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L'EXCOMMUNICATION

OBSERVATIONS D'UN PRÊTRE CATHOLIQUE

1. Il est incontestable que le respect doit être en raison de l'autorité, en raison du bien ou du mal qui suit l'observation ou la violation des mesures qui en émanent. Or l'autorité d'où dérivent les peines et censures ecclésiastiques est surnaturelle et immédiatement divine: surnaturelle, parce qu'elle est un attribut de la juridiction hiérarchique qui constitue le fondement et le centre de l'édifice surnaturel de l'Église; immédiatement divine, parce qu'elle a été conférée non-seulement à saint Pierre, par ces paroles de l'Homme-Dieu : Tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans le ciel (saint Mathieu, 16); et par ces autres: Pais mes brebis et mes agneaux (saint Jean, 21); mais encore au collége entier des apôtres, à qui il a été dit: Tout ce que vous lierez, etc. (saint Mathieu, 18); et enfin, par Pierre et par les apôtres, à leurs légitimes successeurs.

2. En outre, les biens dont on est dépouillé par les peines et censures ecclésiastiques et les maux qui les suivent sont très-grands, au point de vue du temps présent comme à celui de la vie future, attendu qu'elles détachent et séparent complétement du corps mystique du Christ, c'est-à-dire du salut véritable, et qu'elles empêchent pour toujours de participer à l'Église triomphante et de devenir citoyen de la Jérusalem céleste, celui qui, rejeté par sa faute hors de l'Église militante et de la Jérusalem terrestre, a accru le nombre des païens et des publicains.

3. Le respect dù par tout véritable catholique aux peines et censures ecclésiastiques, eu égard au pouvoir divin d'où elles partent, comme à l'importance de leurs effets, doit donc être très-grand et semblable à celui que l'on doit au Christ notre rédempteur, qui a dit: Qui vous écoute, m'écoute.

4. C'est pourquoi, s'il est vrai qu'on doive être lent à juger qui que ce soit, et s'il est vrai que cette lenteur doive être en raison de la gravité du sujet, il est évident, vu l'importance et la gravité des peines et censures ecclésiastiques, qu'on ne saurait prendre trop de précautions pour l'examen et l'interprétation de tout ce qui se rapporte à un sujet pareil.

5. Il est vrai que s'il ne faut pas pécher par excès de hardiesse, il ne faut pas d'un autre côté pécher par manque de courage; gardons-nous également

d'exiger des conditions superflues et de négliger les conditions nécessaires. Dans cette situation comme en d'autres, rappelons-nous la réflexion d'Horace : Il y a des bornes en deçà et au delà desquelles le vrai ne peut pas se trouver.

6. Mais les précautions sont du ressort de la pratique, et toute pratique, pour n'être pas purement matérielle et mécanique, a besoin d'une règle, ou, pour parler le langage de l'école, d'une théorie claire et sûre lui servant de lumière et de guide. Une théorie est donc nécessaire à tous ceux qui veulent porter un jugement certain sur les peines et les censures ecclésiastiques.

7. Or cette théorie doit avoir pour base quelques principes d'une évidence et d'une solidité incontestables. Le premier est celui-ci : Les Pontifes romains eux-mêmes affirment solennellement qu'ils peuvent quelquefois être induits en erreur dans l'application des peines et censures ecclésiastiques; ils ajoutent les personnes frappées ont le droit d'appeler de leur sentence et que c'est pour l'autorité pontificale un devoir strict d'écouter ces réclamations et d'y faire droit.

que

8. Alexandre III, écrivant à l'archevêque de Ravenne (voir Grégoire IX, décrétales, liv. 1, titre 3 de Rescrip., chap. 5), raisonne ainsi : « Si quelquefois nos paroles ont pu aigrir votre esprit, vous ne

devez point en être ému, mais considérant avec soin la nature du sujet qui nous occupe, vous devez ou bien exécuter-nos ordres avec respect, ou bien nous indiquer par lettre les motifs qui vous auraient empêché de les exécuter; nous apprendrons, sans nous formaliser, que vous n'ayez point fait ce qui nous aurait été suggéré par un mauvais sentiment. » De ces paroles, inscrites dans les lois canoniques, il résulte clairement que le Pape n'est pas infaillible en dehors des matières et des faits purement dogmatiques ; qu'il peut être trompé par la malignité et la méchanceté d'autrui ; et que, d'autre part, les évêques ont le droit d'examiner les ordres reçus de lui, de ne pas les exécuter s'ils croient avoir pour cela de justes raisons, en en appelant au Pontife lui-même qui doit au contraire supporter en paix cette inexécution de ses ordres (patienter sustinendi si non feceris).

9. Et à ce propos nous ne pouvons nous empêcher de faire ressortir le véritable esprit de la subordination hiérarchique. C'est un esprit de respect pour l'autorité suprême du Pontife; mais, dans les matières de pure discipline, cet esprit n'empêche pas les prélats, que l'Esprit-Saint a établis pasteurs pour gouverner l'Église de Dieu, d'examiner prudemment les actes] de l'autorité suprême, de lui notifier avec une liberté respectueuse leurs avis et leurs réclamations; ce qui revient à dire que, si le principe d'une autorité salutaire doit régner dans l'Église, toute domination impérieuse doit en être bannie. Saint Pierre

dit (Ep. 1, chap. 5, v. 2, 3): « Paissez le troupeau de Dieu qui dépend de vous, gouvernez-le non par violence ni dans un esprit dominateur; et saint Jérôme (Epît 2, à Nepot.): « Que les évêques se souviennent qu'ils sont des prêtres, non des maîtres; qu'ils honorent les clercs comme clercs afin qu'ils soient aussi honorés par les clercs comme évêques.» Jésus-Christ dit enfin par la bouche de saint Matthieu (chap. 20, v. 25 et 26): « Vous savez que les princes des nations agissent en maîtres à leur égard, et que leurs grands les gouvernent avec autorité; il n'en sera pas de même parmi vous. » A cette expression de la vérité infaillible ajoutons les belles paroles du cardinal Godefroy de Vendôme au cardinal Pierre Léon:

Quelques-uns croient que tout est permis à l'Église romaine et qu'elle peut agir autrement que l'Écriture le commande. C'est une opinion insensée. L'Église romaine n'a pas de pouvoir supérieur à saint Pierre, au Christ lui-même, qui est venu, non pas détruire la loi, mais l'accomplir. Elle doit donc user de la puissance conférée par le Christ, non selon sa propre volonté, mais selon la tradition du Christ lui-même, et si quelqu'un prie le Pontife de modifier une mesure émanée de lui, il doit recevoir cet avis comme saint Pierre reçut les avis de saint Paul. »

10. Le second principe, qui doit nous servir à former la théorie des précautions à prendre en matière de peines et censures ecclésiastiques, est le suivant Les Pontifes proclament solennellement que,

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