Page images
PDF
EPUB

Toutes les affaires contentieuses du ministère étaient mêlées et confondues dans les indications des notes qui avaient été successivement jetées pêle-mêle dans les cartons. Mais on fait le triage de celles qui exposent avec le plus d'exactitude les objets des travaux et leur genre, et qui en même temps développent le mieux les motifs tirés du droit civil, du droit politique, du droit commercial, de l'usage ou du bon sens qui devaient déterminer la demande qu'on avait à adresser, ou la réponse qu'on avait à faire, ou la solution qui devait être donnée. Toutes ces notes ont été classées dans un ordre régulier. Chaque objet de travail se trouve ainsi subdivisé en un certain nombre de genres dont chacun a son dossier, et dans la rédaction soignée des notes de ce dossier, on lit tout ce qui peut établir la règle du travail du bureau sur toute la diversité de ces objets. Voilà des matériaux suffisans pour faire un corps de doctrine pratique, qui servira désormais de direction uniforme et constante pour l'ensemble du service de la chancellerie des affaires contentieuses. Là, seront distinctement indiqués, dans un ordre régulier, tous les objets de ces travaux. Ce tableau sera divisé en titres, les titres en chapitres. Toutes les variétés des demandes qui peuvent être adressées, des réponses qui peuvent être faites, des questions qui peuvent être proposées au ministère, y trouveront la règle de rédaction des lettres ou des rapports à faire et des solutious à donner; et enfin avec une table bien faite et des numéros d'ordre, le commis le plus novice apprendra, en quelques minutes de lecture, ce qu'il faudra qu'il fasse pour se bien assurer que le travail qui lui aura été demandé, de quelque nature qu'en soit l'objet, et à quelque genre qu'il appartienne, s'il se conforme exactement à la règle qui lui est propre, et qu'il verra clairement exposée dans le tableau de chaque genre, sera agréé par ses chefs.

Je reviens maintenant à l'énumération si imparfaite que

j'ai cru devoir présenter plus haut: elle n'était qu'une simple ébauche, mais à la période du travail de mes jeunes collaborateurs, où je les ai fait parvenir, il en est autrement de celle que la pratique longue, assidue et soigneuse de la mẻthode proposée les aura mis à portée de faire; pour cette fois nous avons enfin une énumération véritablement complète, et qui comprend, sans omission et sans lacune, tous les objets du travail de la chancellerie : leur nombre est grand, et, dans l'ensemble, leur importance n'est pas moindre; il est, en effet, peu d'intérêts, soit généraux, soit individuels, soit privés, soit publics, qui ne tiennent par quelque lien direct ou indirect à un des objets de cette énumération, et à la vue d'un tableau aussi chargé d'objets de travail et de sujets d'étude, je ne doute pas que les personnes qui étaient le plus disposées à mal apprécier l'utilité relative de cette partie du service du ministère, parce qu'elles n'en jugeaient que par le peu d'intérêt de quelques détails isolément aperçus, ne se désabusent en observant à quelle variété, à quel nombre, à quelle masse d'intérêts les travaux de ce service correspondent. Le commerce national, le commerce étranger, les rapports qui les lient ou qui les mettent en concurrence, ceux qui font dépendre leurs règles respectives de la connaissance de leurs moyens d'agir, de leurs causes, de leurs résultats, de celle des traités, de l'étude, de l'application des principes du droit public, l'intervention nécessaire des gouvernemens amis, des gouvernemens ennemis, du gouvernement du Roi, dans un immense ensemble d'affaires privées, l'accord plus ou moins positif, la collision plus ou moins ouverte de leurs lois, des procédés de leur administration, de l'exercice de leur pouvoir, etc., tous ces élémens de discussion, tous ces sujets de controverse se présentent à chaque instant pour être mis en œuvre dans la multitude des questions qui tous les jours s'élèvent, de quelque partie du monde civilisé, pour venir chercher leur

solution dans cette division du ministère. Certes, je ne crains pas de convenir que le travail qui se rapporte directement à la grande correspondance diplomatique des cabinets, offre à la première vue de plus beaux et de plus attrayans aspects; mais à qui cherche principalement l'utilité pratique, journalière et constante, tant pour son instruction que pour le bon emploi du pouvoir qui a été donné au ministère de protéger efficacement au dehors les droits et les intérêts des sujets du Roi, la coopération au travail de la chancellerie ne présente pas des résultats moins importans. Ici le bienfait que l'on attend de l'exercice bien dirigé de ce pouvoir, la protection qu'on sollicite, l'assistance qu'on espère, la justice qu'on réclame, résultent presque immédiatement du travail qui a pour objet de les assurer à qui est en droit de les obtenir. Au fait, n'est-ce pas principalement pour ce but que sont faits les traités ? N'est-ce pas à cette fin que tendent les négociations? Et le droit public lui-même a-t-il un autre objet final que celui d'assurer, dans tous les lieux, dans tous les temps, les droits généraux qui appartiennent à tous les individus de chaque Etat, et celui encore de les prévenir et de réparer les dommages que les hommes de tous les rangs, de toutes les classes et de toutes les nations, peuvent être exposés à subir, dans leurs intérêts, dans leurs droits, quand les uns et les autres ne sont pas placés sous la sauvegarde immédiate des lois de leur pays?

Il ne me reste qu'une recommandation à faire. Dans tout ce qui précède, je n'ai été occupé que du fond des sujets, de la nature et de l'objet des divers travaux, et du motif des déterminations que le bureau doit proposer après qu'il aura fait un examen approfondi de toutes ces affaires. Il y a cependant des règles à observer relativement aux formes ; mais elles sont en rapport avec celles dont la recherche est le principal objet de la méthode proposée: ici, les règles doivent être un sujet à part d'observation et d'étude; elles

se rapportent principalement, et presque uniquement, à un seul point, l'état des personnes à qui s'adresse la partie de la correspondance du ministère dont la chancellerie est chargée, et les motifs de ces règles se tirent des différences que ces personnes présentent dans leur position, leur rang, leur pouvoir, leur crédit, en ne perdant pas de vue celles qui se tirent de leur caractère et de leurs dispositions connues. Les circonstances de temps et de lieu, et celle des événemens récens peuvent aussi entrer dans l'appréciation de ces motifs. Sur tous ces points, on doit se faire une constante loi d'avoir égard aux nuances même les plus légères, qui marquent ces différences, et c'est surtout dans l'appréciation de ces nuances qu'il faut savoir se faire des règles de bienséance dont on ne doit jamais s'écarter; car c'est sur les prétentions qui portent sur ce genre souvent inaperçu de différences de position, que s'élèvent les plus vives contestations, et que les susceptibilités se montrent le plus irritables. Des mésintelligences qui ont fini par produire de graves résultats ont quelquefois été suscitées par la seule cause de l'oubli ou de l'ignorance de ces règles. Ici donc leur recherche et leur indication sont en même temps et plus difficiles et plus nécessaires. Je n'en sauverais pas les difficultés en entrant dans plus de détails; et je trouve d'ailleurs utile de les laisser subsister: elles seront un sujet d'émulation et d'épreuve pour le discernement, le tact et la sagacité de ceux à qui ces conseils sont destinés; et, à cet égard, comme à légard de tout ce que ce travail doit leur imposer de soins, j'ai la plus entière, et je crois, la plus juste confiance dans le résultat de cette épreuve.

Toutefois, pour donner à mes recommandations sur ce point un crédit qu'elles ne peuvent tenir de moi, je crois devoir ici citer le texte entier de quelques dispositions du règlement des chancelleries du ministère des affaires étrangères qui, se rapportant uniquement aux travaux de quelques

uns des bureaux de cette division me semblent cependant être généralement applicables à tous les travaux du même genre, quelle que soit d'ailleurs la position de ceux qui, sous quelque titre et dans quelque lieu que ce soit, peuvent en être chargés. Ces dispositions se trouvent au titre III, articles 18 et 19 du règlement particulier de la chancellerie, qui a été arrêté le 17 janvier 1826. Elles déterminent ce qui doit être observé, non-seulement quant à la forme des travaux, mais encore quant au fond des sujets : cependant j'espère que mes lecteurs ne les trouveront, ni surabondantes, ni superflues.

ARTICLE 18. En conformité des bases des règlemens arrêtés par le ministre, dans une décision du 30 novembre dernier, et adressée à tous les chefs du service de son ministère, les rapports doivent contenir : 1o Une exposition précise et complète de leur objet ; 2o la suite et l'ensemble des informations recueillies ou contradictoirement alléguées; 3° la vérification des unes et des autres, et définitivement le véritable état des choses en point de fait; 4o les précédens du même genre de faits dans des cas semblables ou analogues; les décisions qui furent alors prises, et les conséquences qui en sont résultées; 5° l'indication des principes de droit d'où doit se tirer la solution des difficultés respectivement présentées, soit la décision à donner sur les prétentions opposées; 60 la théorie raisonnée de ces principes, et leur application à l'objet du rapport; 7° la décision finale.

La forme de la décision, soit qu'elle doive être l'objet d'un projet de lettre ou d'un arrêté ministériel, ou enfin, d'un projet d'ordonnance à soumettre à l'approbation du roi, doit toujours être jointe au rapport.

ARTICLE 19. A l'égard de la rédaction des lettres, dépêches, notes, offices, etc., et autres pièces qui sont destinées à être souscrites du nom d'un ministre du roi, il

« PreviousContinue »