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fournir aucun secours à ce que l'on appelait alors les colonies révoltées de l'Espagne. Dans la suite, comme ces colonies devinrent plus puissantes, il s'éleva une question de nature très-difficile, celle de décider, sur due considération, de leur relation de jure, à l'Espagne d'une part, et de leur indépendance de facto, de l'autre. Le droit des gens n'offrait aucune règle précise quant à la conduite qui devait être suivie par les puissances étrangères, d'après des circonstances aussi singulières que celles de la transition de colonies, de l'obéissance due à la mère patrie, à une complète indépendance.

Il était difficile de savoir jusqu'à quel point la loi établie ou droit commun était applicable à des colonies dans une pareille situation. Il devenait donc nécessaire, dans l'acte de 4819, de traiter les colonies comme réellement indépendantes de l'Espagne, et d'empêcher mutuellement à l'égard des deux l'aide qui jusque-là n'avait été défendu que pour l'une. C'était pour donner effet entier et impartial aux dispositions du traité avec l'Espagne prohibant l'exportation d'armes et de munitions aux colonies, mais ne prohibant pas leur exportation en Espagne, que l'acte du parlement déclara que la prohibition serait mutuelle. Quand, cependant, par le cours des événements résultant des mesures du congrès de Vérone, la guerre devint probable entre la France et l'Espagne, on sentit la nécessité de réviser ces relations. Il était évident que si la guerre éclatait véritablement, l'Angleterre devait, ou étendre à la France la prohibition existant déjà à l'égard de l'Espagne, ou annuler pour l'Espagne la prohibition à laquelle elle était soumise, pourvu qu'on eût l'intention de mettre les deux pays sur le même pied. Tant qu'il fut question de l'exportation d'armes et de munitions, il était du pouvoir de la couronne d'effacer toute inégalité entre les belligérants par une simple ordonnance prise en conseil. Cette ordonnance fut rendue, et la prohibition d'exporter des

armes et des munitions pour l'Espagne fut levée. Par cette mesure le gouvernement anglais offrait une garantie de sa neutralité bona fide. La simple apparence de neutralité aurait pu être conservée par l'extension de la prohibition à la France, mais ce n'eût été qu'une prohibition de mots et non de fait. Car la proximité des ports belges de la France aurait rendu totalement illusoire la prohibition de l'exportation directe en France. Le rappel de l'acte de 1819 aurait non pas le même effet, mais un effet correspondant à celui qu'aurait produit une ordonnance prohibant l'exportation en France d'armes et de munitions. Le rappel n'existerait qu'en paroles à l'égard de la France, mais en fait par rapport à l'Espagne, et produirait en faveur de l'Espagne une inégalité d'opérations incompatible avec une impartiale neutralité. On invoqua l'exemple de l'Amérique, soutenant qu'il était de la justice et de la politique d'empêcher les sujets d'un État neutre de s'enrôler au service d'une puissance belligérante, et de prohiber l'équipement dans ses ports d'armements devant venir en aide à cette puissance. Telle fut la conduite de ce gouvernement sous la présidence de Washington et le secrétariat de Jefferson. Telle fut plus récemment la conduite de la législature américaine en révisant les statuts de neutralité de 1818, quand le congrès étendit les dispositions de l'acte de 1794 au cas de ces États non-reconnus des colonies espagnoles de l'Amérique du Sud, auquel il n'avait pas été pourvu dans la loi primitive 1.

$18. Jusqu'à l'immunité quel point du territoire

L'illégalité des captures faites dans la juridiction territoriale d'un État neutre est incontestablement établie sur le principe, l'usage, et l'autorité. Cette immunité pour le territoire neutre de l'exercice des actes d'hostilité dans ses limites s'étend-elle aux vaisseaux de la nation en pleine mer pleine mer. et ne se trouvant pas dans la juridiction d'un autre État?

neutre s'étend aux vaisseaux neutres en

1 Annual Register, vol. LXI, p. 71.

- CANNING'S Speeches, vol. V, p. 34.

Nous avons déjà vu que les vaisseaux publics et privés de toute nation indépendante, en pleine mer et hors de la juridiction d'un autre État, sont soumis à la juridiction civile de l'État auquel ils appartiennent1. Cette juridiction n'est exclusive qu'en tant qu'elle regarde les délits commis contre les lois civiles de l'État auquel appartient le vaisseau. Elle exclut l'exercice de la juridiction de tout autre État d'après ses lois civiles, mais elle n'exclut pas l'exercice de la juridiction des autres nations pour les crimes qui relèvent du droit international, comme la piraterie et autres délits que toutes les nations ont un droit égal de juger et de punir. Exclut-elle donc l'exercice du droit du belligérant de capturer la propriété de l'ennemi?

Ce droit de capture est, de l'aveu général, de nature à être exercé dans le territoire de l'ennemi, ou dans un lieu n'appartenant à personne: enfin partout, excepté dans le territoire d'un État neutre. Le vaisseau d'une nation neutre en pleine mer peut-il être considéré comme un territoire neutre?

On a fait ici une distinction entre les vaisseaux publics et les vaisseaux privés d'une nation. Quant à ses vaisseaux · publics, il est universellement admis que le droit de visite, de recherche, de capture, ni aucun droit de la guerre, ne peuvent être exercés à bord d'un pareil vaisseau en pleine mer. Le vaisseau public appartenant à un souverain indépendant est exempt de toute espèce de visite et de recherche, même dans la juridiction territoriale d'un autre État. A plus forte raison doit-il être exempt de l'exercice des droits de la guerre sur l'Océan, qui n'appartient exclusivement à aucune nation 2?

A l'égard des vaisseaux privés, on l'a dit, le cas est différent. Ils ne forment point partie du territoire neutre, et

1 Vide ante, pt. II, chap. II, § 10, p. 134.

2 Vide ante, ibid.

quand ils sont dans le territoire d'un autre État ils ne sont point exempts de la juridiction locale. Cette portion de l'Océan temporairement occupée par eux ne forme pas une portion du territoire neutre; et le vaisseau lui-même, qui est un objet mobilier, propriété d'individus privés, ne forme pas partie du territoire de la puissance aux sujets de laquelle il appartient. La juridiction que cette puissance peut légalement exercer sur le vaisseau en pleine mer est une juridiction sur les personnes et les propriétés de ses citoyens: ce n'est pas une juridiction territoriale. Être sur l'Océan, c'est être dans un lieu où aucune nation particulière n'a de juridiction, et où par conséquent toutes les nations peuvent également exercer leurs droits internationaux 1.

Quel que soit le véritable principe originaire abstrait du droit naturel sur ce point, il n'est pas possible de nier que l'usage constant et la pratique des nations belligérantes, depuis les temps les plus reculés, ont soumis à capture et à condamnation, comme prise de guerre, les marchandises de l'ennemi trouvées dans des vaisseaux neutres. Cet usage constant et universel n'a été interrompu que lorsque dans un traité formé entre les parties, se trouvait une loi conventionnelle dérogeant temporairement à ces stipulations 2.

Les règlements et la pratique de certaines nations maritimes à différentes époques n'ont pas seulement considéré les marchandises de l'ennemi chargées sur des AZUNI,

1 RUTHERFORTH'S Instit., vol. II, b. II, chap. IX, § 19. Diritto marittimo, pt. II, chap. III, art. 2.

Lettre des envoyés amé

ricains à Paris à M. de Talleyrand, 17 janv. 1798. WAITE'S American State Papers, vol. IV, p. 34.

2 Consolato del mare, cap. CCLXXIII. des gens, t. I, p. 72, 153, 157. lib. I. cap. XXVII.

- WHEATON, Histoire du droit ALBERICUS GENTILIS, Hisp. advoc., GROTIUS, de Jure belli ac pacis, lib. III, cap. vi, - BYNKERSHOEK, Quæstionum juris publici VATTEL, Droit des gens, liv. III, chap. vii, § 415. LOCCENIUS, de Jure mar.,

§ 6, 26; cap. 1, § 1, note 6. lib. I, cap. XIV.

HEINECCIUS, de Nav. ob. vect., cap. 11, § 9.

lib. II, cap. iv, § 12. AZUNI, Diritto marittimo, pt. II, chap. 1,

art. 1,

2.

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chandises navires amis comme exposées à capture, mais ils ont con

ennemies

à confisca

tion par les

sujets damné à la confiscation le vaisseau neutre à bord duquel ordonnances ces marchandises avaient été chargées. On a cherché à jusde quelques tifier cette pratique, sur son analogie supposée avec le

§ 21. Biens d'une

droit romain, qui enveloppait le moyen de transport des
objets prohibés dans la confiscation prononcée contre ces
objets eux-mêmes 1.

Ainsi, par l'ordonnance sur la marine de Louis XIV de
4681, tous les vaisseaux chargés des biens de l'ennemi
sont déclarés loyales prises de guerre. La règle contraire
avait été adoptée par les précédentes ordonnances de
prises de la France. Elle fut remise en vigueur par le
règlement de 1744, qui déclara que « dans le cas où on
trouverait à bord des vaisseaux neutres de quelque nation
qu'ils fussent des biens ou effets appartenant aux ennemis
de Sa Majesté, les biens et effets seraient de bonne prise
et les vaisseaux seraient rendus.» Valin, dans son com-
mentaire sur l'ordonnance, admet que la règle plus rigide
qui avait continué à prévaloir dans les tribunaux de prises
français, de 1681 à 1744, était particulière à la jurispru-
dence de la France et de l'Espagne; mais que l'usage
des autres nations était seulement de confisquer les biens
de l'ennemi 2.

Quoique, d'après l'usage général des nations, indépennation amie damment des stipulations de traités, les biens de l'ennemi

bord des vaisseaux

exposés à la

par les codes

de l'ennemi, trouvés à bord de vaisseaux amis soient susceptibles de
confiscation capture et de condamnation, cependant la règle réciproque
de prises qui soumet à la confiscation les biens d'une nation amie
de quelques
nations. à bord des vaisseaux ennemis est manifestement contraire
à la justice et à la raison. Il peut, il est vrai, comme l'a
dit Grotius, naître la présomption que les biens sont la
propriété de l'ennemi. Mais c'est là une présomption à

1 BARBEYRAC, Note à Grotius, lib. III, cap. vi, § 6, note 1.
2 VALIN, Comment. sur l'ordon. de la mar., liv. III, tit. Ix; Des
prises, art. 7. WHEATON, Histoire du droit des gens, p. 111-114.

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