que cet acte administratif rappelle dans son préambule, et qui était inséré dans l'arrêté

édictant des prohibitions contre lesquelles son texte s'élève énergiquement lui

même.

On n'était pas d'accord, sous la loi de 1790, sur l'étendue des pouvoirs appartenant à l'autorité administrative en matière de chasse. Ainsi la Cour de Grenoble décidait, le 22 février 1827, qu'il appartenait à cette autorité de défendre la chasse au filet, à la glu, à la chouette et autres engins. D'autres Cours jugeaient, au contraire, que le droit de l'autorité préfectorale se bornait à fixer le temps pendant lequel la chasse était permise, et qu'il était hors de ses pouvoirs de prohiber d'une manière permanente certains modes de poursuite du gibier (Cass., 12 mai 1842; Bourges, 11 mars 1841; Cass., 1er juillet 1842): mais personne n'hésitait a reconnaître que les arrêtés pris en matière de chasse sur des objets non soumis au pouvoir préfectoral n'étaient nullement obligatoires pour les Tribunaux (Cass., 22 juin 1815).

« Aujourd'hui, en determinant avec détail, comme elle l'a fait dans l'article 9, les attributions des préfets, la loi de 1844 a mis tin sur ce point aux contradictions de la jurisprudence. Non-seulement elle ne leur a pas donné le pouvoir de déterminer les modes de chasse en général, et par conséquent ne leur a pas laissé la faculté d'en interdire quelques-uns, à part certains cas spéciaux qu'elle précise, mais elle s'est réservé à elle seule cette détermination; elle n'autorise que deux moyens de poursuivre le gibier, la chasse à tir et la chasse à courre; elle probibe tous les autres. Sa décision est claire; l'autorité préfectorale ne peut ni l'étendre, ni la restreindre.

« Quelle sera notre conclusion? Elle est facile à prévoir; les arrêtés qui, en ouvrant la chasse, ont interdit l'usage du fusil, ne sont pas légalement obligatoires, c'est-à-dire que les Tribunaux ne peuvent prononcer de peine contre les contrevenants à ces arrêtés lorsqu'ils sont munis d'un permis de chasse. Pour se conformer à l'esprit de la circulaire de M. le ministre de l'intérieur, circulaire qui, nous l'avons déjà dit, a pour but d'éviter les collisions entre les Français et les soldats étrangers, MM. les préfets auraient dû ne point ouvrir la chasse dans les pays occupés, et ne procéder à cette ouverture que pour les parties du territoire en dehors de la ligne d'occupation allemande. M. le ministre de l'intérieur pouvait également atteindre ce but par une autre voie ; il pouvait demander à l'Assemblée le vote d'une loi modificative sur ce point de la loi de 1844. Le législateur seul, en effet, peut restreindre les facultés qu'il a concédées et interdire, même provisoirement, l'exercice d'un droit qu'il a explicitement

reconnu. >

du 13 août, sa cause et son unique base: 1° dans la loi du 2 mars 1871 qui ratifie les préliminaires de paix signées à Versailles le 25 février précédent, et dont l'article 8 porte qu'après la conclusion et la ratification du traité de paix définitif, l'administration des départements devant encore rester occupés par les troupes allemandes sera remise aux autorités françaises, mais que ces dernières seront tenues de se conformer aux ordres que les commandants desdites troupes allemandes croiront devoir donner dans l'intérêt de celles-ci; 2o dans la loi du 18 mai suivant qui ratifie le traité définitif de paix conclu entre la République française et l'empire d'Allemagne, lequel traité maintient l'article 8 desdits préliminaires; 3° dans l'avis adressé le 14 août par le commissaire civil prussien au préfet du Jura, affiché par ordre de celui-ci, et portant que l'autorité militaire allemande entend maintenir dans tout le territoire occupé, tel qu'il a été établi par la ligne de démarcation, la défense du port d'armes, comme conséquence de l'état de siége;

«Que les traités dont il vient d'être parlé ayant été également stipulés, reçus, promulgés et publiés, sont devenus lois de l'Etat et obligatoires pour les simples citoyens; qu'en concédant à l'autorité allemande le pouvoir d'interdire dans les départements occupés le port d'une arme quelconque, ils ont par cela même disposé implicitement que l'exercice du droit de chasse au fusil serait suspendu dans l'étendue du territoire soumis à l'occupation, si cette autorité l'exigeait, et que ce cas, venant à se réaliser, l'administration française userait des moyens propres à assurer l'accomplissement des obligations imposées aux pays envahis; que c'est là ce qui a eu lieu, et que lorsque le préfet du Jura a pris son arrêté du 26 août, il a agi comme délégué du gouvernement dans un intérêt général et d'ordre public, pour l'exécution des traités internationaux prérappelés; qu'on ne saurait donc critiquer cet acte administratif, méconnaître sa force obligatoire et prétendre qu'il ne peut servir de base à la pour-uite ».

Le 14 et le 16 octobre courant, le Tribunal correctionnel de Gray a rendu deux décisions identiques, motivées dans le même sens.

No 52.

COUR D'APPEL DE PARIS (Ch. corr.).—31 août 1871. Délits forestiers, coupe d'arbres, enlèvement de bornes, délibération du conseil municipal, poursuites contre le maire, renvoi.

Si, d'après l'article 172 du Code forestier, la citation doit à peine de nullité contenir copie du procès-verbal et de l'acte d'affirmation, il en est autrement lorsque la preuve des délits forestiers ne résulte pas uniquement des procès-verbaux, mais est en outre recueillie par une information requise par le ministère public, et dans le cours de laquelle le juge d'instruction a entendu des dépositions de témoins, et a interrogé le prévenu.

L'enlèvement de terres, le comblement de fosses et autres actes de ce genre effectués en vertu de la délibération d'un conseil municipal et sous les ordres d'un maire, excluent toute intention criminelle constitutive de culpabilité, intention qui est un des éléments caractéristiques des délits forestiers comme de tous les autres délits.

(Letulle.)

Le 5 juillet 1871, le Tribunal correctionnel de Pontoise rendait par défaut un jugement qui déclarait le sieur Letulle, maire de la commune de Nerville (Seine-et-Oise), coupable de délits forestiers, et, lui faisant application

des articles 144, 192, 193, 194 et 198 du Code forestier et 456 du Code pénal, modifiés par les dispositions de l'article 463 dudit Code pénal, en raison des circonstances atténuantes, le condamnait: 4° à 13 fr. 20 d'amende pour coupe de quatre arbres ayant 3 décimètres de circonférence; 2o à 6 francs d'amende pour coupe de trois arbres ayant 2 décimètres de circonférence; 3° à 96 francs d'amende pour enlèvement de quarante-huit fagots; 4° à 120 francs d'amende pour extraction et enlèvement de douze tombereaux de terre et sable; 5o à 50 francs d'amende pour avoir, en partie, comblé des fossés, enlevé des bornes et piquets servant de limites; le condamnait, en outre, à la restitution, dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement, des bois, terres et sables enlevés, sinon au payement de la somme de 235 fr. 20 pour tenir lieu de leur valeur, etc.

M. Letulle a interjeté appel de cette décision, et s'est présenté pour le soutenir, prétendant qu'il n'avait agi qu'en qualité de maire et en verta d'une délibération du conseil municipal, et qu'il ne pouvait avoir commis de délits.

La Cour a rendu l'arrêt suivant :

<< La COUR: Vidant son délibéré ordonné à la dernière audience, sur le défaut de notification du procès-verbal et de l'acte d'affirmation ;

« Considérant que si, d'après l'article 172 du Code forestier, la citation doit, à peine de nullité, contenir copie du procès-verbal et de l'acte d'affir mation, il en est autrement lorsque la preuve des délits forestiers ne résulte pas uniquement des procès-verbaux, mais est, en outre, recueillie par une information requise par le procureur de la République et dans le cours de laquelle le juge d'instruction a entendu des dépositions de témoins et a interrogé le prévenu; que c'est ce dernier mode qui a été suivi dans la cause; -Que les 28 janvier et 26 avril 1871, le juge d'instruction de Pontoise a interrogé Letuile, lui a fait connaître les charges qui, tant des procès-ver baux régulièrement affirmés que des dépositions des témoins entendus, s'élevaient contre lui et a recueilli les réponses produites par ce prévenu pour se disculper; - Que cette instruction a été clause par une ordonnance qui a renvoyé le prevenu devant le Tribunal correctionnel en qualifiant les divers délits dont il était inculpé; — Que ces qualifications, parties essentielles de l'ordonnance de renvoi, out éte textuellement reproduites dans la citation qui a assigné Letulle à comparaitre devant le Tribunal de Pontoise ; — Que de ce qui précède il résulte que la procédure est régulière et que le moyen de nullité proposé est mal fondé ;

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« Sur le chef des conclusions du prévenu relatif à la qualité de maire : Cousidérant que, d'après la loi du 9 juin 1870, la nomination des maires, pour les communes telles que celles de Nerville, devait être faite par le préfet; que le préfet de Seine-et-Oise, se conformant à une circulaire du ministre de l'intérieur, du 8 septembre 1870, a délégué au conseil municipal l'élection du maire, qui devait être choisi parmi les conseillers municipaux; -«Que le 11 septembre 1870, Letuile a été élu par le conseil municipal maire de Nerville; que Letulle s'est considéré et a été considéré comme maire par tous les habitants de la commune et par l'administration préfectorale, avec laquelle il a entretenu une correspondance et des relations fréquentes; «Que si la délégation du droit de nommer le maire, faite par le préfet de Seine-et-Oise au profit du conseil municipal, peut être critiquée, il faut reconnaître que son exécution a été ratifiée par l'article 1er de la loi du 4 mai 1871, qui à chargé de présider aux élections municipales les maires choisis parmi les conseillers municipaux ;

« Sur les conclusions au fond, prises verbalement à l'audience par le prévenu: Considérant que si des terres ont été extraites et enlevées sur le sol de la forêt de l'Isle-Adam, si des arbres et autres bois ont été coupés et enlevés, si des fossés ont été comblés, si des piquets et des pierres,

servant de limites entre des héritages, ont été enlevés, ces actes, effectués en vertu d'une délibération du conseil municipal de Nerville et sous les ordres de Letulle, n'ont pas été inspirés par la pensée de causer un préjudice è autrui, par l'intention criminelle constitutive de la culpabilité et qui est un des éléments caractéristiques des délits forestiers, objet de la prévention comme de tous autres délits;

«Par ces motifs; Sans s'arrêter au moyen de nullité de la citation, lequel est déclaré mal fondé; Sans s'arrêter non plus au moyen tiré de l'ar ticle 75 de la Constitution du 22 frimaire an VIII, que le prévenu, après l'avoir verbalement présenté à l'audience, a déclaré abandonner ; Infirme le jugement du Tribunal de Pontoise du 5 juillet 1871; Letulle des condamnations contre lui prononcées; voie des fins de la prévention. »

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Emendant, décharge Au principal, le ren

MM. L'Evesque, prés.; Barret-Du

- 28 décembre 1868.

Communes, propriété, terres vaines et vagues, terres productiver, lois de 1792 et 1793, revendication, possession ANIMO DOMINA,

Les lois de 1792 et 1793 ne s'appliquent pas aux terres productives ni aux bois exploitables, mais seulement aux terres vaines et vagues.

Ces lois n'ont pas produit de plein droit l'effet interversif que définit, conformément aux anciens principes, l'article 2238 du Code Napoléon; elles ne constituent un titre de propriété au profit des communes qu'à la condition par elles d'avoir exercé la revendication des terres auxquelles elles s'appliquent dans le délai de cinq années, ou d'avoir durant ce délai possédé les terres à titre de maître (1).

(Commune d'Ourdon c. la vallée de Castelloubon.)

Le Tribunal de première instance de Lourdes avait statué sur ces questions, par son jugement en date du 26 décembre 1866.

Sur l'appel, M. l'avocat général Lespinasse a présenté les observations sui

vantes :

La famille de Rohan, qui possédait autrefois une vaste étendue de landes et de forêts dans la vallée de Castelloubon, avait concédé aux habitants, à diverses époques, certains droits d'usage.

Après la loi du 10 juin 1793, chaque commune s'empara des fonds qui étaient à sa convenance, exploitant les bois, défrichant les clairières, vendant et affermant, comme maîtresse absolue.

En l'an XI, une dame de Rohan, revenue de l'émigration, céda les droits de sa famille à un sieur Passaylier. Celui-ci trouva les habitants en possession, et dut leur intenter un procès pour les obliger à déguerpir. Dans l'exploit introductif d'instance, il mentionnait leur ancienne qualité d'usagers et leur jouissance illimitée depuis 1793.

Soit par oubli, soit à dessein, il laissa la commune d'Ourdon en dehors de l'instance.

Diverses décisions judiciaires constatèrent son droit de propriété et ordonnèrent le cantonnement des usages appartenant aux habitants. Un arrêt

(1) Voir au texte les conclusions de M. le premier avocat général Lespinasso.

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