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tive. La disposition dans la constitution de 1795, par laquelle les contrées récemment conquises sur la rive gauche du Rhin furent annexées au territoire français, devint un obstacle insurmontable pour la conclusion de la paix aux conférences de Lille. Par la charte constitutionnelle de 1830, le roi est investi du pouvoir de faire la paix, sans aucune limite à cette autorisation autre que celle impliquée dans la distribution générale des pouvoirs constitutionnels du gouvernement. Cependant on croit que, d'après la manière de voir générale des publicistes français, l'assentiment des chambres revêtu des formes d'un acte législatif est regardé comme essentiel à la validité ultérieure d'un traité cédant une portion du territoire national. L'étendue et les limites du territoire étant définies par les lois civiles, le pouvoir de traiter n'est pas considéré comme suffisant pour abroger ces lois.

En Angleterre le pouvoir de traiter, comme branche de la prérogative royale, n'a pas de limites en théorie; mais en pratique il est limité par le pouvoir général de contrôle du parlement, dont l'approbation est nécessaire pour mettre à effet un traité par lequel sont altérés les arrangements territoriaux existants de l'empire.

Dans les gouvernements confédérés l'étendue du pouvoir de traiter sous ce rapport doit dépendre de la nature de la confédération. Si l'union consiste dans un système d'États confédérés, conservant chacun sa souveraineté complète et intacte, il est évident que le conseil fédéral, même s'il est investi du pouvoir général de faire des traités de paix pour la confédération, ne peut légalement aliéner tout ou partie du territoire d'aucun membre de l'union, sans le consentement exprès de ce membre. Telle était la théorie de l'ancienne constitution germanique: le démembrement de son territoire était contraire aux lois fondamentales et aux maximes de l'Empire, et telle paraît être la véritable constitution de la Confédéra

tion germanique actuelle. Cette théorie du droit public de l'Allemagne a souvent été forcée, en pratique, de céder à l'impérieuse nécessité. Telle fut celle qui força la cession à la France des territoires appartenant aux États de l'Empire sur la rive gauche du Rhin par le traité de Luneville en 1800. Même dans le cas d'un gouvernement suprême fédéral ou d'un État composé, comme celui des États-Unis d'Amérique, il est peut-être permis de douter jusqu'à quel point le pouvoir général de traiter reposant sur le conseil fédéral conduit à celui d'aliéner le territoire d'un membre de l'Union sans son consentement.

L'effet d'un traité de paix est de mettre fin à la guerre et d'en détruire le sujet. C'est un consentement d'abandonner toute discussion concernant les droits respectifs et les réclamations des parties, et d'enfouir dans l'oubli les causes originaires de la guerre. Il défend le renouvellement de la même guerre, en recommençant les hostilités pour la cause originaire qui l'avait d'abord allumée, ou pour quoi que ce soit qui puisse être survenu dans le cours de cette guerre. Mais la stipulation générale de paix perpétuelle et d'amitié entre les parties n'implique pas qu'ils ne doivent jamais se faire la guerre pour toute autre cause. La paix se rapporte à la guerre qu'elle termine; et elle est perpétuelle en ce sens que la guerre ne peut jamais être recommencée pour la même cause. Ceci cependant n'exclura pas le droit de réclamer et de résister, si les griefs qui allumèrent la guerre dans l'origine étaient répétés. Car ces griefs présenteraient une nouvelle injure, et fourniraient une nouvelle cause de guerre aussi juste que la première. S'il est question entre les parties d'un droit abstrait sur lequel le traité de paix se taise, il résulte que toutes plaintes et injures antérieures s'élevant de cette réclamation sont jetées dans l'oubli par l'amnistie, nécessairement implicite, sinon expresse. Mais la réclamation elle-même n'est pas par là résolue d'une manière ou de

§3. Effets

d'un traité de paix.

l'autre. En l'absence de renonciation ou de reconnaissance expresse, elle reste ouverte à la discussion future. Et même l'arrangement spécial du point en discussion, s'il est spécial et limité, ne se rapporte qu'au mode particulier de soutenir la réclamation, et n'empêche pas les prétentions ultérieures de la partie sur d'autres fondements. De là l'utilité en pratique de demander une renonciation générale à toutes prétentions à la chose en controverse, renonciation qui a pour effet d'exclure pour toujours la revendication de la réclamation de quelque manière que ce soit 1.

Le traité de paix n'éteint pas les réclamations fondées sur des dettes contractées ou des injures faites avant la guerre, et qui ne se lient pas à ses causes, à moins qu'il n'y ait stipulation expresse à cet effet. Il n'affecte pas non plus les droits acquis antérieurement à la guerre ou les injures privées qui n'ont pas de rapports avec les causes qui ont produit la guerre. Par cette raison, les dettes contractées avant la guerre entre les sujets respectifs, bien que le recouvrement en soit suspendu pendant la guerre, revivent à la restauration de la paix, à moins qu'elles n'aient été réellement confisquées pendant la guerre dans le strict exercice de ses droits rigoureux, contrairement à la pratique moins sévère des temps modernes. Il y a même des circonstances où les dettes contractées ou les injures commises entre les sujets respectifs des nations belligérantes pendant la guerre peuvent servir de base à une réclamation valide, comme dans le cas d'actes de rançon et de contrats faits par des prisonniers de guerre pour subsistance, ou dans le cours d'un commerce conduit en vertu d'une licence. Dans tous ces cas, la réparation peut être revendiquée ultérieurement à la paix 2.

1 VATTEL, Droit des gens, liv. IV. chap. 1, § 19-21. 'KENT'S Commentaries on American law, vol. I, p. 168, 5th. ed.

L'Uti

base de tout traité de paix,

à moins de contraire expresse

convention

Le traité de paix laisse toute chose dans l'état où elle se trouve, à moins qu'il n'y ait stipulation expresse du possidetis contraire. L'état de possession existant est maintenu en tant cependant qu'il n'est pas altéré par les termes du traité. S'il n'est rien dit sur les places et le pays conquis, ils restent au vainqueur, dont le titre ne peut par la suite être remis en question. Tant que continue la guerre, le conquérant en possesion n'a qu'un droit usufructuaire, et le titre latent du premier souverain continue jusqu'à ce que le traité de paix, par son opération tacite ou ses dispositions expresses, éteigne son titre pour jamais 1.

La restitution du territoire conquis à son souverain originaire, par le traité de paix, emporte avec elle le rétablissement dans leur état primitif de toutes les personnes et de toutes les choses qui ont été temporairement sous la domination de l'ennemi. Cette règle générale s'applique sans exception à la propriété foncière, ou immeubles. Le titre acquis en guerre à cette espèce de propriété, jusqu'à ce qu'il ait reçu la confirmation d'un traité de paix, ne confère qu'un simple droit temporaire de possession.

Le droit de propriété ne peut pas être transféré par le conquérant à une partie tierce, de manière à lui donner le droit de réclamer contre le propriétaire primitif lors de la restitution du territoire au souverain originaire. Si d'un autre côté le territoire conquis est cédé au vainqueur par le traité de paix, un pareil transfert intermédiaire est par ce moyen confirmé, et le titre de l'acquéreur devient valide et complet. A l'égard de la propriété personnelle ou mobilière on applique une règle différente. Le titre de l'ennemi aux choses rangées sous cette dénomination est considéré comme complet contre le propriétaire primitif, après vingt-quatre heures de possession par rapport au 1 GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. VI, 4 et 5. VATTEL, Droit des gens, liv. III. chap. XIII. § 197 et 198. MARTENS, Précis du droit des gens, liv. III, chap. IV, § 282. KLÜBER, Droit des gens moderne de l'Europe, § 254-259.

du

§ 5.

A partir

époquee

commence l'effet

du traité de paix.

butin fait sur terre. La même règle était autrefois considérée comme applicable aux captures de mer, mais l'usage plus moderne des nations maritimes exige une sentence formelle de condamnation de prise de guerre pour exclure le droit du propriétaire originaire à restitution sur le payement d'un droit de recousse. Mais puisque le jus postliminii n'a pas strictement parlant d'effet après la paix, si le traité de paix ne contient pas de stipulation expresse relativement à la propriété capturée, cette propriété reste dans l'état où le traité la trouve, et est ainsi tacitement cédée au véritable possesseur. Le jus postliminii est un droit appartenant exclusivement à l'état de guerre; et alors un transfert à un neutre avant la paix est valide, même sans sentence judiciaire de condamnation, s'il n'y a ni recouvrement ni reprise avant la paix. L'intervention de la paix comble tout défaut de titre, et investit le neutre d'une possession légale de la même manière qu'elle assure le titre de l'ennemi lui-même qui a fait une capture 1.

Un traité de paix lie les parties contractantes à partir de quelle du moment de sa signature. Les hostilités doivent cesser entre elles de cette époque, à moins que quelque autre époque ne soit indiquée dans le traité lui-même. Mais le traité ne lie les sujets des nations belligérantes que du moment où il leur est notifié. Tous actes intermédiaires d'hostilité commis par eux avant que cette notification ne leur soit parvenue ne peuvent être punis comme actes criminels. Il est cependant du devoir de l'État de restituer la propriété saisie après la conclusion du traité; et afin d'éviter les disputes relatives aux conséquences de pareils actes, il est d'usage de fixer dans le traité même l'époque à laquelle les hostilités devront cesser dans les différents lieux. Grotius exprime l'opinion que les individus ne sont pas responsables, même civiliter, des hostilités

1 VATTEL, liv. III, chap. xiv, § 209, 212, 216. ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. VI, p. 45. The Purissima Conception. P. 138. The Sophia.

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