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dans des fiècles bien poftérieurs à celui de ce Patriarche. La première portion appartenoit au Collège des Prêtres, qui étoient, au rapport de l'Hiftorien, dans une vénération fingulière, foit par le refpect que l'on portoit aux Dieux dont ils étoient les Miniftres, foit par la fageffe & les lumières qu'ils avoient puifées dans l'éducation qu'on leur avoit donnée. Ce n'étoit point en effet comme chez les Grecs, dit le même Historien, un feul homme ou une feule femme qui étoit revêtu du facerdoce; c'étoit une fociété de perfonnes qui tranfmettoient à leurs descendans la science & la pratique du culte des Dieux. Les Egyptiens croyoient, ajoute-t-il, que les Dieux devoient être servis par des perfonnes qui leur fuffent fpécialement confacrées, & ils ne vouloient pas d'un autre côté que ceux dont les confeils étoient utiles à tout le monde, manquaffent de rien pour eux-mêmes. Leurs biens étoient exemts de toute impofition: ils l'étoient fous le ministère de Jofeph & après lui, quoiqu'il fût paffé en loi depuis ce tems de payer

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au Roi la cinquième partie du revenu de toutes les terres (1).

Celui qu'on avoit affigné aux Prêtres étoit employé aux frais des facrifices, à l'entretien des Officiers fubalternes dont ils avoient befoin, & à la subsistance de leur propre famille. Confidérés par leur rang & par leur crédit, comme les premiers du Royaume après le Roi, ils étoient toujours attachés à fa perfonne, pour l'aider de leurs foins & de leurs lumières. Ils prétendoient lui dévoiler l'avenir, qu'ils fe flattoient de connoître comme Arufpices & comme Aftrologues; & ils tiroient des annales facrées les faits qui devoient lui fervir d'exemples. Ces annales étoient leur ouvrage, & il est aifé de concevoir, fous tous ces rapports, combien étoit grande l'influence qu'ils avoient fur le Gouvernement. Il leur étoit facile d'en abufer, & ils l'ont fait quelquefois, ainfi que nous l'avons vu fous le règne d'Aménophis, par rapport aux lépreux & aux impurs (2). Mais ce qui paroîtra (1) Gen. c. 47, 7. 26.

(2) Ci-deffus, tome 1, p. 53%,

fingulier, & ce qui, tous préjugés à part, eft cependant vrai, c'est que ce qu'il y avoit de bon dans les fciences & dans le Gouvernement, étoit en grande partie leur ouvrage; foit qu'on en fût redevable à leur application continuelle; foit que ce fût une fuite de l'éducation plus foignée qu'ils avoient reçue, & du crédit dont ils jouiffoient; foit enfin parce qu'à l'égard de l'adminiftration, ils oppofoient, comme étant le premier corps de l'Etat, un contrepoids néceffaire & une forte de frein au pouvoir trop abfolu du Monarque. Malheur en effet, comme a trèsbien vu ici M. Paw (1), malheur à tout Etat où le Sacerdoce eft rendu amovible, & plus encore où les dignités royale & facerdotale font réunies dans une même perfonne : il n'offre plus aucune barrière au defpotifine,

La feconde part des revenus de l'Egypte appartenoit aux Rois, & il falloit qu'elle fût confidérable, puifqu'ils en tiroient

(1) Recherches philofophiques fur les Egyp tiens, fection ix.

tout

tout ce qui leur étoit néceffaire pour la guerre, pour foutenir leur dignité, & pour récompenfer ceux qui s'étoient diftingués par leur mérite & par leurs fervices,

La troisième, exempte de tribut comme celle des Prêtres, étoit réservée pour l'état militaire & pour tous ceux qui étoient fujets aux convocations en tems de guerre, afin qu'étant liés à la patrie par leur propre bien, ils s'expofaffent plus volontiers aux périls & aux travaux attachés à leur profeffion. En effet, & c'est la réflexion de Diodore, il ne paroît pas y avoir de la prudence à confier la garde &-la fûreté d'un pays à des hommes qui n'ont rien de cher ni de précieux à y conserver, par conféquent nul intérêt perfonnel à le défendre. Auffi le but principal du Légiflateur à cet égard, ajoute l'Hiftorien, avoit été de faciliter le mariage aux foldats, afin que l'état militaire s'entretenant par ce moyen, l'Egypte n'eût jamais befoin de troupes étrangères.

&

On obfervoit que les enfans élevés par leurs pères dans le métier des armes, & pleins d'émulation pour les actions qu'ils TOME II.

B

leur avoient vu faire, fe fignaloient de bonne heure par leur courage & même par leur expérience.

Leur éducation étoit mâle & robuste, telle au refte que celle de tous les autres enfans (1), à qui l'on ne donnoit pour nourriture que des herbes & des ra cines, tantôt crues, tantôt bouillies ou rôties, & que l'on faifoit aller pieds nus & la tête rafée. Auffi les hommes étoientils en Egypte plus forts que par-tout ailleurs. Hérodote rapporte (2) que fur un champ de bataille qu'il avoit parcou ru, on diftinguoit encore les crânes des Perfes, mous & faciles à brifer, de ceux des Egyptiens, que les travaux & la frugalité avoient tellement durcis qu'on avoit peine à les rompre.

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En tout tems, en paix comme en guerre, on formoit les foldats par tous les exercices corporels, fi connus des anciens & fi négligés parmi nous. Ils excelloient fur-tout à gouverner des chevaux & à conduire des chariots, en quoi ils parois

(1) Diod. l. 1, p. 72,
(2) Hérod, 1, 3, C. 12,

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