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2o La déposition d'un seul témoin peut suffire pour détruire la foi due au procès-verbal constatant un délit de chasse (1). (C. instr. crim., 154.)

(Pillon de Saint-Philbert c. Legentil et autres.)

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ARRÊT.

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LA COUR : Sur le moyen unique de cassation tiré d'une violation des articles 1 et 11, § 2, de la loi du 3 mai 1844, et 154 du Code d'instruction criminelle : En ce qui touche la première branche du moyen : Attendu, en droit, que si un fait de chasse ne peut être excusé par l'intention de celui auquel il est imputé, il est néanmoins de principe qu'il ne constitue un délit tombant sous l'application des dispositions répressives de la loi précitée qu'autant qu'il a été librement et volontairement exécuté; tendu, en fait, qu'il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que les défendeurs au pourvoi chassaient à la traque dans une plaine où ils avaient le droit de chasse, et dans laquelle se trouvaient disséminées plusieurs pièces de terre appartenant au demandeur; qu'ils n'ont ni cherché ni poursuivi le gibier sur lesdites pièces de terre; qu'ils ont, au contraire, pris les précautions nécessaires pour éviter de les traverser et de faire lever le gibier qui s'y trouvait; que si le passage des traqueurs, à une distance plus ou moins rapprochée des parcelles de terre du demandeur, a pu inquiéter le gibier dans une certaine mesure, cette circonstance a été tout accidentelle et indépendante de toute provocation volontaire de la part desdits traqueurs ; D'où il suit qu'en se fondant, pour renvoyer les inculpés des poursuites dirigées contre eux, sur l'absence de volonté de leur part de faire acte de chasse sur des terres où ils n'en avaient pas le droit, l'arrêt attaqué n'a pas violé les articles 1 et 11, § 2, de la loi du 3 mai 1844;

En ce qui concerne la seconde branche du moyen : termes de l'article 154 du Code d'instruction criminelle les procès-verbaux Attendu qu'aux des gardes champêtres peuvent être combattus par des preuves contraires, soit écrites, soit testimoniales; - Attendu, dans l'espèce, qu'un témoin cité à la requête de la partie civile a été entendu ; que la Cour d'appel de Douai, en appréciant les faits d'après l'instruction et les débats, et en déclarant qu'ils ne constituaient pas le délit de chasse poursuivi, n'a fait qu'user du pouvoir légal dont elle était investie; Qu'ainsi, en renvoyant les inculpés dans l'état des faits constatés par l'arrêt attaqué, elle n'a violé ni l'article 154 du Code d'instruction criminelle ni la foi due au procès-verbal; REJETTE, etc.

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Du 23 janvier 1873. Ch. crim. - MM. Faustin Hélie, prés.; Salneuve, rapp.; Bédarrides, av. gén. ; Sabatier et Chambareaud, av.

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sentement du propriétaire, commet un délit de chasse, alors même qu'il n'aurait pas lui-même pénétré dans ce terrain. Voir Cass., 15 décembre 1870 (S., 1871, 1, 39; P., 1871, 62). Mais le chasseur dont les traqueurs ont passé sur le terrain d'autrui sans la permission du propriétaire n'est responsable que civilement et non pénalement du délit par eux commis, si rien n'établit qu'ils aient ainsi agi par son ordre, ni même qu'il les ait pu voir et empêcher. Voir Cass., 30 juin 1870 (P., 1871, 776; S., 1871, I, 261). Dans l'espèce de l'arrêt ci-dessus reproduit aucun délit ne pouvait exister. Bien plus, les propriétaires des parcelles voisines n'auraient mêine eu aucun droit à une indemnité quelconque, puisqu'il était reconuu en fait que toutes les précautions possibles avaient été prises pour ne pas effrayer le gibier sur les propriétés voisines.

(2) Conf., Cass., 11 décembre 1851 (P., 1853, I, 450; S., 1852, 1, 371), et la note.

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Fonctionnaire public, mise en jugement, garde champêtre, témoignage faux, forfaiture.

Le garde champêtre, lorsqu'il est appelé à déposer, même sur un délit dont il aurait été témoin, ne fait pas un acte de ses fonctions; par suite, c'est à tort que, pour le faux témoignage commis en cette occasion, il serait cité devant la première Chambre de la Cour (C. instr. crim., 479 et 483) (1).

(Ministère public c. Boulay et Roger.)

Le garde champêtre Boulay, de la commune de Lutz, avait reçu avis qu'an jeune homme se livrait à la chasse sans avoir de permis. S'étant approché, il reconnut dans le délinquant le fils du sieur Roger, maire de la commune de Charroy, dont il n'avait eu qu'à se louer, et s'abstint de dresser procès-verbal.

Néanmoins, le jeune Roger fut cité en police correctionnelle et condamné pour délit de chasse; aux débats, le garde Boulay, cité comme témoin, avait soutenu que le chasseur qu'on lui avait désigné n'était pas le sieur Roger fils, et que, s'il n'avait pas dressé procès-verbal, c'est que ce chasseur avait un permis. Poursuite pour faux témoignage contre Boulay devant la première Chambre de la Cour de Paris, et, à raison de la connexité, poursuite pour subornation de témoin contre Roger père.

ARRÊT.

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LA COUR : Considérant que le mode de procéder établi par l'article 479 du Code d'instruction criminelle constitue une exception aux règles du droit commun, qui ne peut être étendue au delà des limites tracées par ledit article, lequel n'est applicable aux gardes champêtres, aux termes de l'article 483 du même code, que lorsqu'ils ont commis des délits dans l'exercice de leurs fonctions d'officiers de police judiciaire; Considérant que Boulay est inculpé d'avoir, le 5 octobre 1872, fait un faux témoignage à l'audience du Tribunal correctionnel de Châteaudun, où il avait été appelé à déposer, comme témoin, dans une poursuite dirigée contre Roger fils, inculpé de délit de chasse ; Considérant qu'en déposant comme témoin Boulay remplissait un devoir imposé à tout citoyen, mais n'accomplissait pas un acte de ses fonctions d'officier de police judiciaire ;

Considérant que Roger n'a été cité devant la Cour qu'à raison de la connexité existant entre les faits dont il est inculpé et ceux reprochés à Boulay; Par ces motifs, se déclare d'office incompétente; délaisse M. le procureur général à se pourvoir ainsi qu'il avisera.

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Du 16 décembre 1872.-C. de Paris (1 Ch.).-MM. Brière-Valigny, prés.; Manuel, av. gén.; Allou, av.

(1) La poursuite échappait peut-être, à un autre point de vue, à la compétence de la première Chambre. D'après la prevention, le garde avait reçu de l'argent pour dissimuler le délit, il s'était abstenu de dresser le procès-verbal et avait nie l'existence du délit à l'audience. C'etait là un crime de concussion aggrave par un faux témoignage, qui le rendait justiciable de la Cour d'assises; ei ce crime se rattacbait evidemment à l'exercice des fonctions de garde champêtre, puisqu'il consistait dans le fait de celui-ci de s'être laissé corrompre pour ue pas dre-ser un procès-verbal. - Voir Dalloz, Jur, gén., vo FORFAITURE, no 102.

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L'amas d'eau qui se forme dans l'ancien lit d'une rivière ne constitue pas, au point de vue de la pêche, un étang véritable, si, à certaines époques de l'année, il y a nécessité de le mettre en communication avec le nouveau lit de la rivière au moyen de vannes de décharge pour écouler le trop-plein provenant de ruisseaux qui viennent s'y déverser (L. 15 avril 1829, art. 30) (1).

Par suite, le fait de pêche commis en temps prohibé, par un particulier, dans cet amas d'eau, peut être poursuivi par le ministère public, même en l'absence d'une plainte du fermier du droit de pêche (2).

(Ministère public c. Croix.)

Le contraire avait été jugé par un jugement du Tribunal de Pont-l'Evêque, du 21 juin 1871, ainsi conçu :

« Attendu que le sieur Croix est prévenu: 1o d'avoir, le 28 mai dernier, à Touques, pêché sur une rivière dont la pêche est louée à la Société immobilière de Deauville; 2° d'avoir pêché en temps prohibé;

<< Attendu, sur le premier chef de la prévention, qu'il est constaté par un procès-verbal du sieur Jalongue, garde particulier de la pêche des anciens lits de la rivière de Touques, que le sieur Croix a pêché à la ligne dans l'ancien lit de la Touques et y a pris quelques gardons; Qu'il est reconnu également par le garde que l'ancien lit de la rivière forme aujourd'hui un lac fermé à ses deux extrémités, à l'une par une chaussée en pierre et le talus du chemin de fer, et à l'autre extrémité par un barrage en pierre surmonté d'une vanne qu'on lève pour laisser échapper le trop-plein et empêcher l'inondation des propriétés voisines lorsque des pluies abondantes, déversées sur les hauteurs, viennent gonfler ce lac; Qu'il est donc certain que cette masse d'eau ne constitue ni fleuve, ni rivière, ni ruisseau, ni cours d'eau ; Que la loi du 15 avril 1829 ne s'est préoccupée que des cours d'eau et n'a voulu que favoriser le repeuplement des rivières ou ruisseaux; qu'elle a laissé les eaux des étangs, des rivières ou réservoirs sous l'empire des règles qui gouvernent les propriétés privées; -Que la pêche dans un étang n'est pas un simple délit de pêche, mais un vol, aux termes de l'article 388 du Code pénal;

« Attendu que le prévenu n'est cité que pour un délit de pêche et qu'il n'est pas possible de transformer ce délit en un délit de vol; que ces deux délits sont trop différents pour que le Tribunal puisse substituer l'action pour l'un en une action pour l'autre ; Attendu, d'ailleurs, que l'action pour vol de poisson ne serait pas mieux fondée; qu'en effet, la Compagnie immobilière de Deauville n'aurait le droit de plainte qu'autant qu'elle aurait un droit de pêche valablement concédé ;-Que le prévenu soutient et qu'il paraît constant que l'ancien lit de la rivière a été abandonné, et que la Touques s'est créé un nouveau lit sur un sol acquis par la Compagnie du chemin de fer, qui, aux termes de l'article 563 du Code civil, est devenue propriétaire du lit abandonné; Que la Société immobilière n'est pas propriétaire du lit abandonné ;

-

(1 et 2) La Cour de cassation, toutefois, n'a pas considéré l'existence de vannes de décharge comme suffisant à imprimer à l'amas d'eau ou étang formé dans l'ancien lit le caractère de dépendance de la rivière, notamment lorsque ces vannes ne s'ouvrent que dans le cas où les eaux de la rivière sont au-dessous du niveau de celles de l'étang et qu'elles se ferment dans la situation opposée. REPERT. DE LÉGISL. FOREST.

DÉCEMBRE 1873.

T. V.-25

Qu'elle n'a pu conférer légalement un droit de pêche qu'elle n'a pas ; - Que la Compagnie du chemin de fer, senle propriétaire du lit délaissé, ne se plaint pas ; — Qu'il n'y a délit qu'alors que la pêche a en lieu sans la permission de celui à qui le droit de pêcher appartient (art 4, 1. 15 avril 1827); — Que le premier chef de prévention doit donc être écarté;

« Attendu, sur le deuxième chef, qu'il est écarté par les mêmes raisons qui ont écarté le premier; Qu'en effet, la réglementation de la pêche faite soit par la loi du 15 avril 1829, soit par la loi de 1868, ne s'applique qu'aux rivières ou cours d'eau, et non aux étangs, laes ou rivières;

«Par ces motifs, renvoie le sieur Stanislas-Fortuné Croix de l'action du ministère public, sans dépens. »

APPEL par le procureur de la République.

ARRÊT.

LA COUR : Considérant qu'il résulte d'un procès-verbal régulier dressé par le garde particulier Jalongue, le 28 mai de cette année, que, le même jour, Croix a été trouvé pêchant à la ligne dans l'ancien lit de la Tonques; que ce fait n'est pas nié par l'inculpé, mais qu'il soutient que la poursuite du ministère public, pour pêche dans une rivière louée, quant à la pêche, à la Société immobilière de Deauville, sans la permission de ladite société, et d'ailleurs en temps prohibé, est mal fondée, par ce motif que l'ancien lit de Ja Tonques, formant aujourd'hui un véritable étang, n'est pas soumis aux prohibitions de la loi de 1829 sur la police de la pêche fluviale; Considérant qu'à la vérité les eaux dont il s'agit au procès ne sont pas en communication Continue avec le nouveau lit de la Touques, mais que cette communication est cependant réelle et assurée par des vannes de décharge; qu'elle est même indispensable de temps à autre, car un ruisseau plus ou moins considérable selon les saisons, jetant ses eaux dans l'ancien lit de la Touques, des inondations se produiraient si les vannes ne permettaient pas d'écouler, dans le nouveau lit de la Touques, les eaux accumulées dans l'ancien ; Considérant que ce qui précède suffit pour prouver que l'ancien lit de la Touques ne forme pas un étang dans le sens de l'article 30 de la loi sur la pêche fluviale, et que, par suite, l'exception présentée par l'inculpé ne peut être accueillie; qu'il reste donc démontré que Croix a pêché dans un cours d'eau sans la permission de la Société immobilière de Deauville, à qui le droit de pêche appartient, aux termes d'un bail qui lui a été concédé par l'Etat; qu'à la vérité il a pêché à la ligne volante, mais en temps prohibé; Considérant, d'ailleurs, que le préjudice est insiguifiant et qu'il existe dans la cause des circonstances atténuantes;

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Par ces motifs, infirmant, et faisant application à Croix des articles 5, 27, 72 de la loi du 15 avril 1829 et 1er du décret du 25 janvier 1868, condamne Croix à 5 francs d'amende et aux dépens.

Du 9 août 1871.-C. de Caen (Ch. corr.).-MM. Coqueret, prés.; Violas, rapp.; Lebourg, subst., c. conf.; Lemétayer (du barreau de Pont-l'Evêque), av.

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Eau, fleuve, domaine public, délimitation, dépossession, indemnité préalable, règlement, dies ad quem, instance, constructions nouvelles, locataire expulsé.

La loi ne déclarant nuls que les jugements qui ne contiennent pas de motifs, un jugement n'est pas nul par cela seul que les motifs y énoncés

sont incomplets ou erronés. (C. proc. civ, art. 141; 1. 20 avril 1810, art. 7.)

En admettant que l'arrêté préfectoral portant délimitation du lit d'un fleuve ait pour effet d'incorporer au domaine public un immeuble possédé par un particulier en deçà de ces limites, cette incorporation reste subordonnée, même quant au déplacement de la propriété, à la condition du payement préalable d'une juste indemnité. (C. civ., art. 545; décr. 22 décembre 1789, sect. III, art. 2; 1. 12-20 août 1790, chap. vi; 1. 6-11 septembre 1790, art. 6 et 7; arr. du gouv. du 9 ventôse an VI; I. 29 floréal an X, art. 1 et 2; décr. 22 janvier 1808; 1. 28 pluviôse an VIII.)

Et lorsque, sur les poursuites de l'Etat tendant à se faire restituer, sans indemnité, l'immeuble comme ayant toujours fait partie du lit du fleuve, et par conséquent du domaine public, il a été judiciairement reconnu que le détenteur en était possesseur légitime et de bonne foi, et arait droit, à ce titre, à une indemnité, le règlement de cette indemnité doit être établi d'après la valeur de l'immeuble, non à la date de l'arrêté de délimitation, mais à celle de la décision judiciaire qui a reconnu définitivement les droits du possesseur.

En conséquence, si, dans l'intervalle, le possesseur a élevé des constructions el a souscrit un bail dont le terme n'est pas expiré, l'indemnité doit comprendre la valeur des constructions, et une autre indemnité est due au locataire pour le préjudice que lui cause la cessation anticipée de

son bail.

(L'État représenté par le préfet de la Seine c. Morel et Nozal fils.)

Sur un rapport du service des ponts et chaussées constatant qu'un terrain situé à Paris, au bord de la Seine, à gauche de la route nationale no 10, au pied du mur du quai de Passy, se trouvait, dans toute son étendue, au-dessous du niveau des hautes eaux, le préfet de la Seine déclara, par un arrêté du 5 septembre 1849, que ce terrain faisait partie du domaine public comme dépendance du lit du fleuve. «En conséquence, porte l'article 2 de l'arrêté, toute entreprise sur ce terrain, constituant une contravention de grande voirie, sera poursuivie et réprimée conformément aux lois et règlements en vigneur. >>

Ledit terrain était possédé depuis longues années par des particuliers, en vertu de titres réguliers remontant à 1786. Il appartenait, à l'époque de l'arrêté du préfet de la Seine, au sieur Morel, qui l'avait acquis au prix de 15 000 francs des époux Hamon, par acte public du 30 avril 1845, et l'avait loué ensuite pour dix-sept ans, suivant bail du 30 juillet 1847, à un sieur Nozal.

L'arrêté du 5 septembre 1849 fut confirmé par une décision ministérielle du 3 août 1863, «sous la réserve, pour le sieur Morel, de la faculté de se retirer devant l'autorité compétente à l'effet de faire statuer sur les droits qu'il pouvait avoir, antérieurement au 5 septembre 1849, à la propriété et à la jouissance du terrain aujourd'hui compris dans le lit de la Seine, ainsi que sur l'indemnité qui pourrait lui être due. »

Le sieur Morel continua de jouir de l'immeuble. Il renouvela, par des actes des 20 août 1852 et 29 décembre 1859, les baux passés au profit du sieur Nozal, prorogea leur durée jusqu'en 1877, et autorisa même le locataire à élever des constructions qu'il se réserva de reprendre à la fin du bail.

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