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erroné en droit, il a néanmoins constaté, en fait, qu'il existait dans les bois de Daudin des terriers et des fourrés qui offraient aux lapins des lieux de refuge et facilitaient ainsi leur multiplication; qu'il n'a bouché ces terriers et coupé ces fourrés que postérieurement à la demande formée contre lui et alors qu'il avait été informé depuis quelque temps déjà des dégâts causés par ses lapins; que ce n'est aussi que tardivement qu'il a organisé des chasses et des battues ayant réellement pour objet la destruction de ces animaux et invité Poitevin à y prendre part; Attendu que dans ces circonstances le jugement attaqué a pu, sans violer aucun des articles invoqués par le pourvoi, et par une juste application des articles 1382 et 1383 précités, décider que Daudin n'avait pas pris les précautions nécessaires pour éviter les dégâts dont il s'agit et devait en être responsable; - Rejette le pourvoi, etc. Du 29 août 1870. Ch. civ. MM. Laborie, prés.; Gastambide, rapp.; Blanche, av. gén, c. conf.; Labordère et Hérold, av.

No 28.

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Chasse, 1o et 20 fait de chasse, traque; 3° et 4° auxiliaire, traqueur, mineur; 5o délit, bonne foi, invités. Responsabilité pénale, chasse, invité, auxiliaire.

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La traque, qui consiste, en faisant du bruit et des battues, à faire lever le gibier qui se trouve sur une pièce de terre et à le pousser vers l'affût où l'attend le chasseur, est un acte de chasse, et ne peut dès lors s'exercer sur le terrain d'autrui qu'avec le consentement du propriétaire, même quand les traqueurs s'abstiennent d'entrer dans la propriété (L. 3 mai 1844, art. 1 et 11) (1);

A défaut de ce consentement, il y a lieu de déclarer en délit nonseulement les traqueurs, mais aussi les chasseurs demeurés en dehors du terrain pour faire feu sur le gibier qui viendrait à y être levé (2).

Le traqueur, bien que simple auxiliaire agissant sous la direction du chasseur, n'en est pas moins pénalement responsable, quand la chasse à laquelle il prête son concours est délictueuse (3);

Il en est ainsi, alors même que cet auxiliaire est un enfant, sauf aux juges, s'ils reconnaissent qu'il a agi sans discernement, à restreindre la condamnation du délinquant aux dommages-intérêts et aux frais du procès (C. pén., 66; C. instr. crim., 194) (4).

(1-2) Le traqueur, comme le chien, n'est dans la chasse qu'un auxiliaire. Mais son action ne peut, pas plus que celle du chien, s'exercer sur le terrain d'antrui pour y faire lever le gibier, sans le consentement du propriétaire. Il y a donc lieu évidemment d'appliquer ici la jurisprudence qui déclare en délit le chasseur qui, sans s'introduire lui-même dans la propriété d'autrui, excite du dehors ses chiens à y quêter et faire lever le gibier.

(3) Par sa position de simple auxiliaire, le traqueur est bien dispensé du permis de chasse (voir Dalloz, Table des vingt-deux années, vo CHASSE, no 83), mais il n'est pas affranchi de l'observation des dispositions de police qui réglementent la chasse. Ainsi il est responsable comme le chasseur lorsqu'il concourt à une chasse effectuée en temps prohibé (Rouen, 26 avril 1849, D. P., 50, II, 69; cf. Jurisprudence générale, vo CHASSE, no 357). De même, il serait responsable, comme complice, dans le cas de concours donné à un chasseur agissant sans permis de chasse (Voir Giraudeau et Lelièvre, la Chasse, nos 114, 118 et 423). - Voir toutefois, en faveur de l'irresponsabilité du traqueur, Dijon, 28 novembre 1845 (D. P.,46, II, 5).

(4) L'article 28 de la loi du 3 mai 1844 reconnaît que le mineur peut être déclaré en délit, et déclare, en pareil cas, le père, la mère et le tuteur civilement

Les individus qui répondent à une invitation de chasse en assument toutes les conséquences pénales, et ne sont pas recevables, en cas de poursuite, à exciper de leur bonne foi; c'est à eux de s'assurer que le chasseur qui la dirige a le droit de chasser sur les terres où il les conduit, et que toutes les précautions ont été prises pour les mettre à l'abri d'un délit (1).

(Pillon de Saint-Philbert c. Legentil, Fleury et autres.

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ARRÊT.

LA COURVU les articles 1, 11, n° 2, de la loi du 3 mai 1844, 408 et 413 du Code d'instruction criminelle; Attendu qu'il est constaté par l'arrêt attaqué que, le 12 novembre 1869, Legentil, Demetz, de Gantès et Scherzer ont chassé, en employant six traqneurs qui battaient la plaine; que Legentil a lui-même placé les traqueurs, notamment Fleury, sur la limite des deux pièces de terre appartenant à Pillon de Saint-Philibert, sans avoir obtenu de celui-ci le consentement d'y chasser; que Fleury, longeant la limite de la première de ces deux pièces, y a fait lever, en traquant, une compagnie de perdrix qui s'y trouvait; qu'il l'a poursuivie, en continuant de traquer, sur la seconde pièce, où il a même pénétré; que, dans ce temps, les quatre chasseurs étaient postés à peu de distance, dans un fossé bordant la route, où ils guettaient à l'affût le gibier que Fleury traquait et dirigeait de leur côté; qu'il est en outre, constaté par un procès-verbal régulier, nou dénié par les prévenus ni contesté par l'arrêt attaqué, que les chasseurs ont tiré plusieurs coups de fusil sur ce gibier; - Attendu que la traque, qui consiste, en faisant du bruit et des battues, à faire lever le gibier qui se trouve sur une pièce de terre et à le pousser vers l'affût où l'attend le chasseur, constitue un acte de chasse; d'où il suit que si la traque s'exerce sur le terrain d'autrui sans le consentement du propriétaire, il y a délit aux termes des artcles 1 et 11, no 2, susvisés, de la loi de 1844;

Attendu, en ce qui concerne Fleury, que l'arrêt attaqué l'a renvoyé des fins de la poursuite, par le motif que le traqueur, simple instrument obéissant à une volonté qui n'est pas la sienne, ne saurait jamais être responsable des faits par lui commis en sa qualité de traqueur; Attendu que l'article 64 du Code pénal n'admet, comme fait justificatif, que la force majeure, et nultement l'obéissance que le manœuvre doit à celui qui l'emploie; que cette obéissance ne peut s'étendre jusqu'à ce qui blesse les lois et l'ordre públic et être admise en principe comme fait justificatif; que dès lors Fleury, âgé seulement de douze ans, d'après l'arrêt dénoncé, s'étant rendu coupable d'actes de chasse délictueux, n'aurait pu être acquitté qu'à défaut de discernement, au cas où cette circonstance aurait été constatée; que même alors il aurait dû être condamné aux dommages-intérêts, s'il y avait lieu, et aux frais du procès :

Attendu, en ce qui touche Legentil, que, tout en le déclarant coupable d'un délit de chasse pour avoir attendu dans un affût le gibier poursuivi par

responsables. Quant au point de savoir si l'article 66 du Code pénal, qui prononce l'acquittement en cas de defaut de discernement constaté par le juge, s'applique aux matières spéciales et notamment à celle de la chasse, il est controverse; mais la jurisprudence semble aujourd'hui fixée dans le sens de l'affirmative. Voir Giraudeau et Lelièvre, nos 615 et 626, Jurisprudence générale, vo CHASSE, nos 258 et suiv; Table des vingt-deux années, vo EXCUSE, nos 43 et suiv.; voir aussi Crim. cass., 21 mars 1868 (D. P., 69, I, 262), et la note qui accompagne cet arrêt.

(1) C'est le principe que la jurisprudence a appliqué aux invités des adjudicataires du droit de chasse dans les forêts de l'Etat ou des communes. Vor Giraudeau et Lelièvre, nos 674 et 678; Dalloz, Table des vingt-deux années, vo CHASSE, nos 109 et suiv.

un traqueur qui s'était introduit sur le terrain d'autrni sans le consentement du propriétaire, la Cour d'appel a refusé de reconnaître un acte de chasse délictueux dans le même fait, lorsque le traqueur est resté sur la limite du terrain où il a traqué; Attendu que les expressions de la loi de 1844, <«< chasser sur la propriété d'autrui, » n'emportent pas nécessairement la pensée de l'introduction ou de la présence du chasseur sur la propriété d'au trui qu'il y a fait de chasse sur la propriété d'autrui toutes les fois qu'on se livre à des actes de chasse ayant pour objet la recherche, la poursuite du gibier sur cette propriété, quels que soient les moyens employés ; d'où la conséquence qu'attendre à l'affût le gibier qu'un traqueur recherche et poursuit sur la propriété d'autrui, c'est faire acte de chasse sur cette propriété, et un acte de chasse délictueux, si le propriétaire n'y a a pas consenti ;

Attendu, en ce qui concerne Demetz, de Gantès et Scherzer, qu'ils ont été relaxés par le motif qu'en qualité d'invités de Legentil, ils n'avaient pris ancune part à la battue; qu'ils n'auraient exercé aucune action sur les traqueurs, uniquement soumis aux ordres de Legentil, et que ces invités avaient dû croire que toutes les précautions « possibles pour les mettre à l'abri d'un délit avaient été prises; » d'où il suit que l'acquittement de ces trois prévenus n'a pour base que leur bonne foi; Mais, attendu que les délits de chasse sont des délits-contraventions qui se constituent par le seul fait matériel; qu'une telle infraction ne peut être excusée par l'inten tion, dès qu'il est reconnu que celui à qui elle est imputée l'a exécutée librement et volontairement; qu'il en a dés lors assumé toutes les conséquences pénales; que, par conséquent, la bonne foi où les invités de Legentil auraient été que toutes les percautions possibles pour éviter de commettre un délit avaient été prises ne pouvait être une excuse légale; — Altendu qu'en statuant comme elle l'a fait (par l'arrêt attaqué du 14 mars 1870), la Cour d'appel de Douai a violé les articles susvisés de la loi de 1844 et les principes de la matière; CASSE.

Du 15 décembre 1870.-Ch. crim.- MM. F. Hélie, f. f. prés. ; Salneuve, rapp.; Charrins, av. gén., c. conf.; Groualle, av.

N° 29.

COUR DE GRENOBLE (Ch. corr). — 24 novembre 1870.

Forêts, contrefaçon de la marque forestière.

Une empreinte grossièrement façonnée, ne présentant aucun des signes ou lettres qui forment la marque forestière, et ne pouvant abuser un seul instant des yeux même peu exercés, ne doit pas être considérée comme une contrefaçon de la marque ou empreinte forestière.

(Bouteille et Masson.)

LA COUR: - Attendu que les nommés Bouteille et Masson ont été traduits devant le Tribunal correctionnel d'Embrun comme prévenus d'avoir, en 1870, contrefait une marque ou empreinte forestière;

Qu'il est suffisamment établi, soit par les circonstances de la cause, soit par les déclarations mêmes des prévenus, qu'étant restés adjudicataires d'une coupe de bois dans la forêt de Belpinet, appartenant à la commune de SaintClément, ils ont tenté de s'approprier une certaine quantité d'arbres qui ne faisaient point partie de la coupe adjugée, et que, pour atteindre leur but, l'au d'eux, avec l'assentiment de l'autre, s'est efforcé d'imiter, sur huit arbres d'une dimension de 2 à 17 décimètres de tour, l'empreinte du marteau de l'administration forestière;

Attendu qu'il y a là évidemment une intention que réprouvent la morale

et l'honnêteté; mais que lorsqu'il s'agit d'appliquer une disposition pénale, il faut qu'à l'intention frauduleuse démontrée viennent se joindre des faits précis offrant les caractères constitutifs auxquels la loi rattache la qualification du délit ;

Que le délit de contrefaçon reproché aux prévenus consiste dans l'imitation de la véritable empreinte du martean forestier, mais que cette imitation, plus ou moins imparfaite, doit dans tous les cas apparaître de nature à triompher des investigations ordinaires et à procurer au prévenu le résultat qu'il S'est proposé;

Attendu que, dans l'espèce, les empreintes apposées sur les arbres indûment coupés, sont grossièrement façonnées, à peine visibles, et ne portent d'ailleurs aucun des traits figurant plus ou moins exactement les signes ou lettres qui forment la marque forestière; que de pareilles empreintes ne pouvaient avoir pour effet d'abuser un seul instant des yeux même pen exercés, etque par conséquent un des éléments principaux du délit imputé fait défaut à la prévention;

Par ces motifs, la Cour réforme le jugement rendu le 11 août 1870, par Je Tribunal de police correctionnelle d'Embrun, et prononce l'acquittement des nommés Bouteille et Masson.

MM. Piollet, prés. ; Royer, subst. du proc. gén. ; A. Arnaud, av.

No 30.
COUR DE PARIS (Ch. des app. corr.).—11 et 16 mars 1870.
Délit de chasse, rabatteurs, responsabilité du chasseur, acquittement.

Lorsqu'une infraction à la loi sur la chasse a été commise par des rabatteurs, le chasseur qui les emploie, civilement responsable de leur fait, ne peut être poursuivi correctionnellement lorsqu'il n'est pas établi que l'infraction a été commise par son ordre et que d'ailleurs il n'a pu, de l'endroit où il était posté, connaître le délit et s'opposer à son exé

cution.

(Comynet c. duc d'Ayen.)

Dans une chasse faite par M. le duc d'Ayen, avec plusieurs de ses amis, sur le domaine de Champlâtreux, des rabatteurs furent postés par le garde du duc sur une petite pièce de terre appartenant à la dame veuve Comynet, et ces mêmes rabatteurs, en ramenant le gibier vers les chasseurs, traverserent un autre champ d'environ un demi-hectare, appartenant à la même dame.

Mme veuve Comynet cita alors M. le duc d'Ayen devant le Tribunal correctionnel de Pontoise, qui condamna ce dernier en 16 francs d'amende pour avoir chassé sur le terrain d'autrui sans autorisation.

Appel a été interjeté de ce jugement.

ARRÊT.

LA COUR : Considérant que de l'instruction et des débats résulte la preuve que, le 20 décembre dernier, un garde du duc d'Ayen, chargé d'organiser et de diriger une battue sur le domaine de Champlâtreux, a placé au point de départ plusieurs rabatteurs sur une pièce de terre de peu d'étendue appartenant à la dame veuve Comynet, et que pendant les évolutions qui se sont succédé en sa présence, un ou deux de ces rabatteurs ont traversé une seconde pièce de terre, d'une contenance de 53 ares appartenant également à ladite dame;

Considérant que, pendant que s'accomplissait cet acte de chasse, le duc

d'Ayen et les personnes qui l'accompagnaient se trouvaient à une distance de plus de 400 mètres, derrière un pli de terrain qui leur cachait la vue du garde et de ses rabatteurs ;

Considérant que la veuve Comynet ne rapporte pas la preuve que le duc d'Ayen ait donné l'ordre à son garde de placer ou de faire passer ses rabatteurs sur les pièces de terre sus-indiquées;

Que, d'autre part, il est constant que de l'endroit où se trouvait placé le duc d'Ayen, il ne pouvait ni voir, ni empêcher l'acte dont se plaint la dame Comynet;

Que si le duc d'Ayen est civilement responsable du fait de son garde on ne saurait toutefois, en l'absence de sa part d'un acte matériel, révélant d'une façon certaine son intention, le déclarer coupable, sans rapporter la preuve que le délit s'est accompli avec le concours de sa volonté ou qu'il ne s'est pas opposé à sa perpétration quand il le pouvait;

Consdérant, dès lors, que le délit imputé au duc d'Ayen n'est nullement établi ;

Par ces motifs,

Met l'appellation et ce dont est appel au néant, décharge le duc d'Ayen des condamnations prononcées contre lui et le renvoie des fins de la prévention; Condamne la dame veuve Comynet aux dépens de première instance et d'appel.

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Du 16 mars 1870. . C. de Paris. - MM. Falconnet, prés.; Daniel, rapp.; Benoist, av. gén.; Andral et Lenté, av.

N° 31. COUR DE CASSATION (Ch. crim.) — 30 juin 1870. Chasse, passage des traqueurs sur les fonds d'autrui, absence de délit

Il n'y a pas délit de chasse imputable au chasseur dont les traqueurs ont passé sur le terrain d'autrui, encore bien qu'ils aient été placés par son garde, s'il n'est pas établi que ce soit par ses ordres et s'il résulte, au contraire, de l'instruction, qu'il n'a pu ni voir les traqueurs, ni les empêcher de pénétrer sur ce terrain.

(Comynet c. duc d'Ayen.)

Mae Comynet s'est pourvue contre l'arrêt qui précède;

Mais la Cour a rendu l'arrêt suivant:

LA COUR : - Attendu que l'arrêt attaqué constate souverainement en fait que, le 20 décembre dernier, un garde du duc d'Ayen, chargé d'organiser et de diriger une battue sur le domaine de Champlâtreux, a placé au point de départ plusieurs rabatteurs sur une pièce de terre de peu d'étendue apparteirant à la veuve Comynet, et que, pendant les évolutions qui se sont succédé en sa présence, un ou deux de ces rabatteurs ont traversé une seconde pièce de terre d'une contenance de 53 ares appartenant à la même per

sonne;

Que, pendant que s'accomplissait cet acte de chasse, le duc d'Ayen et les personnes qui l'accompagnaient se trouvaient à une distance de plus de 400 mètres derrière un pli de terrain qui leur cachait la vue du garde et des rabatteurs;

Que la veuve Comynet ne rapporte pas la preuve que le duc d'Ayen ait donné l'ordre à son garde de placer ou de faire passer ces rabatteurs sur les pièces de terre susindiquées, et qu'en outre de l'endroit où se trouvait placé le duc d'Ayen, il ne pouvait ni voir ni empêcher l'acte dont se plaint la veuve Comynet;

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