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voir conclure que c'est avec raison que l'arrêt a déclaré qu'il ne pouvait être question dans la cause que de la prescription acquisitive; et cela suffirait à justifier sa décision, puisque la demanderesse ne pouvait pas et n'alléguait même pas une possession contraire à l'arrêt de 1725. Mais la Cour d'Aix ne s'est pas arrêtée la; elle a également porté son examen sur le mérite de l'exception de prescription extinctive opposée par la deinanderesse. Le pourvoi le conteste en disant que, si elle a donné des motifs pour écarter toute idée de renonciation de la part de la commune de Meyroines, au bénéfice de l'arrêt de 1725 (renonciation que la demanderesse n'avait pas songé à invoquer), elle n'a pas statué sur l'exception de prescription. Mais c'est là une explication par trop subtile. Il suffit de lire en entier le considérant de l'arrêt attaqué pour reconnaître qu'en disant, «ce qui exclut tout à la fois la prescripation et la renonciation », elle a pris le mot renonciation dans le sens de l'exception telle qu'elle était proposée, c'est-à-dire comme indiquant la prescription extinctive par opposition à la prescription acquisitive. Quant aux inotifs par lesquels l'arrêt à rejeté l'exception, ils me paraissent parfaitement concluants. Il constate que les deux communes ont constamment possédé dans les termes de l'arrêt de 1725, qui avait décidé que, tant que le partage ne serait pas parachevé, elles continueraient à posséder conformément à la transaction de 1658; et nous ne voyons pas comment, ce fait étant constant, l'arrêt a pu tomber en péremption quant aux biens restés indivis. N'a-t-il pas été exécuté, comme on le dit, selon sa forme et teneur? En ordonnant qu'il serait procédé, dans les trois mois, au partage par égales parts de tous les biens communaux restés indivis, il a bien conféré à la commune de Meyronnes le droit de contraindre celle de Larches à procéder avec elle à ce partage, mais il ne lui a pas imposé, comme condition de la conservation de son droit à la moitié de ces biens, l'obligation de provoquer le partage dans ce délai. L'arrêt du Parlement (c'est un point qu'il importe de ne pas perdre de vue n'a pas statué lui-même, et pour la première fois, sur les droits respectifs des deux communes; il n'a fait qu'ordonner l'exécution du jugement de Me Gillette du 19 décembre 1657, suivi de la transaction du 11 août 1658, qui n'a dû regler que le mode de jouissance sur la base de ce jugement; et nous croyons pouvoir dire que si la transaction avait modifié cette base en attribuant à la commune de Larches une part indivise plus forte que celle de Meyronnes, la demanderesse n'aurait pas manqué de se prévaloir de cette circonstance. Or, elle n'allègue même pas le fait, et, dans ces conditions, on doit reconnaître que l'exécutiou non interrompue de la transaction de 1658 a laissé debout et le jugement primitif de 1678 et l'arrêt du Parlement qui en a ordonné l'exécution. La Cour appréciera s'il n'y a pas lieu de rejeter

le pourvoi.

ARRÊT.

LA COUR: Sur le moyen unique, pris de la violation de l'article 2262 du Code civil et de la fausse application des articles 2265, 2228 et suivants, même code, de la fausse application et violation de la loi du 10 juin 1793, ainsi que des avis du Conseil d'Etat des 20 juillet 1807 et 26 avril 1808; Attendu, en fait, qu'à la date du 19 décembre 1657, le sieur de Gillette, chevalier au sénat de Nice, délégué par le duc de Savoie pour faire diviser les communes de Larches et de Meyronnes, avait rendu un jugement qui ordonnait le partage, par parts égales, de leurs biens communaux indivis; que les parties, s'étant rapprochées pendant les opérations du partage, ont signé, le 11 août 1658, devant notaire et en présence du délégué, une transaction qui mettait fin à ces opérations; que le Parlement de Provence a rendu, le 12 juin 1725, un arrêt portant qu'en exécution du jugement de Me de Gillette, mentionné dans la transaction du 11 août 1658, il serait procédé, dans les trois mois, au partage par égales parts de tous les biens com

munaux, et que, tant que le partage ne serait pas parachevé, les parties continueraient à posséder conformément à ladite transaction; que cet arrêt a reçu son exécution, quant aux montagnes pastorales, par la division de ces montagnes en deux lots d'égale valeur, et que les parties sont restées dans l'indivision pour le surplus de leurs biens communaux ; Attendu l'arrêt que attaqué déclare, en ce qui concerne les biens demeurés indivis, que, depuis 1725, les deux communes ont continué sans interruption à les posséder conformément à la transaction du 11 août 1658; - Attendu aussi que la demanderesse n'a pas soutenu devant les juges du fond que cette transaction avait modifié le jugement du 19 décembre 1657, en reconnaissant au profit de la demanderesse le droit à une part supérieure à celle de la défenderesse éventuelle; Attendu que c'est avec raison que l'arrêt attaqué a déclaré, en l'état des faits constatés, qu'il n'aurait pu être question dans la cause que de la prescription acquisitive, et qu'il a rejeté tout à la fois comme inadmissible et comme mal fondée l'exception de prescription extinctive opposée par la demanderesse; - D'où il suit que l'arrêt attaqué, loin d'avoir violé les dispositions de loi visées par le pourvoi, en a fait, au contraire, une juste application; REJETTE, etc.

Ch. req.

Du 14 août 1872. MM. de Raynal, prés.; Rau, rapp.; Reverchon, av. gén. (c. conf.); Lehmann, av.

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1° Louage, bail à ferme, bois, enlèvement, interprétation; 2o cassation, louage, interprétation.

Dans un bail à ferme ne contenant pas la prohibition de défricher, la défense d'enlever n'implique pas l'interdiction d'abattre les bois debout pour les soins de la culture (C. civ., 1134) (1);

L'arrêt qui décide que la clause d'un bail interdisant d'enlever des bois n'implique pas la défense d'en abattre pour les soins de la culture échappe au contrôle de la Cour de cassation.

(Valcourt et Duquesnay c. Marguerite.)

Le 13 juillet 1870, arrêt de la Cour de la Martinique, ainsi conçu: «Sur le moyen tiré de ce que la demoiselle Marguerite ayant, dans un défrichement par elle effectué, fait couper des bois debout, il y avait lieu de déclarer résilié, conformément aux stipulations de l'acte, le bail à elle consenti le 7 septembre 1867, les bailleurs ayant fait à leur profit la réserve formelle de tous les arbres debout, indistinctement: - Attendu que Valcourt et Duquesnay n'ont pas rapporté la preuve que l'appelante eût fait couper et enlever des bois debout; qu'à cet égard leur allégation est dénuée de preuve; que l'on ne saurait la trouver dans l'aveu fait au nom de la demoiselle Marguerite dans son acte de protestation du 13 mai, dans lequel elle avoue avoir fait couper quelques bois à brûler; que, d'ailleurs, la prohibition d'enlever n'implique pas celle d'abattre de pareils arbres pour les soins de la culture;— Par ces motifs, dit que le cas de résiliation ne s'est pas réalisé, etc.D

(1) Cette solution ne doit pas être trop généralisée. Il faudra surtout rechercher l'intention des parties qui ont fait le bail, les usages locaux sur la culture et le mode d'exploitation des terrains loués, pour savoir quelle étendue doit être donnee à la défense contenue dans le bail, alors surtout que cette interdiction résulte déjà des principes généraux sur le louage.

POURVOI des sieurs Valcourt et Duquesnay, pour violation de l'article 1134 du Code civil et des articles 1728, 1732 et 1766, même code, en ce que l'arrêt attaqué a, au mépris des stipulations formelles du bail et des principes du contrat de louage, décidé que la défenderesse avait le droit d'abattre les bois debout existant sur les terrains loués:

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ARRÊT.

LA COUR: Sur le moyen tiré de la violation des articles 1134, 1728, 1732 et 1766 du Code civil:- Attendu que le droit de résiliation n'était réservé aux bailleurs qu'au cas d'enlèvement du bois debout par la locataire, sans leur consentement; Attendu qu'en déclarant qu'il n'est pas prouvé que des bois debout eussent été enlevés, l'arrêt attaqué a déjà suffisamment motivé le rejet du pourvoi sur le premier moyen; Attendu, d'ailleurs, qu'en décidant que la défense d'enlever n'impliquait pas l'interdiction d'abattre les bois debout pour les soins de la culture, le droit de défricher n'étant pas contesté, l'arrêt ne renferme qu'une interprétation des clauses du bail, qui était dans le domaine souverain du juge d'appel;

-

REJETTE.

Du 27 mai 1872. Ch. req. MM. Nachet, f. f. prés. ; Anspach, rapp.; Reverchon, av. gér. (c. conf.); Bozérian, av.

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1o et 2° Animaux, chiens, hydrophobie, abatage; autorité municipale, voie publique, sûreté, hydrophobie, chiens mordus, destruction.

Le maire d'une commune qui a été parcourue par un chien suspect d'hydrophobie ne peut prescrire, comme mesure de sûreté, l'abatage des animaux que ce chien a mordus qu'autant que cette mesure doit recevoir son exécution dans des lieux publics (L. 16-24 août 1790, tit. XI, art. 3) (1);

Par suite, c'est avec raison que le juge de police interprète l'arrêté qui contient une telle prescription comme étant inapplicable, alors surtout qu'il ne s'en explique pas, aux chiens que leurs maîtres ont pris la précaution de renfermer chez eux et de tenir à l'attache (2).

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LA COUR: Attendu que les quatre propriétaires qui comparaissent devant

(1 et 2) La jurisprudence reconnaît que les dispositions qui ont pour objet d'empêcher les chiens malfaisants de causer du dommage aux personnes et aux animaux sont applicables non-seulement sur la voie publique, mais encore dans les lieux ouverts au public, tels que les cafés et cabarets, et les dépendances de ces établissements (Crim. cass., 8 novembre 1867, Dalloz, Rec. périod., 1868, V, 19); que, spécialement, les préfets peuvent prescrire dans leurs règlements que dans les magasins ou établissements quelconques les chiens soient toujours pourvus d'une muselière (Crim. cass., 15 novembre 1856, Dalloz, Rec. périod., 1856, V, 389). Mais, en ce qui concerne la garde des chiens à l'intérieur du domicile, elle admet seulement que, lorsqu'un enclos est commun à deux propriétaires, celui d'entre eux qui possède un chien est tenu, si l'animal est malfaisant, de le mettre hors d'etat de nuire au voisin, sous peine d'être déclaré en contravention à l'article 475 du Code pénal (Crim. cass., 13 avril 1849, Dalloz, Rec. périod., 1849, V, 13). Sur les mesures qui peuvent être prises dans le cas de présence dans une commune d'un chien suspect d'hydrophobie, voir Dalloz, Jur. gén., vo CoмMUNE, no 1326,

le Tribunal de simple police de Coligny, sur simple avertissement, d'après le procès-verbal dressé contre chacun d'eux, étaient prévenus uniquement de contravention à l'arrêté du maire de Coligny, du 25 avril 1872, pour n'avoir pas immédiatement abattu les chiens qui ont été trouvés chez eux à l'attache; Attendu que cet arrêté municipal, se fondant sur ce qu'un chien suspect d'hydrophobie avait parcouru la commune de Coligny où il a été tué, ordonnait que tous les chiens qui auraient été mordus seraient abattus immédiatement, que les autres chiens seraient surveillés pour être abattus dans le cas où ils deviendraient malades; Que les prévenus ont soutenu pour leur défense qu'ils ignoraient si leurs chiens avaient été mordus; mais que, dans tous les cas, ils les avaient tenus à l'attache et enfermés, sans qu'il y ait eu divagation de l'un d'eux à aucun moment; Que, dans cet état des faits, le Tribunal de police, interprétant l'arrêté, a déclaré qu'il ne pouvait s'appliquer qu'aux chiens que leurs maîtres laisseraient vaguer sur la voie publique, et non à ceux que les habitants tiennent enfermés dans leurs domiciles, et en conséquence a renvoyé les prévenus des fins de la plainte;

Attendu qu'en limitant ainsi le sens et la portée de l'arrêté, le jugement attaqué l'a sainement interprété et en a fait une légale application; Qu'en effet, le pouvoir dont l'autorité municipale est investie par l'article 3, tit. XI, de la loi des 16-24 août 1790, ne lui attribue exclusivement que la police des lieux publics, et ne saurait lui donner le droit de l'étendre à des mesures qui s'exécuteraient dans des maisons particulières; - Attendu enfin qu'il est constaté dans le jugement, d'accord avec les procès-verbaux eux-mêmes, que chacun des prévenus avait tenu enfermé chez lui son chien, supposé mordu, sans qu'il y ait eu divagation d'ancun d'eux; Qu'ainsi se trouve justifié le relaxe prononcé par le jugement; REJETTE.

Du 16 novembre 1872. Ch. crim. MM, Faustin Hélie, prés.; Ach. Morin, rapp.; Babinet, av. gén. (c. conf.).

No 146. — Cour de cassation (Ch. crim.).—28 novembre 1872.

Forêts, extraction non autorisée, enlèvement, tentative.

Le délit prévu par l'article 144 du Code forestier, qui punit toute extraction ou enlèvement non autorisé de pierres, sable... dans les forêts, existe soit qu'il y ait enlèvement sans extraction, soit qu'il y ait extraction sans enlèvement (1);

Par suite, le juge correctionnel, lorsqu'il reconnaît comme constant un fait d'extraction, ne peut, pour s'abstenir de le réprimer, se fonder sur ce qu'il n'y aurait pas eu tentative d'enlèvement (2).

LA COUR : restier :

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Sur le moyen pris de la violation de l'article 144 du Code foVu ledit article; Attendu que des termes de cet article il ré

(1 et 2) Conf Crim. cass., 9 juin 1848 (Dalloz, Rec. périod., 1848, I, 180). — II y a ici, ainsi que Dalloz l'a fait remarquer, Jur. gen., vo FORÊTS, no 618, une exception au principe général, suivant lequel les tentatives de délit ne sont pas punissables. On admet d'ailleurs, en doctrine, que l'acte préparatoire d'un délit peut être réprimé comme intraction spéciale; or, il paraît évident que le législateur, vu la difficulté de saisir le fait d'enlèvement, a juge utile d'atteindre le fait d'extraction, quoiqu'il n'ait pour objet que de préparer l'enlèvement, de même qu'en matière de chasse il punit la possession et le port des engins prohibés, et non pas seulement l'usage. Toutefois, il existe des arrêts contraires; voir loc, cil,

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sulte que le délit existe, à défaut d'autorisation, soit qu'il y ait enlèvement sans extraction, soit qu'il y ait extraction sans enlèvement; Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir reconnu lui-même ce principe, se fonde, pour prononcer le relaxe, sur ce que « l'extraction n'est un délit qu'autant qu'elle a été faite en vue et dans la pensée d'un enlèvement >> ; Attendu que celle restriction apportée à l'application de l'article 144 du Code forestier n'est justifiée ni par le texte, ni par l'esprit de la loi; Attendu, en effet, que le fait d'extraction, d'après le texte de l'article précité, constitue à lui seul un délit, indépendamment de tout enlèvement ou de toute intention d'enlèvement ultérieur; Attendu que le but du législateur, en punissant les divers faits énoncés en l'article 144, a été d'assurer une protection efficace au sol forestier et d'en garantir la complète intégrité; qu'à ce point de vue la simple extraction, même sans pensée d'enlèvement, appelait la répression, par cela seul qu'elle cause un dommage à la propriété forestière ;

Attendu, en conséquence, que l'arrêt attaqué (rendu par la Cour de Chambéry, Ch. corr., le 29 juillet 1871) a méconnu ces principes; et qu'en refusant d'appliquer l'article 144 à un fait d'extraction par lui déclaré constant il a violé ledit article; CASSE.

Du 28 novembre 1872. Ch. crim. MM. Faustin Hélie, prés.; Barbier, rapp.; Babinet, av. gén. (c. contr.); Gonse, av.

N° 147.-COUR DE PARIS (Ch. corr.). - 30 novembre 1872.

Chasse, forêt de l'Etat, enlèvement de larves de fourmis, dommagesintérêts réclamés par le locataire de la chasse.

Les larves de fourmis doivent être, à raison de la nature de leur composition, considérées comme engrais.

Dès lors, l'enlèvement dans une forêt de l'Etat de larves de fourmis constitue le délit prévu par l'article 144 du Code forestier,

Le locataire d'une chasse a droit à des dommages-intérêts lèvement de ces larves pratiqué dans la chasse à lui louée.

(Leclerc c, Roubault.)

pour l'en

M. Leclerc, propriétaire, est locataire d'une chasse dans la forêt de Fontainebleau, et à la date du 10 juillet dernier, son garde particulier a surpris les nommés Roubault père et fils qui emportaient un sac renfermant 30 litres environ de larves de fourmis qu'ils avaient soustraites dans la partie louée à M. Leclerc. Traduits en police correctionnelle comme prévenus du délit prévu par l'article 144 du Code forestier, le Tribunal de Fontainebleau a rendu, le 3 août 1872, un jugement qni a relaxé les prévenus par les motifs suivants :

<< Attendu que l'article 144 du Code forestier prévoit l'enlèvement, notamment des engrais existant sur le sol forestier; Que des larves de fourmis ne peuvent être considérées comme un engrais actuellement existant ni comme une production ou une partie du sol des forêts; - Que les débris de bois ou autres substances qui composent une fourmilière ne sont pas encore réduits à l'état d'engrais; — Qu'il n'est pas permis de réprimer par analogie un fait qui n'est pas prévu par la loi forestière. »

Mais, sur l'appel interjeté par M. Leclerc, la Cour a réformé ce jugement par les motifs suivants:

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