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Si le tableau que nous venons de présenter de l'administration de la justice pénale, spéciale à l'armée de terre, quoique tracé à grands traits, a pu en donner une idée suffisante, nous le devons aux communications bienveillantes que nous avons reçues de l'administration de la guerre, et particulièrement à celles du jurisconsulte distingué placé à la tête du bureau de la justice militaire, M. de Chénier, dont les savants ouvrages sont devenus, à juste titre, les guides les plus sûrs des tribunaux de cet ordre de juridiction.

CHAPITRE II.

Tribunaux maritimes.

Ce n'est pas seulement l'armée de terre qui a ses tribunaux, la marine a également les siens.

C'était l'ordonnance du 25 mars 1765 qui, avant la révolution française, réglait la juridiction maritime, traitait des crimes et des délits, et déterminait les peines à infliger; elle avait renouvelé, avec trèspeu de changements, celle du 15 avril 1689.

Cette juridiction prenait le nom d'amirauté; à sa tête était l'amiral de France, dont la charge était l'une des plus considérables du royaume; c'était en son nom que la justice maritime était rendue, et elle embrassait tous les faits de mer, piraterie, pillages, désertion des équipages, et, généralement, tous les crimes commis sur la mer, dans les ports, havres et rivages.

Les crimes et délits commis par les matelots et les troupes de la marine étaient jugés par les conseils de guerre qui siégeaient sur le vaisseau amiral, ou dans un lieu de l'arsenal disposé à cet effet, et qui étaient composés des officiers généraux ou des principaux officiers, au nombre de sept, selon le grade ou la position des prévenus. Pour donner une idée de l'esprit dans lequel ces conseils étaient institués, il nous suffira de dire, qu'à moins de circonstances extraordinaires, ils ne siégeaient jamais les jours de fête, que les membres devaient être à jeun, et qu'avant d'entrer en séance, tous étaient tenus d'assister à la

messe.

Outre les conseils de guerre maritimes, il y avait les conseils de marine, qui s'assemblaient extraordinairement par ordre du roi, pour examiner la conduite des officiers généraux et autres, chargés du commandement des escadres, divisions ou vaisseaux, relativement aux missions qui leur avaient été confiées. L'ordonnance de 1776 réglait tout ce qui concernait ces conseils.

La loi du mois d'août 1790, connue sous le nom de Code pénal des vaisseaux, et celle du mois d'octobre 1791, qu'on pourrait appeler Code pénal des arsenaux, abrogèrent toute la législation antérieure.

La première de ces lois institua deux espèces de tribunaux maritimes: l'un de ces tribunaux, qui prenait le nom de conseil de justice, jugeait tous les délits correctionnels; il était composé de cinq officiers, dont le commandant du bâtiment auquel appartenait l'inculpé ne pouvait faire partie; l'autre, appelé conseil

Organisation intermédiaire.

martial, prononçait sur les crimes emportant la peine des galères ou la mort; il était composé de onze juges du grade de capitaine ou de lieutenant; il fallait sept voix pour la condamnation aux galères, et huit pour la condamnation à mort.

Mais dans les conseils de justice, comme dans les conseils martiaux, les juges se bornaient à appliquer la peine; un jury, composé de sept personnes, dont le grade variait selon celui de l'accusé, et qui était désigné en nombre double par le commandant du bâtiment, de manière à ce que, soit par les récusations, soit par le sort, il fût réduit à sept; ce jury, disonsnous, prononçait sur le fait, et cinq voix étaient nécessaires pour la condamnation.

L'accusé pouvait se choisir un défenseur à bord du bâtiment. Le commandant avait le droit d'adoucir les peines prononcées et de les commuer en peines plus légères d'un degré. Il avait aussi le droit, en cas de révolte, de désobéissance ou de lâcheté en présence de l'ennemi, ou dans quelque danger pressant, mais après avoir pris l'avis de ses officiers, de punir le coupable sans jugement.

Cette législation, aussi humaine que protectrice des accusés, parut insuffisante au maintien de la discipline sur nos vaisseaux. En nivôse an 11, elle fut profondément modifiée: la connaissance de certains crimes ou délits fut attribuée, les uns aux tribunaux révolutionnaires, les autres à de nouveaux tribunaux qui, sous le nom de conseils de discipline, prononcaient sans jurés et pouvaient appliquer la peine de mort; ils étaient composés de deux officiers ou sous

officiers mariniers, et de trois matelots, soldats ou canonniers.

Jusque-là, les décisions des tribunaux maritimes n'étaient assujetties ni à l'appel, ni à la révision, ni à la cassation. Ce fut la loi du 13 thermidor an VII qui les soumit à cette nouvelle épreuve, si nécessaire pour prévenir les erreurs, et qui, par un salutaire effet rétroactif, autorisa le recours en cassation contre tous les jugements rendus antérieurement.

Un décret du 22 juillet 1806 fit complétement disparaître le jury des tribunaux maritimes, comme il avait disparu en l'an I des tribunaux de l'armée de

terre.

Sans nous étendre davantage sur les diverses phases qu'ont éprouvées ces sortes de juridictions, nous dirons qu'aujourd'hui, elles se divisent en six catégories, savoir:

Les conseils de justice;

Les conseils de guerre maritimes:

Les tribunaux maritimes;

Les tribunaux maritimes spéciaux ;

Les conseils de guerre maritimes permanents; Et les conseils de révision maritimes aussi permanents.

Nous allons parcourir rapidement chacune de ces juridictions, dont les unes rendent la justice à bord des vaisseaux, et les autres la rendent à terre.

Organisation actuelle.

Six juridictions.

S Ier.

--

JURIDICTION A BORD DES VAISSEAUX.

CONSEILS DE JUSTICE.

Les conseils de justice connaissent de tous les délits commis à bord des bâtiments de l'État par les marins, les militaires de l'armée de terre, les passagers civils, et généralement tous les individus embarqués, quelle que soit leur position à bord; ils connaissent encore de tous les délits commis sur les bâtiments en armement ou en désarmement dans le port, et qui ne sont relatifs ni à la police, ni à la sûreté des ports et arsenaux, ni au service maritime de l'arsenal.

Ces conseils sont composés de cinq officiers, y compris le président, qui doit être le commandant du bâtiment sur lequel est embarqué le prévenu. Leur âge n'est point déterminé; ils doivent, autant que possible, être choisis parmi les officiers de ce bâtiment. L'agent comptable remplit les fonctions de greffier.

C'est en vertu d'une plainte ou d'un procès-verbal, constatant le délit, que la justice du conseil est saisie. Ce conseil est convoqué par le commandant du bâtiment s'il est commandant supérieur, ou d'après les ordres de son chef. Il s'assemble sur le pont; l'accusé est interrogé, et peut avoir un défenseur; les témoins sont entendus et confrontés; le rapporteur, qui a été désigné par le président, soutient l'accusation, le président recueille les voix, en commençant par le grade inférieur; il opine le dernier. Le jugement, formé à la majorité, est rédigé

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