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Au lieu de cela, qu'a fait la haute cour?

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On se figure autrement le dialogue de Mathieu Molé avec Vidocq.

XII

MAIRIE DU X ARRONDISSEMENT

Les représentants, sortis de chez M. Daru, se rejoignirent et se rallièrent dans la rue. Là on délibéra sommairement, de groupe à groupe. On était nombreux. On pouvait en moins d'une heure, par des avertissements à domicile, rien que sur la rive gauche, vu l'urgence, réunir plus de trois cents membres. Mais où se réunirait-on? chez Lemardelay? la rue Richelieu était gardée; à la salle Martel? c'était bien loin. On comptait sur la 10° légion qui avait pour colonel le général Lauriston; on s'en tint à la mairie du Xe arrondissement. D'ailleurs le trajet était assez court et l'on n'avait pas besoin de passer les ponts.

On se forma en colonne et l'on se mit en marche. M. Daru, nous l'avons dit, demeurait rue de Lille, dans le voisinage de l'Assemblée. Tout le tronçon de la rue de Lille compris entre sa maison et le palais Bourbon était occupé par l'infanterie. Le dernier pelo

ton barrait sa porte; mais il ne la barrait qu'à droite, et non à gauche. Les représentants sortant de chez M. Daru se dirigèrent du côté de la rue des Saints-Pères et laissèrent les soldats derrière eux. La troupe en ce momentlà n'avait pas d'autre instruction que de les empêcher de se réunir au palais de l'Assemblée; ils purent paisiblement se ranger en colonne dans la rue et partir. S'ils eussent pris à droite au lieu de prendre à gauche, on leur eût fait obstacle. Mais il n'y avait point d'ordre pour cela; ils passèrent à travers une lacune de la consigne.

Ceci donna, une heure après, un accès de colère à Saint-Arnaud.

Chemin faisant, de nouveaux représentants survenaient, et la colonne grossissait. Les membres de la droite étant la plupart logés dans le faubourg Saint-Germain, la colonne se composait presque entièrement d'hommes de la majorité.

Au coin du quai d'Orsay, ils rencontrèrent un groupe de membres de la gauche qui s'étaient ralliés après la sortie du palais de l'Assemblée, et qui délibéraient. C'étaient les représentants Esquiros, Marc Dufraisse, Victor Hennequin, Colfavru et Chamiot.

Ceux qui marchaient en tête de la colonne se détachèrent, vinrent au groupe et dirent: Venez avec

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Où allez-vous? demanda Marc Dufraisse.

A la mairie du Xe arrondissement.

Qu'y faire?

- Y décréter la déchéance de Louis Bonaparte.

Et ensuite?

Ensuite nous nous rendrons en corps au palais de l'Assemblée, nous nous ferons jour à travers la résis

tance, et du haut du perron nous lirons le décret, de déchéance aux soldats.

C'est bien, nous en sommes, dit Marc Dufraisse. Les cinq membres de la gauche se mirent en marche à quelque distance de la colonne. Plusieurs de leurs amis qui s'y étaient mêlés vinrent les retrouver; et, nous constatons ici un fait sans lui donner plus d'importance qu'il n'en a, les deux fractions de l'Assemblée représentées dans cette réunion improvisée marchèrent vers la mairie désignée sans se confondre, chacune des deux côtés de la rue. Le hasard fit que les hommes de la majorité tinrent la droite de la rue et les hommes de la minorité la gauche.

Personne n'avait d'écharpe. Aucun signe extérieur ne les faisait reconnaître. Les passants les regardaient avec surprise et ne semblaient pas comprendre ce que c'était que cette procession d'hommes silencieux dans les rues solitaires du faubourg Saint-Germain. Une partie de Paris ne connaissait pas encore le coup d'État.

Stratégiquement, comme point de défense, la mairie du Xe arrondissement était mal choisie. Située dans une rue étroite, dans ce court tronçon de la rue de GrenelleSaint-Germain qui est entre la rue des Saints-Pères et - la rue du Sépulcre, voisine du carrefour de la CroixRouge auquel les troupes peuvent arriver de tant de points différents, la mairie du Xe arrondissement, resserrée, dominée et bloquée de toutes parts, était une chétive citadelle pour la représentation nationale attaquée. Il est vrai qu'on n'avait pas plus le choix de la citadelle qu'on n'eut plus tard le choix du général. L'arrivée à la mairie put sembler de bon augure. La

grande porte cochère, qui donne sur une cour carrée, était fermée; elle s'ouvrit. Le poste de garde nationale, composé d'une vingtaine d'hommes, prit les armes et rendit les honneurs militaires à l'Assemblée. Les représentants entrèrent; un adjoint les reçut avec respect au seuil de la mairie.

Le palais de l'Assemblée est fermé par les troupes, dirent les représentants, nous venons délibérer ici. — L'adjoint les conduisit au premier étage et leur fit ouvrir la grande salle municipale. Les gardes nationaux criaient Vive l'Assemblée nationale !

Les représentants entrés, on fit fermer la porte. La foule commençait à s'amasser dans la rue et criait : Vive l'Assemblée ! Un certain nombre de personnes étrangères à l'Assemblée pénétrèrent dans la mairie en même temps que les représentants. On craignit l'encombrement, et l'on mit deux factionnaires à une petite porte latérale qu'on laissa ouverte avec ordre de ne laisser passer que les membres de l'Assemblée qui pourraient survenir. M. Howyn Tranchère se tint à cette porte et se chargea de les reconnaître.

A leur arrivée à la mairie, les représentants étaient un peu moins de trois cents. Ils dépassèrent ce nombre plus tard. Il était environ onze heures du matin. Tous ne montèrent pas immédiatement dans la salle où l'on devait délibérer. Plusieurs, ceux de la gauche en particulier, restèrent dans la cour mêlés aux gardes nationaux et aux citoyens.

On parlait de ce qu'on allait faire.

Il y eut un premier incident.

Le doyen d'âge de la réunion était M. de Kératry.
Était-ce lui qui allait présider?

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