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commerciales avec d'autres États d'après le point de vue de ses intérêts nationaux, pourvu que cette liberté ne soit pas exercée de manière à affecter cette impartialité que le neutre est obligé d'observer envers les puissances belligérantes respectives. Vattel établit que l'impartialité qu'une nation neutre est obligée d'observer se rapporte seulement à la guerre. «Dans tout ce qui ne regarde pas la guerre une nation neutre et impartiale ne refusera point à l'un des partis, à raison de sa querelle présente, ce qu'elle accorde à l'autre. Ceci ne lui ôte point la liberté dans ses négociations, dans ses liaisons d'amitié, et dans son commerce, de se diriger sur le plus grand bien de l'État. Quand cette raison l'engage à des préférences, pour des choses dont chacun dispose librement, elle ne fait qu'user de son droit. Il n'y a point là de partialité. Mais si elle refusait quelqu'une de ces choses-là à l'un des partis, uniquement parce qu'il fait la guerre à l'autre, et pour favoriser celuici, elle ne garderait plus une exacte neutralité 1. »

Ces principes généraux doivent être modifiés dans leur application à un État perpétuellement neutre. La liberté de régler ses relations commerciales avec d'autres États étrangers d'après le point de vue de ses intérêts nationaux, liberté qui est un attribut essentiel de l'indépendance nationale, n'autorise pas l'État perpétuellement neutre à contracter des obligations en temps de paix incompatibles avec ses devoirs particuliers en temps de guerre.

§ 5.

modifiée par une alliance

limitée avec

une des

Le neutralité peut aussi être modifiée par des engage- Neutralité ments antécédents au moyen desquels le neutre est lié à l'une des parties en guerre. Ainsi le neutre peut être obligé par traité antérieur à la guerre de fournir à l'une des parties belligérantes un secours limité d'argent, de troupes, de vaisseaux ou de munitions de guerre, ou d'ouvrir ses ports aux vaisseaux de guerre de son allié avec leurs prises.

1 VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. vII, § 104.

parties belligérantes.

§ 6. Neutralité modifiée naissant de

L'accomplissement d'une pareille obligation ne détruit pas sa neutralité, et ne le rend pas l'ennemi de l'autre nation belligérante, parce qu'il ne le rend pas l'associé général de son ennemi 1.

La question de savoir jusqu'à quel point une neutralité ainsi limitée peut être tolérée par la partie belligérante adverse, doit souvent dépendre plus des considérations politiques que du droit strict. Ainsi quand le Danemark, en conséquence d'un traité antérieur d'alliance défensive, fournit des secours limités de vaisseaux et de troupes à l'impératrice Catherine II de Russie, dans la guerre de 1788 contre la Suède, le droit abstrait de la cour danoise de rester neutre, excepté en ce qui regardait les secours stipulés, fut à peine contesté par la Suède et les puissances alliées médiatrices. Mais il résulte évidemment de l'histoire de ces transactions que si la guerre avait continué, la neutralité du Danemark n'aurait pas été tolérée par ces puissances, à moins qu'il n'ait refusé à son allié les secours stipulés par le traité de 1773, ou que la Russie ait consenti à le dispenser de l'accomplissement de ce traité 2.

Un autre cas de neutralité modifiée naît de stipulations de traité antérieur au commencement des hostilités, traité stipulations par lequel le neutre peut être forcé d'admettre dans ses antérieur ports les vaisseaux de guerre de l'une des parties belli

de traité

admettant

les vaisseaux

de gérantes avec leurs prises, tandis que les vaisseaux de

guerre

et les prises

de l'une des l'autre peuvent être entièrement exclus ou seulement adparties bel

dans

les ports neutres

ligérantes mis sous des limites et des restrictions. Ainsi par le traité d'amitié et de commerce de 1778, entre les États-Unis et tandis que la France, celle-ci se réserva deux priviléges spéciaux dans les ports américains: 1° l'admission pour ses corsaires

ceux

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VATTEL,

Pour les principes

1 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. 11. Droit des gens, liv. III, chap. vi, § 101-105. généraux à appliquer à ces traités, et quand naît le casus fœderis, vide supra partie III, chap. 1, § 14 et 15, p. 284.

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2 Annual Register, vol. XXX, p. 181 et 182. State Papers, p. 292. EGGERS, Leben von Bernstorf. 2. Abtheil., p. 118-195.

partie en

avec leurs prises à l'exclusion de ses ennemis; 2o l'ad- de l'autre mission pour ses vaisseaux de guerre publics en cas de sont exclus. pressante nécessité pour faire de l'eau, des vivres, des réparations, etc., mais non à l'exclusion des autres nations en guerre avec elle. D'après ces stipulations, les États-Unis n'étant pas expressément obligés d'exclure les vaisseaux publics des ennemis de la France, accordèrent asile aux vaisseaux anglais et à ceux des autres puissances en guerre avec elle. La Grande-Bretagne et la Hollande se plaignirent cependant des priviléges exclusifs accordés à la France à l'égard de ses corsaires et de leurs prises, tandis que la France elle-même n'était pas satisfaite de l'interprétation du traité par lequel les vaisseaux de guerre de ses ennemis étaient admis dans les ports américains. Aux premières il fut répondu par le gouvernement américain qu'elles jouissaient d'une égalité parfaite, modifiée seulement par l'admission exclusive des corsaires et des prises de la France, résultant d'un traité fait longtemps auparavant pour d'importantes considérations, non pas en vue de circonstances semblables à celles survenues dans la guerre de la révolution française, ni contre une nation en particulier, mais contre toutes les nations en général, et qui pouvait alors être observé sans donner à aucune un juste droit de s'offenser 1.

D'un autre côté le ministre de France prétendait avoir le droit d'armer et d'équiper des vaisseaux pour la guerre, et d'enrôler des hommes, dans le territoire neutre des États-Unis. En examinant cette question d'après le droit des gens et l'usage général de l'humanité entière, le gouvernement américain produisit des preuves des écrivains les plus éclairés et les plus estimés sur ce sujet, qu'une nation neutre doit relativement à la guerre observer une exacte impartialité envers les parties belligérantes;

1 Lettre de M. Jefferson à MM. Hammond et Van Berkel, 9 sept. 1793. WAITE's State Papers, vol. I, p. 169, 172.

§ 7. Hostilités

dans

le territoire

de l'Etat neutre.

§ 8. Passage

le territoire neutre.

que favoriser l'une au préjudice de l'autre, serait introduire une neutralité frauduleuse dont aucune nation ne voudrait être dupe; qu'aucun secours ne devait être donné à l'une ni à l'autre, à moins d'être stipulé par traité en hommes, en armes, ou autres choses, directement employées pour la guerre; que le droit de lever des troupes étant un des droits de souveraineté, et par conséquent appartenant à la nation elle-même, aucune puissance étrangère ne peut lever d'hommes sur le territoire sans son consentement; qu'enfin le traité de 1778, rendant déloyal pour les ennemis de la France d'armer aux ÉtatsUnis, ne pouvait être interprété affirmativement pour une permission aux Français d'armer dans ces ports, le traité étant exprès quant à la prohibition, mais se taisant sur la permission 1.

Les droits de la guerre ne peuvent être exercés que dans le territoire des puissances belligérantes, ou en pleine mer, ou dans un territoire n'appartenant à personne. Il suit de là que des hostilités ne peuvent être loyalement exercées dans la juridiction territoriale de l'État neutre qui est l'ami commun des deux parties 2.

Cette exemption s'étend au passage d'une armée ou à travers d'une flotte dans les limites de la juridiction territoriale, qui ne peut être aisément considéré comme un passage innocent, tel qu'une nation a le droit de le demander à l'autre. Et même si c'était un pareil passage innocent, c'est un de ces droits imparfaits dont l'exercice dépend du consentement du propriétaire, et qui ne peut être forcé contre sa volonté. Il peut être accordé ou refusé au gré de l'État neutre. Mais s'il est accordé, il n'y a pas lieu à réclamation de la part de l'autre puissance belligérante,

1 Lettre de M. Jefferson à M. G. Morris, 16 août 1793. WAite's State Papers, vol. 1, p. 140.

2 BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici lib. I, cap. VIII. MARTENS, des Prises et Reprises, chap. 11, § 18.

pourvu que le même privilége lui soit accordé, à moins qu'il n'y ait des raisons suffisantes pour le refuser 1. L'étendue de la juridiction territoriale maritime de tout état riverain de la mer a déjà été indiquée 2.

§ 9. Captures dans la juridiction territoriale

faites ou par des vaisseaux qui y stationnent

ou par des

vaisseaux

y voguant.

Non-seulement toutes les captures faites par les croiseurs belligérants dans les limites de cette juridiction sont absolument illégales et nulles, mais les captures faites par maritime les vaisseaux de guerre en station dans les baies ou les rivières, ou à l'embouchure des fleuves ou dans les havres d'un État neutre, pour exercer de cette station les droits de la guerre, sont aussi nulles. Ainsi lorsqu'un corsaire anglais s'établit dans la rivière du Mississipi, dans le territoire neutre des États-Unis, pour exercer de la rivière les droits de la guerre en allant ou venant, obtenant des informations à la Balize et visitant les vaisseaux qui descendaient la rivière, lorsque ce corsaire, disons-nous, fit la capture en question à trois milles anglais des les de sable formées à l'embouchure du Mississipi, sir W. Scott ordonna la restitution du vaisseau capturé. De même aussi quand un vaisseau belligérant se trouvant dans le territoire neutre fait avec ses chaloupes une capture en dehors de ce territoire, la capture est maintenue nulle. Car bien que la force ennemie fût employée contre le vaisseau capturé en dehors du territoire, on ne peut cependant permettre pour faire la guerre un pareil usage d'un territoire neutre. Cette prohibition ne doit pas s'étendre aux actes en dehors de la guerre, comme de se procurer des provisions et de l'eau, que le droit des gens tolère universellement; mais aucun acte à l'usage immédiat de la guerre n'a en aucune manière la permission de prendre naissance sur le territoire neutre 3.

1 Vide ante partie II, chap. iv, § 12, p. 180. — VATTEL, Droit des gens, liv. II, chap. vII, § 419-134. GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib, II. cap. 1, § 13. Sir W. Scott, ROBINSON'S Adm, Reports, vol. II, p. 353,

2 Vide ante partie II, chap. IV, § 6-8; p. 168-171.

The Anna, Nov. 1805. ROBINSON'S Admiralty Reports, vol. V, p. 373. The Twee Gebroeders, July 1800. Vol. III, p. 162.

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