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autres ne peuvent être indemnisés en l'état qu'autant qu'il serait prouvé que de Chezelles et consorts sont en faute; qu'en la cause, il n'apparait nullement qu'il puisse être invoqué contre les appelants aucune condition de nature à leur appliquer la responsabilité des articles 1382 et suivant du Code civil; - Attendu que l'on ne peut sérieusement soutenir que de Chezelles et autres soient en faute par cela seul qu'ils auraient fait garder leurs chasses; qu'en agissant ainsi, ils n'ont fait qu'user d'un droit qui leur a été conféré à prix d'argent; qu'en l'état, les appelants ne seraient en faute que si, faisant garder leur chasse et refusant de laisser chasser, ils avaient permis au gibier de se multiplier outre mesure; Attendu qu'il est établi qu'en l'année 1867 et en l'année 1868, des destructions d'animaux ont eu lieu continuellement même en dehors des temps de la chasse; qu'en 18681869, année du dégât dont la réparation est demandée, les battues ont été répétées pendant tout le temps de la chasse, et qu'elles ont eu pour résultat la destruction d'un aussi grand nombre d'animaux que possible; qu'à la verité, en ladite année, les battues n'ont pas été poursuivies en dehors du temps de la chasse, mais qu'il n'en a été ainsi que par suite du refus d'autorisation de l'autorité compétente; Attendu, enfin, qu'il résulte des renseignements fournis, notamment de ceux émanant de l'administration forestière, que les animaux sont peu nombreux en forêt; qu'ainsi de Chezelles et autres ont fait ce qu'ils pouvaient et devaient pour la destruction des cerfs et biches, el ne peuvent être dès lors poursuivis et recherchés en raison des dégâts dont la réparation a été demandée par les intimés; - Par ces motifs, infirme. » Pourvoi en cassation des sieurs Deaubonne et autres, pour violation des articles 544, 639, 1382, 1383 et 1385 du Code civil, en ce que l'arrêt attaqué a exonéré les locataires de la chasse de la forêt d'Halotte, de la responsabilité des dommages causés par les animaux de la forêt, sous le prétexte qu'il existe à la charge des propriétaires riverains d'une forêt une servitude dérivant de la situation des lieux qui les oblige à supporter les conséquences du voisinage du gibier, et alors d'ailleurs que les locataires de la chasse n'avaient pas employé tous les moyens nécessaires pour empêcher la multiplication.

-

ARRÊT.

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LA COUR: Attendu que l'amodiataire de la chasse dans un bois n'est pas responsable de plein droit du dommage causé aux propriétés voisines par le grand gibier qui l'habite ou qui s'y rassemble, et qu'il ne peut être recherché à cet égard que s'il y a eu de sa part faute, négligence ou impru dence dans les termes des articles 1382 et 1383 du Code civil; - Attendu qu'il est constaté, en fait, par le jugement attaqué que si les défendeurs éventuels, amodiataires du droit de chasse dans la forêt d'Halotte, ont fait garder leur chasse, ils n'avaient pas, néanmoins, permis au gibier de se multiplier outre mesure; Que, en l'année 1867 et l'année 1868, les destructions d'animaux ont eu lieu continuellement; qu'en 1868, année du dégât dont la réparation est demandée, des battues ont été répétées pendant tout le temps de la chasse, et qu'elles ont eu pour résultat la destruction d'un aussi grand nombre d'animaux que possible; Qu'ainsi les défendeurs éventuels ont fait ce qu'ils pouvaient pour la destruction des cerfs et des biches, lesquels d'ailleurs sont peu nombreux dans la forêt d'Halotte, et viennent surtout des forêts voisines; Attendu que, dans ces circonstances, en refusant de rendre les défendeurs éventuels responsables des dommages causés par le gibier aux propriétés des demandeurs, le jugement attaqué n'a violé aucun des articles visés par le pourvoi, et n'a fait qu'une juste application des articles 1382 et 1383 du Code civil; REJETTE, elc.

Du 15 janvier 1872. Ch. req.MM. de Raynal, prés.; Dagallier, rapp.; Reverchon, av. gén. (concl. conf.); Sabatier, av.

N° 108.- COUR DE NANCY. 27 mai 1872.

Prescription, suspension des délais, interprétation du décret
du 14 février 1871,

Le décret du 14 février 1871, qui dispose que les délais de la prescription pour les délits forestiers ne commenceront à courir que du jour de l'évacuation du territoire par les armées ennemies, n'est pas abrogé; il doit être appliqué dans les pays encore actuellement occupés par les

armées allemandes.

(Adm. for. c. Mangin.)

Un sieur Mangin avait été surpris le 7 novembre 1871, enlevant de la forêt communale de Morfontaine des brins verts et secs, essence de saule, qu'il venait de couper à l'aide d'une serpe, et formant une charge à dos de la valeur de 50 centimes. Procès-verbal du délit avait été dressé le même jour par le garde Mansart. L'administration forestière, sans se préoccuper des délais de la prescription, qui pour les délits forestiers étaient suspendus par le décret du 14 février 1871, jusqu'au jour de l'évacuation du territoire, n'avait assigné le délinquant devant la juridiction correctionnelle que plus de trois mois après la ratification du traité de paix. Devant le Tribunal de Briey, le sieur Mangin soutint que le décret du 14 février 1871 était virtuellement abrogé, qu'il n'était plus possible après la ratification du traité de paix de considérer les armées d'occupation comme des armées ennemies, qu'en conséquence les délais de la prescription avaient recommencé à courir à partir du jour de cette ratification. Il invoquait donc l'article 183 du Code forestier, en vertu duquel l'action en réparation du délit qui lui était imputé était prescrite.

Le Tribunal de Briey avait accueilli les moyens de défense du prévenu et déclaré prescrite, et dès lors non recevable l'action introduite contre le sieur Mangin. Mais l'administration forestière a interjeté appel de ce jugement, qui a été réformé par la Cour de Nancy dans les termes suivants :

LA COUR :

ARRÊT.

Sur l'exception de prescription accueillie par le Tribunal : - Attendu qu'il est de principe qu'une loi conserve sa force exécutoire tant qu'elle n'a pas été abrogée; Attendu que le décret de la Défense nationale, en date du 14 février 1871, dispose que « les délais de la prescription pour les délits forestiers ne commenceront à courir qu'au jour de l'évacuation du territoire par les armées ennemies; » - Attendu que, pour en induire son abrogation tacite et virtuelle, les premiers juges ont interprété ce décret comme s'il portait que les délais de la prescription recommenceraient à courir du jour de la ratification du traité de paix, et où les administrations auraient repris leur service, et les autorités civiles et judiciaires été rétablies dans la plénitude de leurs pouvoirs; Attendu que cette interprétation est contraire au texte même du décret; que le législateur de 1871 à assigné un terme bien précis à la durée du décret: le jour de l'évacuation du territoire par les armées ennemies; que jusque-là le décret subsiste et doit continuer à s'appliquer ;-Attendu que ces mots l'évacuation du territoire forment l'élément principal de cette disposition et révèlent surtout la pensée des auteurs du décret; que la désignation des armées par l'épithète ennemies n'a qu'un intérêt secondaire; que c'était alors la seule qualification qui pouvait être donnée aux armées occupant le sol français, puisqu'on était encore dans la période de l'armistice, mais qu'on ne saurait induire de ces mots armées ennemies que la situation ne soit plus celle prévue par le décret dans les départements qui restent occupés; que pour ces départements et spécialement RÉPERT. DE législ. forest. OCTOBRE 1872.

T. V.-14

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pour l'arrondissement de Briey (Meurthe-et-Moselle), le territoire n'est pas évacué, et les armées allemandes qui l'occupent encore sont bien celles désignées par le décret; Attendu que si les motifs qui ont fait édicter cette mesure législative n'existent plus aujourd'hui, même dans la partie du territoire encore occupée, et si le décret du 14 février n'a plus toute sa raison d'être, c'est au législateur qu'il appartient de le proclamer en l'abrogeant par une disposition expresse, inais que jusque-là les Tribunaux doivent continuer à l'appliquer;

Au fond: Attendu qu'il résulte d'un procès-verbal régulier en la forme, en date du 7 novembre 1871, affirmé le 8, dressé par le garde Mansart, que ledit jour 7 novembre le premier a été surpris enlevant de la forêt communale de Morfontaine des brins verts et secs, essence de saule, qu'il venait de couper à l'aide d'une serpe et formant une charge à dos d'une valeur de 50 centimes; Attendu que ni le prévenu ni son père François Mangin, assigué comme civilement responsable des faits de son fils mineur habitant avec lui, n'ont tenté de détruire la force probante du procès-verbal servant de base aux poursuites; Attendu que François Mangin père et Eugène Mangin fils, régulièrement assigués, font défaut; que c'est le cas de les juger conformément à l'article 190 du Code d'instruction criminelle;

Par ces motifs, la Cour donne défaut contre Eugène Mangin fils et contre Mangin père, non comparants; statuant sur l'appel de l'administration forestière, infirme le jugement en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de l'administration et déclare au contraire ladite administration recevable dans ses poursuites;

Déclare Eugène Mangin fils convaincu d'avoir, le 7 novembre 1871, coupé et enlevé de la forêt communale de Morfontaine une charge de bois vert et sec; déclare François Mangin père civilement responsable des faits de son fils mineur habitant avec lui, et leur faisant application des articles 194, 198, 202 et 206 du Code forestier;

Condamne solidairement Mangin père et fils à 2 francs d'amende et à 50 centimes de restitution, prononce la confiscation de la serpe, etc.

Du 27 mai 1872.

ville, av. gén.

Cour de Nancy.-MM. Briard, prés. et rapp.; Stain

Du même jour et dans des espèces analogues, cinq arrêts semblables de la même Cour.

No 109.

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COUR DE LYON (Ch. corr.). — 25 juin 1872. Plants arrachés, bois soumis au régime forestier, usagers, demande de renvoi à fins civiles, déclaration de défensabilité. Lorsque des particuliers traduits devant la juridiction correctionnelle, en conformité des dispositions de l'article 195 du Code forestier, pour avoir arraché des plants dans un bois soumis au régime forestier, excipent de leurs droits d'usage pour demander le renvoi à fins civiles, à l'effet de faire statuer sur le point de savoir si le propriétaire de la forêt avait le droit de planter, il n'y a pas lieu d'accueillir cette exception alors qu'aucune déclaration de défensabilité n'a été provoquée ni obtenue par les usagers, et alors surtout que, s'agissant d'un bois soumis au régime forestier, la plantation a été faite par les ordres de l'autorité supérieure et les soins de l'administration forestière.

(Adm. for. c. Escoffier et cons.)

La ville de Saint-Etienne avait acquis, en 1860, pour le captage des eaux

qui servent à l'alimentation des habitants, une grande étendue de terrains; 183 hectares 14 ares 31 centiares de ces terrains boisés, ou dont la conversion en bois a été jugée nécessaire pour la protection et l'alimentation des sources, ont été soumis au régime forestier par décret en date du 25 juin 1867. Sur la contenance des terrains soumis au régime forestier par le décret précité figure une étendue de 80 hectares environ de bois provenant de l'ancienne forêt domaniale de Tarantaise aliénée en 1818. Cette forêt était grevée de droits d'usage en pâturage en faveur de certains habitants des communes de Tarantaise et du Bessac. Les droits dont il s'agit, reconnus et confirmés par différentes décisions judiciaires, n'étaient pas contestés; cependant, depuis la soumission au régime forestier, leur exercice ne s'était pas fait régulièrement, car aucune déclaration de défensabilité n'avait été requise par les usagers.

Les communes, mises en demeure de faire connaître les noms des usagers et de fournir l'état prescrit par l'article 118 de l'ordonnance réglementaire, ne s'étaient pas conformées à cette invitation. Cette résistance tenait à ce que les habitants usagers prétendent exercer leurs droits de pâturage en Toute liberté sans aucune espèce de contrôle, refusant de se soumettre aux prescriptions des articles 67, 68, 69, 70, 71, 72, 75, 76, 77, 78 du Code forestier et même à celles des articles 119 et 120, qui leur eussent été applicables si on devait considérer les bois de la ville de Saint-Etienne comme propriété particulière, nonobstant la qualification que leur faisait acquérir le décret de soumission au régime forestier.

L'intérêt de la ville de Saint-Etienne et celui de ses 100 000 habitants qui n'ont pour leur alimentation que les eaux dérivées de la montagne où se trouvent les bois grevés des droits d'usage en pâturage, de même que le fonctionnement régulier des usines qui existent dans le bassin, exigeaient que ces bois fussent conservés et améliorés, car leur disparition eût amené fatalement l'épuisement des sources.

La ville de Saint-Etienne, pour empêcher les clairières de se former et de s'agrandir, ainsi que cela se produit inévitablement dans une forêt soumise à la dépaissance, où l'action dévastatrice du bétail tend constamment à détruire les efforts de la nature pour le repeuplement naturel, demanda donc et obtint l'autorisation, sur les conseils des agents des ponts et chaussées chargés du service des eaux et des agents forestiers, de faire quelques travaux de repeuplement afin d'arriver insensiblement au repeuplement des vides.

Ce fut en conséquence de l'autorisation préfectorale, en date du 19 mars 1869, que l'administration fit effectuer au printemps de 1870 une plantation. Ce travail à peine commencé, dix-sept habitants, se disant usagers, se transportèrent sur le terrain où avait eu lieu la plantation et arrachèrent deux mille épicéas qui avaient été plantés les jours précédents, sur une étendue d'environ 20 ares.

En présence de cette opposition, les travaux furent suspendus; mais procès-verbal fut dressé pour constater l'arrachis fait, et les prévenus ont été ités devant le Tribunal correctionnel de Saint-Etienne par application de F'article 195, § 3, du Code forestier.

Le Tribunal, nonobstant les conclusions motivées du service forestier, prononça le renvoi à fins civiles pour faire décider si l'administration avait le droit de planter malgré l'opposition des usagers.

D'après le jugement rendu, le fait d'arrachis des plants eût perdu son caractère délictueux dans le cas où les Tribunaux civils eussent déclaré que les usagers avaient le droit de s'opposer à toute plantation dans les bois grevés. L'administration forestière interjeta appel de ce jugement; ses conclusions tendaient à établir qu'en vertu du principe qu'il n'est pas permis de se faire justice à soi-même, le fait reproché aux usagers de Tarantaise conserverait son caractère délictueux, quelle que fût d'ailleurs la décision des Tri

bunaux civils; l'administration faisait valoir, à l'appui de son opinion, les considérations suivantes :

1o Les bos ayant été soumis régulièrement au régime forestier, par décret en date du 5 juin 1867, les dispositions du Code forestier qui règlent l'exercice des droits d'usage dans les bois communaux sont applicables aux habitants de Tarantaise, et ceux-ci ne peuvent y conduire leurs bestiaux s'il n'y a pas déclaration préalable de défensabilité;

2o Assimilat-on les bois de la ville de Saint-Etienne à une propriété particulière, les dispositions des articles 112 et 120 du Code forestier exigeraient encore une déclaration de défensabilité;

3° Aucune déclaration de défensabilité n'ayant été faite depuis la soumission au régime forestier, les usagers ne pourraient être considérés, au moment où le délit a été commis, comme étant dans l'exercice de leurs droits;

4 n'y avait pas urgence à faire disparaître une prétendue entrave à l'exercice de ces droits;

50 L'opinion de Merlin et de Curasson que dans certains cas il peut être permis de se faire justice à soi-même ne peut être invoquée car il ne s'agit pas ici de voiture, de fossé, de haie, ni de mur empêchant absolument l'exercice permanent d'une servitude, dans le sens général que le Code civil attache à cette expression;

Les plants d'épicéas mis en terre avaient à peine 20 centimètres de hauteur, se trouvaient irrégulièrement dispersés dans les places vides et ne pouvaient faire aucun obstacle à la libre circulation du bétail;

6o Une plantation dans un bois soumis au régime forestier en vertu d'autorisation régulière de l'autorité administrative comme travail d'amélioration, alors que l'exercice du droit d'usage ne se fait pas régulièrement et que cette plantation n'entraverait pas la circulation du bétail, ne constitue pas une voie de fait à laquelle les usagers auraient le droit de répondre par une autre voie de fait ;

7o Dans le cas où cette plantation aurait nécessité une mise en défens ou occasionné un préjudice aux usagers, ceux-ci avaient le droit de se pourvoir devant les Tribunaux civils à l'effet d'obtenir soit des dommages-intérêts, soit l'arrachis des plants s'il était reconnu que le titre, absolument muet sur ce point, défendait au propriétaire d'améliorer sa propriété;

8° La déclaration de défensabilité est une mesure d'ordre public, et tout usager y est soumis quant à l'exercice de scn droit, quels que soient d'ailleurs les droits acquis et les stipulations des titres;

9° L'usager surpris en délit dans un canton non déclaré défensable ne peut élever des questions préjudicielles.

Ainsi, concluait Padministration forestière, quelle que fût la décision du Tribunal civil sur les droits respectifs des usagers et du propriétaire, il était difficile d'admettre que l'acte de violence constaté par le procès-verbal des gardes Thibaud et Bonguillaume ne conservât pas son caractère délictueux et cessât de tomber sous l'application de l'article 195 du Code forestier. Elle invoquait donc les dispositions du deuxième paragraphe de l'article 182 pour s'opposer au renvoi à fins civiles.

ARRÊT.

LA COUR : Attendu qu'il résulte d'un procès-verbal régulier, en date du 26 avril 1870, que ledit jour les prévenus ont été trouvés dans un canton de la forêt de Saint-Etienne, au moment où ils venaient d'arracher un certain nombre de plants d'épicéas, de 2 décimètres de hauteur environ, qui y avaient été plantés récemment par l'administration forestière ;

Aftendu que ce fait n'est point dénié par les prévenus, qui prétendent le

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