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5 francs avec signature autographe de l'artiste. Celui-ci s'occupe de l'exécution d'une plaquette commémorative reproduisant, en réduction, le bas-relief symbolisant la Confraternité, qui ornait le menu. Ce petit objet d'art, qui sera fondu en bronze et en étain, est mis en souscription au prix de 10 francs l'exemplaire.

S'adresser pour les demandes à la Société anonyme L'Art, avenue de la Toison d'or, 56, à Bruxelles.

D'autre part, le Comité organisateur des fêtes du 23 décembre a prié M. Paul Du Bois de composer une médaille qui sera frappée en mémoire de l'assemblée générale de la Fédération des Avocats.

M. Julien Dillens a reçu la commande du buste de Me Jules Guillery, président d'honneur de la Fédération. Ce buste est destiné à orner une des galeries du Palais.

Le Conseil de l'Ordre des Avocats près de la Cour d'appel de Bruxelles met au concours un projet d'ex-libris destiné aux livres de la Bibliothèque du Barreau.

Cet ex-libris devra mesurer au maximum 5 centimètres de haut sur 3 1/2 centimètres de large et porter comme inscription: << Barreau de Bruxelles » avec un petit cartouche réservé au numéro de chaque volume.

Les projets seront adressés, au plus tard le 1er mars 1895, à M. Moreau, secrétaire de l'Ordre, Palais de Justice, à Bruxelles. Ils resteront exposés pendant un mois dans le local de la Bibliothèque.

Une somme de 100 francs sera attribuée à l'auteur du projet préféré. Les projets non primés demeureront la propriété de leur

auteur.

NOTES DE MUSIQUE

La deuxième séance de musique de chambre donnée jeudi dernier par MM. Alfred Marchot, J. Ten Have, L. Van Hout, J. Jacob et Th. Ysaye a été, comme la première, d'un très grand attrait artistique. Les quartettistes ont exécuté avec une sûreté, une délicatesse d'interprétation et un ensemble des plus remarquables le joli Quatuor de Lalo, inconnu à Bruxelles, et dont l'andante, écrit avec la distinction et la finesse qui caractérisent les œuvres de l'école française contemporaine, a été particulièrement applaudi.

M. Léon Van Hout, secondé par M. Ysaye, a mis en relief les beautés plus sévères de la Sonate de Locatelli, pour laquelle M. Gevaert a composé un accompagnement de piano. L'alto de M. Van Hout a des sonorités superbes, des flexions de nuances subtiles. Et l'artiste en joue en maître. Dédaigné autrefois, abandonné aux loisirs intermittents des violonistes, cet instrument n'avait jamais fait l'objet des études approfondies que lui a consacrées M. Van Hout. Aussi est-ce une bonne fortune pour le Conservatoire que l'entrée récente dans son corps professoral de l'éminent artiste qui s'est voué exclusivement à l'alto et qui lui a donné, dans le quatuor, la place à laquelle il a droit.

Le Quintette pour piano et cordes de Castillon, interprété avec un sentiment artistique très pur, a clôturé la séance.

On a réentendu avec plaisir cette composition d'un musicien enlevé trop jeune à l'art et qui a, on le sait, ouvert les voies à la musique de chambre en France. Alexis de Castillon a été, en effet, l'initiateur de la brillante pléiade dans laquelle se sont particulièrement distingués Vincent d'Indy et Gabriel Fauré. Son Quintette, son Quatuor, son Trio, qui portent tous la marque d'un

talent personnel et vigoureux, et n'étaient connus jusqu'ici que des musiciens, ont été mis en lumière par les concerts des XX et de la Libre Esthétique. C'est avec joie que nous les voyons entrer, décidément, au répertoire des quartettistes.

La prochaine séance est fixée au jeudi 7 février. On y entendra le Quatuor en sol mineur pour piano et cordes de Brahms, la Sonate de G. Fauré pour piano et violon et le Quatuor no 2 du même auteur.

Le Quatuor Heermann, de Francfort (MM Heermann, 1er violon, Bassermann, 2e violon, N. Koning, alto, et H. Becker, violoncelle), s'est fait entendre à Bruxelle, le jour de la Veillée des Rois, dans les salons de Mme Errera. Nous avons apprécié déjà les rares qualités d'interprétation et de compréhension artistique qui ont placé la célèbre phalange instrumentale parmi les meilleures associations analogues. Par l'homogénéité du son, le souci d'exprimer les moindres intentions du compositeur, la sobriété et la simplicité de l'exécution, le Quatuor Heermann arrive à une réalisation parfaite, vraiment impressionnante. Un programme de choix : 2e Quatuor de Mozart, 14o Quatuor de Beethoven, 3o Quatuor de Schumann, a été applaudi comme il convient par l'auditoire de musiciens et d'amateurs convié à assister à cette très belle séance.

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PERSONNAGES: Francesca (soprano), Mile ESTHER SIDNER; Paolo (baryton), M. MARTAPOURA; l'Ange Gabriel (contralto), Mile CLAIRE FRICHET; Minos (basse), M. PIELTAIN.

1er Choeur Les Ames impénitentes. 2e Choeur: Les Ames charnelles. - 3o Choeur : Les Démons. - 4o Choeur : Les Séraphins. La partie vocale est confiée au Choral mixte, sous la direction de MM. Léon Soubre et Carpay, augmenté d'un groupe important de chanteurs auxiliaires, notamment des membres de la Société L'Orpheon (150 chanteurs). L'orchestre, renforcé également pour ce concert, comprendra 100 exécutants.

INSTANTANÉ Cooper.

Instantané de l'excellent acteur COOPER, le plus parisien de nos concitoyens, qui a troqué contre un pseudonyme à physionomie américaine son nom trop peu boulevardier de Van der Jeughd. Son apparition au Cercle artistique donne de l'actualité à ce portrait-express, publié dernièrement par le Gil Blas:

Semble, avec ses petites moustaches retroussées sous un nez narquois de Scapin, ses yeux qui pétillent de malice, sa figure épanouie et insoucieuse, sortir de quelque fantaisiste aquarelle de Van Beers. Un lanceur de modes que copient les gommeux en mal de chic et les allures du parfait boulevardier qui est au courant des moindres potins, ne s'étonne d'aucune aventure et prend la vie à la blague. A la ville, l'un des chauves les plus sympathiques et les plus parfaits que l'on connaisse; au théâtre, a des moumoutes frisottées d'un effet irrésistible. Comédien excellent, d'une extrême finesse, ajoute à ses moindres rôles des nuances inattendues, on ne sait quelle savoureuse fantaisie. A un peu tout joué, l'opérette, la comédie, le vaudeville, et se découvrit naguère, dans la reprise du Petit Faust, quelques notes de tenorino dont il n'abuse d'ailleurs pas. Signe particulier Aurait volontiers un faible pour la dame de pique et, quoique Belge, prit du service pendant le siège et se battit commme un vrai soldat.

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Memento des Expositions

Exposition nationale d'art moderne et d'art rétrospectif. 12 mai-1er septembre 1895. Envois du 5 au 20 avril. Transport gratuit des œuvres admises. Renseignements : Commissaire général de l'exposition, Hôtel de Ville, Angers. BORDEAUX. Société philomathique. Treizième exposition de l'Industrie et des Beaux-Arts, des Arts industriels et de l'Art ancien. Du 1er mai au 15 octobre 1895.

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BRUXELLES. - Maison d'Art de la Toison d'Or. Exposition pèrmanente d'art et d'art appliqué. Du 14 au 31 janvier, exposition spéciale d'eaux-fortes et d'aquarelles de M Georges Pissarro, de grès flammés de M. Dalpayrat et de Mme Lesbros.

ID. - Salon annuel de la Libre Esthétique (par invitations). Ouverture en février. Dépôt à Paris chez M. Olivier, boulevard de Clichy, 128, les 17, 18 et 19 janvier. Dépôt à Londres, aux mêmes dates, chez MM. Bradley and Co, Charlotte street, 61, Fitzroy Square. Réception à Bruxelles les 7, 8 et 9 février (délai de rigueur), au Musée royal de peinture, place du Musée. Renseignements M. Octave Maus, directeur de la Libre Esthétique, rue du Berger, 27, à Bruxelles.

PETITE CHRONIQUE

LA LIBRE ESTHÉTIQUE ouvrira en février prochain son Salon annuel dans les Galeries du Musée de peinture de Bruxelles. Cette manifestation artistique réunira une centaine d'exposants choisis parmi ceux qui en Belgique, en France, en Angleterre, en Hollande, etc. représentent les tendances nouvelles de l'art et dépassera en importance et en intérêt le Salon inaugural dont le succès fut si vif l'an passé.

Selon le principe instauré par les XX, une large place sera faite aux arts industriels et d'ornementation.

Des conférences, des auditions de musique nouvelle compléteront l'active propagande qui a réussi à faire de la Belgique, dans tous les domaines de l'art, un véritable centre international.

C'est demain, à 2 heures, que s'ouvrira, à la Maison d'Art de la Toison d'Or, l'exposition des eaux-fortes et aquarelles de M. Georges Pissarro et d'une série de cent grès flammés nouveaux de M. Dalpayrat et Mme Lesbros.

M. Georges Pissarro, fils de l'éminent paysagiste Pissarro, exposa pour la première fois l'an passé à la Libre Esthétique et s'y fit remarquer par la sûreté de son métier, mis au service d'une conception originale et d'un sentiment esthétique raffiné.

Quant aux grès flammés des céramistes de Bourg-la-Reine, on sait, pour en avoir vu des spécimens à la Libre Esthétique et à la Société des Beaux-Arts, le goût et l'harmonie de couleurs et de formes qui président à l'exécution des séduisantes pièces de collection composées par M. Dalpayrat et Mme Lesbros. Le Musée des Arts décoratifs en a acquis plusieurs sur la proposition de M. de Haulleville. Le Musée du Luxembourg et la plupart des musées étrangers en possèdent également quelques beaux exemplaires. Ce

premier Salonnet de la Toison d'Or promet donc d'offrir un grand intérêt d'art.

La Ville de Bruxelles ouvre un concours entre tous les élèves et anciens élèves de l'Académie des Beaux-Arts de Bruxelles, de nationatité belge, pour la composition d'un nouveau diplôme à décerner aux lauréats du grand concours de peinture, de sculpture, d'architecture, etc. Des primes de 400, 200 et 100 francs seront allouées aux auteurs des projets classés premiers par le jury. Le programme est à la disposition des intéressés dans les bureaux de l'Art moderne.

UNIVERSITÉ Nouvelle. Institut des hautes études.

Lundi, 14 janvier, à 9 heures du soir, M. de Brouckere: La philosophie des sciences, 8e leçon. Mercredi, 16 janvier, à 8 heures du soir, M. van de Velde: Les arts industriels et d'ornementation, ge leçon. Vendredi, 18 janvier, à 8 heures du soir, M. G. De Greef: Sociologie élémentaire, 11e leçon. Samedi, 19 janvier, à 8 heures du soir, M. Elisée Reclus: Géographie, 11 icçon.

Un musicien belge, connu surtout comme pianiste-accompagnateur, directeur de chœurs et organisateur de concerts, M. Victor Massagé, vient de mourir à Bruxelles. Il devait célébrer en avril prochain son 25me anniversaire de maitre de chapelle à l'église Sainte-Catherine.

On annonce inopinément de Cannes la mort du compositeur français Benjamin Godard, dont le Jocelyn fut représenté à la Monnaie, sous la direction Dupont et Lapissida, avec Mme Caron et M. Engel dans les rôles principaux, et dont un autre opéra, Pedro de Zalamea, fut joué à Anvers.

Benjamin Godard, qui, à 28 ans, avait obtenu le prix de la ville de Paris, avec son Tasse, n'était âgé que de 45 ans. A citer encore parmi ses œuvres sa Symphonie orientale, son opéra Le Dante, de nombreuses sonates, mélodies, etc., un opéra comique, La Vivandière, qu'il achevait d'orchestrer, au moment où la phtisie l'a abattu à Cannes. Cette Vivandière doit être représentée à Paris dans quelques mois.

Le sculpteur Jean Turcan, né à Arles en 1846, vient de mourir à Paris. Son groupe L'Aveugle et le Paralytique, exposé en 1883, et qui valut à son auteur la médaille d'honneur au Salon de 1888. où il fut exposé en marbre, le tira de l'obscurité où végétait cet homme de grand talent, modeste et probe, incapable d'une intrigue, et qui s'astreignit, en faveur de son art, aux plus pénibles sacrifices. L'ataxie l'avait frappé et, récemment, des amis dévoués cherchèrent à le tirer de la misère en organisant une tombola qui réussit brillamment. Mais le pauvre artiste ne profita pas de la générosité de ses admirateurs. Il succomba le 3 janvier, après plusieurs mois du plus douloureux martyre.

Mme Materna a fait ses adieux à l'Opéra impérial de Vienne, dans le rôle de la Walkyrie du Crépuscule des Dieux. Mme Materna était, à Vienne, la doyenne de tous les artistes de chant et avait encore débuté dans la vieille bâtisse située près de la porte de Carinthie et qui est aujourd'hui remplacée par le splendide monument de l'Opéra actuel. Ses débuts remontent au 2 avril 1869, et son succès ne se dessina pas tout de suite d'une façon très remarquable. Richard Wagner, déjà à la recherche des artistes qui devaient chanter dans son théâtre de Bayreuth, fit sa connaissance en 1874, et la sacra Walkyrie.

Mme Materna fut une incomparable Brunehilde et même dans ces dernières années, où sa voix commençait déjà à la trahir, elle avait encore de superbes moments, pleins de fougue et d'effet, et par-dessus tout le grand style de l'œuvre.

La puissante main qui avait pétri cette figure de vierge guerrière la soutint toujours, même au delà du tombeau de Wahnfried, et c'est le plus grand mérite de Mme Materna d'avoir conservé dans le rôle de la Walkyrie, d'une façon immuable, les grandes lignes. tous les détails arrêtés par le maitre. Avec elle s'en va la tradition primordiale de la Walkyrie. Mme Materna ne se retire pas complètement de la scène; elle va faire les délices des Américains, si friands de toutes les gloires d'Europe. (Guide musical.)

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L'ART MODERNE

PARAISSANT LE DIMANCHE

REVUE CRITIQUE DES ARTS ET DE LA LITTÉRATURE

Comité de rédaction : OCTAVE MAUS EDMOND PICARD ÉMILE VERHAEREN

ABONNEMENTS: Belgique, un an, fr. 10.00; Union postale, fr. 13.00

ANNONCES : On traite à forfait.

Adresser toutes les communications à

L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE l'Art Moderne, rue de l'Industrie, 32, Bruxelles.

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Il y a déjà pas mal d'années, c'était vers 1884 ou 1886, - la figure souriante et sympathique d'Émile Mathieu nous apparut à l'improviste à l'une des étapes --Asschaffenbourg, Wurzbourg ou Bamberg --du pèlerinage d'art qu'avec ferveur nous accomplissions tous, les fidèles des premiers jours comme les initiés de fraiche date. Et joyeusement, sur le quai, dans le vacarme et la fumée des trains, nous saluâmes le bon musicien en tenue de route qui s'en allait vers le Graal la sacoche au dos, la canne ferrée à la main. “ D'où venez-vous donc, marcheur incorrigible, et quelles énigmes avez-vous posées aux nains de la Forêt profonde, Voyageur? - J'arrive des montagnes du Tauô nus, mon cher, et je vous rapporte un opéra. - Dans votre sacoche? - Non pas; dans ma tête. Mais je tiens mon sujet. Il ne me reste qu'à l'écrire!

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Émile Mathieu a rempli sa promesse. L'œuvre qu'il rêvait lors de notre rencontre en terre bavaroise, il l'a mûrie, composée avec le soin et la probité que décèlent toutes ses partitions, il l'a caressée longuement, ornée d'épisodes et de développements séduisants, et la voici enfin présentée au public sur la scène de la Monnaie, peu accessible, on le sait, aux musiciens du crù.

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Le sujet de l'Enfance de Roland l'auteur a reculé devant le titre adopté d'abord: Les Enfances Roland, jugé de tournure démodée est emprunté à deux ballades d'Uhland, Klein Roland et Roland Schildtræger. Choisissant les éléments essentiels à l'une et à l'autre des légendes naïves et un peu superficielles mises en œuvre par le poète allemand, M. Émile Mathieu a imaginé un Charlemagne fort désolé de ne pouvoir ravir au Géant de la Forêt des Ardennes l'escarboucle magique, symbole de souveraineté, qu'il convoite avec ardeur. Sa nièce Imma, dans un élan généreux, promet de donner sa main à celui, fût-il simple homme d'armes, qui calmera les tourments du roi en conquérant, au péril de sa vie, l'inestimable joyau. Et voici les paladins armés pour la dangereuse équipée. Un otage saxon, séduit par la beauté de la princesse, s'apprête à tenter l'aventure. Le jeune Roland, fils de cette dame Berte, sœur de l'empereur, qu'exila Charlemagne pour la punir d'un mariage contracté malgré sa volonté, devine l'amour secret d'Imma pour le guerrier captif. Il favorise

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sa fuite, le mène par les sentiers de la forêt dont il connaît tous les halliers jusqu'à l'antre du Géant. Forcé dans son repaire, le monstre livre bataille. « Par le puissant Odin! s'écrie Sigmar en frappant d'estoc; mais son épée se brise. Par monseigneur Jésus! » crie à son tour le vaillant enfant en levant à deux mains son glaive. Atteint au cœur, le Goliath ardennais tombe et Roland s'empare triomphalement de l'Escarboucle qu'il rapporte au roi. Comme récompense, il réclame la réhabilitation de sa mère et la main d'Imma pour Sigmar.

C'est, on le voit, d'une féerie qu'il s'agit, d'un lied sorti de l'imagination poétique des trouvères et dans lequel Émile Mathieu a vu, non sans raison, les données d'une œuvre prêtant à de jolis développements de musique et de mise en scène. Sans chercher aucune complication psychologique, sans entamer le redoutable problème du drame lyrique, il s'est borné à donner cours, littérairement et musicalement, aux impressions agrestes de son voyage dans les montagnes. Il en a transposé les sites, il en a noté les sensations rustiques, et son œil de poète a aperçu au bord des ruisseaux, sous la clarté de la lune, des rondes de Willis, des gambades de Kobolds, tandis que son oreille de musicien discernait, dans le frémissement de la brise à travers la futaie, le chœur mystérieux des esprits.

Toute cette partie descriptive, la mieux venue de la partition, décèle le paysagiste qui est au fond de la nature d'Émile Mathieu. Qui ne se rappelle les harmonieux poèmes symphoniques et vocaux que lui inspira cet irrésistible entraînement vers les champs Le Hoyoux, Frehyr, le Sorbier? Dans l'Enfance de Roland, le paysage domine tellement que le restant de son œuvre apparaît comme l'encadrement du panorama pittoresque dont il déploie les séductions. L'acte de la forêt, qui comporte trois tableaux et dont les transformations successives, avec leur variété d'éclairage et de décors, vaudront à l'œuvre un vif succès, est de beaucoup le plus important de la partition. L'acte d'exposition, qui paraît un peu long et d'inspiration laborieuse, n'est qu'une préparation à ce chatoiement pictural et harmonique. Et l'intérêt du troisième réside surtout dans les choeurs apothéotiques qui clôturent l'œuvre par une explosion de résonnances d'un grand éclat.

L'écriture musicale de M. Mathieu est d'un artiste sincère et plaît par sa probité. On souhaiterait plus d'accent, plus de décision dans le trait. Le dessin mélodique est parfois indécis et manque par instants d'originalité Mais on ne relève point de faute de goût ni de trivialités. Et si l'œuvre paraît un peu grise en certaines de ses parties, la faute en est, croyons-nous, à l'instrumentation qui ne met pas toujours en relief les thèmes essentiels. Il y a quelque confusion dans certains ensembles symphoniques, des lourdeurs qui semblent le

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résultat d'une distribution inexacte des rôles, d'une connaissance imparfaite des ressources particulières de chaque instrument.

Mais ce sont là chicanes de musiciens et il y aurait mauvaise grâce à ne pas constater la somme d'efforts dépensés et l'heureux résultat obtenu malgré les difficultés d'une œuvre aussi touffue et aussi complexe. Créer de toutes pièces, poème et musique, une partition de cette importance, retenir l'attention d'un public blasé, concevoir des effets scéniques nouveaux et intéressants, mettre en mouvement une armée de chanteurs, de choristes, de musiciens, de ballerines, n'est pas à la portée du premier venu. Si l'Enfance de Roland n'est pas un chef-d'œuvre, si certaines analogies de situations avec des ouvrages célèbres évoquent des réminiscences difficiles à éviter, l'opéra de M. Emile Mathieu n'en constitue pas moins une partition de valeur qui classe honorablement son auteur et prend rang, à côté de l'œuvre précédente du compositeur, Richilde, parmi les productions les plus méritantes de la littérature lyrique.

Opéra? Féerie? Drame à spectacle? Qu'importe la forme si l'œuvre est artiste. M. Mathieu n'a pas cherché à rajeunir les moules classiques. Cela étonne un peu, de la part d'un wagnérien aussi convaincu. Peut-être est-ce la modestie seule qui l'a déterminé à côtoyer la cavatine et la romance au lieu de pousser au large vers les horizons nouveaux. On ne pourrait d'ailleurs, en aucun cas, en faire grief au musicien.

Si, à la répétition générale, l'interprétation, sauf M. Seguin, avait paru faible, il en fut autrement à la première représentation. Les artistes nous habituent à ces surprises, réservant volontiers leurs moyens pour le jour de bataille. Ils ont tous donné avec talent et bonne volonté. La voix de M. Seguin a paru plus imposante encore. Mile Lejeune a, de l'avis unanime, chanté brillamment. Mme Emma Cossira a tiré un grand parti du rôle assez effacé de dame Berte. M. Casset s'est vaillamment comporté. Quant à Mile Bellina, qui débutait sur la scène de la Monnaie, si son accent russe est un peu trop original, elle a une voix posée comme il est rare de le rencontrer, très claire, très sonore, un geste énergique et doux, une allure enfantine et fière qui convenait à son rôle. Elle a été très remarquée. Des rappels généraux après chaque tableau ont attesté la bienveillance du public qu'on habitue trop, peut-être, à Bruxelles, à des jugements absolus et rigoureux, sous prétexte de comparaison avec des interprétations modèles, impossibles à réaliser si ce n'est dans des temps et des lieux d'exception, avec des artistes triés sur le volet, à qui on ne demande que de passagers efforts.

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