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chaffe, ayant pour armes non plus l'épée qu'ils portoient à la guerre, mais un arc, des flèches, & un carquois ; voilà ce qui faifoit les honneurs de leurs feftins (1), dans lefquels ils fe diftinguoient beaucoup moins par la délicateffe des mets & la manière de les apprêter, que par la quantité de viande dont leur table étoit chargée.

Leurs vêtemens étoient auffi fimples que leur nourriture. La toifan de leurs brebis, filée par la main des femmes, fuffifoit pour les habiller. Dans les pays chauds qu'ils parcouroient, leurs bras, leurs pieds reftoient découverts. Leur chauffures étoit des efpèces de fandales attachées avec une courroie; leur habit, une tunique à manches larges, liée autour du corps avec une ceinture, & ils jetoient un manteau par deffus. Si quelque chofe relevoit l'éclat de leurs robes, c'étoit ou la fineffe de leur tiffu, ou la couleur dont elles étoient teintes. On obferve qu'étant routes de la même forme, & pouvant

(1) Gen. c. 18, V. 6, 7, 8; c. 27, V.3.

convenir à prefque toutes les tailles, ils en avoient en affez grand nombre pour en faire des préfens (1). Nous ne pouvons dire ce qui diftinguoit, à proprement parler, l'habillement des femmes. Souvent elles étoient voilées; & c'est ainfi que Rébecca, voyageant fous la conduite d'Eliézer, prit fon voile, dès qu'elle apperçut Ifaac. Elles portoient des pendans d'oreille, des anneaux & des bracelets; ces derniers ornemens étoient communs aux hommes & aux femmes; l'or en faifoit quelquefois la matière ; on le mettoit en œuvre dès le tems d'Abraham, pour des bijoux, pour des vales; & c'étoit, dans la fimplicité de ces premiers âges, une forte de luxe qui eut bientôt fes accroiffemens. Nous apprenons qu'Efau se diftinguoit par la beauté de fes habits; c'eft-à-dire, comme nous venons de l'observer, que déjà le tiffu en étoit plus fin, ou les couleurs plus écla

(1) Gen. c. 14, V. 23; c. 37, No 3, 23 ; C. 39, V. 12; c. 24, V. 53; c.45, .22 & 23.

tantes.

rantes. On nous prévient auffi qu'ils répandoient une odeur très-agréable, ce qui pourroit faire supposer, à cette époque, la connoiffance & l'ufage des parfums (1).

Quelques richeffes ou quelque genre de confidération que l'on pût avoir, on ne fe croyoit pas dispensé des fonctions les plus communes. Jacob gardoit les troupeaux de fon beau-père, & par la fuite fes enfans gardoient les fiens. Dans ces tems où les faintes loix de l'hofpitalité étoient en honneur, Abraham est le premier à apporter de l'eau aux voyageurs pour laver leurs pieds; on le voit fe tenir debout auprès d'eux lorsqu'ils font à table, & les fervir lui même. Sara pétrit de ses propres mains & fait cuir le pain qui doit fervir à leurs repas; mais elle ne paroît point aux feftins, non plus que Rébecca ne paruc à celui que fes parens donnèrent à Eliézer. Celle-ci va tous les jours puifer de l'eau à la fontaine, porte fa cruche

(1) Gen. c. 24, V. 22, 53; c.38, ¥. 18; c. 27, V, 15, 27.

TOME 11,

C

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fur fes épaules, & s'offre à donner à boire aux chameaux. La belle Rachel mène paître les troupeaux de fon père (1). Ces mœurs antiques ont été long-tems celles de l'Afie; elles ont été, dans les tems. d'Homère, celles des Grecs, Mais dans l'Afie fur-tout, & au milieu des Cours, elles s'allièrent avec le faste même & la fomptuofité.

Nous avons dit que la fimplicité des mœurs n'en prouyoit pas toujours l'innocence & la pureté. On peut s'en convaincre, non feulement par la licence de celles qu'Homère a prêtées à fes Héros, mais par quelques traits qui fe font paffés jufque dans la famille des Patriarches, fans parler des abominations communes, de leur teins, à des villes entières. Le crime trop fameux d'Onan, que le Seigneur frappa de mort, parce qu'au fein même du mariage, refufant d'être père il commettoit une action déteftable; l'a venture de Juda & de Thamar; les enfans de Jacob trop justement accufés par

(1) Gen. c. 18, V. 2,8; ibid. .9,

&c. 24

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Jofeph, & leur conduite à fon égard; les fuites odieufes & cruelles de la violence

faite à Dina; tous ces traits, & plufieurs autres femblables, montrent affez que les mœurs publiques, malgré toute leur fimplicité, n'étoient pas fans tache, fans tache, & que, par une fuite funefte de la dépravation du cœur humain, les hommes vertueux, les Abraham, les Ifaac, les Jacob, les Jofeph, n'ont fait, dans aucun teins, le plus grand nombre: toute l'Hiftoire n'est malheureusement qu'une preuve continuelle & frappante de cette trifte vérité. On y voit fur-tout, avec une forte de frémiffement & d'horreur, dès la plus haute antiquité, parmi les Nations profanes, les excès en tout genre de ces prétendus Héros qu'elles ont divinifés.

Détournons nos regards, mon fils, de ce fpectacle affligeant pour l'humanité, & ramenons-les fur ce qu'il y avoit en particulier de remarquable dans les usages & les mœurs des Egyptiens, auffi célèbres par leur attachement à leurs anciennes coutumes, que par le caractère de fingularité que plufieurs d'entre elles fembloient

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