Page images
PDF
EPUB

ment même où je parle, le genre humain est arrivé à l'une des époques caractéristiques de son existence, la religion chrétienne est encore là pour le saisir, parce qu'elle garde dans son sein tout ce qui convient aux esprits éclairés et aux cœurs généreux, tout ce qui est nécessaire au monde, qu'elle a sauvé de la corruption du paganisme et de la destruction de la barbarie. En vain l'impiété a prétendu que le christianisme favorisait l'oppression et faisait rétrograder les jours à la publication scellée du sang du juste ; l'esclavage a cessé d'être le droit commun des nations; l'effroyable définition de l'esclavage a été affacée du Code romain : non tam viles quàm nulli sunt.

Les sciences demeurées presque stationnaires dans l'antiquité, ont reçu une impulsion rapide de cet esprit apostolique et rénovateur qui hâta l'écroulement du vieux monde : partout où le christianisme s'est éteint la servitude et l'ignorance ont re paru. Lumière, quand elle se mêle aux facultés intellectuelles, sentiment, quand elle s'associe aux mouvemens de l'ame, la religion chrétienne croît avec la civilisation, et marche avec le temps. Un des caractères de la perpétuité qui lui est promise, c'est d'être toujours du siècle qu'elle voit passer, sans pass er elle-même. La raison évangélique, raison divine, appuie la raison humaine dans ses progrès vers un but qu'elle n'a point encore atteint. Après avoir traversé les âges de ténèbres et de force, le christianisme devient, chez les peuples modernes, le perfectionnement même de la société.

Éminentissimes seigneurs, vous choisirez pour exercer le pouvoir des clefs, un homme de Dieu, et qui comprendra bien sa haute mission. Par un caractère universel qui n'a jamais eu de modèle ou d'exemple dans l'histoire, un conclave n'est pas le conseil d'un État particulier, mais celui d'une nation composée des nations les plus diverses, et répandue sur la surface du globe.

Vous êtes, éminentissimes seigneurs, les augustes mandataires de l'immense famille chrétienne pour un moment orpheline. Des hommes qui ne vous ont jamais vus, qui ne vous verront jamais, qui ne savent pas vos noms, qui ne parlent pas votre langue, qui habitent loin de vous sous un autre soleil, par-delà des mers, aux extrémités de la terre, se soumettront à vos décisions, que rien en apparence ne les oblige à suivre, obéiront à votre loi qu'aucune force matérielle n'impose, accepteront de vous un père spirituel avec respect et gratitude. Tels sont les prodiges de la conviction religieuse.

Princes de l'Église, il vous suffira de laisser tomber vos suffrages pour donner à la communion des fidèles un chef qui, puissant par la doctrine et l'autorité du passé, n'en connaisse pas moins les nouveaux besoins du présent et de l'avenir, un pontife d'une vie sainte, mêlant la douceur de la charité à la sincérité de la foi. Toutes les couronnes forment un même vou, ont un même besoin de modération et de paix. Que ne doit-on pas attendre de cette heureuse harmonie? que ne peut-on pas espérer, éminentissimes seigneurs, de vos lumières et de vos vertus?

Il ne me reste qu'à vous renouveler l'expression de la sincère estime et de la parfaite affection du souverain aussi pieux que magnanime dont j'ai l'honneur d'être l'interprète auprès de vous.

[merged small][ocr errors]

Donné par le Roi de France à son ministre plénipotentiaire le

duc de CHOISEUL-PRASLIN.

Plein-Pouvoir de S. M. Très-Chrétienne.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre; A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut: Comme les préliminaires signés à Fontainebleau le troi

sième novembre de l'année dernière, ont posé les fondemens de la paix rétablie entre nous et notre très cher et très amé bon frère et cousin le roi d'Espagne d'une part, et notre très amé et très cher bon frère le roi de la GrandeBretagne, et notre très cher et très amé bon frère et cousin le roi de Portugal de l'autre : nous n'avons eu rien plus à cœur, depuis cette heureuse époque, que de consolider et affermir de la façon la plus durable, un si salutaire et si important ouvrage, par un traité solennel et définitif entre nous et lesdites puissances. Pour ces causes et autres bonnes considérations, à ce nous mouvant, nous confiant entièrement en la capacité et expérience, zèle et fidélité pour notre service, de notre très cher et bien amé cousin, César-Gabriel de Choiseul, duc de Praslin, etc., etc., nous l'avons nommé, commis et député, et par ces présentes signées de notre main, le nommons, commettons et députons notre ministre plénipotentiaire, lui donnant plein et absolu pouvoir d'agir en cette qualité, et de conférer, négocier, traiter et convenir conjointement avec le ministre plénipotentiaire de notre très cher et très amé bon frère le roi de la Grande-Bretagne, le ministre plénipotentiaire de notre très cher et très amé bon frère et cousin le roi d'Espagne, et le ministre plénipotentiaire de notre très cher et très amé bon frère et cousin le roi de Portugal, revêtus de pleins pouvoirs en bonne forme, arrêter, conclure et signer tels articles, conventions, déclarations, traités définitifs, accessions et autres actes quelconques qu'il jugera convenables pour assurer et affermir le grand ouvrage de la paix; le tout avec la même liberté et autorité que nous pourrions faire nous-même, si nous y étions présent en personne, encore qu'il y eût quelque chose qui requît un mandement plus spécial qu'il n'est obtenu dans ces présentes, promettant en foi et parole de roi, d'avoir agréable, tenir ferme et stable à toujours, accomplir et exécuter ponctuel

lement tout ce que notredit cousin, le duc de Praslin, aura stipulé, promis et signé en vertu du présent plein-pouvoir, sans jamais y contrevenir, ni permettre qu'il y soit contrevenu pour quelque cause et sous quelque prétexte que ce puisse être ; comme aussi d'en faire expédier nos lettres de ratification en bonne forme, et de les faire délivrer pour être échangées dans le temps dont il sera convenu. Car tel est notre plaisir, en témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à ces présentes.

Donné à Versailles, le septième jour du mois de février, l'an de grâce mil sept cent soixante-trois, de notre règne le quarante-huitième.

LOUIS.
Par le roi,

le duc DE CHOISEUL.

PLEIN-POUVOIR

Du comte de VERGENNES, plénipotentiaire-médiateur.

Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre; A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut: Animés comme nous le sommes du désir de concourir au maintien de la paix qui subsiste heureusement entre toutes les puissances de l'Europe, nous nous sommes fait un devoir d'intervenir par nos bons offices dans les discussions qui se sont élevées en dernier lieu entre notre très cher et très aimé bon frère, cousin et beau-frère l'empereur des Romains, roi de Hongrie et de Bohème; et les seigneurs États-Généraux des Provinces-Unies. Nous avons vu avec une extrême satisfaction que nos soins n'ont point été infructueux, et que ces deux puissances sont parvenues à ar

rêter des articles préliminaires pour servir de base au traité définitif qu'elles sont sur le point de conclure. Elles nous ont invité de participer à cet ouvrage salutaire en qualité de médiateur, et d'en assurer l'effet par notre garantie; et nous sommes portés avec d'autant plus d'empressement à nous rendre à cette invitation, qu'elle est une preuve de constance que notre susdit frère l'empereur et lesdits seigneurs ÉtatsGénéraux mettent dans notre amitié, dans notre justice et notre impartialité. A ces causes et autres bonnes considérations à ce nous mouvant, nous confiant entièrement en la capacité et expérience, zèle et fidélité pour notre service, de notre très cher et bien aimé le sieur comte de Vergennes, notre conseiller en tous nos conseils, commandeur de nos ordres, chef de notre conseil royal des finances, conseiller d'État, ministre et secrétaire d'État, et de nos commandemens et finances, ayant le département des affaires étrangères, nous l'avons nommé, commis et député, et par ces présentes, signées de notre main, le nommons, commettons, ordonnons et députons, et lui avons donné et donnons plein-pouvoir, commission et mandement spécial, en qualité de notre ministre plénipotentiaire, pour faire en notre nom et en ladite qualité de ministre plénipotentiare, les fonctions de médiateur, prendre telle intervention et telle part qui conviendront à ces fonctions, et à tous traités, articles et conventions que les ministres plénipotentiaires de notredit frère l'empereur des Romains et desdits États-Généraux pourront arrêter, conclure et signer entre eux, et qu'il leur délivre, sur lesdits actes celui de notre garantie; voulant qu'il agisse en cette occasion ainsi que nous ferions ou pourrions faire si nous étions présens en personne, encore qu'il y eût quelque chose qui requît un mandement plus spécial non contenu en cesdites présentes: promettant en foi et parole de roi, d'avoir agréable, tenir ferme et stable à toujours, accomplir et exécuter ponctuellement tout ce

« PreviousContinue »