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IMPRIMERIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT, Rue de Grenelle-Saint-Honoré, 45, à Paris.

ARCHIVES

PARLEMENTAIRES

PUBLIÉES PAR

MM. J. MAVIDAL ET E. LAURENT

SOUS-BIBLIOTHÉCAIRES AU CORPS LÉGISLATIF

RECUEIL COMPLET

DES DÉBATS LÉGISLATIFS ET POLITIQUES

DES

CHAMBRES FRANÇAISES

DE

1800 à 1860

FAISANT SUITE A LA RÉIMPRESSION DE L'ANCIEN MONITEUR

ET COMPRENANT UN GRAND NOMBRE DE NOUVEAUX DOCUMENTS

TOME VII

PREMIÈRE PARTIE

COMPRENANT LA SUITE DES OBSERVATIONS DES TRIBUNAUX D'APPEL ET LA DISCUSSION DU CONSEIL D'ETAT
SUR LE PROJET DE CODE CIVIL.

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ARCHIVES PARLEMENTAIRES.

OBSERVATIONS

DU TRIBUNAL D'APPEL ÉTABLI A RENNES, SUR LÉ PROJET DE CODE CIVIL.

Le tribunal d'appel, en suivant la division du travail qui lui a été présenté par sa commission, s'attachera d'abord aux observations principales et d'un intérêt majeur. Il discutera ensuite les observations de détail, dont le plus grand nombre ne portent que sur la rédaction des articles.

PREMIÈRE PARTIE.

OBSERVATIONS PRINCIPALES.

Les premiers regards de la commission se sont portés sur la forme du projet. Une expérience suivie l'a convaincue de l'incommodité de différentes séries d'articles dans un ouvrage tel qu'un corps de lois. Une seule série, conforme au projet de Cambacérès, serait infiniment plus commode pour tous les citoyens, et surtout pour ceux qui, par état, sont obligés d'en faire de fréquentes applications. Qu'on voie le Code pénal de 1791: de quelles circonlocutions n'est-on pas obligé de se servir pour en citer un article? Il en sera de même du projet de Code civil, si la division qui y a été suivie est adoptée; au lieu que, si le Code était formé d'une seule série d'articles, il suffirait d'indiquer le nombre de l'article qu'on veut citer.

Rien de plus facile à établir que cet ordre numérique, sans toucher d'ailleurs à la division des matières. Par ces considérations, la commission propose de réduire tous les articles du Code à une seule série continue. Cette proposition, mise aux voix dans l'assemblée générale, est adoptée. LIVRE PRÉLIMINAIRE.

TITRE III.

Mode de promulgation des lois.

La commission a fait l'observation suivante : Il y a longtemps que les bons esprits gémissent de l'insuffisance du mode actuel de promulgation des lois; et l'on ne trouve point, dans ce titre, le remède aux abus qui en résulteraient, le mode proposé étant toujours le même.

Il y avait sur cette matière importante deux problèmes à résoudre.

1er problème. Trouver un terme fixe et uniforme pour que la loi devienne exécutoire, le même jour, pour tous les citoyens, dans l'étendue de la République.

2e problème. Trouver un mode de publication tel que chaque citoyen, sachant lire, puisse acquérir sans frais la connaissance de la loi.

Ce moyen est l'affiche dans toutes les communes de la République, ou tout au moins dans tous les chefs-lieux des tribunaux civils, et dans les lieux où sont établis les juges de paix.

La seule objection qu'on puisse faire contre l'affiche dans toutes les communes, est la dépense qu'elle entraîne et que l'on croit énorme elle l'était sans doute dans les années orageuses de la

Révolution, parce qu'on faisait afficher tous les décrets innombrables de la Convention nationale, décrets de circonstances, décrets locaux, qui ne méritent pas le titre de lois.

L'observation de la commission ne porte que sur les lois d'utilité générale, qui sont et seront en petit nombre, et dont l'affiche par conséquent coûtera peu. En jugeant du nombre des lois futures par le nombre de celles qui ont été émises depuis le 18 brumaire an VIII, on se convaincra de cette vérité de fait. En principe, le devoir d'un gouvernement est de mettre les lois à la portée de tous les citoyens intéressés à les connaître; et la dépense n'est pas une objection à proposer contre le principe.

A l'égard du temps, c'est-à-dire du jour fixe auquel la loi puisse devenir exécutoire pour tous les citoyens dans toute l'étendue de la France, il ne s'agit que de déterminer le délai nécessaire pour que la loi soit parvenue dans toutes les communes les plus éloignées du centre politique.

On remarque, dans l'article 2 du projet, que les lois relatives à l'ordre judiciaire ne seront pas exécutoires en même temps que les lois concernant l'administration générale; ce qui est un vice d'autant plus sensible, qu'il n'y a presque pas de lois d'administration qui ne soient applicables par les tribunaux. La solution des problèmes proposés par la commission remédierait à cet inconvénient.

L'article 37 de la Constitution porte que tout décret du Corps législatif est promulgué par le Premier Consul, le dixième jour après son émission.

En supposant donc que le délai d'un mois, à compter de cette promulgation par le Premier Consul, soit suffisant pour faire parvenir la loi aux extrémités de la République les plus éloignées du séjour du premier magistrat, les articles 2, 3 et du titre III pourraient être rédigés de la manière suivante :

Art. 2. « La loi sera exécutoire, simultanément, << dans toutes les parties de la République, à « l'expiration d'un mois (si ce délai est insuffisant, on peut y substituer celui de quatre ou « cinq décades, ou tel autre qui sera jugé conve«nable), à compter de la promulgation qui en «sera faite, aux termes de la Constitution, par «le Premier Consul. »

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Art. 3. Avant l'expiration de ce délai, elle devra « être publiée dans tous les tribunaux, à l'au«dience qui suivra immédiatement le jour de la « réception, par la section de service, à peine de «forfaiture contre les juges. Le greffier en dres<< sera procès-verbal sur un registre particulier. »> Art. 4. Pour que chaque citoyen puisse ac<«< quérir sans frais la connaissance de la loi, elle « sera affichée dans toutes les communes, dans « la décade de la réception, et l'affiche en sera <«< conservée ou renouvelée au moins pendant « une décade entière. >>

Le tribunal, délibérant sur cette observation, l'a adoptée.

T. VII.

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LIVRE PREMIER.

Des personnes.

TITRE II, et passage du TITRE VII au TITRE VIII. ÉTAT CIVIL; ADOPTION.

Le silence absolu du projet sur les adoptions a donné lieu à la commission de penser que, quoique l'adoption n'ait pas été combattue dans le discours préliminaire, l'intention des rédacteurs a été de l'abolir. L'avis de la majorité de la commission ayant été au contraire d'insérer dans le Code civil les dispositions du projet de Cambacérès relatives à l'adoption, la question a été mise aux voix dans l'assemblée générale, et le tribunal s'est prononcé en majorité contre l'avis de la commission.

TITRE IV.

Absents.

Art. 14. Cet article dépouille irrévocablement l'absent de toutes ses propriétés après trente ans révolus, à compter de l'envoi de ses héritiers en possession provisoire, c'est-à-dire après trentecinq ans d'absence; ce qui paraît souverainement injuste, dans l'hypothèse de son retour après les trente ans. Il arriverait qu'un homme s'absentant à sa majorité accomplie, et revenant âgé seulement de cinquante-six ans, sa succession entière se trouverait dévolue, de son vivant, à ses héritiers présomptifs; ce qui répugne. Viventis nullus hæres.

L'envoi de ces héritiers en possession provisoire après cinq ans n'est qu'une espèce de dépôt dans leurs mains, un titre précaire qui ne peut être la base de la prescription. Pour prescrire, il faut une possession animo domini. La prescription, si elle pouvait être admise en cette matière, ne devrait commencer à courir que du jour où la possession des héritiers devient définitive, comme le serait celle d'un étranger; et l'on remarquera que la loi, faisant durer trente ans la possession provisoire, il ne se trouve aucun intervalle entre elle et la dévolution irrévocable de la propriété, de sorte qu'on la fait acquérir aux héritiers présomptifs sans prescription caractérisée, et sans avoir possédé un seul jour animo domini. Le droit des héritiers ne peut être fondé sur la prescription, leur qualité y étant un obstacle perpétuel, mais seulement sur la présomption de mort de l'absent, présomption qui cesse évidemment par son retour. C'est bien assez qu'après dix ans, les héritiers ne soient plus comptables des jouissances, et qu'ils en profitent; mais en quelque temps que ce soit, le fonds doit être rendu à l'absent, lorsqu'il reparaît. L'article 6 du projet reconnaît le principe général que la loi ne présume la mort de l'absent qu'après cent ans révolus, du jour de sa naissance; et la dernière partie de l'article 14 est en opposition directe avec ce principe.

D'après ces réflexions émises par la commission et discutées dans l'assemblée générale, le tribunal propose la rédaction suivante de l'article 14.

«Les héritiers, tant qu'ils ne jouissent qu'en « vertu de l'envoi provisoire, ne peuvent pres«< crire la propriété des fonds et capitaux dont « l'administration leur a été confiée.

<< Ils ne peuvent aliéner ni hypothéquer ses im<< meubles avant trente ans révolus, à compter a du jour de l'envoi en possession provisoire; et même après les trente ans, si l'absent revenait, « il pourrait se faire délivrer par eux soit les im« meubles mêmes, s'ils existent encore dans leur

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Art. 28. Cet article autorise les pères et mères, même les aïeuls, à former opposition au mariage de leurs enfants ou descendants, encore que ceuxci aient vingt-cinq ans accomplis.

Après avoir fixé en général la majorité à l'âge de vingt-un ans, la loi, qui ne permet aux enfants de se marier qu'à vingt-cinq ans sans le consentement de leur père ou de leur mère, n'est qu'une prolongation fictive de la minorité. Cependant, l'importance du mariage et l'intérêt des mœurs justifient suffisamment cette fiction mais il est contraire à la liberté individuelle de prolonger au delà de vingt-cinq ans les liens de la dépendance des enfants, en autorisant les oppositions de leurs ascendants à leur mariage.

Qu'on assujettisse les enfants, même au delà de cet âge, à justifier qu'ils ont requis le consentement de leur père ou de leur mère, à la bonne heure; c'est une déférence de la piété filiale, c'est l'équivalent de la sommation respectueuse de l'ancien droit français: mais après cette déférence, la liberté reprend ses droits; et la puissance paternelle, qui a déjà cessé par la majorité, ne peut plus influer sur le sort des enfants.

Ainsi, à la place de l'article 28, le tribunal, sur le rapport de la commission, propose l'article sui

vant :

Les pères et mères, et, à leur défaut, les aïeuls et aïeules, peuvent former opposition « au mariage de leurs enfants ou descendants, pendant « que ceux-ci n'ont pas atteint l'âge de vingt« cinq ans accomplis. Au delà même de cet age, « l'enfant ou descendant est tenu de justifier qu'il <«< a requis le consentement de son père ou de sa « mère, ou celui de ses aïeuls ou aïeules; passé <«< laquelle réquisition, les oppositions ne peuvent « être reçues. >>

TITRE VI. Divorce.

Art. 3. La majorité de la commission ayant été d'avis d'admettre le divorce par consentement mutuel, le tribunal, délibérant sur cette question, en a prononcé la négative, aussi à la majorité.

Il a été pareillement d'avis, contre celui de la commission, de rejeter le divorce pour cause de fureur, même permanente.

Sur la dernière partie de l'article 3, le tribunal a pensé que cette disposition, qui fait dépendre la demande de divorce de la femme, d'une condition qu'il est au pouvoir du mari d'éluder, détruit la réciprocité nécessaire du divorce fondé sur l'adultère de l'un des époux. Il est d'avis que cette cause soit admise contre le mari comme contre la femme, lorsqu'il y a scandale public, ou lorsque l'adultère est prouvé par des écrits du fait de l'époux contre lequel le divorce est demandé,

Le tribunal est aussi d'avis qu'au nombre des causes du divorce, on fasse entrer, dans l'article 3, la condamnation de l'un des époux à une peine afflictive ou infamante, conformément à la loi du 20 septembre 1792, et au projet de Cambacérès, article 328. Le respect au mariage n'exige pas qu'un époux soit tenu de demeurer associé avec l'époux qui s'est couvert d'infamie. La morale, dans ce cas, d'accord avec la nature, commande le divorce.

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