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nés en l'article 42 du présent Code : le tout sauf les peines plus graves, s'il y a un crime de faux. »

Dans cette formule, le législateur, tout en renonçant à définir l'escroquerie, précise les moyens et le but de l'escroc; les moyens, c'est ce qu'il faut faire pour arriver au but; c'est le chemin à parcourir avant d'atteindre le terme du voyage. Quels sont ces moyens? C'est un concours de faits spéciaux qui doivent se produire avec certaines formes limitatives. Ce sera le faux nom, la fausse qualité, la manœuvre frauduleuse. Dès que ces moyens auront été employés, si la remise des fonds, ou valeurs, ou meubles etc., en a été la conséquence ou si elle n'a été inachevée que par suite de circonstances indépendantes de la volonté de l'agent, le délit ou la tentative de délit sera nettement caractérisé. On peut donc dire que dans l'escroquerie le législateur punit moins la lésion que les procédés qui en ont été la cause efficiente.

Ceci posé la jurisprudence et la doctrine sont à peu près d'accord pour subordonner l'existence du délit d'escroquerie à la réunion des trois circonstances suivantes :

1° Emploi de moyens frauduleux;

2o Action de se faire remettre ou de chercher à se faire remettre des fonds, meubles, etc.;

3o Le délit est consommé par le détournement ou la tentative de détournement.

Il importe d'insister sur ces trois éléments constitutifs de l'escroquerie.

CHAPITRE III

L'article 405 énumère les moyens frauduleux qui constitueront l'un des éléments de l'escroquerie : ils sont au nombre de trois: 1° l'usage d'un faux nom; 2o l'usage d'une fausse qualité; 3° l'emploi de manœuvres frauduleuses déterminées. Comme le fait remarquer Garraud, dans son remarquable traité de droit pénal français, il n'est pas nécessaire que la remise de fonds ou autres objets ait été cumulativement déterminée par l'emploi de ces trois moyens réunis ; il suffit que cette remise ait eu pour cause l'emploi d'un seul de ces moyens. C'est ainsi que la Cour suprême a jugé à diverses reprises (Cass., 5 mai 1820, 19 septembre 1844. Bull. crim., 4 février 1858, 12 août 1887) que, quant à l'usage d'un faux nom ou de fausses qualités, il est de règle que cet usage, à l'aide duquel on s'est fait remettre des fonds ou des valeurs, est constitutif du délit d'escroquerie, indépendamment de manœuvres frauduleuses quelconques. C'est dans ce sens qu'a été rendu un arrêt de la Cour de cassation du 12 août 1887 ainsi conçu :

«< Attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué, qu'en février et mars 1887, le demandeur, en prenant le faux nom de P... et à l'aide de manoeuvres frauduleuses tendant à faire croire, etc..., s'est fait remettre par X... des objets mobiliers et diverses sommes d'argent.

<«< Attendu que c'est à juste titre que le pourvoi critique comme insuffisants les motifs de l'arrêt entrepris en ce qu'il ne spécifie pas en quoi ont consisté les manoeuvres frauduleuses mises en œuvre par le prévenu pour abuser de la crédulité des personnes ci-dessus dénommées et mettent ainsi la Cour de cassation dans l'impossibilité d'exercer son droit de contrôle sur le caractère légal de ces manœuvres ; mais attendu que l'insuffisance de ces motifs, sur ce point spécial, ne saurait, dans l'espèce donner ouverture à Cassation, l'arrêt attaqué constatant que c'est également par l'usage du faux nom de P..., que la remise des fonds et objets mobiliers a été obtenue; et que cette constatation justifiait la qualification légale donnée aux faits incriminés.

« Rejette....

CHAPITRE IV

Du faux-nom

Prendre un faux-nom, c'est en thèse générale, s'approprier une individualité qui ne vous appartient pas. Le nom peut être envisagé à plusieurs points de vue. Nous avons tout d'abord le nom patronymique. C'est le signe de l'individualité d'une personne, c'est lui qui sert à distinguer un individu d'avec son semblable, qui individualise l'homme dans la société. Le nom constitue dans ce cas une propriété d'une nature toute spéciale; il est inaliénable, imprescriptible, incessible.

Si ce nom est usurpé, celui qui en est le propriétaire a le droit de s'opposer à ce que son nom soit pris par un autre, sans avoir à justifier d'aucun autre intérêt que celui de défendre contre une usurpation le droit qui lui appartient.

Au nom patronymique on peut opposer le nom commercial. On sait que tout commerçant a le droit de se servir de son nom pour désigner sa maison de commerce et que celui qui devient cessionnaire ou successeur d'une maison de ce genre, ne reçoit pas seulement le fonds lui-même, c'est-à-dire les meubles et objets de toute nature nécessaires à son exploitation, mais encore le vocable sous lequel l'établissement est connu. Il doit d'ailleurs en être ainsi lorsque ce nom s'est en quelque sorte identifié avec la maison; qu'il résume à la fois son passé, sa renommée et les causes de sa prospérité; ce nom fait alors partie intégrante du fonds de commerce, parce qu'il est le signe de ralliement de la clientèle, et l'on ne pourrait l'en séparer sans faire perdre à l'établissement un élément essentiel de son succès et par conséquent une part importante de sa valeur.

Du nom patronymique et du nom commercial il faut rapprocher aussi la raison commerciale. La loi reconnaît trois espèces de sociétés : la société en nom collectif, la société en commandite et la société anonyme. La société en nom collectif est celle que contractent deux ou plusieurs personnes pour faire le commerce sous une raison sociale, et la société en commandite se contracte entre un ou plusieurs asso

ciés, responsables et solidaires, et un ou plusieurs associés, simples bailleurs de fonds, que l'on nomme commanditaires ou associés en commandite. Ces deux sortes de sociétés sont régies sous une raison sociale ou sous un nom social qui, dans la société en commandite, doit être nécessairement celui d'un ou de plusieurs des associés responsables et solidaires, et dans la société en nom collectif peut-être les noms des associés eux-mêmes. Dans la société anonyme qui élimine l'associé responsable et qui n'est qu'un groupement de capitaux, il n'existe pas de raison sociale.

L'usage d'une fausse raison sociale, d'un fauxnom commercial, doivent-ils être considérés comme l'usage d'un faux-nom patronymique, et entraîner l'application des peines de l'escroquerie lorsqu'ils ont été employés dans certaines circonstances déterminées ?

L'affirmative ne saurait être douteuse. Le législa teur ne faisant aucune distinction entre le cas où le nom distingue une personne d'avec son semblable et celui où ce nom désigne une société ou une maison de commerce, il ne saurait appartenir à son interprète de distinguer.

CHAPITRE V

Fausse qualité

Faire usage d'une fausse qualité, dit Blanche, c'est s'attribuer une fonction, un emploi, une pa

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