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De la rescision des transactions.

Art. 20. Aucune transaction sur contestation réelle née ou à naitre ne peut être attaquée ni rescindée sous prétexte de lésion quelconque, et à quelque somme ou valeur qu'elle puisse monter.

Art. 21. Les transactions obtenues, soit par violences, soit par le dol de l'une des parties, sont sujettes à la rescision sur la demande de la partie qui a souffert la violence ou le dol.

Art. 22. La simple erreur, mème de fait, ne donne pas lieu à la rescision, si ce n'est lorsqu'il est intervenu sur la contestation un jugement sans appel, ignoré des parties, ou un jugement susceptible d'appel, connu de l'une et ignoré de l'autre;

Lorsque la transaction a pour base les pièces fausses qui ont été considérées commne vraies ; Lorsque des pièces décisives ont été soustraites à la connaissance de l'une des parties par le fait de l'autre;

Lorsqu'un mineur, devenu majeur, a transigé sur le compte que lui devait son tuteur, sans avoir vu les pièces;

Lorsqu'il y a erreur sur la qualité de la personne avec laquelle on transige en cette qualité. Art. 23. Si néanmoins un mineur avail transigé sur une contestation, et s'il prouvait clairement que la transaction fait préjudice à ses droits, la lésion évidente suffirait pour prononcer la rescision.

Il en est de même de la transaction passée par la femme mariée, sans le consentement de son mari, et de celle du mineur émancipé, si elle portait aliénation d'immeubles.

Art. 24. Si la transaction, à l'époque où elle a eu lieu, était utile ou au mineur, ou à la femme, soit qu'elle ait été faite par eux-mêmes, soit qu'elle l'ait été pour eux par le tuteur ou le mari, elle sera maintenue.

Art. 25. La transaction ne peut être attaquée sur le fondement de l'incapacité des mineurs, des femmes mariées, des établissements publics, ou des tuteurs, maris ou administrateurs, par ceux avec qui ils ont transigé.

Art. 26. Les transactions faites par le tuteur au nom du mineur, avec toutes les formalités requises pour l'aliénation de leurs biens, sont aussi inattaquables que les transactions des majeurs.

Art. 27. La prescription contre les actions soit en nullité, soit en rescision des transactions, est

T. VII.

acquise par le cours de quatre années, à compter du jour de la transaction, entre majeurs; et du jour de la majorité, à l'égard des mineurs.

CHAPITRE III.

Du compromis.

Art. 28. Le compromis est un acte authentique ou sous seing privé, par lequel deux ou plusieurs personnes s'obligent de s'en rapporter, sur leurs contestations nées ou prétes à naître, à un ou plusieurs arbitres convenus ou désignés par elles.

Art. 29. Ne peuvent compromettre que ceux qui sont capables de transiger; et on ne peut compromettre que sur les biens, droits et actions dont on a la libre disposition.

Art. 30. Le comproniis sur les droits d'autrui n'est valable qu'autant que celui qui le souscrit était autorisé à le faire par une procuration spéciale.

Art. 31. Peuvent être nommées arbitres toutes personnes quelles qu'elles soient, même les femmes mariées ou non, les mineurs âgés de dix-huit ans, les étrangers.

Art. 32. Le compromis qui fixe un délai pendant lequel les arbitres doivent prononcer, est irrévocable pendant ce délai, si ce n'est du consentement commun de tous ceux qui l'ont souscrit.

Si le compromis n'a fixé aucun délai, ou si le délai convenu est expiré, chacune des parties a le droit de le révoquer, en faisant notifier aux arbitres qu'elle ne veut plus tenir à l'arbitrage.

Art. 33. Aucun compromis n'est valable qu'autant qu'on y a formellement exprimé le différend que les arbitres doivent régler; ces arbitres ne peuvent statuer sur des objets non spécialement déterminés au compromis.

Art. 34. Les arbitres ne peuvent commettre un greffier; la décision est rédigée et écrite par l'un d'eux, et signée par tous, même par ceux contre l'avis desquels elle a passé à la pluralité des opinions.

Si celui ou ceux qui ont été d'avis contraire refusent de signer après en avoir été requis par écrit, l'acte contenant cette réquisition sera joint à la décision; et celle-ci aura son effet, étant signée des autres arbitres en plus grand nombre.

Art. 35. Les décisions arbitrales sont datées du jour et du lieu où elles sont rendues.

Art. 36. Les arbitres sont tenus d'exprimer sommairement les motifs de leurs décisions, dans le cas seulement où le compromis contient une réserve d'appel.

Art. 37. Si les arbitres sont partagés d'opinions, et qu'il n'ait pas été pourvu à ce cas par le compromis, les arbitres avertissent les parties du partage; celles-ci nomment un tiers arbitre, ou elles en diffèrent le choix aux arbitres ; dans tous les cas, le tiers arbitre doit être nommé dans le cours des deux décades qui suivent l'avertissement. Ce délai passé, si les parties, ou les arbitres autorisés par elles, n'ont pas choisi le tiers arbitre, il est nommé, sur la réquisition de la partie la plus diligente, par le juge de paix du canton dans lequel les arbitres se sont réunis.

Art. 38. Le tiers arbitre n'est appelé que pour lever le partage: les questions sur lesquelles s'est élevé le partage doivent être énoncées dans la décision qui a pu statuer sur les autres questions; le tiers arbitre ne peut connaitre que des questions partagées; il est tenu de délibérer et de prononcer avec les autres arbitres sur ces mêmes questions, à peine de nullité de la décision;

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celle-ci doit être signée de tous, ainsi qu'il est dit à l'article 34.

Art. 39. Les décisions arbitrales sont déposées au greffe du tribunal de l'arrondissement dans lequel elles ont été rendues, dans le cours de la décade qui suit leur date; le greffier en fait mention sur la minute.

Art. 40. Les décisions arbitrales sont rendues exécutoires par une simple ordonnance du président du tribunal de l'arrondissement dans le greffe duquel elles sont déposées.

Art. 41. Si les parties ne se sont pas expressément réservé le droit d'interjeter appel de la décision des arbitres, toute espèce de recours leur est interdite.

La clause qui ne réserverait ce droit qu'à l'une des parties serait nulle et comme non écrite au compromis.

Art. 42. Lorsque le droit d'appel est réservé aux parties dans un compromis, cette convention est irrévocable; l'appel est porté au tribunal convenu entre les parties, et, à défaut de convention, au tribunal d'appel des tribunaux ordinaires du lieu où a été rendue la décision arbitrale.

Le tribunal quelconque auquel l'appel est déféré prononce en dernier ressort; et son jugement est susceptible du recours en cassation.

Art. 43. Si une partie se croyait en droit d'arguer de nullité une décision arbitrale, soit comme ayant statué sur des objets non exprimés au compromis, soit comme rendue sur un compromis nul, soit comme n'étant pas revêtue des formes prescrites aux articles 34, 35, 37 et 38, la contestation sera portée devant les tribunaux ordinaires de première instance, ou soumise à un nouvel arbitrage.

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Causes qui interrompent ou suspendent le cours de la prescription. SECTION PREMIÈRE.

Des causes qui interrompent la prescription. Art. 24. (Le 24 du projet).

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Red. prop. Art. 25. Il y a interruption naturelle, lorsque le possesseur est privé, pendant une année complète et sans réclamation de sa part, de la jouissance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soit même par un tiers.

Art. 26. (Le 26° du projet).

Red, prop. Art. 27. — La citation en conciliation devant le bureau de paix interrompt la prescription du jour de sa date, lorsqu'elle est suivie d'une assignation en justice, donnée dans le mois depuis la clôture du procès-verbal de non-conciliation.

Si l'assignation doit être donnée à domicile à une partie dont l'habitation est à plus de cinq myriamètres de distance, il sera ajouté au mois un jour par cinq myriamètres.

Develop. (Le 27e du projet).

Le délai de huitaine après la clôture du procès-verbal de non-conciliation, pour donner la citation, n'est pas suffisant à peine a-t-on pu obtenir la délivrance du procès-verbal.

Art. 28. La citation en justice interrompt la prescription, quoiqu'elle se trouve donnée devant un juge incompétent.

Il en est de même d'une assignation qui ne

serait nulle que par un vice qui ne toucherait pas à la certitude que la copie est parvenue à celui qu'on veut empêcher de prescrire.

Develop. (Le 28e du projet).

Pourquoi une assignation nulle par défaut de forme n'interromprait-elle pas la prescription, aussi bien que celle donnée devant un juge incompétent, pourvu que le vice de forme ne tombe pas sur ce qui constate que la copie est parvenue? Lorsqu'elle a été donnée, lorsqu'elle est parvenue, le réclamant a-t-il été négligent jusques au bout? Le possesseur a-t-il cru jusqu'au dernier moment être tranquille détenteur? Remarquons que nul jugement ne peut, en aucun cas, intervenir sur l'assigna tion donnée devant un juge incompétent, tandis qu'une assignation nulle par défaut de forme peut, si la nullité est couverte, devenir la base d'une procédure, d'une condamnation, etc,, etc.

Red. prop. Art. 29. Si le demandeur se désiste de sa demande;

S'il laisse périmer l'instance, le commandement ou la saisie;

Ou si le possesseur est relaxé de la demande, L'interruption est regardée comme non avenue. Red. prop. Art. 30. La prescription est interrompue ou couverte par la reconnaissance du droit du créancier ou propriétaire, par le possesseur ou débiteur, sans préjudice de l'exécution de l'article 7.

Art. 31 et 32. (Les 31° et 32e du projet).

Red. prop. Art. 33. Lorsque la prescription a été interrompue de l'une ou de l'autre des manières énoncées en la présente section, le bénéfice du temps antérieur est absolument perdu pour le possesseur, qui ne pourrait réunir ce temps à une possession postérieure.

Develop. La disposition nouvelle de cet article ajouté paraît nécessaire pour ne pas laisser croire que, dans le cas d'une prescription interrompue, le temps antérieur à l'interruption puisse jamais se réunir à une possession qui reprendrait ensuite.

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Dévelop. (Le 33e du projet).

Il n'a pas paru à la commission que les qualités des personnes, souvent ignorées des parties intéressées, puissent prolonger la durée de la prescription. Quelque favorables que soient les mineurs, les interdits, les femmes mariées, pourquoi leurs actions auraientelles une plus longue durée au préjudice de la société entière? Ces personnes ont des administrateurs qui leur sont donnés par la loi; elles auront contre eux, et pourront avoir contre leurs familles chargées de veiller à leurs intérêts, un recours en cas de négligence. On a vu des actions perpétuées pendant quarante, soixante, quatre-vingts ans par des minorités successives, à l'insu des individus possesseurs des biens réclamés, et à plus forte raison de leurs héritiers. C'est là un mal vraiment intolérable, et qu'il faut retrancher en exceptant le seul cas où une loi expresse ne fait courir la prescription que du jour de la majorité.

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les réclamer ne se prescrit point contre la femme pendant le mariage.

Art. 38. (Le 37e du projet).

Réd. prop. Art. 39. Elle ne court point à l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive;

Contre une action en garantie, jusqu'à ce que l'action ait lieu;

Contre une créance à jour fixe, jusqu'à ce que ce jour soit arrivé;

Sans préjudice toutefois de la prescription. quant à l'hypothèque en faveur du tiers détenteur;

Et celui qui a garanti la solvabilité du débiteur d'une rente perpétuelle ne peut plus être recherché après vingt ans pour cette insolvabilité. Art. 40 et 41. (Les 39e et 40° du projet).

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Dévelop. (Le 43e du projet).

Il y a une juste proportion à suivre dans la détermination du temps des prescriptions: il faut en accorder assez pour que toutes les actions puissent être exercées, et que le plus grand nombre le soit en effet mais ce qu'il y a de plus important, c'est de n'en pas accorder trop; car c'est par la grande durée des actions que les propriétés demeurent incertaines, que les familles sont troublées par de vieilles recherches, que la jouissance due à une longue possession s'évanouit, que les tiers enfin sont trompés par les apparences de la fortune que leur présentent ceux avec qui ils contractent, et qui disparaît par l'effet d'une réclamation imprévue qui prend sa source dans des titres anciens et oubliés. Cette dernière considération tenant à la tranquillité générale, au crédit des individus, à la sûreté des conventions, la foi publique, paraît devoir l'emporter sur l'intérêt des créanciers ou des propriétaires qui ont négligé d'exercer leurs droits, pourvu que la loi leur laisse un temps suffisant pour veiller à leurs affaires : c'est à leur inertie qu'ils doivent imputer les pertes qu'ils éprouvent. Ce n'est pas de la loi qu'ils peuvent se plaindre, mais d'eux-mêmes; au lieu que les tiers, blessés par la longueur des prescriptions, n'ont aucun moyen d'éviter le danger auquel elle les exposerait, et seraient punis sans qu'on eût aucun reproche à leur faire.

Tels sont les motifs qui ont déterminé la commission à réduire à vingt ans la plus longue des prescriptions.

Art. 45. (Le 44° du projet).

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vendication de la propriété, de l'usufruit, des servitudes, et des hypothèques, priviléges, ou autres droits réels, sans distinction de l'absence ou de la présence de celui qui aura cette revendication.

Develop. (Le 46o du projet).

La commission pense qu'il convient d'abolir toute distinction d'absence ou de présence de celui contre lequel court la prescription. La facilité des communications ne permet pas de supposer trop difficile de veiller à ses biens parce qu'on n'est pas dans le ressort du même tribunal d'appel.

Art. 47. Le titre nul par défaut de forme n'autorise pas la prescription de dix ans. Art. 48. (Le 49e du projet). Art. 49. (Le 50 du projet). Art. 50. (Le 51e du projet).

Réd. prop. Art. 51.-L'action de l'architecte ou entrepreneur, soit qu'il y ait ou non devis et marché, se prescrit aussi par dix ans.

Dévelop. La commission a trouvé convenable de renfermer l'action de l'architecte ou entrepreneur dans les mêmes limites qui l'affranchit de la garantie des gros ouvrages par lui faits.

SECTION IV.

Des autres prescriptions.

Art. 52 à 61. (Les dix articles du projet).

Appendice aux prescriptions.

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Red. prop. Art. 62. Les citations en justice sur lesquelles il ne s'est pas formé d'instance, les commandements et les saisies (dont il est parlé en l'article 26 du présent titre), se périment par un an, à compter du jour de leur date.

Develop. Les péremptions sont des espèces de prescriptions qui paraissent devoir être consacrées par le Code civil; et l'article 29 déterminant que la prescription n'est point interrompue si l'instance, la sommation où la saisie vient à se périmer, il s'ensuit que ce n'est que compléter cet article que de fixer les règles des péremptions.

Red. prop. Art. 63. L'instance (qui est formée en justice par la constitution d'un avoué pour le défendeur ou pour l'intervenant) dure autant que l'action qui fait la matière de cette instance; elle se périme de plein droit par le concours de la prescription de cette action, et de la discontinuation de la procédure depuis un an quand la prescription s'accomplit, ou pendant un an depuis que la prescription est accomplie.

DISPOSITION GÉNÉRALE.

A compter du jour de la publication du présent Code, les lois romaines, les ordonnances, les coutumes générales ou locales, les statuts ou règlements, et toutes lois publiées jusqu'à ce jour, cesseront d'avoir force de lois générales ou particulières dans les matières qui sont l'objet du présent Code, conformément à ce qui est expliqué dans le livre préliminaire.

Develop. La commission a pensé qu'il fallait ajouter à l'énumération contenue dans cette disposition, toutes les lois publiées jusqu'à ce jour, ne fût-ce que pour entrainer tous ces décrets prodigieusement multipliés par les diverses assemblées qui se sont succédées depuis la Révolution.

PROCÈS-VERBAUX DU CONSEIL D'ÉTAT

CONTENANT

LA DISCUSSION DU PROJET DE CODE CIVIL.

DISCUSSION DU PROJET DE CODE CIVIL.

Extrait du registre des délibérations du Conseil d'Etat.

SEANCE

DU 28 MESSIDOR AN IX DE LA RÉPUBLIQUE.

(Vendredi 17 juillet 1801).

LE PREMIER CONSUL préside la séance.

Le secoud et le troisième Consuls sont présents. LE PREMIER CONSUL se fait rendre compte de l'état du travail sur le projet de Code civil.

D'après les explications données, au nom de la section de législation, par le citoyen Portalis, il est arrêté: 1° Que le projet de Code civil sera divisé en autant de lois séparées que la matière pourra en comporter;

20 Que les dispositions du livre préliminaire qui appartiennent à la législation seront rédigées en un seul projet de loi;

30 Qu'elle présentera, sans délai, la division en projets de loi des dispositions du livre ler, intitulé des personnes. Ces projets seront aussitôt imprimés, distribués, et discutés à la séance qui suivra la distribution.

Il est également arrêté, sur la proposition du Consul Cambacerès,

1° Que, dans la rédaction, on emploiera toujours le futur; 20 Que la discussion sera analysée dans le procèsverbal et imprimée, pour être distribuée au Sénat conservateur, au Corps législatif, au Tribunat, et au tribunal de cassation.

Pour extrait conforme :

Le secrétaire général du Conseil d'État, J. C. LOCRÉ.

SÉANCE

DU 4 THERMIDOR AN IX DE LA RÉPUBLIQUE.

(Jeudi 23 juillet 1801).

Le Premier Consul préside la séance. Le second et le troisième Consuls sont présents. Les citoyens Tronchet, Bigot-Préameneu et Maleville, qui, avec le citoyen Portalis, ont été chargés de rédiger le projet de Code civil, sont introduits.

Le citoyen Portalis, au nom de la section de législation, dit que la section, d'après le renvoi qui Lui a été fait dans la dernière séance, s'est occupée de diviser le premier livre du Code civil en autant de projets de loi que les matières qu'il renferme peuvent en comporter, et qu'elle l'a partagé en neuf projets ainsi qu'il suit:

I.

(Division du projet de Code civil en projets de loi). Jer PROJET. Des personnes qui jouissent des droits civils, et de celles qui n'en jouissent pas.

Ile PROJET. Des actes destinés à constater l'état civil. IIle PROJET. Du domicile et de l'absence.

IVe PROJET. Du mariage.

Ve PROJET. Du divorce.

Vie PROJET. De la paternité, de la filiation et de l'adoption.

VIIe PROJET. De la puissance paternelle.

VIII PROJET. De la minorité, de la tutelle, et de l'émancipation.

X PROJET. De la majorité et de l'interdiction.

Le Premier Consul met en délibération l'ordre proposé.

Le citoyen Tronchet ne trouve aucun inconvénient à suivre l'ordre proposé par la section. Cet ordre est conforme, dit-il, à la marche naturelle des idées; c'est celui du projet de Code civil.

Le Premier Consul dit que la division ne peut être bonne qu'autant qu'elle est telle, que le rejet ou la modification des lois postérieurement présentées ne réagit pas sur les lois d'abord adoptées, et n'en change pas la nature.

Le citoyen Porialis pense que, dans l'ordre proposé, cet effet n'est pas à craindre. Le premier projet de loi n'a rien de cominun avec les autres. La matière du mariage a sans doute quelque connexité avec celle du divorce; mais les règles sur les capacités et sur les formes du mariage en sont indépendantes. Les causes et les formes du divorce ne sont pas liées aux dispositions sur la puissance paternelle; et ces dernières dispositions ne se rattachent pas à celles qui réglent la matière de la minorité et des tutelles.

Le citoyen Tronchet ajoute à ces observations que le Corps législatif ayant depuis longtemps sous les yeux le projet de Code civil, et en connaissant la marche, proposerait ses doutes s'il s'apercevait qu'un des projets de loi dût avoir de l'influence sur le sort des autres.

Le Premier Consul ne voit que trois grandes divisions dans les lois civiles relatives aux personnes elles tendent toutes ou à fixer l'état que chacun a dans la société civile, ou à régler les rapports entre les époux ou à régler ceux qui existent entre les pères et les enfants. Peut-être cette division par masses serait-elle plus simple et plus naturelle que la division proposée.

Le citoyen Portalis dit que l'on peut concilier l'idée du Premier Consul avec le mode de division proposé, en présentant à la fois les divers projets relatifs à des matières que l'on regarde comme dépendantes ou connexes.

Le Premier Consul justifie par un exemple la nécessité de présenter des masses; il prend au hasard les articles 1, 2 et 3 du titre V.

Il fait observer que ces mots, le contrat de mariage peut néanmoins être résolu avant la mort de l'un des deux époux, dans les cas ou pour les causes déterminés par la loi, appellent évidemment la discussion sur le divorce.

Le consul Cambacérès est d'avis que les définitions contenues dans ces articles, et les définitions en général, ne doivent pas être placées dans les lois tout ce qui est doctrine appartient à l'enseignement du droit et aux livres des jurisconsultes.

Au surplus, il pense que la discussion deviendrait trop embarrassée si l'on se bornait à ne former du livre fer que trois grandes divisions; il importe de mieux ménager les points de repos pour soulager l'attention.

Lecitoyen Boulay propose de discuter les projets dans l'ordre que leur à donné la section, parce que

ce sera la discussion même qui éclairera sur le classement des dispositions; peut-être convain. cra-t-elle qu'il ne faut qu'une loi unique.

Le Premier Consul dit que la section doit surtout s'attacher à éviter l'arbitraire dans ses divisions, et ne les puiser que dans l'essence des choses; il la charge de peser les observations qui viennent d'être faites, et de faire un nouveau rapport.

Le citoyen Portalis, d'après le renvoi fait par les Consuls à la section de législation, dans la dernière séance, présente un projet de loi extrait du livre préliminaire du Code civil, et relatif à la publication, aux effets et à l'application des lois en général.

II.

(Ier projet de loi. De la publication des effets et de l'application des lois en général).

L'article 1er est ainsi conçu :

Première rédaction.

Art. 1er. « Les lois seront exécutoires dans toute a la République, quinze jours après la promulga«tion faite par le Premier Consul.

« Ce délai pourra, selon l'exigence des cas, être modifié par la loi qui sera l'objet de la publica@tion. »>

Le rapporteur dit que, dans le projet de Code civil, on avait distingué les lois en lois administratives, judiciaires et mixtes. Les premières devaient devenir obligatoires du jour où elles auraient été publiées par les autorités administratives; les secondes, du jour où elles l'auraient été par les tribunaux d'appel; les troisièmes, c'està-dire les lois mixtes, devaient l'ètre, en ce qui pouvait être relatif à la compétence de chaque autorité, du jour de la publication par l'autorité compétente.

Le tribunal de cassation et le tribunal d'appel de Paris adoptent le fond de ce système, et ne proposent que des changements de rédaction.

La majorité des autres tribunaux regarde ce mode de publication présenté dans le projet de Code, comme insuffisant, contraire aux vrais principes, et sujet aux plus grands abus.

Les uns disent qu'une simple lecture de la loi à l'audience d'un tribunal d'appel ne saurait autoriser la présomption légale que, dans l'instant même de cette lecture, la loi est connue des tribunaux d'arrondissement situés souvent à une grande distance des tribunaux d'appel. Ils désireraient que la loi fût publiée par ces tribunaux, qui sont les premiers à l'appliquer et à l'exécuter, et qu'elle ne fût même exécutoire qu'après un certain délai, à dater du jour de cette publication; lequel délai serait mis à profit pour faire afficher la loi, sinon dans toutes les communes, du moins dans toutes celles où il y a un juge de paix. Ils observent que les frais d'impression et d'affiche seront moins onéreux pour le trésor public dans un ordre de choses qui garantit plus de stabilité aux lois; et que d'ailleurs, dans une matière aussi importante, l'intérêt du fisc ne saurait balancer celui des citoyens de l'Etat.

Les autres tribunaux, en reconnaissant la nécessité d'adresser des lois à toutes les autorités chargées de leur application ou de leur exécution, et même de les faire connaître à tous les citoyens par la voie de l'affiche, proposent de fixer un délai à dater de la promulgation de la loi par le Premier Consul, après lequel la loi sera au même instant exécutoire dans toute l'étendue de la République.

Les divers systèmes que les observations des tribunaux nous présentent n'avaient point échappé à la section; elle en avait discuté d'avance les inconvénients et les avantages.

La publication des lois est une consequence du principe que les lois ne peuvent être obligatoires avant d'être connues mais il est impossible de trouver un mode de publication qui ait l'effet d'atteindre personnellement chaque individu; on est réduit à se contenter de la certitude morale que tous les citoyens ont pu connaître la loi. Pour peser les divers degrés de cette certitude morale, il faut distinguer les lieux et les temps.

Dans l'ancien régime, la loi était secrètement rédigée; on l'adressait ensuite aux cours souveraines. Ces cours pouvaient en refuser ou en suspendre l'enregistrement, et délibérer des remontrances. L'enregistrement étant une forme préalable à l'exécution de la loi, cette exécution ne pouvait avoir lieu qu'après que la loi avait été enregistrée.

Nous devons même faire remarquer que, dans la plupart des anciennes provinces de France, la loi n'était exécutoire que du jour de la publication qui en était faite par les tribunaux inférieurs.

Le système de ceux qui voudraient ne rendre la loi exécutoire que du jour de sa publication par les tribunaux d'appel ou par les tribunaux d'arrondissement, se rapproche de cet ancien ordre de choses.

Mais cet ordre n'existe plus. Dans notre droit actuel, la loi a toute sa force et tous ses caractères avant d'être adressée aux tribunaux et aux diverses autorités compétentes. D'autre part, la loi a déjà acquis le plus haut degré de publicité par les discours des orateurs du Gouvernement, par la discussion du Tribunat et par celle qui est faite en présence du Corps législatif. La loi ne peut être promulguée par le Premier Consul que dix jours après le décret du Corps législatif; et pendant ce délai, la connaissance de la loi continue à circuler dans toute la République.

L'envoi officiel de la loi aux autorités compétentes n'est donc plus, dans la hiérarchie des pouvoirs, qu'un moyen régulier de rendre la loi plus intimement présente aux différentes parties de l'Etat, et d'en assurer le dépôt dans tous les lieux où elle doit être obéie.

Cet envoi pouvant être fait partout dans un temps déterminé, pourquoi n'adopterait-on pas la proposition de fixer un délai suffisant après lequel la loi serait, au même instant, exécutoire dans toute la France?

Une telle idée, qu'il n'eût pas été possible de réaliser tant qu'il existait des cours qui avaient le droit de refuser ou de suspendre l'enregistrement des lois, ne rencontre aujourd'hui aucun obstacle.

Elle aurait, dit-on, l'inconvénient de retarder l'exécution des lois dans certains départements, et surtout dans ceux où il importe quelquefois le plus que les lois soient promptement exécutées.

En retardant l'exécution des lois, lorsqu'elles sont déjà suffisamment connues, elle pourrait donner lieu, dans le temps intermédiaire, à un grand nombre de fraudes contre ces lois.

Mais on peut répondre que, dans les cas rares où il serait essentiel qu'une loi nouvelle fût exécutée sans délai, à Paris et dans les départements environnants, cette loi pourrait le déclarer. Nous y avons pourvu par une disposition particulière.

Quant aux fraudes dont le délai peut devenir l'occasion, on ne les préviendra dans aucun sys

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