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Compagnies de pionniers

et

de fusiliers.

taine instruction servît de préservatif contre l'entraînement des mauvaises passions; mais n'est-ce pas plutôt parce qu'elle est incomplète et qu'une mauvaise direction lui a été donnée qu'elle est impuissante à les corriger ?

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Nous ne pouvons terminer ce qui concerne les juridictions militaires, sans parler d'une justice disciplinaire qui s'exerce dans les régiments, en dehors de ces juridictions.

Cette justice fut organisée par l'ordonnance du 1er avril 1818, à l'égard des soldats qui, sans avoir commis de délits de nature à les rendre justiciables des conseils de guerre, persévèrent néanmoins, par des fautes et contraventions que les peines de simple discipline ne suffisent pas à réprimer, à porter le trouble et le mauvais exemple dans les corps dont ils font partie. Ces soldats sont incorporés dans les compagnies détachées organisées à cet effet, sous la dénomination de compagnies de discipline.

Ces compagnies sont divisées en deux classes: l'une, qui prend la dénomination de compagnies de pionniers, destinée à recevoir les militaires qui, par la nature des torts dont ils se rendent coupables, ou par la continuité de leur mauvaise conduite dans les compagnies de fusiliers, doivent être soumis à un régime plus sévère. Ces compagnies reçoivent aussi, en vertu d'une ordonnance du 11 octobre 1820, les jeunes soldats faisant partie des contingents mis en

activité, qui se sont mutilés volontairement pour se soustraire au service militaire. L'autre classe, sous le nom de compagnies de fusiliers, se compose des militaires que l'accomplissement régulier de leurs devoirs dans les compagnies de pionniers rend susceptibles d'être renvoyés prochainement dans les corps de la ligne. Ils y sont effectivement admis lorsqu'ils ont donné des gages suffisants d'amendement.

L'envoi dans les compagnies de pionniers et de fusiliers a lieu en vertu d'une décision d'un conseil de discipline, composé dans chaque régiment d'un chef de bataillon, des trois plus anciens capitaines et des trois plus anciens lieutenants, pris hors du bataillon auquel appartient le militaire inculpé. Celui-ci est appelé et entendu dans ses défenses; sont aussi entendus le chef et l'adjudant-major du bataillon, ainsı que le capitaine de la compagnie.

En 1852, 555 soldats sont sortis des différents corps de l'armée pour être envoyés dans les compagnies de discipline, et 25 jeunes soldats qui avaient simulé des infirmités, ou qui s'étaient mutilés pour se soustraire au service, ont été incorporés dans les compagnies de pionniers.

L'effectif des compagnies de fusiliers de discipline et de pionniers était, en 1852, de 1,577 hommes, parmi lesquels il y avait eu 63 prévenus et 43 condamnés, ce qui présente la proportion pour les mises en jugement de 1 sur 25, et pour les condamnations de 1 sur 37.

Mais ce qu'il convient de faire remarquer, c'est combien la justice militaire est paternelle et indul

Garanties qu'offre la juridiction militaire.

Durée des détentions préventives.

gente, de quelle sollicitude elle environne les prévenus, avec quel soin elle veille à abréger la durée de leur détention préalable, afin d'arriver promptement à une décision dont la célérité est autant dans leur intérêt propre que dans celui de la discipline; car il importe, pour le maintien de celle-ci et pour que l'exemple soit salutaire, que la punition ne se fasse pas attendre, et qu'elle suive de près le fait qui la motive.

Le soldat prévenu trouve en effet les plus précieuses garanties, soit dans la composition des conseils de guerre permanents, où les différents grades de l'armée sont représentés, soit dans le nombre de voix exigé pour une condamnation, 5 sur 7, soit dans la mansuétude de ces conseils, car près du tiers des prévenus qui comparaissent devant eux est ordinairement acquitté, soit dans le recours aux conseils de révision, chargés de maintenir la rigoureuse observation des formes protectrices des prévenus, soit dans l'action de la cour de cassation, qui met un soin vigilant à ce qu'aucune des immunités que le prévenu a le droit de réclamer ne lui fasse défaut, soit enfin dans cette dernière chance de salut qui lui est offerte, la clémence du chef de l'État, puisque aucune sentence de mort, ou prononçant, pour les cas d'insubordination, des peines afflictives ou infamantes, ne peut être exécutée sans son approbation.

Quant au peu de durée des détentions préventives, les statistiques de la justice militaire pour l'année 1852 constatent que, parmi les prévenus, 32 sur 100 ont été jugés dans le mois du délit, 35 pour 100

dans les deux mois, et 33 pour 100 après les deux mois. Ces différences dans les délais qui se sont écoulés entre la perpétration du fait incriminé et le jugement dépendent de diverses causes qui trouvent leur explication dans les statistiques elles-mêmes : elles proviennent d'abord, et ici nous ne faisons que les copier, des incidents qui surviennent pendant le cours du procès, ensuite de la nature des affaires et de l'éloignement des témoins entendus. Il faut remarquer en outre qu'un certain nombre de prévenus ne sont pas mis sous la main de la justice aussitôt après la perpétration du crime ou du délit, et qu'ainsi la détention préventive n'a pas duré toujours autant de temps qu'il s'en est écoulé entre l'époque où il a été commis et le jugement définitif. Cela s'applique surtout aux déserteurs et aux insoumis, qui souvent restent plusieurs années en état d'absence illégale, et ne peuvent être jugés qu'après avoir été arrêtés ou après s'être constitués prisonniers, puisque ces délits ne peuvent jamais être jugés par défaut.

S'il est d'ailleurs satisfaisant de pouvoir constater que les récidives parmi les militaires sont rares, il faut tenir compte de ce que les condamnés à certaines peines entrent, après qu'ils les ont subies, dans des corps où la sévérité de la discipline est pour eux un frein salutaire, dont une surveillance spéciale double l'efficacité. Il faut tenir compte aussi de ce que, si c'est après l'expiration de leur temps de service que les militaires déjà condamnés commettent de nouveaux crimes ou délits, ils sont jugés par les tribunaux ordinaires, et leur récidive alors est com

Rareté des récidives.

Dépenses de la justice militaire.

prise dans les statistiques du ministère de la justice.

Du reste, cette rareté des récidives est telle, que les statistiques de la justice militaire négligent de les constater; c'est surtout parmi les soldats condamnés pour vente d'effets qu'elles ont lieu. Ces sortes de délits sont le plus souvent commis par des militaires qui désirent changer de régiment pour passer en Afrique, ou qui cherchent à se procurer les moyens de satisfaire leur goût pour les liqueurs fortes.

L'administration de la justice militaire coûte à l'Etat, en frais généraux, en traitements, frais de procédure ou établissements pénitenciers, d'après les crédits accordés pour l'année 1856, la somme de 1,080,188 francs. Dans cette somme, les frais généraux de justice sont compris pour 433,900 francs, ceux occasionnés par les ateliers de militaires condamnés au boulet ou aux travaux publics pour 158,780 fr.; ceux des pénitenciers militaires pour 200,154 fr.; et enfin les frais de gîte et de geolage, pour 287,354 fr., mais sur la somme de 1,080, 188 francs, à laquelle s'élèvent les frais de justice militaire, il faut imputer celle de 93,000 fr., produit des travaux des ateliers de condamnés, et celle de 102,000 fr., valeur des travaux dans les pénitenciers, ce qui pour les deux produits réduit les dépenses pour frais de justice à 885,188 fr.

Indépendamment des établissements pénitenciers qui sont en France, il en est de disciplinaires en Algérie qui méritent d'être mentionnés; ce sont, en premier lieu, l'établissement de Lambessa, qui renferme les transportés de 1848 et les repris de justice; leur ef

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