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Correspondance imprimée.

Outre les envois réguliers du Progrès médical, des Bulletins de la Société de Tempérance, de la Société internationale (Bruxelles), de la Société allemande, etc., pour la lutte contre les maladies vénériennes, nous avons reçu des documents de la Société Danoise de prophylaxie, et notamment une notice sur l'Hygiène sexuelle, due à la plume alerte du distingué Dr Ehblers. Le seul défaut pour nous est que ces publications sont en langue danoise.

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M. Barthélemy. Il ne suffit pas de prévenir les maladies vénériennes et de préserver ceux qui ont la chance de rester sains; il faut encore s'efforcer de guérir ceux qui ont le malheur d'être contaminés. Cette cure est un moyen prophylactique de premier ordre. C'est à ce point de vue que je signale à l'attention de la Société le travail de M. Lévy-Bing, qui a étudié avec le plus grand soin les injections mercurielles intra-musculaires, lesquelles constituent un des traitements actuels les plus puissants de la syphilis.

Correspondance manuscrite.

Lettres de MM. :

1° Pinaud, lieutenant à Châteauroux, signalant une causerie avec projections lumineuses faite par lui aux soldats du 2° bataillon : « Un peu de morale; une cause de démoralisation de l'idée sexuelle; les maladies vénériennes; conseils aux soldats, etc.» « Le colonel engage les soldats à aller entendre cette causerie qui leur apprendra des choses utiles à connaître et leur indiquera certains dangers à éviter. » Avec un imprimé sur les maladies sociales, qu'il faut combattre en vue d'empêcher la dégénérescence de la race humaine.

2° Georgeot (Ch.)... « La plupart des racolages se concluent par une halte dans un des hôtels voisins. Il y a des quartiers où la location très passagère des chambres constitue la principale industrie du tenancier. Je crois me souvenir qu'il y a à ce sujet des règlements de police; mais il apparaît que ces règlements ne sont pas appliqués. D'où vient ce défaut de vigilance qui a un si grand retentissement sur la santé publique? Avec un peu plus de sévérité, il y aurait beaucoup moins de racolages suivis d'effets; car l'inconnu se refuse généralement, par crainte d'aventure, à suivre la femme chez elle. Il y a là une mesure préventive assez facile, il me semble, et qui ne serait pas sans efficacité... »

Sachant que la Société se préoccupe des affiches des vespasiennes, je crois bien faire en vous communiquant l'article suivant du Petit Temps : « Le professeur Augagneur, maire de Lyon, a déjà débarrassé les vespasiennes publiques des affiches où s'étalent les promesses les plus belles, et aussi, la plupart du temps, les plus trompeuses sur la guérison des maladies spécifiques. Il continue aujourd'hui, d'après le Lyon médical, un des principaux organes du mouvement scientifique lyonnais, cette œuvre d'assainissement par l'arrêté suivant qui vise la suppression des autorisations d'écussons, d'enseignes ou d'attributs placés sur la voie publique par les masseurs, les magnétiseurs, les somnambules, etc. :

« Vu la loi du 5 avril 1884; considérant que certains écussons, enseignes, affiches, attributs, etc., en saillie sur le domaine public, et, par suite, ne pouvant exister qu'avec l'autorisation de l'autorité municipale, servent à des industries s'exerçant en violation de la loi ou constituant de véritables entreprises d'escroquerie :

Considérant que la commune ne peut, sans être taxée d'immoralité, tolérer ces installations et encore moins en tirer un revenu par la perception de droits de voirie,

Arrête :

ARTICLE UNIQUE. Sont retirées toutes autorisations, déjà accordées; seront refusées toutes autorisations pour l'avenir, d'établir en saillie sur la voie publique, les écussons, enseignes, affiches, attributs, etc., à l'usage des rhabilleurs, rhabilleurs-masseurs, magnétiseurs, somnambules, cartomanciennes, chiroman

ciennes, etc. »

Peut-être serait-il à souhaiter que la préfecture de police et la préfecture de la Seine s'entendissent enfin pour suivre cet exemple en débarrassant tout au moins les édicules publics de Paris de ces annonces mensongères qui trompent, sciemment presque toujours, un grand nombre de malades trop crédules ou trop timides et blessent cyniquement tout au moins les yeux du public et des enfants... >>>

M. le Dr Goubert. — « J'ai eu l'occasion de parler à un juriconsulte éminent, homme politique bien connu, de la difficulté que l'on rencontre pour faire disparaître des urinoirs des affiches dont la plupart sont préjudiciables à la santé publique ces difficultés provenant de ce que l'on se heurte, sans texte de loi pour appuyer l'action, à des intérêts privés représentés par les commissionnaires qui afferment la publicité dans les édicules publics et par des traités en cours. «Mais a-t-on pensé, me répondit mon interlocuteur, à l'article 405 du Code pénal «Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, se sera fait remettre ou délivrer, ou aura tenté de se faire remettre ou délivrer des fonds, des meubles, on des obligations, dispositions, billets, quittances, promesses ou décharges, et aura, par un de ces moyens, escroqué ou tenté d'escroquer la totalité ou partie de la fortune d'autrui, sera puni d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq ans au plus et d'une amende de cinquante francs au moins et de trois mille francs au plus, etc. » N'est-il pas facile de prouver que les auteurs de certaines de ces affiches emploient des manoeuvres frauduleuses ou salariées pour persuader l'existence d'un pouvoir imaginaire et faire naitre l'espérance d'un succès chimérique (termes mêmes dudit article 405), qu'ils se font remettre de l'argent par

leurs victimes et par conséquent escroquent partie de la fortune d'autrui et tombent ainsi sous le coup de la loi?... »

« Avec cette arme seule on pourrait demander au Parquet et à la Préfecture de police la disparition des affiches mensongères. Ne serait-il pas préférable d'essayer d'abord d'un autre moyen? On pourrait obtenir de l'Académie de médecine une simple déclaration constatant la fausseté et le danger de telle ou telle réclame, et cela suffira pour obtenir de la Préfecture, et en peu de jours, un nettoyage complet. Je soumets cette consultation à la Société qui décidera si elle peut en tirer parti utile à sa cause, qui est la bonne cause..... »

COMMUNICATIONS

M. le Président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la question :

«Y a-t-il lieu d'appliquer les principes de la responsabilité civile et de la responsabilité pénale à la transmission des maladies vénériennes ? »

M. Fiaux. · La bienveillance de notre Président et l'attention de l'Assemblée me permettent de compléter les observations que j'avais l'honneur de vous présenter dans la dernière séance.

Nous disions que le délit de communication de syphilis est fondé en morale et en droit; que c'est une action foncièrement mauvaise et anti-sociale que de ne pas observer la restriction ou de ne pas rechercher les conseils de la médecine en matière de correspondance intersexuelle tant au point de vue du mariage que de l'union libre ou vulgivague, quand on est en état de contagiosité spécifique.

Il ne s'agit pas de créer un délit de maladie comme le semblent croire nos collègues Boureau et Dedet; il ne faut pas qu'il s'établisse de confusion ni dans nos débats, ni dans l'opinion extérieure: « Vous êtes malade, je vous soigne; vous m'êtes une personnalité sacrée comme tout autre malade. Vous contaminez sciemment une personne, jeune homme ou jeune fille qui se fic à vous; vous, malade, vous êtes devenu un simple coquin passible de peines effectives. » Voilà la thèse du délit de contamination.

Ce sont précisément ces données premières qui m'engagent à

renouveler ma demande d'un débat plus approfondi au point de vue du droit pénal sur l'état psychologique du contaminateur. Pour l'honneur de la nature humaine un cas très fréquent est celui de la contamination par ignorance; c'est la contamination par imprudence. La contamination absolument intentionnelle, c'est-à-dire le but calculé de contaminer une personne donnée et non une autre est par contre fort rare. Reste la contamination que M. Lucien Le Foyer a heureusement appelée consciente, que M. le sénateur Bérenger a dénommée contamination par imprudence volontaire : celle-là constitue l'immense majorité des cas et l'on ne saurait, sans montrer soi-même une psychologie peu juridique, assimiler ce délinquant authentique à l'imprudent classique par ignorance. Je trouve que notre illustre président, le professeur Fournier a traduit le beau cri de la conscience humaine quand il a, lui, prononcé, au fauteuil, le 10 janvier, cette grave parole : « Je me croirais plus coupable de donner la syphilis que de voler un portefeuille. » Sera-ce abuser de la science juridique de nos collègues jurisconsultes, MM. Bérenger, Mercier, Le Foyer, Paisant, Henri Hayem, que de leur demander de nouveaux éclaircissements techniques sur l'intention en droit pénal, plus intimement et profondément désignée en matière de contamination?

J'arrive, Messieurs, à l'envergure de la loi. A notre sens, M. Bérenger a parlé en homme public et même en savant en circonscrivant le délit de contamination à la contagion syphilitique. Si la blennorrhagie dont on demande l'inscription dans le projet de loi était la maladie terrible que nous dépeignent nos savants confrères spécialistes, les 9/10 des hommes et par conséquent des femmes seraient atteints dans leurs glandes procréatrices, testes et ovaires, seraient frappés de stérilité, etc. Or, assurément, chez les hommes il n'en est rien. Englober, je le répète, la vulgaire chaudepisse dans les méfaits passibles du petit criminel, c'est aller au-devant d'un succès général d'hilarité publique. Nous savons la distinction des uréthrites gonococciques et des uréthrites simples, mais la pathologie uréthrale est encore fort obscure. Un individu est atteint d'uréthrite infectieuse, on le lave au permanganate, on le guérit; il a un rapprochement avec une femme saine sur la foi de son médecin et à l'auto-spectacle d'un méat à peine humecté, sain; les gonocoques reparaissent, l'écoulement; la femme est infectée; voilà une uréthrite à répétition, une uréthrite reviviscente. Pouvez-vous punir

justement un tel contaminateur? Bacilles à part, ne savons-nous pas que les purulences dans une cavité ouverte comme l'urèthre, comme le vagin, ont été de tout temps dénoncées comme infectieuses? Création qui ne s'est jamais faite pour la syphilis, ne peuton pas créer sur place, par la conjonction d'organes masculins et féminins en fâcheux état, la purulence infectieuse? J'ai interrogé des gynécologues fort instruits, ils ont répondu par un nescio quand je leur ai demandé si chaudepisse à part telle métrite du col et du corps avec écoulement ne pouvaient pas infecter un canal viril? Je n'insiste pas sur ce terrain devant une assemblée qui comprend comme membres des maîtres en la matière, mais tout cela n'est pas terminé, élaboré comme science. D'ailleurs pourquoi alors éliminerait-on le chancre mou? Il est parfois fort grave. MM. Fournier et son maître Ricord ont publié des leçons sur le phagédénisme qui a pu être la mortelle complication du chancre simple.

Une autre observation me semble plus importante: elle s'adresse au beau discours de notre éminent vice-président M. Bérenger. Si j'ai bien compris l'orateur le 10 janvier, il s'agit surtout de protéger la fraction la plus moralement intéressante du public en action sexuelle, les femmes mariées, les jeunes ouvrières, les étudiants, les employés, les jeunes ouvriers, enfin tout le monde extraprostitutionnel. Les femmes inscrites, contaminées et contaminantes, étant couvertes par l'inscription administrative, ne seraient ni menacées ni protégées par la loi, car on ne pourrait admettre le traquenard où elles seraient prises entre les exigences protectrices de la police et les poursuites du public une fois lésé. Une telle situation juridique est positivement inadmissible. Les secours publics largement institués et offerts à tous et à toutes, il n'est pas plus admissible qu'un homme aveuglément obstiné à son plaisir et qu'une femme non moins acharnée à son lucre puissent sans obstacle, ou mieux sans dommage, propager leur mal personnel. La loi qui viserait ces contaminateurs hommes et protégerait les femmes d'accès facile, créerait un privilège de pratique malsaine aux femmes malades parce qu'elles seraient prostituées ouvertes, inscrites sur les registres de la police. L'esprit se refuse à comprendre cette grave entorse donnée à l'universalité de la loi, à son esprit d'égalité. Tant pis si le délit pénal, avec son caractère d'égalité, d'uniformité, d'équité, voisine si mal avec la police des mœurs qu'il fait place nette; tant mieux s'il met à la place une saine hygiène et un droit authentique.

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