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guant avec un convoi anglais, d'échapper aux croiseurs danois aussi bien que français, cette intention avait manqué son effet, et l'on pourrait demander quels droits belligérants du Danemark ont été lésés par une pareille tentative avortée. S'il en est ainsi, ce doit être le droit de visite et de recherche. Mais ce droit n'est pas un droit matériel et indépendant, dont soient investis les belligérants par le droit des gens, pour vexer à leur gré et interrompre le commerce des neutres. C'est un droit naissant du droit plus grand de capturer la propriété ennemie ou la contrebande de guerre, et dont on doit se servir comme moyen de soutenir et mener à fin l'exercice de ce dernier droit. Ici l'exercice véritable du droit ne rencontra en fait jamais d'opposition, et aucune injure n'en était résultée pour la puissance belligérante. Mais on pourrait dire peut-être qu'il aurait pu rencontrer de l'opposition et avoir été véritablement repoussé, sans la circonstance fortuite de la séparation de ces vaisseaux des forces qui les accompagnaient, et que tout le commerce du monde avec la Baltique aurait été ainsi garanti efficacement contre la capture danoise. Et comme réponse on peut demander quelle injure aux droits belligérants du Danemark serait résultée de cette circonstance. Si la propriété était neutre et ce voyage légal, quel préjudice peut-il résulter de ce que les vaisseaux eussent échappé à l'examen? D'un autre côté, si la propriété était propriété ennemie, sa délivrance doit être attribuée à la force supérieure de l'ennemi ce qui, quoique étant une perte, ne pouvait être une injure dont le Danemark ait pu avoir un droit légitime de se plaindre. A moins qu'il ne fût démontré qu'un vaisseau neutre qui navigue est forcé de s'offrir volontairement à l'exercice du droit de recherche par les croiseurs belligérants, sans avoir le droit de s'y soustraire par aucune espèce de moyens, il était évident que ce vaisseau pouvait essayer de l'éviter par tout moyen non en dehors des

204 DROITS DE LA GUERRE A L'ÉGARD DES ÉTATS NEUTRES.

lois. La résistance ouverte à la recherche, la fuite en s'arrachant des mains de l'ennemi, la spoliation frauduleuse, la dissimulation de papiers sont des moyens évidemment illégaux, qui, à moins d'être atténués par les circonstances, peuvent recevoir l'application de la peine de la confiscation. Ceux qui alléguaient que naviguer sous un convoi belligérant était s'exposer aux mêmes conséquences, devaient le prouver par un appel aux oracles du droit public, aux textes des traités, à quelque décision d'un tribunal international, ou à la pratique générale et à la manière de voir des nations 1.

La négociation se termina par la signature d'un traité, en 1830, entre les États-Unis et le Danemark. Par ce traité le Danemark stipula une indemnité en faveur des réclamants américains en général, pour la saisie de leur propriété, au moyen du payement d'une somme fixe en bloc, en laissant au gouvernement américain le soin d'en faire faire la répartition par des commissaires de son choix, autorisés à décider selon les principes de justice, d'équité et du droit des gens. En outre, cette convention fut déclarée n'avoir d'autre objet que de mettre fin à toutes réclamations « et ne pouvoir être jamais invoquée par la suite par l'une ou l'autre des parties comme un précédent ou une règle pour l'avenir 2.»>

1 M. Wheaton au comte de Schimmelmann, 1828.

2 MARTENS, Nouveau Recueil, t. VIII, p. 350. ELLIOT'S American diplomatic code, vol. I, p. 453.

CHAPITRE IV.

TRAITÉ DE PAIX.

$ 1.

Pouvoir de

dépendant de la constitution

civile.

Le pouvoir de conclure la paix, comme celui de déclarer la guerre, dépend de la constitution civile de l'État. faire la paix Ces pouvoirs sont généralement unis. Dans les monarchies absolues ils résident tous deux dans le souverain, et même dans les monarchies limitées ou constitutionnelles, la couronne peut être investie de chacun d'eux. La constitution anglaise est de cette dernière espèce. Mais on sait bien que dans son administration pratique le pouvoir réel de faire la guerre réside véritablement dans le parlement, sans l'approbation duquel elle ne peut être réalisée, et dont le corps a par conséquent le pouvoir de forcer la couronne à faire la paix, en supprimant les secours nécessaires pour poursuivre les hostilités. La constitution fédérale des États-Unis d'Amérique place le pouvoir de faire la guerre dans les deux chambres du congrès, avec l'assentiment du président. Par la forme de la constitution, le président a le pouvoir exclusif de faire les traités de paix, qui, lorsqu'ils sont ratifiés par l'avis et le consentement du sénat, deviennent la loi suprême de la république, et ont pour effet de révoquer la déclaration de guerre, et toutes les autres lois du congrès et celles des États respectifs qui s'opposent à leurs stipulations. Mais le congrès peut, quand il veut, forcer le président à faire la paix, en lui refusant les moyens de continuer la guerre. En France,

Pouvoir de

faire les

traités de

paix limité dans son étendue.

le roi a, d'après les termes exprès de la charte constitutionnelle, le pouvoir de déclarer la guerre, de faire les traités de paix, d'alliance et de commerce, mais comme en Angleterre, le pouvoir réel de faire la paix et la guerre réside dans les chambres, qui ont la faculté d'accorder ou de refuser les moyens de poursuivre les hostilités.

Le pouvoir de faire les traités de paix, comme celui de faire les autres traités avec les États étrangers, est ou peut être limité dans son étendue par la constitution nationale. Mais nous avons déjà vu qu'un pouvoir général de faire les traités de paix implique nécessairement le pouvoir de stipuler les conditions de la paix. Parmi ces conditions on peut ranger la cession du territoire public ou autre propriété, aussi bien que celle de la propriété privée comprise dans le domaine éminent. Si donc il n'y a pas de limite expresse dans les lois fondamentales de l'État, ou résultant nécessairement de la distribution de ses pouvoirs constitutionnels sur le pouvoir de traiter à cet égard, il s'étend nécessairement à l'aliénation de la propriété publique et privée, quand elle est jugée nécessaire à la sûreté ou à la politique de la nation1.

Le devoir de donner compensation aux individus dont la propriété privée a été ainsi sacrifiée au bien-être général, est rangé par les publicistes comme un corollaire du droit souverain d'aliéner les propriétés comprises dans le domaine éminent. Mais ce devoir doit avoir des bornes. On ne peut supposer qu'un gouvernement puisse, en conséquence du bien-être de tous ses membres, prendre sur lui le fardeau des pertes résultant de la conquête ou du démembrement violent de l'État. Lors donc que la cession de territoire est le résultat de la force et de la conquête, formant un cas d'impérieuse nécessité qu'il est au-dessus du pouvoir de l'État d'empêcher, elle n'impose pas au

1 Vide ante, pt. III, chap. 11, § 7, p. 240.

gouvernement l'obligation d'indemniser ceux qui peuvent avoir à souffrir une perte de propriété par la cession1.

Les lois fondamentales de la plupart des gouvernements -libres limitent le pouvoir de traiter relatif au démembrement de l'État, ou par une prohibition expresse, ou nécessairement implicite, résultant de la nature de la constitution. Ainsi, même sous la constitution de l'ancienne monarchie française, les États- Généraux du royaume déclarèrent que François Ier n'avait pas le pouvoir de démembrer le royaume comme il fut forcé de le faire dans le traité de Madrid conclu par ce monarque; et cela non pas seulement sous le simple prétexte qu'il était prisonnier, mais parce que l'assentiment de la nation, représentée par les États-Généraux, était essentiel à la validité du traité. La cession de la province de Bourgogne fut donc annulée, comme contraire aux lois fondamentales du royaume; et les États- Provinciaux de ce duché déclarèrent, selon Mézeray, que: «n'ayant jamais été sujets d'une autre couronne que celle de France, ils mourraient dans cet engagement de fidélité; et s'ils étaient abandonnés par le roi, ils prendraient les armes et maintiendraient leur indépendance par la force, plutôt que de passer sous une domination étrangère.» Mais quand l'ancienne constitution féodale de la France fut graduellement abolie par le non-usage des États-Généraux, et que la monarchie absolue fut solidement établie sous Richelieu et Louis XIV, le pouvoir de céder des portions du territoire public pour prix de la paix passa dans les mains du roi, sur lequel se concentraient tous les pouvoirs du gouvernement. Les différentes constitutions établies en France après la révolution de 1789, limitèrent ce pouvoir à différents degrés dans les mains de la puissance exécu

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1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. xx, § 7. VATTEL, Droit des gens, liv. I, chap. xx, § 244; liv. IV, chap. II, $ 12. KENT'S Commentaries on American law, vol. I, p. 178. 5th ed.

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