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que la disposition de ladite ordonnance concernant la prescription des ar rérages des loyers et fermages réclamés cinq ans après les baux expirés, ne peut pas être invoquée ; que Pothier, Traité du louage, n.o 186, enseigne que cette prescription doit être rejetée, n'étant autorisée ni par une loi revêtue de ses formes, ni par aucune jurisprudence (1); que d'ailleurs, dans l'espèce de cette cause, cette ordonnance ne saurait être utilement invoquée, parce qu'il ne s'agit pas d'un bail conventionnel, mais bien d'un bail judiciaire à l'égard duquel l'action dure trente ans ; que c'est ainsi le décident l'auteur des Maximes journalières, au mot Fermiers, maxime 2; Fromental, aussi au même mot, p. 324, et Raviot, quest. 290, n.° 71; que cette décision est basée sur ce que l'action pour l'exécution d'un traité fait avec la justice ne se prescrit que par le laps de trente ans. »

que

Sur l'appel, arrêt de la Cour royale de Pau, du 13 avril 1815, qui, adoptant les motifs des premiers juges relativement à la prescription de cinq ans, confirme sur ce point leur décision.

Le sieur Dumoret s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, et a soutenu, pour principal moyen, que l'article 142 de l'ordonnance de 1629 avait été violé.

Les faits qui constituent la violation de cet article, a dit le demandeur, sont constans et reconnus; la seule difficulté est de savoir si cet article avait force de loi dans le ressort des parlemens de Paris et de Toulouse, et s'il était applicable aux baux judiciaires.

Quant à la première question, l'assertion du tribunal est absolument errouée, lorsqu'il dit que l'ordonnance de 1629 ne fut enregistrée ni au parlement de Paris ni au parlement de Toulouse. Dans une édition qui fut faite de cette ordonnance à Toulouse, en 1643, on trouve tout au long, à la fin du volume, immédiatement avant la table des matières, l'arrêt d'enregistrement qui a été reudu par le parlement de cette ville, les chambres assemblées, le 5 juillet 1629, la même année où la loi fut promulguée. Le parlement rendit cet arrêt librement et volontairement, et il est à remarquer que, parmi les articles qui furent rejetés lors de cet enregistrement, ne se, trouve pas l'art. 142 dont il s'agit, et qu'ainsi il a dû être exécuté dans le ressort de ce parlement.

Le même arrêt est consigné dans le Recueil in-folio d'édits et ordonnances royaux, imprimé à Paris chez Montalant en 1720..

Il n'est pas moins certain que l'ordonnance de 1629 a été enregistrée au parlement de Paris. La Cour de cassation l'a reconnue elle-même de la manière la plus formelle dans un arrêt du 13 germinal an 12, rapporté par, M. Merlin dans le septième volume des Questions de droit, p. 185. On demandait alors la cassation d'un jugement du tribunal de Chinon qui, en conformité de l'ordonnance de 1629, avait déclaré prescrits des fermages dont le paiement était demandé plus de cinq ans après l'expiration du bail. -Mais arrêt qui rejette le pourvoi, « attendu que l'art. 142 de l'ordonnance

(i) Voyez aussi Despeysses, Traité du louage, sect. 4, n.° 15; Furgole, Traité du franc aleu, p. 111 et 112, et le président Hénaut, Abrégé chronologique de l'Histoire de France.

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de 1629, relatif à la prescription de cinq ans du prix des baux à ferme, a été reçu comme loi dans le ressort du parlement de Paris. »

Ainsi, nul doute que la prescription de cinq ans en matière de fermage ne fût en vigueur dans ces deux parlemens.

Cette prescription était d'ailleurs autorisée, comme l'observe M. Maleville sur l'art. 2277 du Code civil, par l'ordonnance de Louis XII de l'an 1510.

A l'égard de la seconde question, celle de savoir si l'art. 142 est applicable aux baux judiciaires, elle ne peut guère souffrir plus de difficulté. La disposition de la loi est générale et absolue; elle n'admet aucune distinction, et l'opinion de quelques auteurs qui ont imaginé d'en faire une, est insuffisante pour la justifier.

Les réponses des défendeurs sont suffisamment présentées dans les motifs du jugement de première instance.

ARRÊT.

LA COUR, sur les conclusions de M. Cahier, avocat général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil; - Vu l'article 142 de l'ordonnance de 1629, ainsi conçu: Les loyers des maisons et prix des baux à ferme ne pourront être demandés cinq ans après » les baux expirés (1); »—ATTENDU que cette ordonnance a été enregistrée, sans modification dudit article, par les parlemens de Paris et de Toulouse, et qu'il n'en a reçu non plus aucune de la jurisprudence des arrêts dans l'un ni dans l'autre ressort; et attendu que l'article 142 ne fait aucune distinction entre les baux judiciaires et les baux conventionnels, de sorte qu'il les comprend tous également dans sa disposition; - ATTENDU cependant que l'arrêt dénoncé a jugé que cet article ne devait recevoir son application qu'aux baux conventionnels, ce qui a été, de la part de la Cour qui l'a rendu, violer ouvertement ledit article; CASSE, etc.

Du 10 décembre 1817.-Section civile.-M. Brisson, président.-M. le conseiller Carnot, rapporteur. — MM. Dufour d'Astafort, Darrieux et Raoul, avocats.

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RENOUVELLEMENT D'INSCRIPTION. PRIVILEGE. HYPOTHÈQUE. -TRANSCRIPTION.

Le renouvellement d'une inscription doit-il être fait dans les mémes formes et contenir les mémes énonciations que l'inscription première (2)? Le privilége du vendeur dont le contrat n'a pas été transcrit, se conserve-t-il par la transcription des contrats de vente postérieurs ? Rés. nég.

Par acte du 23 avril 1793, les sieurs Jacquemard et Bénard vendirent au sieur Duval-Dumesnil une maison située à Paris, rue du Faubourg-SaintAntoine, dite la rue du Montreuil.

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L'article 2277 du Code civil renferme la même disposition.

(2) Cette question, décidée affirmativement par la Cour royale dont l'arrêt était attaqué, pas été résolue par l'arrêt de la Cour de cassation que nous rapportons: elle n'est pas même préjugée par les motifs de cet arrêt.

Cette maison était contigue à une autre appelée le Laurier-Rose, qui appartenait à la dame Tellier, femme du sieur Duval-Dumesnil; les époux les réunirent en un seul bâtiment dont ils firent une brasserie.

Suivant un acte public du 14 pluviôse an 3, les sieur et dame DuvalDumesnil empruntérent du sieur Saillard une somme de 30,000 francs, qu'ils employèrent en partie, avec subrogation, à payer ce qui était dû aux sieurs Jacquemard et Bénard pour prix de la vente de la maison rue de Montreuil.

En vertu de cet acte, le sieur Saillard prit, le 23 floréal an 7, une inscription pour sûreté du privilége et de l'hypothèque.

La dame Duval-Dumesnil ayant obtenu sa séparation de biens contre son mari par jugement du 21 frimaire an 6, le sieur Duval-Dumesnil, pour la remplir de ses droits, lui fit abandon de la maison rue de Montreuil, par un acte de liquidation notarié, sous la date du 28 nivôse an 13, qui fut transcrit au bureau de la conservation des hypothèques, le 22 ventôse de la même année.

Par autre acte public du 16 mai 1807, les mariés Duval-Dumesnil empruntèrent du sieur Delahaie-Danglemont, demeurant à Paris, une somme de 30,000 francs qu'ils employèrent également, avec subrogation, à rembourser au sieur Saillard les 30,000 francs qu'ils lui devaient, en vertu de f'obligation du 14 pluviôse an 3.

Le sieur Danglemont prit en conséquence, le 23 mai 1807, une inscription ainsi conçue : « Pour sûreté de la somme de 34,200 francs, savoir 30,000 fr. de principal et 4,200 fr. pour deux années d'intérêts, et pour sûreté de la subrogation dans l'effet de l'inscription prise le 23 floréal an 7, vol. 6, n.o 145, au profit de Jean-Pierre Saillard contre les sieur et dame Duval-Dumesnil, résultant d'une obligation passée devant M. Trianon et son confrère, notaires à Paris, le 16 mai 1807. »

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Indépendamment de cette inscription, le sieur Danglemont en prit une autre le 18 juillet 1811.

La dame Duval-Dumesnil étant décédée, la brasserie fut licitée et adjugée, le 18 avril 1812, pour le prix de 55,050 fr., à la dame Dupont, veuve Robert, qui fit transcrire le jugement d'adjudication le 13 juin suivant.

Une ventilation fut ordonnée pour distinguer le prix de chacune des deux maisons vendues ; et, par le résultat de cette opération, la maison appelée le Laurier-Rose fut déclarée être entrée dans le prix de l'adjudication pour 44,650 fr., et la maison, rue de Montreuil, pour 10,400 fr.

Dans l'ordre qui s'ouvrit pour la distribution de ces deux sommes, le sieur Danglemont prétendit être colloqué à l'ancien rang de son privilége et de son hypothèque, en vertu des trois inscriptions de l'an 7, de 1807 et de 1811, et des deux transcriptions de l'an 13 et de 1812.

Cette prétention fut contestée par plusieurs créanciers qui soutinrent que le sieur Danglemont avait perdu son ancien rang, parce que l'inscription de 1807 ne contenait pas renouvellement de celle de l'an 7, puisqu'elle ne faisait aucune mention du titre constitutif de la créance; qu'on ne pouvait

la considérer que comme une simple mention de subrogation; que conséquemment l'inscription de l'an 7 était périmée, faute d'avoir été renouvelée dans les dix ans, et que celle de 1811 ne pouvait être d'aucune considération, puisqu'elle n'avait été prise que long-temps après l'expiration du délai; qu'au surplus, les transcriptions de l'an 13 et de 1812 ne s'appliquant pas au contrat duquel résultait le privilége du sieur Danglemont, mais à des contrats postérieurs, ces transcriptions ne pouvaient avoir eu pour effet de conserver son privilége, et que ce privilége, dégénéré en simple hypothèque à défaut d'inscription dans le délai fixé par la loi de brumaire au 7, n'avait rang qu'à compter de cette dernière inscription de 1811.

Ces moyens ont été présentés sans succès en première instance, et les conclusions du sieur Danglemont ont été accueillies par jugement du tribunal civil de la Seine du 23 août 1814.

Mais sur l'appel, ce jugement a été infirmé par arrêt de la Cour royale de Paris du 3 juillet 1815. Les motifs de cet arrêt reproduisent les moyens à l'aide desquels les créanciers combattaient le système du sieur Danglemont, et que nous avons analysés plus haut.

Le sieur Danglemont s'est pourvu en cassation, et a présenté les deux moyens suivans.

L'arrêt attaqué, a-t-il dit d'abord, a violé l'art. 2154 en jugeant que l'inscription de 1807 était nulle, faute de mention du titre, sur le fondement que le renouvellement d'une inscription est soumis aux mêmes énonciations que l'inscription originaire. Aucune loi n'assujétit le renouvellement de l'inscription aux mêmes règles que l'inscription, et l'article 2154 du Code civil, en ordonnant ce renouvellement, ne le soumet à aucune formalité. Vainement la Cour royale a-t-elle reconnu que l'inscription de 1807 n'était qu'une mention de subrogation; il est impossible de douter qu'elle n'ait eu pour objet le renouvellement de l'inscription prise en l'an 7. Tel était le premier moyen du sieur Danglemont.

Il faisait résulter le second d'une prétendue violation des art. 2181, 2182 et 2183 du Code civil, en ce que l'arrêt avait décidé que le privilége de Danglemont n'avait pas été conservé par les transcriptions de l'an 13 et de 1812, et par l'inscription de 1811.

Ces articles, disait le demandeur, ont été violés sous trois rapports distincts. Premièrement, il résulte de l'ensemble de leurs dispositions que le second acquéreur ne peut purger l'immeuble par lui acquis du privilége du précédent vendeur, sans transcrire le contrat de celui-ci, et sans lui faire les notifications requises. Ensuite, aux termes de l'art. 2182, le vendeur ne transmet la propriété à l'acquéreur qu'avec les charges dont elle était grevée; d'où il résulte que le second possesseur, n'acquérant que sous la charge de l'inscription du premier vendeur, ne peut faire transcrire son la charge de cette inscription. Enfin, le privilége et l'hypothèque du sieur Danglemont se trouvant ainsi conservés, ont pu valablequ'à ment être inscrits le 18 juillet 1811, sans que l'adjudication faite à la veuve Robert le 18 avril 1812 y ait porté atteinte, puisque cette dame étant adjudicataire comme cohéritière, était non recevable à opposer sa transcription

qui, d'ailleurs, se trouvait grevée de plein droit de l'effet des inscriptions antérieures.

Les créanciers défendeurs en cassation ont répondu, au premier moyen, que le renouvellement de l'inscription était entièrement assujéti aux mêmes formes que l'inscription primitive, puisque renouveler une inscription, ce n'était faire autre chose que prendre une inscription nouvelle; que le législateur, en prescrivant le renouvellement décennal des inscriptions, avait voulu que les conservateurs des hypothèques n'eussent point à fouiller dans une masse énorme de registres, et rendre, par-là même, leurs recherches plus faciles et leurs indications plus exactes et plus certaines; que ce but serait manqué et l'intérêt des tiers compromis, si l'inscription nouvelle ne remplaçait qu'imparfaitement pour eux l'inscription originaire, si elle ne contenait pas, comme celle-ci, toutes les énonciations nécessaires pour les éclairer que d'ailleurs l'arrêt attaqué ne se bornait pas à ce seul motif; qu'il décidait, en outre, que l'inscription de 1807 ne valait que comme mention de subrogation, et n'avait pas opéré le renouvellement de celle de l'an 7; qu'en cela, l'arrêt était d'accord avec l'inscription de 1807 elle→ même, de laquelle il résultait littéralement qu'elle n'avait été prise que pour sûreté de la subrogation dans l'effet de celle du 23 floréal an 7, et que, sous ce second rapport, l'arrêt était inattaquable, parce qu'il n'avait fait qu'apprécier le mérite d'un acte.

Voici en substance comment les défendeurs réfutaient le second moyen de cassation. Il résulte, ont-ils dit, de la combinaison des art. 2108, 2181, 2182 et 2183 du Code civil, que le privilége du vendeur ne peut se conserver que par la transcription du contrat qui lui a donné naissance; ce principe consacré par plusieurs arrêts de la Cour suprême ne peut plus être sérieusement contesté (1).

Si l'art. 2182 met à la charge du second acquéreur le privilége inscrit du premier vendeur, cette charge disparaît évidemment dès l'instant où l'inscription qui conserve ce privilége est périmée.

Enfin, le privilége et l'hypothèque étant réputés non inscrits avant la transcription de l'an 13, en raison de la péremption, n'avaient pu être inscrits long-temps après cette transcription faite et la péremption acquise; et ainsi, même suivant le Code civil, le sieur Danglemont n'a point conservé l'ancien rang de son privilége et de son hypothèque.

ARRÊT.

LA COUR,-sur les conclusions de M. Joubert, avocat général, et après qu'il en a été délibéré en la chambre du conseil ;-ATTENDU, 1.° qu'il s'agit d'un privilége et d'une hypothèque antérieurs à la loi du 11 brumaire an 7, et que Danglemont n'a pu les conserver que par des inscriptions ou transcriptions capables de produire cet effet;-ATTENDU, 2.°que Danglemont n'a représenté que trois inscriptions, l'une du 23 floréal an 7, l'autre du 23 mai 1807, La dernière du 18 juillet 1811; que, suivant l'article 23 de ladite loi et l'article 2154 du Code civil, l'effet des inscriptions cesse si elles n'ont été renouvelées dans les dix ans; que l'arrêt

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(1). Voyez particulièrement l'arrêt Ailhaud, du 13 décembre 1813, vol. de 1814, p. 90.

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