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CHAPITRE IV.

Application du système.

L'emprisonnement individuel est le premier degré du système dont il nous reste à suivre l'application; mais pour éclairer entièrement ce sujet, et faire sentir l'importance des innovations que nous avons le dessein de proposer, il importe de faire connaître à l'Académie les modifications que le Gouvernement anglais a apportées en dernier lieu à son mode de répression pénale. Les avantages qu'on peut se promettre de ces modifications paraissent trop certains, pour ne pas devoir exercer de l'influence sur le plan de réforme qui, tôt ou tard, sera adopté parmi nous.

S Ier.

NOUVEAU BILL ANGLAIS SUR LA TRANSPOR

TATION.

Ce qu'était la transportation

avant

le nouveau bill.

On n'a point oublié quel était en Angleterre le précédent système (1).

Les condamnations à la transportation ne pouvaient être de moins de 7 ans. Une année était passée en prison cellulaire, après laquelle le condamné était transféré à Portland, ou dans d'autres établissements du même genre, et employé à de grands travaux en

(1) Voir 1er vol., pages 49 et suiv.

commun; là, il était soumis à des épreuves graduées, qui pouvaient durer plusieurs années; et ce n'est que lorsqu'il en était sorti d'une manière satisfaisante, qu'il était transféré dans les colonies de l'Australie occidentale, les seules qui consentissent à le recevoir.

Les individus condamnés à une peine dont la durée était de moins de 7 ans, la subissaient dans l'une des prisons d'Angleterre. On sait d'ailleurs que la peine de l'emprisonnement n'y excède pas 4 ans, et que si les prisons sur lesquelles le Gouvernement exerce une action directe sont appropriées au régime de l'isolement, ce régime n'est pas uniforme dans les prisons des bourgs et des comtés, quoiqu'il tende à s'établir de toutes parts.

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Tel était le système anglais lorsque nous écrivions notre premier rapport; mais nous terminions en faisant remarquer à l'Académie « que si la facilité pour l'Angleterre d'avoir un lieu où elle pût conduire << ses condamnés après amélioration préalable lui échappait, ce qui, disions-nous, dans un avenir plus ou moins éloigné, ne pouvait manquer d'arriver, son Gouvernement se verrait obligé de re« courir à de nouveaux expédients pour remplacer « ce dernier degré de son système de répression.

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Ce que nous avions prévu n'a pas tardé à se réaliser la plupart des colonies anglaises refusant de recevoir les convicts, et le Gouvernement ne pouvant plus les envoyer que sur un petit nombre de points, il a fallu, par une disposition législative, restreindre les cas de transportation. C'est ce qui a été fait par un acte du Parlement du 20 août 1853. Au lieu de

Ce qu'est la transportation d'après

le nouveau bill.

7 ans, comme précédemment, cette peine ne peut plus être prononcée que pour 14 ans au moins; elle peut s'étendre jusqu'à la vie entière.

Toute peine qui n'est pas celle de la transportation est qualifiée, par cet acte, servitude pénale.

Or, l'article 2 porte que tout individu qui, si le bill n'eût pas été édicté, aurait dû être condamné à la transportation pour une durée de moins de 14 ans, pourra être maintenu dans cette sorte de servitude.

La cour de justice a un pouvoir entièrement discrétionnaire à cet égard. Ainsi, elle peut condamner, soit à la transportation, soit à la servitude pénale, selon que sa conscience et ses convictions le lui suggèrent; seulement elle ne peut désormais condamner personne à la transportation pour vol: la peine, dans ce cas, est de 4 ans au moins et de 10 ans au plus de servitude pénale.

Voici comment, d'après le nouveau bill, se convertissent en cette sorte de peine les condamnations à la transportation pour une durée de moins de 14 ans :

Si ces condamnations sont de 7 ans, elles sont converties en 4 ans de servitude;

Si elles sont au-dessus de 7 ans, et inférieures à 10, la conversion est de 4 ans ou de 6 au maximum; Si elles excèdent 10 ans et qu'elles soient de moins de 15, la servitude pénale leur est substituée pendant 6 ans et 8 au plus ;

Elle leur est encore substituée pendant 8 ans au moins et 10 ans au plus, si la condamnation à la transportation excède 15 ans ;

Enfin, lorsque la transportation est encourue à

vie, la durée de la servitude pénale s'étend à toute la vie également.

On voit par là que les limites dans lesquelles le pouvoir discrétionnaire du juge est renfermé sont extrêmement étendues.

Les condamnés à la servitude pénale subissent leur peine dans toutes les prisons du Royaume-Uni où les individus condamnés aujourd'hui à la transportation sont renfermés; ils sont soumis aux mêmes travaux.

Tel est le dernier état de la législation pénale anglaise, qui a reçu son application à dater du 1° septembre 1853.

du colonel Jebb.

Le surintendant général des prisons du Royaume- Dernier rapport Uni, le colonel Jebb, dans le rapport qu'il vient de publier pour l'année 1853, jusqu'en juin 1854, fait connaître les moyens employés pour réaliser cette application.

Tous les condamnés, quelle que soit la nature ou la durée de leur condamnation, sont sujets à deux périodes d'emprisonnement de caractères très-différents :

1° Un temps déterminé de séparation individuelle, Deux périodes qui maintenant est réduit à neuf mois;

2o Un temps de travail pénal en association.

L'envoi des condamnés dans les colonies avec un billet de permis, ou bien la faculté de travailler en état de liberté provisoire dans le pays, sous certaines restrictions, au moyen d'une licence, peuvent être considérés comme une troisième période d'épreuves à laquelle chaque condamné est soumis avant d'obtenir complétement sa liberté.

Le soin avec lequel l'administration procède

d'empri sounement.

Mode de délivrance des licences.

pour délivrer ces licences mérite d'être remarqué. Quand il y a lieu de les accorder, le chapelain écrit un mois d'avance à la personne de qui le condamné espère obtenir de l'occupation, et lui fait connaître sa position, son état de santé et son aptitude pour un travail déterminé.

La réponse est ordinairement satisfaisante: dans ce cas, tout comme dans celui où elle ne le serait pas, ou si le condamné ne peut indiquer personne à qui on puisse s'adresser, le gouverneur et le chapelain le portent sur un état de propositions, dans lequel ils expriment leur opinion sur ses dispositions et sur les moyens qu'il peut avoir de gagner sa vie.

Les noms sont envoyés par le gouverneur de la prison au surintendant général, lequel, après en avoir conféré avec les directeurs, transmet au secrétaire d'État de l'intérieur le tableau des prisonniers auxquels il propose d'accorder la faveur d'une licence.

Cette licence, accompagnée d'un certificat de moralité, est délivrée sur parchemin: au dos, est un avis imprimé, rappelant au porteur qu'elle sera révoquée dans le cas de mauvaise conduite. Il y est dit que, pour que cette révocation ait lieu, il ne sera pas nécessaire que le détenteur soit convaincu de quelque nouveau méfait, mais qu'il suffira qu'il fréquente des gens mal famés, qu'il mène une vie oisive et dissolue, et que par là il donne lieu de craindre qu'il ne soit prêt à retomber dans le crime.

Dans ce cas, il est arrêté de nouveau, incarcéré, et replacé sous le coup de son jugement.

Lorsqu'un prisonnier reçoit sa licence, il est cré

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