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est obligé de s'en dépouiller, à raison de son état d'indivision, le prix de cet immeuble doit lui revenir tout entier.

En jugeant le contraire, en décidant que les dettes de la communauté seraient prélevées, la Cour royale de París a violé l'art. 2186 du Code civil, qui assure à un acquéreur la propriété de la chose vendue, lorsqu'il a rempli fes formalités nécessaires pour purger les hypothèques.

Le sieur Bosseret prétend mal à propos, a répondu le défendeur, que l'arrêt dénoncé le considère comme le représentant à titre universel de la veuve Masson. Les motifs de cet arrêt sont peut-être conçus dans des termes trop généraux; mais si le sieur Bosseret eût examiné le dispositif qui en est la partie principale, il y aurait vu que nulle condamnation personnelle. n'est prononcée contre lui; que l'arrêt attaqué ne décide autre chose, sinon que l'immeuble vendu doit être employé avant tout au paiement

des dettes de la communauté.

Or, la Cour royale a-t-elle justement ordonné ce prélèvement des dettes de la communauté, tout en maintenant la vente faite par la dame Masson? Voilà toute la question, et l'affirmative n'en est pas douteuse.

D'abord la validité de la vente dont il s'agit pouvait difficilement être contestée. De quelques charges que fût grevé l'immeuble, la veuve Masson n'en avait pas moins la capacité de vendre dès qu'elle était propriétaire. Mais il s'agit de concilier ce droit de vendre de la part de la femme avec le droit non moins incontestable du mari ou de ses représentans, d'exiger le prélèvement des dettes avant le partage de la communauté.

Le seul moyen de concilier ces droits, est celui qui a été employé par la Cour royale, c'est-à-dire de ne donner effet à la vente qu'après le prélèvement de toutes les dettes.

Le demandeur oppose en vain qu'il a rempli les formalités nécessaires pour purger les hypothèques. Les lois sur le régime hypothécaire ne peuvent recevoirici aucune espèce d'application. Toutes les formalités que prescrivent ces lois ne garantissent un acquéreur que des poursuites qui peuvent être dirigées contre lui par des créanciers ayant hypothèque sur l'immeuble vendu; mais elles ne peuvent détruire l'incapacité où le vendeur était d'aliéner, ou les conditions qui étaient attachées au droit qu'il en avait.' Ainsi vainement un acquéreur aurait-il rempli toutes les formalités pour purger les hypothèques; si le vendeur n'était pas propriétaire de l'immeuble vendu, ou s'il ne le possédait que sous une condition résolutoire, cet acquéreur ne serait pas moins exposé à s'en voir dépouillé.

Or, dans l'espèce, si la dame Masson avait la capacité de vendre ce n'était que sous la condition expresse que tous les créanciers de la communauté seraient payés, jusque-là elle ne pouvait proprement se dire propriétaire d'aucun bien dépendant de cette communauté; car, suivant un axiome trivial, Nulla sunt. bona nisi deducto ære alieno.

Avant que la vente faite au sieur Bosseret puisse obtenir aucun effet, il faut donc commencer par prélever toutes les dettes de la communauté, et ce n'est qu'après que tous les créanciers seront payés, tant sur l'immeuble qui lui a été vendu que sur les autres biens de la communauté, qu'il

pourra demander la part qui revient à la veuve Masson dans l'objet particulier qu'il a acquis.

Il faut surtout remarquer qu'ici le prélèvement des dettes n'est pas demandé par les créanciers de la communauté, mais par les représentans du mari, à l'égard desquels il est impossible de dire que le purgement des hypothèques puisse produire quelque effet. Pour s'en convaincre, il suffira de citer des articles formels du Code civil.

Aux termes de l'art. 872, chaque héritier ou chaque communiste peut demander que les rentes qui grèvent les immeubles de la succession de la communauté, soient remboursées avant le partage. Or, supposons, et c'est réel dans l'espèce, qu'une succession ou une communauté ne soit composée que d'un seul immeuble grevé d'une rente considérable; que l'un des communistes vende, avant le partage, sa part à vil prix; que l'acquéreur remplisse, vis-à-vis du créancier de la rente, les formalités nécessaires pour purger les hypothèques, et que ce créancier n'ait pas surenchéri: l'autre communiste demande le prélèvement de la rente avant le partage, et l'immeuble est mis en vente pour l'acquitter. Mais alors si le prix de la portion aliénée est irrévocablement fixé, le communiste qui n'a pas vendu se trouvera donc exposé à supporter sur sa part plus de la moitié de la rente, puisque, l'hypothèque étant indivisible, le créancier peut réclamer ce qui lui est dû sur chaque partie de l'immeuble affecté à sa garantie: ce communiste pourtant ne pouvait empêcher la vente, puisque son co-communiste était propriétaire, et il ne pouvait empêcher l'ac quéreur de purger, puisque son droit n'était pas de nature à être inscrit. Le seul remède à cet inconvénient est donc de ne donner un plein effet à la vente qu'autant que la valeur de la rente aura été prélevée.

Suivant l'art. 1484, le mari est tenu, vis-à-vis des créanciers, de toutes les dettes qu'il a contractées personnellement ; et la femme, au contraire, n'est tenue de ces dettes que jusqu'à concurrence de son émolument. Or, si, avant le partage, la femme peut vendre à vil prix, et d'une manière irrévocable, un immeuble de la communauté, le mari, poursuivi en vertu de son obligation personnelle, sera exposé à supporter seul des dettes dont sa femme devait payer la moitié; tandis que, s'il n'avait été distrait aucun bien de la communauté, le mari, en exigeant, comme il en a le droit, que toutes les dettes fussent payées avant le partage, se serait mis à l'abri de tout recours. Ainsi tout prouve, comme l'a jugé la Cour royale, qu'une vente faite par un communiste avant le partage ne peut empêcher le prélèvement des dettes.

pense

Quant à la manière d'opérer le prélèvement, elle sera bien simple. De deux choses l'une, ou le communiste qui demande le paiement préalable des dettes, trouve que l'immeuble a été vendu à sa juste valeur, où il qu'il n'a pas été bien vendu. Dans le premier cas, il suffira que l'ac quéreur reproduise le prix stipulé, ou qu'il justifie l'avoir payé à des créanciers inscrits en temps utile. S'il a été touché par le communiste vendeur, l'acquéreur sera obligé de le payer deux fois, jusqu'à concurrence des dettes de la succession qui doivent être prélevées.

N.o 1.-Année 1818.

3

Dans le second cas, c'est-à-dire dans le cas où le communiste qui requiert le prélèvement, pense que l'immeuble a été vendu à vil prix, alors il est mis aux enchères; et si l'acquéreur primitif en reste adjudicataire, on opérera sur le nouveau prix de la manière qui vient d'être indiquée. Si l'adjudication ne lui reste pas, il lui sera tenu compte du prix qu'il aura versé d'après les mêmes bases, c'est-à-dire que, s'il a payé à un créancier appelé à tou cher, tout ce qu'il aura déboursé lui sera rendu; mais que, s'il a payé au communiste vendeur, il ne sera colloqué qu'après tous les créanciers de la succession dont les créances doivent être prélevées.

Il suffit d'examiner avec un peu d'attention l'arrêt dénoncé, pour se convaincre qu'il est fondé sur ces principes.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions conformes de M. Jourde, avocat général;-Vu les articles du Code civil concernant le contrat de vente, et la manière de purger les hypothèques, et notamment les art. 872, 1476, 1484 et 2186 du Code civil;-ATTENDU que la vente dont il s'agit a été reconnue valable par l'arrêt attaqué, puisqu'il établit que l'acquéreur, par le fait de son acquisition, était aux droits de la venderesse, et qu'il lui allouait éventuellement une portion du prix à provenir de la licitation ordonnée;-ATTENDU que l'acquéreur a rempli les formalités prescrites par l'art. 2186 du Code civil; que les créanciers inscrits n'ont point requis la mise aux enchères dans le délai déterminé par la loi; que dès-lors la valeur de l'immeuble a été définitivement fixée au prix stipulé dans le contrat, et que l'acquéreur a pu se libérer entièrement, vis-à-vis des créanciers inscrits sur cet immeuble, en payant le prix; qu'en conséquence, s'il y a lieu, à cause de l'état d'indivision de l'immeuble dont le demandeur a acquis une partie, d'en opérer la licitation, cet acquéreur n'en a pas moins un droit incontestable à la quotité du prix d'adjudication qui représentera la portion de l'immeuble par lui précédemment acquise, à la charge toutefois d'abandonner aux créan ciers inscrits le prix stipulé dans son contrat d'acquisition; d'où il résulte que l'arrêt attaqué, en ordonnant que le demandeur n'aura droit sur le prix d'adjudication qu'à la moitié du résidu du prix, s'il y en a, prélèvement fait des créances inscrites sur l'immeuble, et l'exposant ainsi à se trouver privé tout à la fois de la chose et du prix, selon l'événement de l'adjudication, a évidemment violé tous les principes de la législation sur la vente, et Fart. 2186 du Code civil relatif au mode de purger les propriétés des priviléges et hypothèques ;-CASSE, etc.

Du 3 juin 1817.-Section civile.-M. le comte Desèze, pair de France, premier président.-M. le conseiller Portalis, rapporteur.

GARDE-VENTE.-CAUTION SOLIDAIRE.-RECUSATION.-PROCES-VERBAL] -DÉLIT.-RÉPONSE DE VENTE.

Le procès-verbal qui constate un délit forestier commis à la réponse d'une vente, peut-il être rejeté lorsque celui qui l'a dressé est à la fois le garde-vente et la caution solidaire de l'adjudicataire ? Rés. aff.

Par procès-verbal du 8 février 1816, dûment affirmé et enregistré, le sieur Peyré, garde-vente d'une coupe du bois communal de Lourmarin, adjugée au sieur Pioule, a constaté que les nommés Pierre et Antoine Montbrion, père et fils, avaient abattu des souches de chêne vert dans la réponse de cette coupe, alors en exploitation.

Le tribunal d'Apt, par jugement du 3 avril suivant, a rejeté ce procèsverbal, par la raison qu'il était l'ouvrage du garde-vente de l'adjudicataire de la coupe, à la réponse de laquelle le délit avait été commis.

Sur l'appel, le tribunal de Carpentras a confirmé ce jugement, le 8 septembre de la même année, par les motifs suivans: « Considérant que l'art. 13 du tit. 9 de la loi du 15-29 septembre 1791 sur l'administration forestière porte que les procès-verbaux feront preuve suffisante dans tous les cas où l'indemnité et l'amende n'excèderont pas la somme de 100 francs, s'il n'y a pas inscription de faux; ou s'il n'est pas proposé de cause valable de récusation; considérant qu'il est reconnu ici que le garde-vente Peyré est caution du sieur Pioule, adjudicataire de la coupe de bois; considé rant qu'en règle générale, toute caution solidaire, lorsqu'il s'agit de l'adjudication de la vente d'une coupe de bois, est censée associée à l'adjudicataire; considérant, quand même il faudrait supposer ici qu'il n'y a pas d'association, que l'intérêt de la caution se rattache plus ou moins à celuidu principal obligé; considérant que l'intérêt personnel dans un garde appelé par la loi à remplir des fonctions impartiales, est évidemment une cause valable de récusation; considérant que l'intérêt personnel est tellement une cause valable de récusation, que la loi défend, même aux parens de l'adjudicataire, du sous-inspecteur, d'être gardes-vente; considé rant enfin qu'il importe peu que le délit ait été commis dans l'étendue de la coupe ou hors de la coupe, mais dans le rayon placé sous la responsabilité de l'adjudicataire, parce que même, dans ce cas, l'adjudicataire, son associé ou sa caution, sont intéressés à rejeter sur des tiers les délits dont ils se trouveraient eux-mêmes responsables. »

L'administration des forêts s'est pourvue en cassation contre cette décision. Aucune loi, a-t-elle dit, ne déclare incompatibles les qualités de caution et de garde-vente d'un même adjudicataire de coupe de bois ; les tribunaux ne peuvent donc pas créer cette incompatibilité, surtout pour en faire résulter une nullité. Ils ne peuvent pas non plus interdire à la cau tion qui a qualité à cet effet, le droit d'agir daus l'intérêt de l'adjudicataire, sous prétexte qu'il y a association entre eux, lorsque le garde-vente n'est que caution solidaire, et que rien ne prouve qu'entre ce dernier et l'adjudicataire, il y ait société proprement dite, c'est-à-dire communauté de bénéfices et de pertes. Les tribunaux doivent se renfermer dans les ter mes de la loi, sans les étendre arbitrairement, pour établir une incapacité que la loi ne prononce pas.

ARRÊT.

LA COUR,- sur les conclusions de M. Henri Larivière, avocat général; ATDENDU qu'en jugeant dans l'espèce que le procès-verbal qui tendait à constater un délit commis dans la réponse d'une vente, ayant été dressé par la caution de l'adjudicataire de cette vente, il y avait cause valable de récusation contre ce procès-verbal, et qu'il devait être rejeté du procès; que le délit en question ne pouvait dès-lors être établi que par la preuve orale, le tribunal de Carpentras s'est expressément conformé aux dispositions de l'art. 13, tit. 9, de la loi du 29 septembre 1791. REJETTE.

Du 7

-

novembre 1817.-Section criminelle.-M. le baron Barris, président.-M. le conseiller Basire, rapporteur.

GARDE-CHAMPÊTRE.-PROCÈS-VERBAL.-POLICE JUDICIAIRE.-PARENS

ET ALLIÉS.

Les gardes-champêtres peuvent-ils, comme officiers de police judiciaire, dresser des procès-verbaux contre leurs parens et alliés, nonobstant les dispositions des art. 156 et 322 du Code d'instruction criminelle qui défendent d'entendre en témoignage les parens et alliés des prévenus? Rés. aff.

Ainsi jugé par l'arrêt suivant.

ARRÊT.

er

LA COUR,-sur les conclusions de M. Giraud-Duplessis, avocat-général, Vo l'article ro de la loi des 22-30 avril 1790 sur la chasse, portant: « Lesdits rapports (des gardes champê≫tres) seront ou dressés par écrit, ou faits de vive voix au greffe de la municipalité, où il en >> sera tenu registre. Dans l'un et l'autre cas, ils seront affirmés entre les mains d'un officier » municipal, dans les vingt quatre heures du délit qui en sera l'objet; et ils feront foi de leur » contenu, sauf la preuve contraire, qui pourra être admise sans l'inscription de faux. L'article 6 de la septième section du titre 1o de la loi rurale des 28 septembre-6 octobre 1791, portant: « ils (les gardes champêtres) feront, affirmeront et déposeront leurs rap»ports devant le juge de paix de leur canton ou l'uu de ses assesseurs, ou feront devant l'un » ou l'autre leurs déclarations. Leurs rapports, ainsi que leurs déclarations, lorsqu'ils ne don» neront lieu qu'à des réclamations pécuniaires, feront foi en justice pour tous les délits men»tionnés dans la police rurale, sauf la preuve contraire » Les arricles 16 et 154 du Code d'instruction criminelle portant: Article 16.» Les gardes champêtres et les gardes forestiers, >> considérés comme officiers de police judiciaire, sont chargés de rechercher, chacun dans > le territoire pour lequel ils auront été assermentés, les délits et les contraventions de police » qui auront porté atteinte aux propriétés rurales et forestières. Ils dresseront des procès» verbaux, à l'effet de constater la nature, les circonstances,le temps, le lieu des délits et des » contraventions, ainsi que les preuves et les indices qu'ils auront pu en recueillir.... « Article 154. » Les contraventions seront prouvées, soit par procès-verbaux ou rapports, soit par te» moins à défaut de rapports et procès-verbaux, ou à leur appui. Nul ne sera admis, à peine » de nullité, à faire preuve par témoins outre ou contre le contenu aux procès-verbaux ou >> rapports des officiers de police ayant reçu de la loi le pouvoir de constater les délits ou » les contraventions jusqu'à inscription de faux. Quant aux procès-verbaux et rapports faits » par des agens, préposés ou officiers auxquels la loi n'a pas accordé le droit d'en » être crus jusqu'à inscription de faux, ils pourront être débattus par des preuves contraires, >> soit écrites, soit testimoniales, si le tribunal juge à propos de les admettre.« CONSIDÉRANT que, d'après les articles précités, les procès-verbaux dressés par les gardes champêtres pour la constatation des délits dont la surveillance et la recherche leur sont confiées, font foi en justice jusqu'à preuve contraire; que les dispositions générales desdits articles n'étant modifiées par aucune autre loi, il s'ensuit que les procès-verbaux des gardes doivent avoir le même degré de foi, soit qu'ils aient été dressés contre des parens ou alliés des gardes, soit contre tout autre individu. Que les articles 156 à 322 du Code d'instruction criminelle, qui défendent d'entendre en témoignage les parens et alliés des prévenus et accusés devant les tribunaux de police et cours d'assises, n'ont aucune application aux gardes champêtres qui, en leur qualité d'officiers de police judiciaire, dressent des procès-verbaux conformément aux devoirs que la loi leur impose (1); que, dans l'espèce, il a été constaté, par un procèsverbal régulier dressé par le garde champêtre de la commune de Larrazet du 24 juillet 1817, qu'Andre Delpech a chassé sur le terrain d'autrui, eu temps prohibé, et sans être muni d'un permis de port d'armes ; que ces faits de contravention ainsi constatés, non seulement n'ont point été détruits par une preuve contraire, mais qu'ils ont été formellement avoués par le

(1) Dans l'espèce, le garde champêtre qui avait dressé le rapport, était le frère du délinquant.

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