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En pareil cas, à raison de la nécessité où se trouve l'administration de faire procéder à une instruction, l'action publique n'est prescriptible que par le délai ordinaire de trois ans (C. instr., 638 et 640) (1).

(Noël et Ragné.) — arrêt.

LA COUR : Sur l'exception de prescription accueillie par le Tribunal : Attendu que si l'article 62 de la loi du 15 avril 1829 dispose que l'action en réparation des délits en matière de pêche se prescrit par un laps d'un mois ou de trois mois à compter du jour où ils ont été constatés par des procèsverbaux, suivant que les délinquants sont ou ne sont pas désignés dans ces actes, il reste à savoir ce qu'il faut entendre par la constatation par procèsverbaux dont il est question dans cette disposition; Attendu qu'il convient, pour interpréter sainement cet article, de le rapprocher des articles 53 et 54 de la même loi, auxquels il se réfère virtuellement et d'une manière nécessaire; Attendu que, suivant ces deux articles 53 et 54, les procèsverbaux faisant foi, selon les distinctions qu'ils établissent, jusqu'à inscription de faux ou jusqu'à preuve contraire, sont des actes qui, revêtus de toutes les formalités prescrites par la loi, constatent les faits matériels relatifs aux délits; Que ces mots : constatations, faits matériels relatifs aux délits, supposent nécessairement que les gardes rédacteurs des procès-verbaux ont une connaissance personnelle des faits qu'ils énoncent, soit pour en avoir été les témoins oculaires, au moment où ils s'accomplissaient, soit pour en avoir reconnu et constaté après coup les traces ou les résultats matériels; qu'on comprend qu'à cette condition, mais à cette condition seule, les procèsverbaux dûment affirmés remplacent des témoignages se produisant sous la foi du serment, et qu'ils imposent au juge l'obligation impérieuse de condamner le délinquant sur la seule production de ces actes, aussi longtemps qu'ils ne sont pas détruits par la procédure exceptionnelle et si périlleuse de l'inscription de faux;

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Attendu qu'on ne saurait considérer comme de véritables procès-verbaux, ayant tous les caractères exigés par les articles précités, et faisant foi jusqu'à inscription de faux, ou seulement jusqu'à preuve contraire, des actes dont les rédacteurs n'ont rien vu, ne savent absolument rien par eux-mêmes, et dans lesquels ils ne constatent aucun fait dont la matérialité ait pu frapper leurs sens, mais dans lesquels ils se bornent à consigner ce qu'ils ont pu apprendre par ouï-dire, en recueillant les déclarations de personnes plus ou moins bien informées; qu'en pareille occurrence, les gardes rédacteurs ne dressent pas de procès-verbaux proprement dits, ils ne font que recueillir des renseignements; ils ne constatent pas les délits, ils ne font que les dénoncer; - Attendu qu'il suit de là que la prescription spéciale de l'article 62 de la loi sur la pêche fluviale n'est applicable qu'aux délits qui ont été constatés par de véritables procès-verbaux, mentionnant des faits à la connaissance personnelle des gardes rédacteurs, et pouvant faire foi jusqu'à preuve contraire; qu'en l'absence d'un pareil acte, le point de départ manque à la prescription spéciale d'un mois ou de trois mois, et les infractions à la police de la pêche ne sont plus prescriptibles que par l'expiration de trois ans ou d'un an a compter da jour où elles ont été commises, suivant qu'elles constituent des délits ou des contraventions (C. instr. crim., art. 638 et 640); Attendu que cette dis

(1) C'est ce qui est admiş, d'une manière constante, en matière forestière; et l'on sait que les dispositions de l'article 185 du Code forestier sur la prescription des delits forestiers ont ete reproduites, sauf un leger changement relatif au delai, dans l'article 62 de la loi du 15 avril 1829 sur la pêche fluviale. Voir l'arrêt précité de la Cour d'Aix, et les renvois; Dalloz, Table des vingt-deux années, vo FORÊTS, nos 115 et suiv. Voir aussi Baudrillart, Péche fluviale, t. I, p. 390; et Emile Martin, loc. cit.

tinction, fondée sur le texte même de la loi, est d'autant plus rationnelle et d'autant plus juste, que l'administration n'a besoin, lorsqu'elle est armée d'un procès-verbal régulier, que d'un délai très-court pour intenter la poursuite, tandis qu'elle en est réduite, à défaut de ce moyen de preuve, à recueillir des renseignements et à réunir des éléments de conviction dont la recherche, souvent longue et difficile, ne pourra pas s'accomplir dans les délais si restreints impartis par l'article 62; qu'une doctrine contraire offrirait de grands dangers pour la répression des délits, et tendrait à en faciliter l'impunité;

Attendu que, dans l'espèce, l'acte dressé le 15 juillet dernier par les gardes Mallet et Masson ne constate aucun fait matériel dont les rédacteurs auraient été témoins, ou dont ils auraient eu la connaissance personnelle, soit quant à l'empoisonnement de la rivière de Meurthe, soit quant au colportage du poisson ainsi détruit; que les gardes se sont bornés à consigner dans cet acte des renseignements par eux recueillis près de quelques personnes qu'ils avaient questionnées, ou même parvenus jusqu'à eux par la rumeur publique seulement et d'une manière assez vague; que l'administration n'aurait pu sérieusement produire cet acte comme faisant preuve contre les prévenus; et qu'il ne peut, dès lors, servir de point de départ à la prescription d'un mois;

Au fond: - Attendu que de tous les documents de la procédure et des débats ne résulte nullement la preuve que les prévenus aient, dans la journée du 5 juin dernier, colporté ou mis en vente du poisson par eux recueilli dans la rivière de Meurthe ;

Par ces motifs, statuant sur l'appel du ministère public, rejette l'exception de prescription accueillie par le Tribunal, et déclare recevable l'action intentée contre les inculpés par là citation du 17 août dernier; Au fond, renvoie les prévenus acquittés... sans dépens.

Du 8 novembre 1871. Adam, subst. pr. gén.

C. de Nancy (Ch. corr.).— MM. Briard, prés.;

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COUR DE CASSATION (Ch, crim.). — 7 décembre 1872.

Chasse, terrain d'autrui, chiens, passage : 1o gibier nouveau; 2o force majeure, charge de prouver; 3° chasseur, prohibition.

Le chasseur dont les chiens courants sont entrés dans le bois d'un voisin en poursuivant un gibier lancé sur son propre héritage, n'est plus dans les termes du cas d'excuse énoncé dans l'article 11 de la loi du 3 mai 1844, si les chiens, après avoir abandonné la piste de ce gibier, sont restés dans le bois, sans qu'il ait tenté de les ramener, après y avoir fait lever un autre gibier (1).

C'est au chasseur qui prétend n'avoir pu retenir ses chiens courants dans la poursuite, sur le terrain d'autrui, d'un gibier lancé sur son propre héritage, à fournir la preuve de ce fait; et le juge estimerait à tort qu'il suffit, pour justifier l'admission de l'excuse proposée, d'énoncer que

(1) La Cour de cassation a déjà décidé, dans le même sens, que la disposition de l'article 11 dont il s'agit ici « n'a eu pour objet que l'acte de chasse pratiqué par les chiens seuls, lorsque le maître a pu se trouver dans l'impossibilité de l'empêcher, et dans le cas seulement où la chasse a été commencée avec droit ». Voir crim. cass., 15 décembre 1866 (Dalloz, Rec. pér., 1867, I, 141), et la note,

« rien n'établit que le prévenu fût en mesure d'empêcher ses chiens de pénétrer chez le voisin » (1).

Le piqueur dont les chiens ont pénétré dans le bois d'autrui en poursuivant un gibier, ne peut invoquer comme preuve de l'impossibilité où il se serait trouvé de ramener sa meute, la défense à lui précédemment faite de pénétrer dans ledit bois sous peine de procès-verbal, une telle défense ne pouvant être sérieuse au cas où le piqueur ne serait entré dans le bois que pour empêcher ses chiens d'y chasser (L. 3 mai 1844, art. 11) (2).

(Frottier de Bagneux c. Dubois et autres.)

- ARRÊT.

LA COUR-Sur le moyen unique de cassation, pris d'une fausse application du numéro 2 de l'article 11, 3e alinéa, de la loi du 3 mai 1844 : - Attendu que la disposition de ce troisième alinéa, en permettant, suivant les circonstances, de ne pas considérer comme délit de chasse le passage sur le terrain d'autrui de chiens courants poursuivant un gibier sur la propriété de leur maître, a pour objet unique d'autoriser l'excuse d'un fait réel de chasse, dans le cas seulement où la chasse aurait été commencée avec droit, et lorsque leur maître a pu se trouver dans l'impossibilité d'empêcher ce passage; Attendu que le jugement dont l'arrêt attaqué a adopte les motifs déclare « que la meute de chiens courants des sieurs Nennessy, appelés comme civilement responsables du fait de leur piqueur, avait lancé dans les bois du sieur Majou de la Débuterie un lièvre qui avait entraîné les chiens dans les bois du sieur de Bagneux, où la meute paraît avoir lancé un chevreuil et avoir suivi cette nouvelle piste, abandonnant celle du lièvre qu'elle chassait; que, la bête s'étant fait battre pendant longtemps sans sortir du bois, le piqueur Dubois s'est tenu sur la grande route qui traverse le bois, sans appuyer ni exciter les chiens »; Attendu que le fait ainsi constaté constitue un délit de chasse, un véritable acte de braconnage;

Attendu que, pour excuser ce délit, l'arrêt attaqué s'est borné, d'une part, à déclarer que la meute des Nennessy avait lancé un lièvre dans le bois de Majou de la Débuterie; que cette constatation ne suffit pas à l'accomplissement de la condition imposée par l'article susvisé; - Attendu, d'autre part, que l'arrêt se borne encore à déclarer que rien n'établit qu'au moment où la meute est entrée dans les bois de de Bagneux, le piqueur fût en mesure de rompre les chiens et de les empêcher de pénétrer chez le voisin; - Attendu que c'était à l'inculpé de faire la preuve de l'excuse, d'après la maxime : Reus excipiendo fit actor;

Attendu enfin qu'après avoir constaté le délit de chasse dans le bois de de Bagneux, l'arrêt ajoute que le piqueur aurait peut-être pu rompre les chiens s'il ne lui eût été fait défense expresse par de Bagneux de mettre le pied sur sa propriété, sous peine de procès-verbal ; Mais attendu que cette défense ne pouvait être sérieuse au cas où le piqueur ne fût entré dans les bois de de Bagneux que pour rompre les chiens; qu'il ne résulte pas, par conséquent,

(1) Conf. Caen, 26 janvier 1870 (Dalloz, Rec. pér., 1870, II, 57).

Le chasseur ne pouvant dans bien des cas rompre ses chiens qu'en les suivant pour rester à portée d'eux, il est admis qu'il ne commet pas un délit en s'introduisant à leur suite sur le terrain d'autrui, s'il s'abstient d'ailleurs de les appuyer, du moins, l'appréciation en vertu de laquelle le juge du fait a considéré ce chasseur comme étant dans le cas d'excuse prévu par l'article 11 précité, échappe-t-elle à la censure de la Cour de cassation. Voir crim. rej., 30 novembre 1800 (Dalloz, Rec. per., 1861, 1, 500); et Crim. rej., 23 juillet 1869 (Dalloz, Rec. pér., 1869, I, 536). Voir aussi Sorel, Chasse à tir et à courre, n° 27; Villequiz, Droit du chasseur sur le gibier, p. 32 et suiv.; Giraudeau et Lélièvre, la Chasse,

no 661.

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des déclarations de l'arrêt attaqué la preuve que l'inculpé ait été dans l'impossibilité d'empêcher la meute d'entrer et de chasser dans les bois dudit de Bagneux; - D'où il suit qu'en relaxant des fins de la poursuite l'inculpé et les parties civilement responsables, la Cour d'appel de Poitiers (par l'arrêt attaqué du 13 juillet 1872) a violé l'article 11 susvisé de la loi du 3 mai 1844; CASSE.

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Le délit de chasse commis par un maire sur le territoire de sa commune ne doit pas être réputé, de plein droit, commis dans l'exercice des fonctions d'officier de police judiciaire du délinquant, en sorte que celui-ci ne puisse, à raison de ce délit, n'être poursuivi que devant la première Chambre de la Cour d'appel (L. 3 mai 1844, art. 22; C. instr. crim., 483).

Mais le maire est réputé s'être trouvé dans l'exercice de ses fonctions et il est par suite justiciable de la Cour d'appel, s'il a commis le délit de chasse dans un lieu et dans un moment où se commettait sous ses yeux un délit de même nature que son devoir était de constater.

(Sarrasin.) ·

ARRÊT.

LA COUR : Considérant que si un maire, prévenu de faits de chasse, n'est pas, lorsqu'il est surpris en délit, nécessairement réputé avoir agi dans l'exercice de sa fonction d'officier de police judiciaire, il appartient néanmoins à la Cour de rechercher si, au moment de la perpétration de l'acte délictueux, il n'était pas, d'après les circonstances, dans les attributions réelles confiées au pouvoir de la police judiciaire ; Qu'aux termes des articles 9 et 11 du Code d'instruction criminelle les maires sont tenus de rechercher les contraventions commises sur le territoire de leur commune, et que, suivant l'article 22 de la loi du 3 mai 1844, ils ont qualité pour dresser des procès-verbaux en matière de chasse; qu'il ne suffit pas à un prévenu, pour qu'il puisse utilement décliner la juridiction devant laquelle il est traduit, de prétexter qu'il n'aurait parcouru le territoire de sa commune qu'en vue des actes de chasse auxquels il allait personnellement se livrer; mais qu'il faut, pour bien apprécier le mérite d'une pareille allégation, vérifier si, dans les conditions où il a été surpris, il a pu, à son gré, dépouiller la qualité d'officier de police judiciaire attachée à sa fonction de maire; qu'en fait, il est résulté de l'instruction devant la Cour que, le 10 novembre 1871, Sarrasin, s'étant rendu dans le parc du marquis d'Agrain, sachant que des collets y avaient été placés pour prendre du gibier, était, d'après le procès-verbal, ou accompagné d'un individu qui prit la fuite et qui est resté inconnu, ou que, d'après ses propres déclarations, il aurait rencontré sur le lieu du délit une autre personne venue également pour dérober le gibier qui aurait pu se trouver pris dans les collets;

Que, dès lors, officier de police judiciaire, se trouvant en présence d'une contravention et de contrevenants, Sarrasin avait, de par la loi, le mandat de constater les faits accomplis sous ses yeux; que le devoir était d'autant plus impérieux, qu'ainsi que cela vient d'être dit, il connaissait le placement des engins dont il eût dû, en sa qualité, assurer la destruction, et qu'une autre

poursuite, déférée à la Cour à l'occasion d'un autre délit, témoigne qu'obéissant à un sentiment de susceptibilité il avait signalé à la gendarmerie une infraction en matière de chasse commise sur sa commune par le garde qui, quelques jours avant, avait dressé contre lui le procès-verbal qui a servi de base à la poursuite; Qu'il faut donc reconnaître dans cet ensemble de faits que le prévenu était dans le cas de l'exercice de ses fonctions d'officier de police judiciaire; que cet exercice, les délits étant flagrants, ne pouvait pas être facultatif, et qu'il n'a pu se dévêtir, sous le prétexte qu'il commettait luimême un délit, d'un mandat qu'il tenait de la loi; Par ces motifs, sans s'arrêter au moyen d'incompétence, dit que les formes spéciales de procédure déterminées par l'article 483 du Code d'instruction criminelle devaient être suivies, etc.

Du 3 janvier 1872. C. de Dijon, (1re Ch.). MM. Lafon, prés.; Proust, jer av. gén.

N° 155.

COUR DE CASSATION (Ch. req.).

17 décembre 1872.

Commune, biens indivis, partage, prescription.

Les biens indivis entre plusieurs communes doivent être partagés proportionnellement au nombre des feux de chacune d'elles, à moins qu'il ne soit opposé à ce mode de procéder un titre contraire ou une prescription équivalente à un titre (LL. 10 juin 1793, sect. II, art. 1, et 19 brum. an II; av. Cons. d'Etat, 20 juill. 1807 et 26 avril 1808) (1).

Mais une commune ne saurait exiger que le partage ait lieu autrement que par feux, en se fondant sur une attribution différente qui lui aurait été faite, depuis un temps immémorial, dans les produits du communal indivis, alors qu'il n'y a lieu de considérer cette attribution que comme une facilité ne pouvant constituer une possession utile pour prescrire (C. civ., 2229, 2231, 2233, 2236) (2).

(Comm. de Raucourt c. comm. de Haraucourt.)

Les communes de Raucourt et Haraucourt sont propriétaires par indivis d'un bois d'une contenance de 263 hectares. Voulant sortir d'indivision, la commune de Haraucourt a provoqué un partage en nature et demandé que

(1 et 2) Il est certain que le partage des biens indivis entre communes différentes doit se faire par feux, à moins qu'il n'y ait titre contraire. Mais la prescription peutelle, de même qu'un titre, fire fléchir ce principe d'égalité? L'arrêt que nous reproduisons semble admettre l'affirmative. En effet, s'il ne tient pas compte de la possession immemoriale invoquée dans l'espèce, c'est uniquement parce qu'il avait éte reconnu, en fait, qu'elle n'avait constitue qu'une simple tolérance et, par suite, qu'elle n'était point efficace pour réaliser la prescription du sol. Mais il reconnalt, dans ses considerants, que la prescription équivaut à un titre à l'effet d'autoriser une commune à demander un autre mode de partage que le partage par feus. Comp. Cass., 28 decembre 1869 (S., 1871, I, 73; P., 1871, 199). - Toutefois cette manière de voir ne semble pas avoir été uniformément adoptée par la jurisprudence antérieure. Plusienrs arrêts décident, au contraire, en principe, que l'usage et le mode de jouissance, même depuis un temps immémorial, ne sauraient, en pareille matière, suppléer à un titre. Voir Cass., 28 mai 1838 (S., 1838, I, 806; P., 1838, II, 307); 26 mai 1869 (S, 1869, I, 463; P., 1869, 1205), et les renvois. Cette dernière opinion est vraisemblablement fondée sur ce que la prescription entre communistes ne saurait être facilement présumée.

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