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gence de cette affaire, sur laquelle a statué l'arrêt de la Cour de Pau, da 22 juillet 1872, rapporté dans Sirey (1872, 2o part., p. 310). arrêté préfectoral du 26 mars 1863, le sieur Lassalle a été autorisé, sous la réserve expresse des droits des tiers, à construire sur le gave d'Aspe, pour une prise d'eau destinée à l'alimentation d'un lavoir, un barrage d'une hauteur déterminée. Cette hauteur ayant été dépassée, le sieur de Supervielle, riverain inférieur et propriétaire d'une usine, à actionné Lassalle, et par une transaction du 6 août 1864, interprétée plus tard par un arrêt du 4 mai 1869, Lassalle s'est engagé à payer à de Supervielle 600 francs de dommages-intérêts, et en outre à réduire et à maintenir désormais son barrage à la hauteur fixée par l'arrêté préfectoral du 26 mars 1863. Par un nouvel arrêté préfectoral du 23 juillet 1867, Lassalle a été autorisé à surélever son barrage de 77 centimètres, toujours sous la réserve des droits des tiers. De Supervielle a poursuivi devant le ministre des travaux publics la réformation de cet arrêté, contraire, prétendait-il, à la convention de 1864 et à l'arrêt interprétatif de 1869, et compromettant l'existence de son usine.

Le 20 décembre 1869, décision ministérielle rendue sur l'avis conforme du conseil des ponts et chaussées, portant dans ses motifs que le maintien du barrage au niveau fixé par l'arrêté de 1867, justifié déjà par l'importance de l'industrie de Lassalle, au point de vue du travail et de la prospérité du pays, emprunte aujourd'hui un caractère d'utilité publique au projet d'irrigation de la plaine de Sainte-Marie d'Oloron. Le dispositif était ainsi conçn: a Art. 1er. Le recours de M. de Supervielle contre l'arrêté du préfet des Basses-Pyrénées, en date du 23 juillet 1867, est rejeté. En conséquence cet arrêté est maintenu, et il est pris acte de la déclaration du sieur Lassalle, donnant son consentement à la dérivation de 2 mètres cubes d'eau par seconde en amont de son barrage, pour l'irrigation de la plaine de SainteMarie d'Oloron. Art. 2. M. de Supervielle est renvoyé à faire valoir devant l'autorité judiciaire les droits qu'il peut prétendre avoir contre le sieur Lassalle, pour inexécution par ce dernier de la transaction intervenue entre eux, le 6 août 1864. »

De Supervielle s'étant pourvu devant le Conseil d'Etat contre la décision du ministre, il est intervenu, le 12 juillet 1871, un décret du Conseil d'Etat ainsi conçu: - Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en autorisant le sieur Lassalle à relever le niveau de la retenue d'un barrage fixe, par arrêté préfectoral du 26 mars 1863,et destiné à élever le niveau des eaux dans un lavoir que le sieur Lassalle possède sur la rive gauche du gave d'Aspe, le préfet des Basses-Pyrénées n'a fait qu'user des droits que les lois ci-dessus visées lui ont conféré sur les cours d'ean non navigables ni flottables; - Considérant que les droits des tiers sont réservés, ainsi que le rappelle d'ailleurs la décision ministérielle attaquée, et que cette décision ne fait pas obstacle à ce que le sieur de Supervielle fasse valoir devant l'autorité judiciaire les droits qu'il croirait pouvoir tirer de la convention du 6 août 1864; qu'ainsi le préfet, en prenant ledit arrêté et le ministre en le confirmant, n'ont pas excédé leurs pouvoirs;-Arrête :... Art. 2. La requête du sieur de Supervielle est rejetée. » C'est après avoir ainsi vainement poursuivi l'annulation de l'arrêté préfectoral de 1867, devant le ministre compétent, puis l'annulation de la décision confirmative du ministre devant le Conseil d'Etat, que de Supervielle s'est adressé à autorité judiciaire pour obtenir l'exécution de la transaction de 1864.-Le 29 décembre 1871, le Tribunal d'Oloron a rendu un jugement dont le dispositif était ainsi conçu : Dit qu'en vertu de l'autorité de la chose jugée par le Conseil d'Etat, le 12 juillet dernier, le barrage de l'usine Lassalle conservera la hauteur que lui attribuent les arrêtés administratifs des 23 juillet 1867 et 20 décembre 1869. »

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Sur l'appel de de Supervielle, la Cour de Pau a prononcé l'infirmation du jugement par l'arrêt précité du 22 juillet 1872, rapporté loc. cit. Cet arrêt REPERT. DE LÉGISL. FOREST. — OCTOBRE 1873.

T. V.-23

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ordonne la destruction de la surélévation du barrage, en rejetant l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée par l'autorité administrative. La partie de l'arrêt qui rejette cette exception de chose jugée (partie que nous avions omis de reproduire) est ainsi conçue: - Attendu que vainement Lassalle objecte que de Supervielle, après avoir porté ses réclamations devant l'autorité administrative, n'est plus recevable à en saisir l'autorité judiciaire, pour obtenir de celle-ci la réduction du barrage dont l'autorité administrative a ordonné implicitement le maintien, que l'y admettre serait ou remettre en question la chose jugée par l'autorité administrative ou entraver, contrairement au principe de la séparation des pouvoirs, l'exécution d'un acte administratif; Mais que tout différent est l'objet de la réclamation appréciée par le ministre et par le Conseil d'Etat et l'objet de l'action portée aujourd'hui devant les Tribunaux ordinaires; que, devant le ministre, de Supervielle demandait la rétractation de l'arrêté préfectoral du 23 juillet 1867, à raison soit de son inopportunité, soit de l'excès de pouvoir qu'il contenait, que, devant le Conseil d'Etat, l'arrêté ministériel confirmatif de l'arrêté préfectoral n'était attaqué que pour excès de pouvoir; que, devant les Tribunaux, de Supervielle, sans attaquer des décisions administratives très-régulièrement prises d'ailleurs, se borne à poursuivre l'exécution d'un contrat civil passé entre Lassalle et lui; qu'en agissant ainsi, loin de porter atteinte à des actes administratifs maintenus malgré son opposition, il ne fait qu'utiliser les réserves expresses que contiennent ces actes mêmes, relativement aux droits qu'il puise dans la transaction du 6 août 1864; qu'il impliquerait contradiction que ces droits eussent été à la fois jugés et réservés; Qu'ils ont été réservés d'ailleurs en leur entier et nullement convertis, comme l'allègue Lassalle, en un droit de simple réparation pécunire. »

POURVOI en cassation par le sieur Lassalle, contre l'arrêt de la Cour de Pau du 22 juillet 1872. Moyen unique. Violation des lois des 16-24 août 1790, tit. 11, art. 13; 16 fructidor an III, 12-20 août 1790, et du principe de la séparation des pouvoirs administratif et judiciaire, et des articles 1350 et suivants du Code civil, en ce que l'arrêtattaqué, interprétant et méconnaissant des décisions préfectorale et ininistérielle, maintenues par le Conseil d'Etat, a ordonné la destruction des travaux prescrits ou autorisés par l'administration, tout à la fois dans l'intérêt particulier du sieur Lassalle et dans l'intérêt général. A l'appui du pourvoi, on a dit: L'arrêt attaqué distingue entre les arrêtés généraux et réglementaires, ordonnant des travaux dans un intérêt public, et les arrêtés individuels, autorisant des travaux dans un intérêt privé; ies premiers inattaquables, les seconds, au contraire, ne faisant pas obstacle à ce que les Tribunaux ordonnent non-seulement la réparation du préjudice qu'ils causent aux tiers, mais encore la destruction des travaux autorisés, s'ils contreviennent aux droits que ces tiers tiennent de la convention, de la possession ou de la loi. Or cette distinction, vraie à son point de départ, cesse de l'être dans ses effets. Les Tribunaux, même au cas où l'intérêt privé seui est engagé, ne peuvent que condamner à des dommages-intérêts la partie dont les travaux contreviennent aux droits consacrés par la convention, la possession ou la loi. Ils sont sans pouvoir à l'égard des travaux eux-mêmes couverts par les autorisations administratives, et dont la loi de la séparation des pouvoirs leur interdit d'ordonner la destruction. Voir un arrêt de la Chambre des requêtes du 26 janvier 1841 (S., 1841, I, 407; P., 184!, I, 641) et la note, ainsi que le rapport de M. Duplan et les arrêts cités dans ce rapport; une ordonnance sur conflit du 18 juillet 1838 (S., 1844, II, 88; P. chr.) et la note dans le Sirey; et les arrêts de Douai, 13 juillet 1855 (S., 1856, II, 337; P., 1856, II, 529); Agen, 24 et 26 janvier 1865 (S., 1866, II, 113 et 115; P., 1866, 469 et 473), et enfin un décret du Conseil d'Etat du 14 août 1871 (Lebon, p. 126). En ordonnant la destruction des travaux autorisés par l'administration, l'arrêt attaqué a donc violé la règle de la séparation des pouvoirs.

- Mais cette violation devient incontestable quand la destruction ordonnée s'applique à des travaux prescrits ou autorisés dans un intérêt général. Or, tel est le cas de l'espèce. En effet, ce caractère est manifestement exprimé par les motifs et le dispositif de la décision ministérielle du 20 décembre 1869, que contredit vivement l'arrêt attaqué (voir les motifs et dispositif en question, cités supra). Ce caractère ressort encore de l'avis du conseil général des ponts et chaussées. La décision ministérielle échappait à l'interprétation de la Cour de Pau, qui ne pouvait nier ce qu'affirmait cette décision. Vainement l'arrêt se prévaut de ce que cette décision n'a pas prescrit cu ordonné les travaux, mais les a simplement autorisés: cette circonstance ne change pas le caractère des travaux. Il en est de même de la réserve des droits des tiers: le droit des tiers, lorsqu'il est en opposition avec l'intérêt public, se réduit toujours en une indemnité qui est arbitrée, suivant les cas, par le jury, s'il s'agit d'expropriation; par le Tribunal ordinaire, si le débat s'élève entre particuliers; par le Tribunal administratif, s'il s'élève entre les particuliers et l'administration. Enfin Parrêt attaqué a méconnu la portée des décisions administratives précitées. Suivant l'arrêt, le ministre, le Conseil d'Etat n'ont jugé qu'une question d'excès de pouvoir; la Cour avait à juger une question de convention civile, dont la connaissance lui était essentiellement dévolue et réservée. Mais après l'arrêt de 1869, qui interprétait la transaction dans le sens d'une interdiction pour Lassalle d'élever son barrage au delà du niveau fixé par l'arrêté de 1863, l'administration ne pouvait pas maintenir l'élévation de ce barrage à un niveau supérieur de 77 centimètres et réserver les droits de Supervielle de faire ordonner par les Tribunaux la démolition des travaux constituant cette surélévation. Cette réserve des droits de Supervielle ne pouvait s'entendre que du droit de faire fixer l'indemnité qu'il pouvait prétendre à raison du préjudice que lui causait cette surélévation de la retenue. De cette façon, Supervielle obtiendra la réparation de tout le préjudice résultant de la surélévation du barrage, sans que l'intérêt industriel ou agricole qui a déterminé cette surélévation soit sacrifié. Dans le système de l'arrêt attaqué, au contraire, les intérêts que l'administration a voulu sauvegarder seraient à la merci de de Supervielle.

M. le conseiller Nachet, chargé du rapport, a présenté les observations suivantes :

La question de compétence que vous soumet le pourvoi du sieur Lassalle n'a pas toujours reçu la même solution, soit de la part de la Cour de cassation, soit de la part du Conseil d'Etat.

«Pendant une certaine période, ainsi que l'a signalé le pourvoi, la Cour a tenu pour principe que l'autorité judiciaire, devant laquelle on réclamait contre l'établissement dans un intérêt privé d'un barrage, construit en vertu d'un arrêté préfectoral pris en vertu du pouvoir de police, conféré par les lois du 22 décembre 1789, sect. III, art. 5, no 6, et des 6-7 septembre 1790, au mépris du droit consacré par la loi ou par une convention, avait incontestablement compétence pour reconnaître et faire respecter le droit, en condamnant l'auteur de ce barrage à des dommages-intérêts; mais que les Tribunaux ne sauraient aller au delà, et prescrire soit la suppression, soit la modification du barrage, sans franchir les limites de leur compétence, et attenter aux lois qui leur interdisent non-seulement d'entraver l'exécution des actes de l'administration, mais de les interpréter et de les contrôler. « Ne s'agitil,, disait M. Duplan (dans le rapport qui a précédé l'arrêt du 26 janvier 1841 (S., 1841, I, 409; P., 1841, I, 644), cité par le pourvoi), « que de dommages « occasionnés par des travaux que l'administration a autorisés, le pouvoir << judiciaire est compétent. Mais s'agit-il de la modification des travaux, comme « ce serait toucher à un acte administratif, l'administration est seule compé⚫

<<< tente. >>

« L'arrêt qui consacre cette limitation des pouvoirs judiciaires est con

forme à de précédents arrêts des 14 février 1833 (S., 1833, I, 418; P. chr.), et 2 juillet 1839 (S., 1839, I, 845; P., 1839, II, 474), et plusieurs autres ont consacré depuis cette jurisprudence. Voir notamment un arrêt de cette Chambre du 27 novembre 1844 (S., 1845, I, 593; P., 1845, II, 94), rendu au rapport de M. Mesnard. «Le principe qui ressort de la jurisprudence, dit « le rapport, a pour effet d'établir une distinction très-nette entre l'ensemble « des intérêts généraux qui se rattachent à un usage determiné des eaux et « l'intérêt privé on accidentel des particuliers qui peut être compromis par << tel mode de jouissance des eaux. Quand il s'agit des intérêts généraux et « des mesures à prendre pour qu'ils n'aient pas à souffrir, l'administration « fait tout; elle permet, elle ordonne, elle défend, et rien ne se peut faire « sans son autorisation. S'agit-il, au contraire, d'un simple intérêt privé, « d'un dommage causé par quelque riverain, par telle ou telle entreprise, « alors les règles du droit commun reprennent leur empire et les Tribunaux « sont compétents... mais jusqu'où peut s'étendre cette réparation? Compren« dra-t-elle seulement des dommages-intérêts évalués en argent, ou bien « s'étendra-t-elle jusqu'à la destruction des constructions dommageables? Si « ces constructions ont été autorisées, nul doute n'est possible; les Tribu«naux n'ont pas le droit de faire détruire ce que l'administration a permis « d'édifier. Ils doivent seulement accorder des dommages-intérêts, sauf à « l'administration à aviser plus tard, en cas de recours devant elle. »

«Depuis, il est vrai, le Conseil d'Etat s'est montré fidèle à la restriction consacrée par les arrêts de la Cour rappelés par le pourvoi, non-seulement par l'ordonnance de conflit du 18 juillet 1838, citée par le pourvoi, mais encore par un assez grand nombre d'autres décisions (voir notamment des arrêts des 11 février et 6 mai 1829; 2 mars 1832 (P. chr.) et en décidant que, si les Tribunaux sont compétents pour accorder des dommages-intérêts aux parties lésées par des travaux autorisés, ils sont sans pouvoir pour ordonner la démolition et l'enlèvement de ces travaux.

«Cette jurisprudence ne distinguait pas entre les règlements dictés par I'nitérêt général et les simples permissions que le respect de la police des cours d'eau impose l'obligation aux particuliers d'obtenir de l'administration avant d'établir aucun ouvrage sur ces cours d'eau. Il suffisait qu'un travail fût permis par l'administration pour que ce travail échappât au contrôle de l'autorité judiciaire. Celle-ci ne pouvait que prononcer des dommages-intérêts, pour réparation du préjudice éprouvé.

« On ne peut se dissimuler que la doctrine qui n'accorde aux Tribunaux que le droit de prononcer des dommages-intérêts et leur interdit d'ordonner toute mesure contraire aux autorisations accordées par l'autorité administrative, ne pose une règle d'une application facile, et garantissant mieux le prin cipe de la séparation des pouvoirs judiciaire et administratif.

«Il faut remarquer qu'aujourd'hui encore cette doctrine prévaut en matière d'établissements insalubres, antérieurs et postérieurs au décret du 15 octobre 1810.

«En même temps qu'on reconnaît que les Tribunaux sont compétents pour ordonner des dommages-intérêts aux voisins lésés par un établissement msalubre ou incommode, on n'hésite pas à admettre que les Tribunaux ne peuvent pas ordonner la clôture d'un pareil établissement, par la raison que les mesures ordonnées par l'administration pour neutraliser les inconvénients d'un pareil voisinage sont insuffisantes.

Il est vrai qu'il faut reconnaitre que cette limitation, en pareille matière, ressort non-seulement du texte de l'article 11 du décret du 15 octobre 1810, mais principalement encore de la mission d'intérêt public que remplit l'administration, et des garanties qui précèdent l'octroi de l'autorisation qui est ordonnée.

« Quoi qu'il en soit, il faut reconnaître que la jurisprudence dont se pré

vaut le pourvoi, a été remplacée par une jurisprudence contraire émanée des deux chambres de la Cour.

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Après une admission de cette Chambre, la Chambre civile a cassé, le 18 avril 1866 (S., 1866, I, 330; P., 1866, 894), au rapport de M. Aylie, sur les conclusions de notre honorable président, un jugement qui avait refusé compétence au juge de paix pour connaître d'une action possessoire tendant à la destruction d'un barrage autorisé sous réserve des droits des tiers. L'admission que vous aviez prononcée dans cette affaire vous était commandée par le rejet, rendu le 1er mai 1855 par la Chambre civile, d'un pourvoi se présentant dans un sens inverse (S., 1856, I, 441 ; P., 1856, II, 559). Plus tard, cette chambre a été saisie de la question, et elle l'a résolue, au rapport de notre regretté collègue M. Sorbier, par un arrêt très-net après un délibéré que vous n'avez pas oublié, le 14 mars 1870, dont nous devons remettre les termes sous vos yeux. (Ici M. le rapporteur cite l'arrêt rapporté dans Sirey, 1870, I, 301; P., 1870, 771). Incidemment, le 18 novembre 1869, quatre mois avant le Conseil d'Etat avait consacré la même doctrine, en rejetant un conflit, qui a été précédé des conclusions du commissaire du gouvernement, M. de Belbeuf, qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler (S., 1870, II, 227; P. chr.).

L'arrêt attaqué s'est inspiré de cette distinction consacrée par vousmêmes. Quel que puisse être aujourd'hui le mérite, à vos yeux, de la théorie sur laquelle cette distinction repose, vous ne croirez pas sans doute pouvoir faire un reproche à l'arrêt de cette conformité?

«En mérite-t-il au moins un par l'application de cette théorie à la cause, soit parce qu'il s'agissait de travaux autorisés dans un intérêt public, soit parce que l'autorité administrative n'aurait renvoyé aux Tribunaux que la connaissance de l'appréciation des dommages dont la réparation pouvait être due au défendeur?

« C'est ce qui nous reste à examiner. Nous le ferons brièvement.

«La prétention du demandeur que les arrêtés préfectoraux et ministériels ont été pris dans un intérêt public, a été condamnée par le jugement et par l'arrêt qui n'ont pu y découvrir que l'intérêt privé du demandeur à la demande duquel ils ont été accordés, salvo jure alieno. Ce n'est pas par voie générale réglementaire que ces actes procèdent; ils ne prescrivent rien, ils se bornent à permettre l'élévation du barrage, et ils réservent aux tiers tous leurs droits. Ce n'est pas ainsi que procède l'administration, quand elle commande au nom de l'intérêt public; elle ne réserve rien parce que tout doit fléchir devant l'intérêt au nom duquel elle parle.

« L'arrêt, en ce point encore, vous paraîtra avoir fait une juste application des arrêtés de 1867 et de 1869, qu'il n'a pas eu besoin d'interpréter, la contestation du demandeur ne suffisant pas à rendre une interprétation nécessaire.

<< Enfin, est-il vrai que l'arrêt ait méconnu l'autorité de la chose jugée par l'autorité administrative?

«La chose jugée n'appartient qu'aux décisions émanées des Tribunaux judiciaires ou administratifs. Ni le préfet ni le ministre n'étaient investis d'un pouvoir juridictionnel, quand ils ont pris les arrêtés de 1867 et de 1869. Ce pouvoir ne résidait que dans le Conseil d'Etat, qui ne devait l'exercer dans l'espèce qu'au cas où les arrêtés qui lui étaient déférés auraient été entachés d'excès de pouvoir. Ces arrêtés demeurant dans le cercle des attributions de l'administration et laissant intacts par leur nature même les droits des tiers, le Conseil d'Etat, après avoir constaté la réserve de ces droits, a délaissé de Supervielle à les porter devant les Tribunaux, seuls juges compétents pour les apprécier. Ces droits, il les a laissés, tels qu'ils étaient avant les arrêtés qui eux-mêmes les avaient expressément réservés. Il n'a pas distingué entre eux, pas plus qu'il n'a distingué entre les divers modes de les satisfaire. Il a ren

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