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Art. 3. « Tout parent est recevable à provoquer « l'interdiction de son parent; il en est de même « de l'un des époux à l'égard de l'autre. »

Art. 4. Dans le cas de fureur, si l'interdiction « n'est provoquée ni par l'époux ni par les parents, « elle doit être demandée par la partie publique. » Art. 5. « Toute demande en interdiction' sera portée devant le tribunal de première instance. » Art. 6. « Les faits d'imbécillité, de démence ou « de fureur, seront articulés par écrit. Ceux qui « poursuivront l'interdiction présenteront les té« moins et les pièces. »>

Art. 7. « Le tribunal ordonnera que le conseil « de famille, formé selon le mode déterminé au « titre de la minorité, de la tutelle et de l'émancipation, donne son avis sur l'état de la per«sonne dont l'interdiction est demandée. »

Art. 8. « Ceux qui auront provoqué l'interdiction seront admis au conseil de famille pour y exposer leurs motifs; mais ils n'y auront pas « voix délibérative. »

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Art. 9. Après avoir reçu l'avis du conseil de famille, le tribunal interrogera le défendeur en « la chambre du conseil; s'il ne peut s'y présen«ter, il sera interrogé dans sa demeure par l'un « des juges à ce commis, assisté du greffier. »

Art. 10. « Après le premier interrogatoire, le « tribunal commettra, s'il y a lieu, un adminis«trateur provisoire pour la conservation du mobilier et l'administration des immeubles du « défendeur. >>

Art. 11. Le jugement sur une demande en « interdiction ne pourra être rendu qu'à l'au«dience publique, les parties entendues ou appelées, et sur les conclusions du commissaire du Gouvernement. >>

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postérieurement par l'interdit seront nuls de « droit. »

Art. 16. Les actes antérieurs au jugement « pourront être annulés, si la cause de l'inter<«<diction existait notoirement à l'époque où ces « actes ont été faits. »

Art. 17. Après la mort d'un individu, les actes « par lui faits ne pourront être attaqués pour <«< cause de démence qu'autant que son interdic«tion aurait été prononcée ou provoquée avant « son décès, à moins que la preuve de la démence «ne résulte de l'acte inème qui est attaqué. »

Art. 18.« S'il n'y a pas d'appel du jugement « d'interdiction rendu en première instance, ou <«< s'il est confirmé sur l'appel, il sera pourvu à la « nomination d'un tuteur et d'un subrogé-tuteur « à l'interdit, suivant les règles prescrites au « titre de la minorité, de la tutelle et de l'émanci«pation. L'administrateur provisoire cessera ses « fonctions et rendra compte au tuteur s'il ne « l'est pas lui-même.

Art. 19. « Le mari est de droit le tuteur de sa « femme interdite. »

Art. 20. « La femme pourra être nommée tu«trice de son mari. En ce cas, le conseil de fa« mille réglera la forme et les conditions de « l'administration, sauf le recours devant les « tribunaux de la part de la femme qui se croi«rait lésée par l'arrêté de la famille.»

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Art. 21. Nul, à l'exception des époux, des << ascendants et descendants, ne sera tenu de con« server la tutelle d'un interdit au delà de dix « ans. A l'expiration de ce délai, le tuteur pourra « demander et devra obtenir son remplacement. » Art. 22. « L'interdit est assimilé au mineur « pour sa personne et pour ses biens; les règle«ments sur la tutelle des mineurs s'appliqueront « à la tutelle des interdits. »>

Art. 23. « Les revenus d'un interdit doivent « être essentiellement employés à adoucir son sort « et à accélérer sa guérison. Selon les caractères « de sa maladie et l'état de sa fortune, le conseil « de famille pourra arrêter qu'il sera traité dans « son domicile, ou qu'il sera traité dans une « maison de santé, et même dans un hospice. » Art. 24. « Lorsqu'il sera question du mariage « de l'enfant d'un interdit, là dot ou l'avancement « d'hoirie et les autres conventions matrimoniales « seront réglées par le conseil de famille. » Art. 25. « L'interdiction cesse avec les causes

« qui l'ont déterminée; néanmoins la mainlevée « ne sera prononcée qu'en observant les formali«tés prescrites pour parvenir à l'interdiction; et « l'interdit ne pourra reprendre l'exercice de ses « droits qu'après le jugement de mainlevée. » L'article 1er est adopté.

L'article 2 est discuté.

Le citoyen Maleville dit que cet article n'admet l'interdiction que pour cause d'imbécillité, de démence et de fureur: cependant les lois romaines l'autorisaient encore pour cause de prodigalité; et leur disposition était, à cet égard, recue dans toute la France. Il serait néanmoins possible que des parents avides, dans la seule vue de se conserver une riche succession, abusassent de ce moyen pour requérir l'interdiction d'un homme qui ne ferait qu'user du droit qu'a tout propriétaire de disposer de son bien selon ses goûts; aussi la faculté de provoquer l'interdiction devrait-elle être réservée à ceux à qui les dissipations du prodigue peuvent occasionner des pertes: or tels sont évidemment ceux que les lois obligent à lui fournir des aliments forsqu'il aura dissipé son bien; tels sont encore ses enfants auxquels

il doit des moyens d'exister, puisqu'il leur a donné la vie. Le citoyen Maleville désirerait donc que l'interdiction pour cause de prodigalité fût conservée, mais que la demande n'en fùt permise qu'aux ascendants, beaux-pères et belles-mères, gendres et belles-filles, frères et sœurs du prodigue, et qu'elle ne fût accordée à aucun autre individu, hors le cas où il agirait pour les enfants. Il serait même nécessaire qu'à défaut de parents qui prissent l'intérêt des enfants, le ministère public fût chargé de requérir l'interdiction.

Le citoyen Boulay dit que les lois ont érigé en principe qu'il est de l'intérêt de la République que chacun conserve son patrimoine; car celui qui l'a dissipé tombe à la charge de l'État.

Le citoyen Treilhard dit que l'article 12 parait présenter un moyen contre la prodigalité; cet article porte :

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«En rejetant la demande en interdiction, le « tribunal pourra néanmoins, si les circonstances l'exigent, ordonner que le défendeur ne pourra « désormais emprunter, intenter procès, aliéner «ni grever ses biens d'hypothèques sans l'assis<< tance d'un conseil qui lui sera nommé par le « même jugement. »

Or il y a une espèce de prodigalité qui approele de la démence, et à laquelle dès lors on pourrait appliquer la disposition de cet article. Ce serait couvrir d'un voile honnête l'interdiction du dissipateur.

Le citoyen Regnauld (de Saint-Jean-d'Angély) adopte les principes du citoyen Maleville, mais il craint qu'il ne soit très-difficile de les appliquer.

Comment, en effet, déterminer les véritables caractères de la prodigalité ? Peut-on déclarer prodigue celui qui fait de trop grandes libéralités, celui qui administre mal ses biens, celui qui se livre à des spéculations dans lesquelles ses espérances sont trompées? Si l'on parcourt les diverses manières possibles de se ruiner, on sera convaincu qu'il n'en est presque aucune qui doive être imputée à une véritable prodigalité, et dont on puisse faire une cause d'interdiction. Les procès en interdiction pour prodigalité n'ont presque toujours produit que du scandale dans le public et la division dans les familles.

Quant à l'article 12, il n'est point applicable au prodigue: on pourrait sans doute l'invoquer contre l'homme qui dissiperait ses biens par des - actes d'une nature telle qu'ils caractérisent l'aliénation d'esprit; mais celui qui les dissipera au jeu, par exemple, sera cependant dans son bon sens, et les tribunaux ne pourraient, sans outrager évidemment la vérité, le déclarer en démence.

Le citoyen Bigot-Préameneu dit que, si la prodigalité devenait une cause d'interdiction, il y aurait lieu de craindre que l'intérêt personnel n'en abusât pour tourmenter, ou même pour faire priver de l'exercice de ses droits, celui qui ne mériterait pas de les perdre: mais on pourrait la regarder comme un motif suffisant de donner un conseil.

Le consul Cambacérès dit que si les demandes en interdiction pour cause de prodigalité ont été quelquefois injustes, ce n'est point un motif pour écarter tous moyens de réprimer des désordres capables de compromettre la société. Un prodigue peut devenir un homme dangereux, et 'Etat ne peut pas être indifférent sur le sort des familles. Il faut donc examiner avant tout si le Code civil ne doit pas contenir une disposition relative aux prodigues.

Le citoyen Maleville dit qu'il a vu beaucoup

T. VII.

d'individus qui méritaient d'être interdits et qui cependant ne l'ont pas été; mais que jamais il u'à vu interdire personne qui ne fût dans le cas de l'être.

Le citoyen Berlier trouve la question trèsdélicate. Il est, dit-il, si difficile de définir le prodigue, qu'inévitablement son interdiction sera toujours arbitraire.

Celui-là sera-t-il prodigue (dans le sens donnant ouverture à l'action judiciaire), qui, ayant 10,000 francs de revenus, en aura depensé le double en une année, sans augmentation de ses capitaux ? Si on l'interdit dès les premiers temps, ne sera-ce pas, dans la prévoyance de l'avenir, le mettre hors d'état de réparer lui-même ses affaires? Si au contraire l'interdiction est tardive, à quoi servira-t-elle?

Si l'on examine la question dans l'intérêt public, la prodigalité est sans doute un vice, car le bien n'est jamais dans les extrêmes; mais le prodigue nuit-il plus à la société que l'avare?

Si la question est traitée dans l'intérêt des familles, de quel droit un collatéral peut-il se prévaloir? Et à l'égard des enfants, l'exercice d'un tel droit vis-à-vis de leur père ne sera-t-il pas souvent odieux ?

Environné de tant de difficultés, le citoyen Berlier pense que les rédacteurs du projet de Code civil ont pris un parti très-sage en n'admettant pas l'interdiction pour cause de prodigalité.

L'on vient de proposer, comme parti moyen, de donner un conseil au prodigue; ce tempérament atténue les inconvénients, mais il ne les détruit pas.

L'opinant désirerait que l'on pût définir clairement les cas pour lesquels l'action en prodigalité pourrait être intentée, et les personnes au nom desquelles elle pourrait l'être. Des règles sagement restrictives auraient peut-être quelque utilité; mais dans le vague de la question on y aperçoit plus d'abus que d'avantages.

Le citoyen Bigot-Préameneu dit que chez les Grecs et chez les Romains, on connaissait l'interdiction pour cause de prodigalité. Les Romains se servaient même, pour la prononcer, d'une formule remarquable. Elle portait: Quando tua bona paterna avitaque nequitia tuâ disperdis, liberosque tuos ad egestatem perducis, ob eam rem tibi ea re commercioque interdico.

On objecte que cette espèce d'interdiction est attentatoire au droit de propriété; qu'elle n'est propre qu'à favoriser de présomptifs héritiers, souvent d'avides collatéraux.

Cette objection n'est pas fondée. Les exemples d'attaques injustes sont rares: il est de notoriété que les tribunaux se montraient sévères contre les collatéraux; et l'interdiction n'était presque jamais prononcée, quand celui que l'on avait traduit en justice pour prodigalité n'était ni époux ni père.

Ce n'est point le droit de propriété que l'on attaque; c'est pour conserver au prodigue une propriété, qu'on lui ôte le droit de s'en dépouiller en se livrant à des passions coupables.

Mais en même temps il ne faut pas porter le remède au delà de ce qui est nécessaire. L'interdiction pour prodigalité, telle qu'ou la prononçait, mettait l'interdit, quant à ses biens, sous l'autorité d'un curateur, comme un mineur l'était sous celle de son tuteur. Il en résulterait une sorte de dégradation de la personne. On ne doit établir de peines que celles qui sont nécessaires; et on peut atteindre le but qu'on se propose par la nomination d'un conseil le prodigue continuera

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d'exercer ses droits en son nom; il sera seulement forcé de prendre et de suivre les conseils d'un homme sage qui sauveront son patrimoine et le ramèneront, sans scandale, à une vie raisonnable.

Le citoyen Treilhard dit qu'il est d'autant plus touché de la difficulté de fixer avec précision les caractères de la prodigalité, qu'on doit plus redouter de porter atteinte aux droits de propriété les lois en respectent même les abus, quand ils ne sont pas accompagnés de caractères qui décèlent un dérangement d'esprit c'est par cette raison qu'on a défini la propriété, non-seulement le droit d'user, mais encore le droit d'abuser de sa chose. Il y aurait done trop d'inconvénients à mettre la prodigalité simple au rang des causes d'interdiction; mais comme Ja prodigalité excessive devient une véritable démence, comme le joueur, par exemple, est un individu dont les organes sont viciés, on peut sans difficulté appliquer à ces sortes de prodigues les dispositions de l'article 12.

Le citoyen Tronchet dit que les rédacteurs du projet de Code civil avaient supprimé l'interdiction pour cause de prodigalité, en la consi

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Par rapport à ses effets.

Considérée dans sa nature, la cause de cette interdiction est difficile à établir, à moins qu'elle ne le soit par des actions publiques. Ainsi l'homme qui dépense chaque jour au jeu ou dans la déBauché au delà de sa fortune, est certainement un prodigue; mais quand la prodigalite ne se manifeste pas par des signes aussi éclatants, com

ent le prouver? Fera-t-on rendre compte à un citoyen de l'état de sa fortune, de l'usage qu'il en fait, de la manière dont il l'administre, des projets qu'il a conçus pour l'améliorer? ce serait autoriser une vexation destructive du droit de propriété.

Sous le second point de vue, la demande en interdiction est odieuse de la part de la femme et des enfants.

La femme non commune en biens n'a pas un intérêt légal à empêcher les dissipations de son mari. La femme commune en biens peut user d'un moyen plus honnète de prévenir les dangers dont elle est menacée : c'est la séparation.

Les enfants ne peuvent pas être admis à scruter la conduite de leur père; fe respect qu'ils lui doivent s'y oppose.

Enfin, dans ses effets, cette sorte d'interdiction est inutile; car elle ne peut être poursuivie que quand la fortune du prodigue est déjà dérangée.

Il est donc préférable de traiter l'individu notoirement prodigue comme un homme en démence; et, dans la réalité, celui-là est certainement privé de la raison, qui se réduit à la misère par le jeu et par la débauche.

Quant à l'Etat, il n'a pas d'intérêt à l'interdiction d'un prodigue. Ses dissipations ne diminuent pas la masse des richesses nationales; elles se bornent à déplacer les biens.

La prodigalité est même, sous un rapport, moins uisible que l'avarice, puisqu'elle tient dans la circulation ce que l'avarice en retire, et répand ainsi des richesses que celle-ci rend inutiles à tous. Le citoyen Portalis discute les trois motifs qui ont déterminé les rédacteurs du projet de Code civil.

En considérant l'interdiction du prodigue dans

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Ce motif pourrait faire impression, s'il s'agissait d'introduire une action nouvelle et jusqu'ici inconnue; mais comme la prodigalité est depuis longtemps une cause d'interdiction, l'expérience et l'usage ont éclairé sur la manière de reconnaître quand elle existe. Celui-là n'est sans doute pas considéré comme prodigue, qui n'abuse que dans une certaine mesure du droit de disposer de ses biens. L'interdiction n'est que pour celui qui, par de folles dissipations, anéantit son patrimoine. C'est aux tribunaux à peser les faits de prodigalité qui sont allégués.

A la vérité, il y a toujours un peu d'arbitraire dans la manière de juger ces sortes de procès; mais le même inconvenient se rencontre dans d'autres matières et tient à la nature des choses : sera-ce une raison de ne pas porter de loi? Non, sans doute; car ce serait rendre le jugement encore plus arbitraire. Dans les matières où il n'y a rien d'arbitraire, les lois doivent déterminer l'application des principes qu'elles consacrent; dans les matières où le législateur ne peut aller jusque-là, les lois doivent du moins poser des principes pour guider la décision du juge.

Sous le rapport des personnes, il ne suffit pas de s'arrêter à la femme et aux enfants; la famille aussi doit être comptée pour quelque chose. Il faut voir encore le ministère public, qui est chargé de réprimer les scandales capables de

troubler l'ordre.

Quant aux effets de l'interdiction du prodigue, ils ne sont pas aussi illusoires qu'on le prétend. Si l'interdiction ne conserve pas au dissipateur la totalité de sa fortune, elle lui en conserve du moins les débris, d'autant plus intéressants pour lui qu'ils sont sa dernière ressource. Elle signale le prodigue à la société, afin que personne ne traite avec lui.

On a dit que peu importe au trésor public dans quelles mains les biens sont placés, pourvu qu'ils demeurent dans l'Etat.

Ce n'est pas ici une question de finances, c'est une question de mœurs et d'intérêt social. Le corps de la société a intérêt que ses membres ne se réduisent pas à un état qui les incite au crime, à ce que chacun ait un patrimoine qui devienne la garantie de sa conduite. Il est d'ailleurs du devoir de la société de protéger les citoyens contre eux-mêmes ce principe est la base des lois sur l'interdiction pour démence ou fureur, des lois sur les tutelles. Le prodigue, comme le mineur, comme le furieux, est dans une position qui appelle la protection des lois, d'autant que les vices et les passions auxquels on doit attribuer ses excès sont de nature à inquiéter la société.

La prodigalité, a-t-on dil, répand les richesses et les rend utiles. Cette prodigalité qui consomme et qui reçoit l'équivalent de ce qu'elle donne, n'est pas celle dont s'occupent les lois : la vraie prodigalité dissipe sans objet; elle ne produit que désordre et scandale aussi les lois l'appellent-elles nequitia.

Il est possible que l'action contre les prodigues soit mal reçue dans une capitale où les goûts, les fantaisies, le luxe, ont tant d'empire; l'esprit d'ordre et d'économie sont moins connus : mais dans les départements, où l'esprit de famille et les principes d'une sage administration se sont mieux conservés, cette action ne trouvera que des apologistes.

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Voyons maintenant si l'article 12 peut suppléer Finterdiction pour prodigalité; il est difficile d'en être persuadé. La prodigalité, poussée à un certain degré, dégénère, il est vrai, en démence; mais comme elle n'en a pas le nom, le juge ne lui appliquera pas les dispositions de cet article.

Le consul Cambacérès dit que, puisque l'on est d'accord qu'il y a des prodigues, et que la prodigalité est un mal, la conséquence de cet assentiment doit être de chercher un remède.

On a objecté que le remède viendrait trop tard, qu'il ne sauverait au prodigue que les débris dé Sa fortune. Mais, outre que ces débris sont précieux, l'interdiction lui conservera le nouveau patrimoine que des successions peuvent lui former.

On a dit que l'article 12 donne aux juges assez de latitude pour lier le prodigue; c'est une erreur. Les effets de l'article 12 sont restreints par l'article 2 au cas où l'interdiction a été démandée pour démence ou fureur. Les tribunaux ne se Proient donc pas autorisés à l'appliquer à l'individu contre lequel on n'allèguera que des faits de prodigalité. Si l'on veut qu'il s'étende jusquelà, il faut s'en expliquer: il faut dire, par exemple, que le prodigue sera traité comme l'homme en démence, et que le juge pourra lui donner un conseil.

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On a craint les abus de l'interdiction pour prodigalité cependant il serait difficile d'en citer peut-être un seul exemple. Rarement ces demandes réussissaient, parce que la prodigalité est trop difficile à établir; rarement même elles étaient formées, parce qu'il y avait, pour lier le prodigue, d'autres moyens qui n'existent plus, comme l'exhérédatioù, les substitutions, etc.

Mais, dit-on, il sera donc permis de fouiller dans les affaires de celui qu'on voudra interdire, de lui faire rendre compte de la manière dont il use de sa propriété, de faire valoir contre lui des spéculations fausses ou malheureuses? non, car il ne sera permis d'invoquer que des faits not.ires. Quant aux fausses spéculations, il est impossible de les considérer comme des actes de prodigalité.

Ainsi, rien ne s'oppose à ce qu'on prenne des mesures pour défendre le prodigue contre ses propres excès; et dès lors il faut y pourvoir, afin qu'on ne dise pas que, dans un siècle où il y a tant de dissipateurs, la loi a entendu donner à chacun la faculté de se ruiner.

Le citoyen Emmery dit que la section n'a jamais entendu prohiber l'interdiction du dissipateur elle avait cru, cependant, ne devoir pas mettre directement la prodigalité au nombre des causes d'interdiction. Elle avait pensé que l'article 12 donnait aux tribunaux le pouvoir d'enchaîner le prodigue; on vient de prouver que, tel qu'il est présenté, il ne produirait pas cet effet; mais on peut en changer la rédaction, et dire que si des faits de prodigalité sont articulés au soutien de la demande en interdiction pour démence, les tribunaux, en rejetant la cause de démence, seront néanmoins autorisés à donner un conseil sans l'intervention duquel celui cntre lequel l'interdiction aura été demandée ne pourra aliéner ni engager ses biens.

Le consul Cambacérés propose de dire que les faits notoires de prodigalité pourront donner lieu à l'interdiction ou à la nomination d'un conseil.

Cette proposition est adoptée.

La suite de la discussion du titre est ajournée.

[Procès-verbal du Cons. d'État.] 371

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De la privation des droits civils par suite de condamnations judiciaires.

Art. 16. « Les condamnations à des peines « dont l'effet est de priver celui qui est condamné « de toute participation aux droits civils ci-après « exprimés, emporteront la mort civile. »>

Art. 17. La condamnation à la mort naturelle « emportera toujours la mort civile, soit qu'elle <«< ait été prononcée contradictoirement ou par « contumace, encore que le jugement n'ait pu être exécuté que par effigie. »>

Art. 18. « Les autres peines afflictives perpé«tuelles n'emporteront la mort civile qu'autant « que la loi y aurait attaché cet effet. »

Art. 19. Par la mort civile, le condamné « perd la propriété de tous les biens qu'il possé«dait; sa succession est ouverte au profit de ses héritiers, auxquels ses biens sont dévolus de «la même manière que s'il était mort naturelle

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«ment et sans testament.

« Il ne peut plus ni recueillir aucune succes«sion, ni transmettre à ce titre les biens qu'il a « acquis par la suite.

«Il ne peut ni disposer de ses biens, en tout « ou en partie, par donation entre-vils ni par « testament, ni recevoir à ce titre, si ce n'est « pour cause d'aliments.

« Il ne peut être nommé tuteur, ni concourir « aux opérations relatives à la tutelle.

Il ne peut être témoin dans un acte solennel <«< ou authentique, ni être admis à porter témoi«gnage en justice.

Il ne peut procéder en justice, ni en défen«dant ni en demandant, que sous le nom et par « le ministère d'un curateur spécial qui lui est « nommé par le tribunal où l'action est portée. Il est incapable de contracter un mariage qui produise aucun effet civil.

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Le mariage qu'il avait contracté précédem«ment est dissous quant à tous ses effets civils. <<< Son époux et ses héritiers peuvent exercer respectivement les droits et les actions auxquels << sa mort naturelle donnerait ouverture. » Art. 20. « Les condamnations contradictoires « n'emportent la mort civile qu'à compter du jour « de leur exécution, soit réelle, soit par effigie. » Art. 21. « Les condamnations par contumace << n'emporteront la mort civile qu'après les cinq « années qui suivront l'exécution du jugement « par effigie, et pendant lesquelles le condamné « peut se représenter.

Art. 22. « Les condamnés par contumace seront, « pendant les cinq ans. ou jusqu'à ce qu'ils se « représentent, ou qu'ils soient arrêtés pendant « ce délai, privés de l'exercice des droits civils.

« Leurs biens seront administrés et leurs droits « exercés de même que ceux des absents. »

Art. 23. Lorsque le condamné par contumace a se présentera volontairement dans les cinq « années, à compter du jour de l'exécution, ou « lorsqu'il aura été saisí et constitué prisonnier « dans ce délai, le jugement sera anéanti de plein « droit; l'accusé sera remis en possession de ses « biens: il sera jugé de nouveau ; et si, par ce nouveau jugement, il est condamné à la même « peine ou à une peine différente emportant éga<«<lement la mort civile, elle n'aura lieu qu'à «< compter du jour de l'exécution du second juge

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Art. 24. « Lorsque le condamné par contumace, qui ne se sera représenté ou qui n'aura été «< constitué prisonnier qu'après les cinq ans, sera absous par le nouveau jugement, ou n'aura été «< condamné qu'à une peine qui n'emportera point la mort civile, il rentrera dans la plénitude de « ses droits civils pour l'avenir, et à compter du jour où il aura reparu en justice; mais le premierjugement conservera tous ses effets pour le « passé.

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Néanmoins les enfants nés de son époux dans « l'intervalle des cinq aus, seront légitimes. »> Art. 25. Si le condamné par contuinace meurt « dans le délai de grâce des cinq années, sans « être représenté, ou sans avoir été saisi ou arrêté, il sera réputé mort dans l'intégrité de ses droits. Le jugement de contumace sera « anéanti de plein droit, sans préjudice néanmoins de l'action de la partie civile, laquelle ne pourra « être intentée, contre les héritiers du condamné, « que par la voie civile. »

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Art. 26. «En aucun cas, la prescription de la peine ne réintégrera le condamné dans ses droits civils pour l'avenir. »>

Art. 27. « Les biens acquis par le condamné depuis la mort civile encourue, et dont il se << trouvera en possession au jour de sa mort naturelle, appartiendront à la nation par droit de « déshérence.

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Le consul Cambacérès pense que la disposition qui termine cet article est trop absolue, et qu'il faut pouvoir opposer aux enfants des condamnés toutes les exceptions admises contre la regle pater is est.

Le citoyen Maleville dit que l'article tel qu'il est rédigé n'empêche point d'opposer aux enfants nés de la femme du contumax les exceptions dont le Consul vient de parler; cet article les place seulement dans la règle générale; il serait peutêtre trop dur d'aller plus loin, et défaire dépendre leur état de l'aveu du père.

Le citoyen Bérenger demande si les enfants nés pendant les cinq ans seront légitimes, même lorsque le père ne se sera pas fait acquitter.

Le citoyen Tronchet répond qu'ils sont légitimes de plein droit, puisque la mort civile du père n'est acquise qu'après l'expiration des cinq ans.

Ceci prouve que la disposition sur laquelle on discute est inutile, puisque ces enfants ont la légitimité de plein droit; et par une conséquence nécessaire du système adopté des condamnés par contumace, il est odieux de la leur accorder par une disposition particulière.

Le consul Cambacérès dit qu'il y aurait peutêtre quelque dureté à faire dépendre l'état de ces enfants de l'aveu ou du désaveu de leur père ; qu'il convient d'examiner si les exceptions à la règle pater is est suffisent à leur égard, ou s'il ne faut pas y ajouter.

Le citoyen Tronchet pense que les exceptions ordinaires à la règle pater is est doivent être conservées pour les enfants dont il s'agit : que cependant on ne peut se dissimuler qu'elles seraient ici illusoires par les motifs que le consul Cambacérés a développés. Cette considération semble demander qu'on exige l'aveu du père lui seul sait si l'exception d'impossibilité physique existe.

Le consul Cambacérès dit que la loi ne peut pas abandonner l'état de l'enfant aux caprices du père; que si l'on admet le désaveu de ce dernier, il convient d'exiger, du moins, qu'il le motive.

Le citoyen Bigot-Préamenen dit que l'un des inconvénients de la disposition qui exigerait la reconnaissance du père, serait de priver les enfants de leur état, si le père venait à mourir avant de les avoir reconnus.

Le consul Cambacérès dit que la difficulté vient de la disposition trop restreinte qui réduit à la seule impossibilité physique les exceptions à la règle pater is est. Lorsque cette disposition a été adoptée, on ne pensait pas qu'elle dût être appliquée aux enfants du contumax.

Le citoyen Bigot - Préameneu propose d'ajouter à l'article: «Néanmoins leur légitimité « pourra être contestée suivant les circons« tances. >>

Le citoyen Tronchet dit que faire dépendre des circonstances l'état de ces enfants, ce serait le rendre inébranlable. Quelles circonstances, en effet, les tiers intéressés pourraient-ils? Un contumax qui se cache n'est pas comme un absent dont on peut reconnaître et vérifier les traces: l'aveu du père semble donc indispensable. Le citoyen Bigot-Préameneu dit que la mort possible du père avant la reconnaissance, sera toujours un obstable au système du citoyen Tronchet.

Le consul Cambacérès dit que pour échapper à la difficulté, il conviendrait de ne pas exiger la reconnaissance positive du père, mais de lui donner seulement la faculté de désavouer les enfants.

Le consul Lebrun dit que le cas dont le conseil s'occupe est si rare, qu'on peut s'en tenir au droit commun.

Le consul Cambacérès dit qu'il n'y a pas d'hypothèse où la supposition d'enfant soit plus facile.

Le citoyen Tronchet propose d'accorder au père le désaveu en la manière qu'il a été réglé au titre de la paternité, et d'appliquer aux héritiers du contumax, les dispositions du même titre qui sera pportent aux héritiers du père: car, dit-il, les enfants supposés ne se présentent ordinairement qu'après la mort de celui dont ils prétendent être nés.

Le citoyen Bérenger pense que le contumax ne doit plus être traité que comme l'absent, puisque l'exécution en effigie n'a plus aucun résultat.

Le consul Lebrun dit qu'elle produit encore le séquestre et l'administration des biens avant le terme où ils ont lieu pour simple fait d'absence.

Le consul Cambacérès propose de substituer à la dernière partie de l'article une disposition qui porte que la légitimité des enfants du contumax, nés pendant les cinq ans, sera réglée par le titre de la paternité.

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