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je provoquerai la réunion d'une nouvelle Assemblée, et je lui remettrai le mandat que j'ai reçu de vous.

<< Mais si vous croyez que la cause dont mon nom est le symbole, c'est-à-dire la France régénérée par la Révolution de 89 et organisée par l'Empereur, est toujours la vôtre, proclamez-le en consacrant les pouvoirs que je vous demande.

«Alors la France et l'Europe seront préservées de l'anarchie, les obstacles s'aplaniront, les rivalités auront disparu, car tous respecteront, dans l'arrêt du peuple, le décret de la Providence.

« Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.

« LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE. »

PROCLAMATION

DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE A L'ARMÉE

<< Soldats !

<< Soyez fiers de votre mission; vous sauverez la patrie, car je compte sur vous, non pour violer les lois, mais pour faire respecter la première loi du pays : la souveraineté nationale, dont je suis le légitime représentant.

« Depuis longtemps vous souffriez comme moi des obstacles qui s'opposaient et au bien que je voulais faire et aux démonstrations de vos sympathies en ma faveur. Ces obstacles sont brisés.

« L'Assemblée a essayé d'attenter à l'autorité que je tiens de la nation entière, elle a cessé d'exister.

« Je fais un loyal appel au peuple et à l'armée et je

lui dis Ou donnez-moi les moyens d'assurer votre prospérité, ou choisissez un autre à ma place.

«En 1830 comme en 1848, on vous a traités en vaincus. Après avoir flétri votre désintéressement héroïque, on a dédaigné de consulter vos sympathies et vos vœux, et cependant vous êtes l'élite de la nation. Aujourd'hui, en ce moment solennel, je veux que l'armée fasse entendre sa voix.

<< Votez donc librement comme citoyens; mais comme soldats, n'oubliez pas que l'obéissance passive aux ordres du chef du gouvernement est le devoir rigoureux de l'armée, depuis le général jusqu'au soldat.

« C'est à moi, responsable de mes actions devant le peuple et devant la postérité, de prendre les mesures qui me semblent indispensables pour le bien public.

« Quant à vous, restez inébranlables dans les règles de la discipline et de l'honneur. Aidez, par votre attitude imposante, le pays à manifester sa volonté dans le calme et la réflexion.

« Soyez prêts à réprimer toute tentative contre le libre exercice de la souveraineté du peuple.

<«< Soldats, je ne vous parle pas des souvenirs que mon nom rappelle. Ils sont gravés dans vos cœurs. Nous sommes unis par des liens indissolubles. Votre histoire est la mienne. Il y a entre nous, dans le passé, communauté de gloire et de malheur.

<< Il y aura dans l'avenir communauté de sentiments et de résolutions pour le repos et la grandeur de la France.

« Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.

« Signė L.-N. BONAPARTE. »

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS.

Le président de la République décrète :

ARTICLE PREMIER.

L'Assemblée nationale est dissoute.

ART. 2.

Le suffrage universel est rétabli. La loi du 31 mai est abrogée.

ART. 3.

Le peuple français est convoqué dans ses comices, à partir du 14 décembre jusqu'au 21 décembre suivant.

ART. 4.

L'état de siége est décrété dans l'étendue de la première division militaire.

ART. 5.

Le conseil d'État est dissous.

ART. 6.

Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution

du présent décret.

Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.

LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.

Le ministre de l'intérieur,

DE MORNY.

VII

RUE BLANCHE, NUMERO 70

La cité Gaillard est assez difficile à découvrir. C'est une ruelle déserte de ce quartier neuf qui sépare la rue des Martyrs de la rue Blanche. Je la trouvai pourtant. Comme j'arrivais au numéro 4, Yvan sortit de la porte cochère, et me dit : Je suis là pour vous prévenir. La police a l'éveil sur cette maison. Michel vous attend rue Blanche, numéro 70, à quelques pas d'ici.

Je connaissais le numéro 70 de la rue Blanche. C'est là que demeurait Manin, le mémorable président de la République vénitienne. Du reste, ce n'était pas chez lui qu'on se réunissait.

La portière du numéro 70 me fit monter au premier étage. La porte s'ouvrit, et une femme d'une quarantaine d'années, belle, avec des cheveux gris, madame la baronne Coppens, que je reconnus pour l'avoir vue dans le monde et chez moi, m'introduisit dans un salon.

Il y avait là Michel de Bourges et Alexandre Rey, ancien constituant, écrivain éloquent, vaillant homme. Alexandre Rey rédigeait alors le National.

On se serra la main.

Michel me dit :

Hugo, que voulez-vous faire ?

Je lui répondis :

- Tout.

C'est aussi mon avis, dit-il.

Plusieurs représentants arrivèrent, entre autres Pierre Lefranc, Labrousse, Théodore Bac, Noël Parfait, Arnauld (de l'Ariége), Démosthènes Ollivier, ancien constituant, Charamaule. L'indignation était profonde et inexprimable, mais on ne disait pas de paroles inutiles.

Tous avaient cette virile colère d'où sortent les grandes résolutions.

On causa. On exposa la situation. Chacun apportait ses nouvelles.

Théodore Bac venait de chez Léon Faucher qui demeurait rue Blanche. C'était lui qui avait réveillé Léon Faucher et lui avait annoncé la nouvelle. Le premier mot de Léon Faucher avait été : C'est un acte

infâme.

Charamaule montra dès les premiers moments un courage qui, dans les quatre journées de la lutte, ne s'est pas démenti un seul instant. Charamaule est un homme de haute taille, à la figure énergique et à la parole convaincue; il votait avec la gauche, mais siégeait parmi la droite. A l'Assemblée il était voisin de Montalembert et de Riancey. Il avait quelquefois avec eux de vives querelles que nous voyions de loin et qui nous égayaient.

Charamaule arriva à la réunion du numéro 70 vêtu d'une sorte de caban militaire en drap bleu, et armé comme nous le vîmes plus tard.

La situation était grave: seize représentants arrêtés,

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