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nière, la question de la souveraineté se trouvera posée sur un terrain neutre; ce qui en facilitera la discussion.

Nous placerons ensuite le mouvement social de la France en face de celui de l'Angleterre. Nous chercherons à découvrir, par les contrastes que présentera cette comparaison, ce qu'il y a de vrai ou ce qu'il y a de simulé dans le principe de l'alliance des deux pays. En se servant de ce tableau comparatif pour mesurer la marche des événements, il sera facile de comprendre pourquoi les relations internationales ont été si fortement ébranlées, et pourquoi l'ancien droit public a été entièrement renversé, sans que nul autre droit lui ait été substitué. Le seul lien qui existe encore entre les États, ce sont quelques restes des anciennes formes diplomatiques; lesquels ne sont plus, à tout prendre, qu'un vernis qui recouvre, tant bien que mal, le désordre qu'il y a dans les principes et dans les idées.

S'il était possible de rassembler un aréopage composé des hommes les plus sages de tous les États européens pour délibérer sur les moyens de rétablir un droit public qui serait obligatoire pour les nations et pour les gouvernements, la première question que cet aréopage aurait à examiner serait celle de savoir s'il peut être libre à un peuple qui veut continuer à faire partie de cette grande association politique que forme l'Europe de se donner des lois qui auraient en elles un principe de constante hostilité contre les autres peuples. Au

cune forme de gouvernement ne peut donner le droit d'avoir, dans sa législation, des principes hostiles aux autres États.

Les pays libres, comme tout État quelconque, n'ont de droits que sur eux-mêmes. Ils ne peuvent, à aucun égard, faire l'application de leurs principes aux relations des États entre eux; car la liberté qui donnerait des droits sur les autres serait une arme d'oppression, que chacun aurait le droit de chercher à briser. Les rapports des États doivent être réglés par d'autres lois que celles qu'il peut plaire à un peuple de se donner. Tous les gouvernements ont des intérêts communs à défendre ce sont ceux de la paix générale, de l'ordre et de la justice. Mais il paraît qu'on ne sait plus ou que beaucoup de gens ne veulent plus savoir les conditions qui sont inséparables d'un véritable état de paix.

Quand un gouvernement signe un traité de paix ou un acte de neutralité, n'a-t-il stipulé que sa volonté de faire la paix, que son intention de neutralité? N'a-t-il pas, de plus, stipulé la paix et la neutralité des citoyens du pays? L'État, surtout,

dont la constitution autorise l'examen des actes du gouvernement, n'a-t-il pas contracté des obligations encore plus fortes?

Ainsi, par exemple, quand le parlement anglais a donné son assentiment à une transaction politique passée par le gouvernement, ou toutes les doctrines anglaises de souveraineté du peuple et de représentation nationale sont fausses, ou la transaction approuvée est devenue plus fortement

obligatoire pour tout Anglais, lequel doit être, en vertu de l'esprit de sa constitution, personnellement engagé à ne violer aucune des conditions de la paix. Les actes les plus sacrés entre les nations ne deviendraient-ils pas illusoires, si l'exagération de la liberté individuelle laissait chaque homme en dehors des obligations qu'a signées son gouvernement?

Ou bien, est-ce que les actes de droit international n'obligent que les étrangers envers l'Angleterre; et la liberté anglaise livre-t-elle le monde au bon plaisir de chaque Anglais ?

Une autre des questions qui devraient être soumises à cet aréopage serait celle du droit d'asile ; non pour le supprimer, mais pour le contenir dans les limites destinées à lui conserver le caractère sacré que doit toujours avoir le malheur.

On ne devrait pas oublier que le droit d'asile a été un des principaux agents de destruction de l'ancienne Grèce, comme des États que le moyen âge avait formés en Italie. Ce droit, exercé entre des États voisins et rivaux, n'avait toutefois rien qui blessât la justice. On enrôlait les exilés et les bannis d'un pays ennemi. Cela appartenait au droit de la guerre. C'est en exerçant ce droit, sans trêve et sans merci, que les fuorusciti des républiques italiennes ont amené leur commune destruction.

Les exilés de tous les pays et de tous les temps n'ont jamais cessé de travailler à la ruine de leur patrie. Que tel soit leur but ou non, tel sera toujours le résultat des efforts d'exilés auxquels on accorde une protection politique, qui dépasse le droit d'asile. Cela démontre comment les pays liés

par des traités de paix, ne peuvent avoir le droit de donner à l'asile un autre caractère que celui d'un port toujours ouvert au naufragé qui vient s'y réfugier. Est-il compatible avec les intérêts d'une paix sincère et véritable, de laisser les réfugiés se former en associations; tenant des séances publiques, ou au moins connues, ayant pour objet, dans un but de subversion, d'entretenir des relations patentes et secrètes avec les pays dont ils sont sortis, ayant partout des affiliations, des émissaires, prélevant des subsides, ou par l'affinité des opinions, ou par un système de terreur secrète, organisant une résistance morale, et préparant ainsi une explosion de révolte et d'insurrection? Un traité de paix, la plus haute des transactions que les hommes puissent faire, et qui doit en être la plus sacrée, ne descendrait-il pas alors à n'être qu'une simple ligne de démarcation territoriale?

Aucun État ne peut donc avoir le droit de laisser former et organiser dans son sein des associations hostiles à d'autres États. Ce serait une violation de la paix publique, une atteinte à la paix des nations. Aucun gouvernement ne peut avoir le droit de se constituer en tribunal d'appel, en faveur d'individus condamnés par des tribunaux qui ont prononcé des sentences selon les lois de leur pays. La liberté devrait-elle devenir le palladium de la révolte et des crimes qu'elle entraîne? Ne seraitce pas proclamer cet axiome de si sanglante mémoire que l'insurrection est le plus saint des devoirs? De pareils exemples ne doivent-ils pas

porter le trouble et la terreur dans tous les esprits?

Les hommes qui disent vouloir s'occuper du sort des nations devraient penser qu'il existe une hygiène morale aussi nécessaire à la santé des corps politiques qu'une sage hygiène matérielle est nécessaire à la santé de l'homme. Or, l'expérience de tous les jours et de tous les instants prouve à l'homme le plus simple que les règles de cette hygiène ne peuvent pas être les mêmes pour l'universalité des hommes.

La jeunesse est douée d'une si active faculté d'assimilation, que la sobriété lui est moins nécessaire qu'elle ne le devient quand l'âge vient émousser cette faculté. Trop de nourriture produit alors une surexcitation de tous les organes qui détruit la santé. Cette prétention de jeunesse ajoute le ridicule au danger.

La facilité, la vivacité des émotions, leur transmission au siége de la vie, sont les qualités d'une organisation en travail de formation. Quand ces qualités survivent à cette époque, elles ne sont plus que des surexcitations maladives. L'homme mûri par le temps qui ne sait pas leur résister devient à la fois le jouet des hommes et des évé

nements.

Il en est de même des nations d'âge mûr ou déjà vieillies. Une forte alimentation, qui fait grandir et prospérer les jeunes peuples, fait pour ainsi dire retomber les anciens en enfance.

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