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» Ce droit de prééminence et de suprématie de l'Etat que » nos pères — je ne parle pas de nos pères d'il y a cent ans, >> mais seulement de nos pères de la génération de 1830 » que nos pères appelaient excellemment le pouvoir de l'Etat » dans l'éducation, ce droit, nous voulons le maintenir; nous »> ne voulons pas le monopole, ainsi qu'on le dit faussement, >> mais le contrôle; nous ne nous voulons pas l'asservisse>> ment, ainsi qu'on le dit calomnieusement, mais les garan>> ties. >>>

>> Et nous sommes sûrs du succès final, car on réussit tou» jours en France quand on s'appuie d'une part sur la tradi>>tion nationale la plus constante, de l'autre sur les vœux et >> les aspirations les plus authentiques de l'esprit mo» derne. » (1).

C'est à ce point de vue que la majorité de la Commission chargée par la Chambre des Députés d'examiner le projet de loi relatif à la liberté de l'enseignement supérieur, en a successivement étudié, discuté et adopté les différents articles, sauf quelques modifications de détail dans la rédaction, et qu'elle m'a fait l'honneur de m'appeler aux fonctions de rapporteur. Votre Commission accepte le projet de loi du Gouvernement tel qu'il a été présenté : elle l'accepte dans son principe, dans ses dispositions, dans son esprit et dans ses tendances.

Le présent rapport a pour objet de le défendre et de le justifier dans toutes ses parties, devant la Chambre et devant le pays.

Parmi les articles du projet, il en est qui ne contiennent rien qui ne vous soit déjà connu. Ils reproduisent des dispositions portées en 1876 devant la Chambre qui les a sanctionnées par son vote, dans la séance du 7 juin 1876. A cette époque, le Sénat ne crut pas devoir les accueillir. A une faible

(1) Discours prononcé par M. Jules Ferry, Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts, à la réunion des Sociétés savantes de France à la Sorbonne. - Journal officiel du 22 avril 1879.

majorité de 5 voix, le projet de loi adopté par la Chambre fut repoussé par le Sénat, dans la séance du 21 juillet 1876. Mais on a le droit de dire, depuis cette époque, que la question est toujours restée pendante devant l'opinion publique.

Le projet de loi actuel était donc attendu, non sans quelque impatience. Il ne touche pas uniquement, comme le projet de loi déposé par M. Waddington, Ministre de l'Instruction publique dans le cabinet de M. Dufaure, aux articles 13 et 14 (collation des grades) de la loi du 12 juillet 1875 sur l'enseignement supérieur; il introduit dans cette loi d'autres modifications reconnues nécessaires, et il abroge quelques articles qui ne seraient plus en harmonie avec la législation nouvelle; enfin, il établit dans l'article 7, que « nul n'est admis à diriger un établissement d'enseignement public ou privé, de quelque ordre que ce soit, ni à y donner l'enseignement s'il appartient à une congrégation religieuse non autorisée ». Cette disposition caractérise le projet de loi du cabinet actuel; elle en étend la portée au-delà des limites de l'enseignement supérieur, car elle s'applique, dans son esprit comme dans ses termes, à tous les degrés de l'enseignement.

Ce projet de loi a été accueilli par les partisans et les défenseurs de la loi du 12 juillet 1875 avec défiance, mécontentement et irritation. On n'a pas voulu voir que le projet de loi maintient le principe de la liberté de l'enseignement supérieur, encore bien que ce principe ait été souvent et continue d'être contesté par des esprits sérieux et réfléchis, qui ne sont pas tous rangés dans le camp des ennemis des libertés publiques. On s'est montré mécontent de la résolution avec laquelle le Gouvernement remettait en discussion certaines concessions qu'il s'était imprudemment laissé arracher en 1875 et que l'on s'habituait à considérer comme définitives. Enfin, on s'est irrité de la fermeté, de la vigilance qu'il déploie dans la garde des droits de l'Etat, à l'égard des congrégations religieuses qui, grâce à la tolérance dont elles ont pu se couvrir depuis cinquante ans, usurpaient peu à peu, dans le pays, une place, une autorité, une influence qui ne leur ont jamais

été reconnues. De là dans le haut clergé et dans la partie de la société française qui obéit à ses inspirations, dans le monde clérical et dans les partis politiques qui se conduisent d'après les ordres et les indications des meneurs et des chefs du cléricalisme, un mouvement et une agitation qui, heureusement, sont restés à la surface du pays et qui ont déterminé un pétitionnement, dont les évêques, fondateurs des universités catholiques, ont pris l'initiative et que l'on a fait de vains. efforts pour rendre aussi général, aussi populaire que l'on s'était flatté d'y parvenir.

Parmi ces pétitions, un certain nombre ont été adressées à la Chambre des Députés. Aux termes de l'art. 63 du règlement, elles ont été renvoyées à la Commission du projet de loi sur la liberté de l'enseignement supérieur. Votre Commission vous propose de passer à l'ordre du jour, sur ces pétitions, non sans avoir pris soin de les examiner avec l'intérêt et les égards que la Chambre témoignera toujours à des pétitionnaires. C'est en exposant les considérations qui militent en faveur de l'adoption du projet de loi que nous aurons l'occasion de discuter et de réfuter les principales observations contenues dans les pétitions parvenues à la Chambre et de justifier la proposition d'ordre du jour qui vous est faite.

Le présent travail sera donc divisé en trois parties :

Dans la première partie, on examinera la question fondamentale du pouvoir de l'Etat sur l'enseignement, qu'il s'agit aujourd'hui de restaurer et de mettre à l'abri de toutes les atteintes ;

Dans la seconde partie, on discutera les objections élevées par les évêques et les autres pétitionnaires contre le projet de loi actuellement soumis à vos délibérations;

Enfin, dans la troisième partie, on s'attachera à justifier chacune des dispositions du projet de loi et à exposer les raisons d'ordre public et de convenance politique qui en doivent déterminer l'adoption par la Chambre.

Les délibérations de la Commission n'ont pas été prises à l'unanimité. Notre honorable collègue, M. Gaslonde, élu par

le onzième Bureau, a combattu le projet de loi dans toutes ses dispositions. Au cours de la discussion, les opinions qu'il a soutenues seront rapportées et s'il se peut, réfutées avec toute la déférence qui est due à des opinions de la minorité de la Chambre. D'un autre côté, des réserves ont été faites en plus d'un point par notre honorable collègue M. Madier de Montjau.

Le Rapporteur a été chargé, au nom de la majorité de ses collègues, de présenter un Rapport aussi complet que possible et traitant les questions les plus importantes qui se rattachent au projet de loi : c'est ce qui explique l'étendue de son travail.

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