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renvoi n'a violé aucune des dispositions de loi susvisées ;

REJETTE.

-

1

Par ces motifs,

Du 28 mai 1873. Ch. civ. MM. Laborie, prés.; Hély d'Oissel, rapp.; Charrins, av. gen., concl. contr.; Larnac, et Moutard-Martin, av.

No 194. COUR D'APPEL DE Cour d'Appel de NANCY (Ch. corr.). — 12 novembre 1873. Occupation allemande, adjudication de coupes des forêts domaniales françaises, poursuites contre les acquéreurs, traité de Francfort, habitants des territoires cédés, clause d'amnistie, application.

La vente des coupes des forêts domaniales françaises effectuée pendant la guerre par l'autorité allemande constitue un acte politique;

Par suite, un habitant des territoires cédés qui se serait rendu adjudicataire de coupes vendues pendant la guerre dans les forêts domaniales par l'autorité allemande est couvert par l'article 2 du traité de Francfort du 10 mai 1871, portant qu'aucun habitant des territoires cédés ne pourra être poursuivi ni inquiété dans sa personne et dans ses biens à raison de ses actes politiques ou militaires.

(Signol.)

On sait qu'un certain nombre de coupes des forêts domaniales du département de la Meurthe out été, pendant la guerre de 1870-1871, vendues par l'autorité allemande. Une de ces coupes, dite la Cornée, située dans la forêt de Champenoux, fut adjugée aux sieurs Dominique Guérin et François Signol, qui l'exploitèrent sans autorisation de l'administration forestière française. Ils furent, après la guerre, poursuivis conformément aux dispositions du Code forestier, et le Tribunal correctionnel de Nancy les condamna, le 14 décembre 1872, chacun en deux mois d'emprisonnement, et solidairement en 40320 fr. 10 d'amende et en 5030 francs de restitution. Le sieur Signol a interjeté appel. La Cour, après avoir entendu le rapport fait par M. le président, la plaidoirie de Me Lallement, avocat, et les conclusions de M. l'avocat général Angenoux, tendant au relaxe de l'appelant, a statué en ces termes :

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LA COUR : Attendu que le 24 décembre 1872 Signol a régulièrement interjeté appel d'un jugement du 14 du même mois, rendu par le Tribunal correctionnel de Nancy, qui l'a condamné à deux mois de prison, et solidairement avec un nommé Guérin à 40 320 fr. 10 d'amende et à 5030 francs de restitution et aux dépens; - Sur la fin de non-recevoir opposée d'office par le ministère public aux poursuites de l'administration forestière : - Attendu que si le prévenu s'est rendu adjudicataire de coupes vendues pendant la guerre dans les forêts domaniales de la Meurthe par les autorités allemandes, et s'il été poursuivi par l'administration forestière et condamné pour avoir exploité ces coupes sans autorisation et sans qu'il lui en ait été fait délivrance, l'article 2 du traité de Francfort du 10 mai 1871, portant que « aucun habitant des territoires cédés ne pourra être poursuivi, inquiété ni recherché dans sa personne ou dans ses biens à raison de ses actes politiques ou militaires pendant la guerre, » s'oppose à la continuation des poursuites intentées à raison de faits qui rentrent incontestablement dans les prévisions de ce traité; Attendu qu'en effet Signol, originaire de Faxe, canton de Delme, aujourd'hui annexé à l'Allemagne, n'ayant pas opté pour

la nationalité française et étant devenu sujet allemand, ne saurait être privé de la clause par laquelle il a été stipulé, au profit des habitants des territoires cédés, une amnistie à raison de leurs actes politiques ou militaires pendant la guerre ; Attendu que, d'un autre côté, il est impossible de ne pas reconnaître le caractère d'un atte politique à la mesure financière en suite de laquelle des coupes des forêts domaniales françaises ont été vendues par l'autorité allemande, mesure à laquelle se sont associés les adjudicataires de ces coupes, dont le patriotisme a été égaré par l'appât d'un gain trop facile; d'où la conséquence que leurs actes, quelque blamables qu'ils soient, sont protégés par l'amnistie qui les a mis à l'abri de poursuites de la part de l'autorité française; Par ces motifs, déclare les faits susénoncés couverts par l'amnistie du 10 mai 1871, et renvoie Signol des poursuites dirigées contre lui, sans dépens.

Du 12 novembre 1873. Cour de Nancy (Ch. corr.). MM. Liffort de Buffévent, prés.; Angenoux, av. gén., concl. conf.; Lallement, av.

No 195. COUR DE CASSATION (Ch. crim.). 30 mai 1873. Pêche fluviale, étang, rivière, débordement, communication accidentelle. Un étang qui ne communique d'ordinaire, ni naturellement ni artificiellement, avec aucun des cours d'eau énumérés dans les articles 1, 2 et 23 de la loi du 15 avril 1829, relative à la pêche fluviale, n'est soumis à aucune des dispositions réglementaires édictées par cette loi. — Le propriétaire de cet étang a donc le droit d'y pêcher en tout temps et par tous moyens, même pendant que les eaux en sont envahies momentanément par celles d'une rivière navigable par le fait d'un débordement passager et sans d'ailleurs que le lit de cette rivière ait été déplacé (1).

LA COUR:

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Attendu que par l'arrêt attaqué (rendu par la Cour d'appel de Dijon, Ch. corr., le 16 avril 1873), Jean Clémence, prévenu d'avoir, en temps et avec engins prohibés, pêché dans un étang dit le lac de l'ile Chaumette, situé sur le territoire de la commune d'Eparvans, a été relaxé de la poursuite;

Attendu qu'il a été constaté, en fait, que cet étang, alimenté par les eaux de la plaine qui l'entoure et par celles du lac d'Ormans, est la propriété dudit Clémence et a été empoissonné par lui; qu'établi dans un ancien lit de la Saône, il est séparé de cette rivière par une digue élevée de main d'homme, et n'a de communication avec elle, dans les temps réguliers, que par deux vannes qui s'ouvrent lorsque les eaux de la Saône sont au-dessous du niveau de celles de l'étang, et qui se ferment quand se produit une situation opposée; que ce n'est que récemment, à l'époque des faits incriminés, que, la digue ayant été rompue, dans une de ses parties, par suite de la crue des eaux de la rivière, il s'est établi une communication momentanée entre ces eaux et celles de l'étang; Attendu que la décision de l'arrêt, fondée sur l'appré

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(1) Jugé cependant, d'autre part, que le propriétaire dont le terrain est inondé par les eaux d'un fleuve ou d'un lac débordé ne peut, pendant le débordement, pêcher sur son terrain. Bourges, 24 février 1853 (S., 1853, II, 203; P., 1853, I, 153). Voir, dans le même sens, Chambéry, 1er fevrier 1870 (S., 1870, II, 149; P., 1870, 595), et M. Garnier, Rég. des eaux, t. III, no 801. Comp. Montpellier, 11 avril 1837 (P., 1837, I, 424).

ciation de ces faits, a fait une saine application des principes et n'a encouru aucune censure; Attendu, en effet, qu'un étang qui ne communique ni naturellement ni artificiellement avec aucun des cours d'eau énumérés dans les articles 1, 2 et 23 de la loi du 15 avril 1829 relative à la pêche fluviale, n'est soumis à aucune des dispositions réglementaires, édictées par cette loi; que le propriétaire de cet étang a le droit d'y pêcher en tout temps et par tous les moyens; Que cette faculté, consacrée par l'article 30 de la loi précitée et par les dispositions générales du Code civil sur le droit de propriété, n'a pu recevoir aucune restriction de cette circonstance que, par un événement fortuit et de force majeure, les eaux de l'étang ont été momentanément envahies par celles de la Saône; Que l'on ne peut dire, en effet, comme le prétend le demandeur, que, par cette réunion, l'étang soit devenu une - Que s'il est vrai que la véritable dépendance d'un cours d'eau navigable; loi du 15 avril 1829 a réservé à l'Etat le droit de pêche non-seulement dans ces cours d'eau, mais aussi dans leurs accessoires, il résulte de ces termes qu'elle n'a compris dans ces accessoires que les bras, noues, boires et fossés, incorporés d'une manière permanente à la rivière elle-même et formant avec elle un seul tout devant nécessairement être soumis à la même réglementaAttion, et qu'elle n'a nullement en vue les lieux fortuitement inondés; tendu, d'ailleurs, que le domaine public, en ce qui concerne les cours d'eau navigables, et sauf des exceptions formellement prévues, ne s'étend pas au delà de ces cours d'eau et de leurs francs-bords, et ne comprend que les terrains qu'atteignent et couvrent, dans les habitudes de leur cours, les eaux parvenues à leur plus haut degré d'élévation; - Que le fait d'un débordement passager, sans déplacement du lit de la rivière, ne change rien à ces limites, et que le propriétaire de terrains couverts par l'inondation conserve, en ce Attendu que parmi qui les concerne, tous ses droits utiles de possession; ces droits utiles se trouve celui de pêcher le poisson de son étang inondé, puisque ce poisson, aux termes de l'article 524 du Code civil, est immeuble par destination, et que peu importe que, dans ce cas, par suite du mélange accidentel des eaux, le poisson de la rivière ait pu s'introduire dans l'étang, cette circonstance, prévue par l'article 564 du même Code, n'étant plus de nature à modifier les conséquences des principes ci-dessus énoncés ; REJETTE, etc.

Ch. crim.

Du 30 mai 1873. rapp.; Bédarrides, av. gén.

No 196.

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- MM. Faustin Hélie, prés.; de Carnières,

COUR DE BESANÇON.- 24 décembre 1872.

10 Tribunal correctionnel, citation, qualification, changement;
2o pêche, filet, mailles (dimension des).

1° Le Tribunal correctionnel saisi d'une prévention de délit de pêche, avec engin prohibé, peut ramener cette prévention à celle de port de ce même engin (1). (C. instr. crim., 182 et 183.)

2° L'article 9 du décret du 25 janvier 1868 qui autorise, pour la

(1) Ce n'est pas là, en effet, une prévention nouvelle, car le port d'engin est véritablement compris dans l'usage illicite de cet engin. Mais un Tribunal ne pourrait pas substituer à une prévention qui lui est soumise, une prévention différente de celle-ci, et qui serait basée sur des faits révélés par les débats de l'audience. Voir cet égard, Sirey, Table décennale, 1851-1860, vo TRIBUNAL DE POLICE CORRECTIONNELLE, nos 20 et suiv.; Table décennale, 1861-1870, eod. verb., no 35; Rep. gén. Pal., Table complém., eod. verb., no 36 et suiv.

pêche des poissons de petite espèce, les filets à mailles de 10 millimètres, ne fixe point par là un simple minimum, mais établit une dimension de mailles invariable, et, dès lors, ne permet pas l'emploi de filets à mailles de dimension intermédiaire entre 10 millimètres et 27 millimètres, minimum de la dimension fixée pour les filets servant à la pêche des poissons de grande espèce (1).

(Faucogney et autres.) ARRÊT.

LA COUR : Attendu que le gendarme Robergelier, rédacteur du procèsverbal du 28 octobre dernier, s'étant transporté dans la commune d'Angirey, rapporte dans cet acte qu'un délit de pêche avec engin prohibé aurait été commis par les quatre inculpés, soit dans la journée du 4, soit dans celle du 17 septembre dernier, et qu'il a opéré la saisie d'un engin de pêche connu sous le nom de trouble, ayant une maille minimum de 12 millimètres de chaque côté, au domicile de Joseph Humblot, l'un des prévenus, qui en a volontairement fait la remise; - Attendu que trois des inculpés, les nommés Faucogney, garde champêtre et cantouier de la commune d'Angirey; Epailly et Humblot, qui paraissaient avoir reconnu dans leurs réponses au gendarme qu'ils avaient fait usage, pour la pêche, le 17 septembre dernier, de l'engin dont il s'agit, ont déclaré à l'audience que le gendarme n'avait pas compris leurs explications; qu'ils avaient bien le projet de faire acte de pêche, mais qu'ayant aperçu près de la rivière un individu qui leur parut être un garde, ils s'étaient retirés; que les quatre inculpés reconnaissent, du reste, que Faucogney, l'un d'eux, était porteur, hors de son domicile, de l'engin saisi, et que les mailles de cet engin sont de 12 à 15 millimètres environ; tendu que dans cette situation, s'il peut y avoir quelque incertitude pour reconnaitre que les inculpés ont fait acte de pêche avec engin prohibé, ainsi qu'ils en sont prévenus par la citation du 14 décembre courant, il est constant, d'après leurs propres aveux, qu'ils ont, soit comme auteurs, soit comme complices, porté hors de leur domicile l'engin saisi par le gendarme; que cette prétention ne constitue pas un fait nouveau, mais qu'elle se trouve virtuellement comprise dans la qualification du fait, objet primitif de l'action;

- Al

Attendu que, les prévenus n'ayant pas fait usage de la trouble, la Cour n'a pas les éléments nécessaires pour décider en principe si cet engin constitue un filet traînant prohibé par la loi; mais qu'il y a lieu d'examiner si les mailles se trouvent dans les conditions déterminées par l'article 9 du décret du 25 janvier 1868; Attendu que si les paragraphes 1 et 2 de l'article 9 fixent un minimum de 40 et 27 millimetres d'ouverture de maille pour les filets employés à la pêche du saumon et des autres grandes espèces de poissons, le paragraphe 3, en s'occupant des filets destinés à la pêche des petits poissons, impose rigoureusement à ce genre de filets la dimension de 10 millimètres avec une tolérance d'un dixième, que le législateur a voulu prévenir l'usage abusif que les pêcheurs pourraient être tentés de faire de filets de 10 à 27 millimètres et faciliter ainsi la surveillance de la pêche; - Attendu que vainement les prévenus invoquent le bénéfice de la prescription édictée par l'article 62 de la loi du 15 avril 1829; que l'un des contrevenants, le nommé Faucogney, étant garde champêtre, chargé par la loi (art. 36) de la recherche et de la constatation des délits de pêche, il est soumis, ainsi que ses

(1) Jugé de même, sous l'empire des règlements antérieurs; Nancy: 23 mars: 1859 (S., 1859, II, 287; P., 1859, 850); Cass., 14 mars 1862 (S., 1862, I, 813, P., 1862, I, 121). Un arrêt de la Cour de Lyon, du 8 novembre 1869 (S., 1871, II, 203; P., 1871, 655), semble considérer, au contraire, la dimension de 10 milJimètres comme un simple minimum.

complices, aux dispositions de l'article 63, qui porte que dans ce cas les délais de la prescription sont les mêmes que ceux déterminés par le Code d'instruction criminelle; Par ces motifs, rejette la prévention en ce qui concerne l'acte de pêche avec engin prohibé, comme n'étant pas suffisamment justifié; déclare les nommés Faucogney, Epailly, Humblot et Chauvey, le premier comme auteur principal, les trois autres comme complices pour avoir, avec connaissance, aidé ou assisté l'auteur de l'action dans les faits qui l'ont préparée ou facilitée ou dans ceux qui l'ont consommée, coupables d'avoir, le 17 septembre dernier, dans la commune d'Angirey, porté hors de leur domicile un engin de pêche prohibé, etc.

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Du 24 déc. 1872. C. Besançon (1 re Ch.).-MM. Loiseau, 1er prés.; Huart, subst.; Marc Péquignot, av.

N° 197. COUR DE DIJON. - 15 janvier 1873.

10 Chasse, contravention, exception, compétence, permission, bonne foi, propriétaire, plainte, action civile, désistement, action publique ; 2° partie civile, désistement, frais.

1o C'est au chasseur surpris sur le terrain d'autrui, qui invoque comme moyen de défense le bénéfice d'une permission, à faire la preuve de ce moyen, et cette permission constituant non pas un droit réel, mais un simple droit mobilier, le Tribunal correctionnel, saisi de la connaissance du délit, est compétent pour statuer sur l'existence de la permission (L. 3 mai 1844, art. 14; C. for., 182) (1).

La permission de chasser, accordée à titre personnel et gratuit à un tiers par l'adjudicataire, ne peut subsister et encore moins être transmise lorsque cet adjudicataire a cédé son bail sans la réserver. - En conséquence, il y a délit de la part de celui qui a été trouvé chassant sur le terrain ainsi loué, bien qu'il justifie que la carte établissant la permission lui a été transmise (2).

Les infractions à la loi sur la police de la chasse constituent des contraventions, encore bien qu'elles soient qualifiées délits et punies de peines correctionnelles, et ne peuvent, dès lors, être excusées par la bonne foi des délinquants (3).

En cas de chasse sur le terrain d'autrui, sans autorisation du propriétaire, une fois la plainte de celui-ci formée, l'action publique s'exerce dans toute sa plénitude et son indépendance, il importe peu que le plaignant soit désintéressé ou ait changé de volonté (C. civ., 2046; C. instr. crim., 4) (4).

2° La partie civile qui n'a point signifié son désistement au ministère public, dans le délai de vingt-quatre heures fixé par l'article 66 du

(1) Voir Cass., 5 avril 1866 (S., 1866, I, 12; P., 1866, 1099), et la note. (2) Sic, Paris, 12 décembre 1867 (S., 1868, II, 225; P., 1868, 857), et la note. (3 La Cour de cassation s'est prononcée d'une manière constante en ce sens; cependant, les auteurs ne sont pas encore d'accord pour qualifier de contraventions les infractions aux lois sur la chasse. Voir Cass., 15 décembre 1870 (S., 1871, I, 39; P., 1871, 62), et les renvois.

(4) Solution identique : Cass., 13 décembre 1855 (S., 1856, I, 185, et la note de M. Latailhède; P., 1857, 43).

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