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pement de tous les intérêts du pays et comme lui donnant une garantie suffisante pour tous les droits qui lui étaient accordés.

Chacune des deux parties de ce royaume avait une congrégation centrale permanente, organe intermédiaire entre les délégations provinciales et les deux gouvernements de Milan et de Venise. Ces deux assemblées avaient droit de délibération, de représentation, là où elles croyaient que les intérêts du pays étaient lésés, soit par des mesures inopportunes ou par l'absence de celles que réclamaient de véritables besoins et dont l'ignorance ou la négligence ne savaient pas reconnaître la nécessité. Or, elles ne firent jamais usage du droit qui leur avait été donné. Quelle que fût la cause de leur silence, toujours est-il que cette cause était locale. Ce silence fit du mal; car on prenait à Vienne l'absence totale de représentation comme une preuve de l'assentiment complet du pays à la manière dont il était gouverné. On y vivait donc dans une entière sécurité sur la position de l'Italie.

Ce fait n'a été que trop prouvé par la manière dont l'armée devint dans les premiers moments victime de cette sécurité. Il fallut alors des prodiges de constance, de fermeté, et plus tard de valeur, pour réparer les pertes que lui avait fait subir une des conspirations les plus habilement ourdies de l'histoire. La confiance qu'on avait dans la fidélité du pays, laquelle témoignait au moins des intentions les plus pures (car on ne se fie jamais d'une manière aussi entière à ceux à qui l'on veut faire du mal), ne laisse à personne le droit d'invoquer des

circonstances atténuantes, à l'égard d'une révolte qui n'a su être que coupable.

L'agitation qui se manifestait par plusieurs symptômes était attribuée à cet esprit de propagande révolutionnaire qui agissait du dehors, mais qui ne présentait aucun danger réel tant que le pays se montrait satisfait. Et ne l'était-il pas, puisque ses organes légaux n'articulaient jamais aucun sujet de plainte ?

Ce fut, en effet, comme une espèce de manifestation de reconnaissance pour la fidélité que montraient les provinces italiennes que l'empereur Ferdinand prit la résolution de venir en Italie, l'année 1838, pour y célébrer son couronnement, désirant s'attacher encore davantage, par cette formalité, ses sujets italiens. Il y eut alors une acclamation universelle, mais on y ajoutait en même temps l'espoir qu'à cette occasion, plusieurs des griefs qu'alléguait le pays seraient redressés. Or comment auraient-ils pu l'être, quand ils n'avaient jamais encore été légalement formulés, et qu'ils étaient véritablement ignorés du gouvernement central?

On trouve ici une preuve de plus combien il est dangereux pour un pays que des institutions soient réduites à devenir de simples formes. Des apparences ne suffisent pas au gouvernement des peuples.

L'empereur François, qui savait mesurer l'avenir, aimant mieux abdiquer volontairement la couronne de l'empire d'Allemagne que de se voir forcé d'y renoncer par un traité de paix que lui

imposerait une guerre malheureuse, ne voulant cependant pas descendre du rang qu'occupait sa maison depuis si longtemps, s'était déterminé à constituer tous ses pays héréditaires en un seul corps politique, à en former un empire, et à prendre le titre d'empereur d'Autriche.

Cette mesure fut prise par lettres patentes du

1er août 1804.

Par l'article 4 de cette patente, Sa Majesté Impériale imposait à ses successeurs l'obligation de se faire couronner comme empereurs d'Autriche, se réservant de régler plus tard le cérémonial et le mode d'après lequel cet acte solennel devait avoir lieu.

Cette nouvelle position prise par l'empereur pour sa maison et pour sa monarchie fut reconnue sans difficulté, sans observation, par l'Europe entière. Quand on se demande ce qui a pu mettre obstacle à l'exécution d'un acte d'une aussi grave importance que celui d'un couronnement par lequel une même formule d'obligation de la part du prince, ainsi que celle d'une égale obéissance de la part de tous ses sujets, devait, en se prononçant comme serment, devenir le lien d'une existence commune entre tous les membres d'un nouvel empire, il est impossible d'en trouver une autre cause que la crainte du refus qu'aurait fait la Hongrie d'y paraître. La pragmatique sanction, aurait-elle dit, garantissait sa fidélité, ce qui devait suffire au trône; tandis qu'un nouvel acte aurait affaibli les anciens droits dont cette même pragmatique lui assurait la possession.

Les événements qui eurent lieu plus tard ne motivèrent que trop cette opinion. On fut retenu par la crainte de les précipiter. On ne voyait que trop que la Hongrie s'opposait à l'empire pour conserver sa position de royaume isolé. Il en résulte que le couronnement d'Italie, n'ayant été ni précédé ni suivi par celui de l'empereur, devint un principe de séparation bien plutôt que de réunion.

Le fait de ce couronnement, loin de réaliser aucune des espérances qu'on y avait attachées de part et d'autre, devint donc, au contraire, une des causes des événements qui, peu de temps après, commencèrent à fermenter en Italie. A l'exception d'un acte de grâce et d'amnistie pour des sujets coupables, la solennité du couronnement ne produisit rien qui eût été réellement avantageux aux sujets fidèles. Ils ressentirent, au contraire, d'autant plus pesamment les liens étroits d'une administration centrale éloignée, que la reconnaissance solennelle d'un royaume italien, distinct de tout le reste de la monarchie, leur avait donné le droit d'espérer des mesures plus favorables à leurs intérêts de localité.

On vit, en effet, depuis cette époque, le mécontentement intérieur aller toujours croissant. C'est depuis lors que beaucoup de sujets lombards-vénitiens se rattachèrent à cette vaste conspiration morale qui s'était organisée en Italie, et qui, en prenant pour bannière l'unité et l'indépendance italiennes, augmentait chaque jour le nombre de ses adeptes. C'est aussi depuis cette époque que bien des individus appartenant à ce parti national,

employés du gouvernement, loin de l'éclairer sur les vices de l'administration, ont bien plutôt cherché les moyens de le conduire à prendre des mesures de nature à augmenter le mécontentement, car chaque mécontent de plus était un conjuré de plus.

La presse révolutionnaire de tout le pays se mit au service de cette conspiration. Elle se proposa deux objets. Combattre la haute opinion qu'on avait en Italie de la puissance autrichienne; montrer qu'elle était, au contraire, en décadence; que c'était un colosse aux pieds d'argile, qu'il ne fallait que le toucher pour le renverser; que son armée était sans discipline; que toutes ses troupes étaient prêtes pour l'insurrection; que cet amalgame forcé de diverses nationalités ne demandait qu'à se dissoudre. La fabrication de mensonges, de fausses nouvelles, comme preuves à l'appui, devait donner du courage aux assaillants.

Le second objet était un système de dénigrement de l'administration. On disait que le gouvernement de Vienne voulait appauvrir l'Italie pour la dominer plus facilement; que l'écoulement du numéraire par les impôts amènerait nécessairement ce résultat. Les pamphlétaires lombards, qui se faisaient publicistes et qui avaient leur officine à Lugano, dénaturaient tous les faits. Ils ne considéraient dans leurs calculs que le gouvernement autrichien et ne tenaient aucun compte de l'empire. Ils comptaient les impôts et ne disaient rien du numéraire que le commerce autrichien devait solder à l'Italie; car il restait passif de sommes

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