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Ressources et dépenses du Nazareth.

libre, où elles trouvent protection, sympathie, travail, bon exemple; une famille d'où elles sortent « avec un certificat sérieux; il faut qu'elles appren«nent à pratiquer les devoirs d'une condition libre « avant de faire valoir leurs droits à la liberté. A Na«zareth, rien ne nous retient, rien ne nous engage « à montrer des penchants qui ne nous sont pas na«<turels. Nous y entrons de notre gré. La seule pu<< nition dont on nous menace est de nous faire sortir « avant le terme de notre double apprentissage mo«ral et industriel. »

Après un séjour de plusieurs années, et lorsqu'elles sont bien prémunies contre les dangers et les séductions de la vie libre, celles de ces femmes ou jeunes filles qui ne veulent pas y finir leurs jours, quittent le refuge pour se placer au dehors, et les épreuves qu'elles ont subies, les bons témoignages qui leur sont donnés, rendent ce placement facile.

A la date de l'année 1852, 360 de ces infortunées étaient rentrées dans leurs familles, ou avaient été placées chez des maîtres honorables, auprès desquels elles avaient pu mettre en pratique les pieuses dispositions qui les avaient réhabilitées aux yeux du monde. Sur ce nombre, 6 seulement avaient de nouveau failli.

On est surpris que tant de bien se fasse à si peu de frais les dépenses du refuge n'avaient pas excédé 32,000 francs en 1852. Il y était pourvu par des souscriptions volontaires, par le produit du travail, par celui de l'enclos, qui fournit abondamment des légumes, des fruits, du vin, pour la consommation de

la maison; enfin par la subvention de 70 centimes que le Gouvernement alloue pour chaque journée des jeunes filles seulement, envoyées au refuge par voie de correction.

Des établissements de ce genre ne sauraient être trop multipliés disons une fois encore que s'ils l'étaient, nos statistiques criminelles auraient à enregistrer moins de crimes, moins de poursuites, moins de condamnations, et l'État serait grevé de moins de frais judiciaires. On a remarqué que, depuis la fondation de la Solitude de Nazareth, le nombre des femmes rentrées par récidive dans la maison centrale de Montpellier, qui, comme on le sait, reçoit les condamnées de tous les départements du midi de la France, avait sensiblement diminué.

Il en serait certainement de même pour les hommes libérés si des asiles semblables leur étaient ouverts, ils leur serviraient, comme pour les femmes, de transition à la vie entièrement libre.

Le respectable abbé Coural, dont la charité est inépuisable, avait, en 1850, proposé au Gouvernement d'acheter une propriété de 212 hectares, qui se trouvait aussi dans le voisinage de Montpellier, où tous les genres de culture pouvaient être employés ; qui renfermait des carrières de marbre, des fours à chaux, des moulins à blé et à huile, et où on aurait pu occuper un grand nombre de libérés. Une somme de 400,000 francs était nécessaire pour cette acquisition, qui aurait dû être faite par l'État, et pour les premiers frais d'installation; le ministre de l'intérieur promettait de seconder les efforts du vénérable abbé.

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Un mémoire fut à cet effet présenté à la Chambre des représentants; mais les préoccupations politiques ne permirent pas, pour le moment, d'accueillir les vues qu'il renfermait, et l'immeuble, ayant été vendu, recut une autre destination.

Espérons que la pensée qui inspirait le fondateur du refuge de Nazareth ne sera pas perdue; les colonies agricoles de Mettray, de Petit-Bourg, de Bordeaux et tant d'autres, ont montré ce qu'on peut obtenir pour la moralisation des jeunes gens jugés par application de l'art. 66 du Code pénal. De là à former des établissements semblables pour les libérés adultes, il n'y a qu'un pas; il appartient à la charité privée de le franchir, et au Gouvernement d'encourager de telles entreprises et de les aider par ses subventions. La fortune de l'État pourrait-elle recevoir un meilleur emploi que celui d'affranchir notre avenir des progrès incessants et des redoutables conséquences de la récidive?

SX. PUBLICITÉ DES EXÉCUTIONS A MORT;

SES DANGERS.

Nous devons ranger aussi au nombre des moyens préventifs la suppression, sinon de la peine de mort, sujet que nous ne nous permettrions pas de traiter, du moins la suppression de la publicité qui est donnée en France aux exécutions capitales; car dans le cours de ce rapport nous avons eu occasion d'exprimer plus d'une fois que cette publicité produit un effet inverse du but auquel elle tend.

L'Académie nous pardonnera d'entrer à cet égard dans quelques détails, soit sur la peine elle-même, soit sur son mode d'infliction.

Cette peine, sous l'ancienne législation, n'était pas appliquée d'une manière uniforme. A l'égard de certains crimes, elle était cruelle jusqu'à la barbarie, c'était le feu, c'était la roue, etc... Pour les autres crimes, c'était ordinairement le gibet.

Mais ce dernier genre de supplice n'atteignait que les roturiers et les condamnés de condition vile; la décollation par le glaive était réservée aux nobles, et dans ce cas le supplice ne dégradait pas. Toutefois, si un noble s'était rendu coupable de quelqu'un de ces crimes qui, outre leur atrocité, étaient de nature à entacher l'honneur, la faveur de la décollation par le glaive lui était refusée, et le supplice qui lui était infligé, le placant au niveau des personnes viles, le dégradait, lui faisait perdre la noblesse, entachait son écusson, de telle sorte que ses descendants et tous les membres de sa famille ne pouvaient plus entrer dans les ordres où il fallait faire preuve d'un certain nombre de quartiers.

Il n'est peut-être pas hors de propos de placer ici, comme exemple des mœurs de cette époque, les circonstances d'une condamnation et d'un supplice en-courus par l'un des membres de cette haute aristocratie qui, jusque sur l'échafaud, revendiquait le privilége attaché à la naissance.

Le comte de Horn fut accusé en 1720, sous le régent, d'avoir, de complicité avec un Piémontais, poignardé, dans une auberge de la rue Quincampoix,

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un Juif auquel il prétendait avoir confié une somme importante en actions de la banque de Law, somme que ce Juif niait avoir reçue. Les deux coupables furent condamnés par le Parlement de Paris au supplice de la roue.

Ce comte, frère d'un prince régnant dans l'un des petits États d'Allemagne, comptait en France parmi les membres de sa famille les princes de Ligne, de Croy, de Montmorency, les ducs de Lorraine, les Rohan, les la Trémouille et presque tous les grands noms de France.

L'arrêt rendu, tous ces personnages en grand deuil, au nombre de cinquante-sept, portèrent une requête au régent pour le supplier de commuer la peine de la roue en détention perpétuelle; le cardinal de Rohan, qui porta la parole, pria le régent de considérer que l'application d'une peine infamante aurait pour effet d'atteindre non-seulement toutes les maisons de Horn, mais encore toutes les généalogies des familles princières et autres, où se trouverait un quartier de ce nom diffamé, ce qui causerait un notable préjudice à la plus haute noblesse de France et de l'Empire, en lui fermant l'entrée de tous les chapitres nobles, abbayes princières, évêchés souverains, commanderies teutoniques, et jusqu'à l'ordre de Malte, où toutes ces familles ne pourraient faire admettre leurs preuves et faire entrer leurs cadets jusqu'à la quatrième génération.

Le régent fut inflexible, et refusa absolument de faire grâce de la vie.

Alors on se réduisit à demander que la décollation

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