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dire la séparation des fidèles; si enfin ces excommunications, contraires à l'intérêt public, doivent, selon l'avis du pape Clément V, être regardées comme non avenues, et si la personne atteinte est déliée, en vertu de la sentence de Benoît XI, sans avoir même demandé l'absolution qui sera assez hardi pour affirmer que le comte Camille Benso de Cavour se soit trouvé, à la fin de sa vie, dans de terribles embarras de conscience (in tremende circostanze di coscienza); que sa mort n'ait pas été celle d'un vrai catholique, mais une mort digne de celui qui fut pendant sa vie (comme le déclarent les écrivains de la Civilta cattolica, avec une incroyable légèreté) l'ennemi juré du catholicisme et de son chef suprême; et qu'enfin son âme soit perdue à cause de l'excommunication lancée par le pape Pie IX contre ceux qui ont été la principale cause de la perte d'une partie de son domaine temporel (domaine incompatible à l'époque présente avec le pouvoir spirituel, et dont les populations, déplorablement gouvernées, seraient aussi bien séparées sans l'aide de M. de Cavour et des autres), et par la raison qu'il n'a pas publiquement rétracté ce qu'il a noblement et vaillamment fait pour la délivrance de la patrie, sans blesser en rien l'autorité spirituelle du Pontife?

se

72. Ajoutons que l'excommunication dont il s'agit n'a jamais été publiée en Piémont, et que beaucoup d'écrivains ont démontré, avec l'autorité des sacrés canons, que les Bulles publiées à Rome, quoique ayant une grande autorité, sont insuffisantes et sans

valeur dans les pays où elles ne sont pas publiées.

73. Ces écrivains citent à l'appui de leur opinion le Concile d'Arles, de 1314, la lettre encyclique du Concile de Nicée, en 325, la lettre d'Innocent Ier à l'évêque Vittricius, le Concile de Tolède rapporté par Gratien, la définition du pape Innocent III dans le premier canon de Postulatione, et même le Concile de Trente, qui recommande à diverses reprises la publication répétée des décisions émanées de lui.

74. On peut aussi voir une confirmation éclatante de cette opinion, dans la conduite des Révérends Pères Jésuites eux-mêmes, en 1774. On sait que, s'étant retirés à cette époque dans le nord de l'Europe, ils ne se crurent jamais supprimés, jusqu'en 1800, par le bref catholique Dominus ac Redemptor, de Clément XIV, par la seule raison que, sur leur demande, l'impératrice de Russie en avait empêché la publication dans ses États.

75. Quoi qu'il en soit, je reviens à mon sujet. Est-ce que l'excommunication de Pie IX a eu pour cause quelque violation de la doctrine catholique ? Est-ce qu'elle n'est pas dirigée plutôt contre l'occupation d'un territoire qui appartient, non pas au Pontife et à l'Église, mais au roi et à l'Etat? Est-ce que cette excommunication n'est pas de celles qui, lancées contre les personnages capables d'entraîner la multitude, peuvent occasionner un schisme? Est-ce

qu'elle ne présente pas de telles conditions, que la personne atteinte peut, de bonne foi, suivant l'avis des papes Clément V et Benoît XI, la tenir pour non avenue, et se croire lui-même délié sans aucune rétractation préalable? Silence donc à la malignité de certains brouillons brouillons, fauteurs de scandale et de schisme; qu'ils cessent de s'arroger, à l'égal de Dieu, le salut éternel ou la damnation d'autrui. Que, si le comte de Cavour a spontanément demandé, comme il est certain, les sacrements de l'Eglise, avant que les médecins lui eussent annoncé la fin de sa vie, et ces sacrements lui ayant été administrés par un prêtre savant et vertueux, spécialement préposé par l'autorité ecclésiastique au soin des âmes, tout homme, animé de l'esprit de charité évangélique (non pas de cette fausse charité déployée par les soidisant coryphées du parti catholique, comme si l'unité catholique pouvait se prêter aux divisions de partis), loin d'élever le moindre doute sur les sentiments religieux du défunt et sur son heureuse destinée dans l'autre monde, loin de proclamer avec fracas, dans un mauvais esprit et avec une triste jactance, que les actes extérieurs de religion de cet homme d'Etat illustre n'ont été que de la poussière jetée aux yeux du vulgaire, chacun, disons-nous, doit affirmer, au contraire, sa fin chrétienne, et par suite nourrir l'espoir consolant que Dieu l'a purifié par le sacrement de pénitence, et l'a reçu avec joie dans ses bras.

76. Je terminerai par ces vers 'du Dante, à l'a

dresse de ceux qui n'hésitent pas à interpréter à leur profit les décrets du Très-Haut :

Equesto ti fia sempre piombo a' piedi,
Per farti muover lento, com' uom lasso,
Ed al si ed al no che tu non vedi;

Non sien le genti ancor troppo sicure,
Aguidicar, si come quei che stima,

Le biade in campo pria che sien mature;
Ch'io ho veduto tutto il verno prima,
Il prun mostrarsi rigido e feroce,
Poscia portar la rosa in su la cima;
E legno vidi già dritto e veloce,

Correr lo mar per tutto suo cammino,
Perire al fine all' entrar della foce;
Non creda monna Berta e ser Martino,
Per vedere un furare altro offerere,
Vederli dentro al consiglio divino;

Chè quel può surgere e quel può cadere.

DANTE. Paradiso. Canto XIII.

Et que cela soit toujours comme un plomb à tes pieds, pour te faire marcher lentement, comme un homme fatigué, vers le oui et le non que tu ne vois pas.

Que les hommes ne soient pas trop téméraires dans leurs jugements, comme celui qui estime le blé dans un champ avant qu'il soit mûr. Car j'ai vu tout l'hiver l'épine hérissée et sauvage porter ensuite des roses sur sa cime, et le navire courir droit et rapide pendant tout son voyage, et périr au moment d'entrer dans le port. Que dame Berthe et maître Martin, parce qu'ils voient l'un voler et l'autre faire une offrande, ne croient pas les voir tels que Dieu les juge, car l'un peut se relever et l'autre peut tomber.

DANTE. Divine comédie. - Paradis, Chant XIII.

(Traduction de M. P. A. FIORENTINO.)

Paris. Imp. de L. TINTERLIN, rue Neuve-des-Bons-Enfants, 3.

X

DE

L'INDÉPENDANCE

ET

DE L'UNITÉ DE L'ITALIE

VIS-A-VIS DU CLERGÉ

PAR

ERNEST PHILALÈTE

(P. PASSAGLIA) Carlo

PARIS

LIBRAIRIE MOLINI

5, BOULEVARD MONTMARTRE (A L'ENTRESOL)

1862

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