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contamination conjugale peut être réduit à un minimum, et l'aléa peut n'être pas plus grave que celui qui se rencontre dans la plupart des actions humaines et ne doit donc en rien éloigner du mariage. Le séducteur est plus dangereux au point de vue qui nous occupe que n'est l'honnête candidat au mariage; par le fait même qu'il cst un séducteur, il doit être considéré comme un homme sans scrupules, c'est lui qu'il faut redouter à tous égards et surtout au point de vue de la contamination.

Si j'avais pu contribuer, par les avertissements qui précèdent, à vous instruire et à être utile, soit à vous-mêmes, soit aux compagnes que vous pourrez rencontrer sur le chemin de la vie, je ne regretterais pas la légère peine qui s'ajoute à l'honneur d'avoir préparé cette conférence : c'est à dessein que je dis préparé, car je vous prie de croire que je n'ai rien laissé à l'improvisation en un sujet si délicat, et que j'ai pesé tous mes mots.

La Société de Prophylaxie sanitaire et morale a bien voulu me charger de venir à vous; j'y suis venu sans hésiter; j'ai pris votre raison au sérieux; j'ai fait appel à votre cœur; il ne me reste plus qu'à vous remercier de m'avoir écouté jusqu'au bout; de m'avoir suivi sur ce périlleux terrain, et à vous donner un dernier conseil.

Le mal que j'ai décrit est bien loin de vous, je veux le croire; vous n'avez nulle envie de vous exposer à ses atteintes; la morale vous défend; vos sentiments religieux vous gardent; votre pudeur instinctive vous est une barrière d'honneur; mais s'il vous arrivait, ce qu'à Dieu ne plaise, de glisser quelque peu; de risquer un faux pas, et d'être la victime d'une imprudence, laissez-moi, comme un bon ami, vous donner cet avis: «Ne gardez point pour vous, un secret, qui peut devenir redoutable; parlez promptement; parlez à qui de droit; confiez à des parents qui vous aiment, le malheur survenu, et que bien vite, le médecin qui a leur confiance intervienne, afin qu'on puisse discrètement et sûrement procéder à la cure nécessaire. Le médecin sera, en outre, votre meilleur avocat; ayant beaucoup vu, il est plein d'indulgence; il en est arrivé à ne s'étonner de rien, et dans toutes les occasions de la vie, il se plaît à commenter cet axiome que « tout expliquer, c'est beaucoup pardonner ».

Que si la crainte du courroux d'un père devait paralyser votre effort, rappelez-vous que vous pourriez trouver secours discret et efficace à notre Société de prophylaxie sanitaire et morale, elle ne se borne pas à faire des conférences et des brochures; elle va orga

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niser des dispensaires où les soins médicaux seront donnés tuitement avec toute la décence et la délicatesse convenables, à des heures abordables aux travailleuses; elle compte parmi ses associées de vaillantes femmes qui ont déjà fondé des asiles pour le relèvement de la femme déchue; elle est composée d'hommes de bien, appartenant à toutes les professions, auxquels j'ai fait de mon mieux connaître dans le détail toutes les œuvres visant la protection de la jeune fille ces œuvres sont nombreuses; elles ont pour but de défendre la jeune fille contre les séductions qui la guettent, contre toutes les intempéries morales; de lui tendre une main secourable quand elle est isolée et dans le besoin; enfin de lui offrir un asile et des soins, quand, après avoir failli, elle semble abandonnée de Dieu et des hommes.

Je ne crois pas m'avancer trop en affirmant que toutes les per sonnes faisant partie de notre Société se feraient un devoir de secourir une jeune fille angoissée. Notre Société est en effet essentiellement libérale. Elle a pour principe que « les coupables ne sont que des témoins » et « qu'il ne faut pas achever le roseau fêlé, ni éteindre la mèche qui fume encore ». Sa bienfaisante intervention s'étend jusqu'à la femme qui semble perdue sans retour ...et l'esprit qui la guide est le même qui dictait au poète ces magnifiques vers que je m'en vais vous dire, pour jeter une teinte de poésie, sur toutes les tristesses que j'ai dû vous dévoiler.

Ah! n'insultez jamais une femme qui tombe:
Qui sait sous quel fardeau sa pauvre àme succombe?
Qui sait combien de jours sa faim a combattu?
Quand le vent du malheur ébranlait leur vertu;
Qui de nous n'a pas vu de ces femmes brisées
S'y cramponner longtemps, de leurs mains épuisées,
Comme au bout d'une branche on voit étinceler
Une goutte de pluie, où le ciel vient briller;
Qu'on secoue avec l'arbre, et qui tombe et qui lutte;
Perle avant de tomber et fange après sa chute.
La faute en est à toi, à toi, riche, à ton or...
Cette fange d'ailleurs contient l'eau pure encor;
Pour que la goutte d'eau sorte de la poussière
Et redevienne perle, en sa splendeur première,
Il suffit, c'est ainsi que tout remonte au jour,
D'un rayon de soleil ou d'un rayon d'amour.

Quelque soin que nous ayons mis dans cette instruction pour atténuer ce qu'il y a forcément d'un peu pimenté dans le mets à servir, au point que nous l'avons à dessein quelque peu affadi, nous craignions d'abord qu'elle n'effarouchât encore la pudeur virginale; qu'elle ne soulevât dans les familles des protestations regrettables, qu'elle ne détournât quelques jeunes filles du mariage par une crainte exagérée des contaminations conjugales; aussi l'avons-nous fait lire à diverses personnes prises dans les différents mondes et presque toutes nous ont affirmé que, telle qu'elle était, elle pouvait servir comme son aînée de canevas à des conférenciers et de passe-partout aux propagandistes qui voudraient entrer en relations avec les diverses directrices d'œuvres visant la protection et la réhabilitation de la jeune fille.

Parmi les œuvres de protection où nous pourrions avoir accès et utile intervention et qui sont en plein fonctionnement, il nous faut citer :

Les patronages des jeunes ouvrières (il y en a III à Paris, 151 dans la banlieue) dont la présidente générale est Mme la comtesse de Blancas ;

L'œuvre sociale de Popincourt (rue de la Folie-Regnault, 72) est à signaler à cause de l'esprit essentiellement libéral qui préside à toutes ses opérations (Président : M. le marquis Costa de Beauregard;

L'œuvre de sœur Rosalie, boulevard d'Italie, 50, avec son bureau pour la légitimation des mariages;

L'œuvre des apprentissages catholiques (Directrice Mlle d'Herouville, passage Dechambre, 6) ne reçoit que des jeunes ouvrières de 13 à 17 ans justiciables, par conséquent, de notre action :

L'association pour le placement d'orphelins des deux sexes, 37, rue de Turenne;

Les maisons de famille pour jeunes filles isolées sont nombreuses à Paris, mais malgré le zèle développé pour leur donner de l'extension, c'est à peine si 1 200 places sont assurées et c'est surtout pour des institutrices. Parmi les maisons de famille qui reçoivent plus spécialement les ouvrières, citons la maison sise au no 106, rue de Vaugirard; l'oeuvre familiale des ouvrières, 20, rue d'Hauteville; l'hôtellerie populaire pour femmes fondée en 1901 par l'Armée du salut, rue Fontaine-au-Roi, 10 (c'est une des plus importantes puisqu'elle contient 225 lits); la maison

Marjolin, rue des Grandes-Carrières, 35, fondée par la Société philanthropique en 1902; celle de la rue de la Sourdière qui reçoit des ouvrières de 16 à 25 ans orphelines ou éloignées de leur famille; la Parisienne, fondée par les religieuses de Marie-Auxiliatrice, 25, rue de Maubeuge.

Mais, ce sont surtout les œuvres pour la correction, la réhabilitation et la préservation des jeunes ouvrières qui ont pris depuis quelques années une extension significative; il est bon que nous les connaissions pour y faire pénétrer la bonne parole: Sans doute la brochure que je vous ai soumise n'aura pas dans ces milieux une efficacité de premier ordre, mais elle permettra, aux membres de la Commission de propagande, de parvenir jusqu'aux directrices de ces diverses institutions qui, en général, n'ouvrent que difficilement leurs portes aux visiteurs, pour des raisons de convenance que chacun comprend. C'est aux directrices une fois instruites qu'il appartiendra de devenir à leur tour éducatrices, pour les jeunes filles confiées à leurs soins parmi ces institutions citons les principales: l'œuvre des libérées de Saint-Lazare, place Dauphine, 14; l'œuvre du Bon-Pasteur, rue Denfert-Rochereau, 71, dont la Présidente, Mme Ruynaud Fontaine, est de notre Société de prophylaxie sanitaire et morale. Cette maison abrite 160 pénitentes qui entrent librement et sont toujours libres de sortir. Elle a cela de commun avec le refuge de Sainte-Anne, 17, rue de Paris, à Châtillon, et avec la maison de Refuge israélite, boulevard de la Saussaye, 19 (Neuilly), enfin, avec l'œuvre libératrice fondée et si bien dirigée par Me Avril de Sainte-Croix, notre dévouée collaboratrice. Elle n'a, par contre, rien de commun avec l'importante congrégation de Notre-Dame du Bon-Pasteur qui a sa maison-mère à Angers, et 38 autres maisons en France dont une à Conflans-Charenton et que tout le monde connaît d'après la remarquable enquête de M. H. Joly (Réforme sociale, 16 août 1901).

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L'œuvre de préservation et de réhabilitation pour les jeunes filles de 15 à 25 ans a son siège, boulevard de Lorraine, 96, à Clichy, Mme Lannelongue en est la trésorière; - voir aussi l'œuvre de Préservation, rue de Vanves, 185; le refuge Saint-Michel, 193, rue Saint-Jacques; - la maison de Châtenay (Seine), l'ouvroir de la rue de Vaugirard, 130; l'asile inauguré en 98 par la Société de patronage des détenues et des libérées de la Seine, rue MichelBizot, 21; l'asile de Clamart (42, rue de Torcy), ouvert tout

récemment par le Comité de la répression de la traite des blanches. Les asiles pour femmes enceintes doivent également nous être connus celui de Sainte-Madeleine (18, boulevard Montparnasse) et celui de Saint-Raphaël (297, rue Saint-Jacques) sont destinés plus spécialement aux jeunes filles enceintes, le Refuge-ouvroir de l'avenue du Maine, 203, auquel s'intéresse activement M. le Prof. Pinard, mérite une mention toute spéciale. Les médecins pénétrant dans ces asiles peuvent non seulement répandre la bonne parole, mais éteindre sur place les foyers de contagion; à ce titre nous devons aussi connaître l'asile-ouvroir de la rue Saint-Jacques, 253 et le refuge Michelet (200 lits), qui recueillent les femmes enceintes pendant les 6 dernières semaines de leur grossesse.

A connaître aussi les asiles destinés aux jeunes filles convalescentes rue Notre-Dame-des-Champs, 39; rue de Dombasle, 30, Drancy (Seine); place de l'Église, 6, Issy (Seine), etc. Ces asiles nous intéressent, car on sait ou du moins on devrait savoir combien et comment la maladie est une des pourvoyeuses de la prostitution clandestine.

Voilà, direz-vous, Messieurs, une énumération qui commence à devenir fastidieuse. Si j'ai cru devoir vous l'imposer c'est pour que vous connaissiez la plupart des ressources que la Société moderne met au service de la protection de la jeune ouvrière, et vous me pardonnerez, j'espère, en songeant à la peine que j'ai dû prendre moi-même pour faire connaissance avec la plupart de ces œuvres. Encourageons-les de notre mieux, toutes, sans distinctions d'ordre confessionnel, car elles nous offrent des milieux où nous pouvons pénétrer et atteindre des groupes d'ouvrières tandis que nous ne pouvons presque rien sur l'ouvrière isolée.

Une autre brochure sur laquelle nous appelons l'attention de la Société et dont la lecture serait profitable spécialement aux jeunes ouvriers est celle de M. le Dr Good intitulée : « Hygiène et morale », s'il plaît à l'éditeur de faire hommage à notre Société d'un certain nombre d'exemplaires, son offre sera acceptée avec reconnaissance par le Comité de propagande qui, nous l'espérons bien, trouvera dans quelque temps le moyen de constituer une bibliothèque où chacun de nous trouvera réunis et catade la Société de logués tous les ouvrages ayant trait à la prophylaxie sanitaire et morale.

Bibliothèque

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