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Italie, ils ne cessent de méconnaître les avantages obtenus et vont jusqu'à se montrer, au delà de ce qu'on peut croire, ignorants et ennemis de la patrie, ils font une œuvre perdue pour la défense de l'Église, et méritent ces anathèmes fulminés contre eux par les Italiens.

Conclusion.

CHAPITRE IV

Où l'on montre au clergé italien les voies de la conciliation en l'exhortant à y entrer.

XLI. Ici, notre travail touche à sa fin. Nous avons montré que l'Église, en perdant le domaine temporel, n'abandonnait pas beaucoup de ses garanties, de sa liberté et de son indépendance; que les princes italiens n'ont pas subi une injustice lorsque leurs peuples les dépouillèrent pour se constituer en une monarchie indépendante, et que les intérêts de l'Italie n'ont souffert en rien, mais au contraire ont beaucoup gagné aux événements ré- . cents. Ce que de savants écrivains avaient établi mieux que nous sur ce point et par des arguments plus développés, nous l'avons resserré en un petit opuscule, afin que des lecteurs moins profonds, mais cependant amis du vrai, puissent, d'un coup d'œil, voir dissipés ces sophismes dont les nuages obscurcissaient à leurs yeux l'éclat de la vérité; et ainsi,

nous avons cherché à supprimer les causes de cette lutte qui, si elle ne cesse promptement, pourrait devenir funeste à l'Église principalement. Avant de terminer ce petit écrit, nous voulons faire à nos adversaires les plus larges concessions, et supposer qu'il n'y a rien eu d'exact dans tout ce que nous avons démontré jusqu'à présent, afin de leur montrer que, même dans cette fausse hypothèse, le parti le plus prudent qui resterait au parti clérical serait le parti de la conciliation.

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XLII. Le principe des faits accomplis a eu de notre temps beaucoup de défenseurs et beaucoup d'adversaires. Les uns le portent aux nues, les autres l'appellent une nouvelle invention de l'enfer. Au milieu de ce grand débat, il y a un principe qui demeure inébranlable, reconnu de tous les hommes sages, et qui suffit à notre but. Alors que dans un État les choses sont arrivées à un point tel que le prince expulsé ne pourrait plus remonter sur son trône sans un grave dommage pour la société, alors tombe pour le prince le droit à la souveraineté, et alors aussi tombe pour les sujets l'obligation de travailler à restaurer ce trône.

On pourrait même se demander si jamais les prêtres sont soumis à cette obligation, eux qui doivent se donner tout entiers au service divin. Nous croyons que les prêtres doivent faire leur principal souci du bien spirituel des fidèles, mais qu'ils ne doivent pas pour cela laisser de côté les avantages civils de la société. Aucun théologien n'a jamais enseigné que

le patriotisme soit une vertu qui appartienne exclusivement aux laïques, et que chez les prêtres cette vertu doive disparaître. Les prètres ont donc, eux aussi, le devoir d'être justes envers la patrie et de lui porter intérêt autant que cela est conciliable avec leur état ; et au nombre de ces devoirs figure l'obligation d'obéir et d'être fidèles à leur prince, soit ́qu'il règne sur le trône, soit qu'un revers de fortune l'ait éloigné et exilé de son royaume. Néanmoins, à cause de leur condition de ministres du Christ, ils doivent, plus que tous autres, être pleins de mansuétude et de charité, ennemis du sang et prompts à transiger sur les questions d'intérêt temporel, surtout si la persistance pouvait devenir préjudiciable à des intérêts d'un ordre supérieur. Aussi voyonsnous que les premiers chrétiens, chez lesquels ne s'étaient pas encore refroidis la charité et l'esprit de Dieu qui animait leur âme, ne se sont jamais élevés contre un seul de tous ceux qui ont usurpé l'empire. Aux cruelles persécutions qui pesaient sur eux, la seule réaction qu'ils opposassent était celle de l'apologie du Christianisme contre le paganisme. Mettons-nous bien dans l'esprit d'imiter les pratiques de ces premiers chrétiens, et nous comprendrous que l'obligation de rester fidèles aux princes dépossédés, de même qu'elle a pris fin pour tous les Italiens, a pris fin aussi pour nous prêtres. En réalité, que de sang ne faudrait-il pas verser pour opérer une réaction en Italie? Ne serait-ce pas probablemeut une guerre générale, d'où sortirait victorieuse la révolution la plus effrénée? En tout cas, que de

familles ruinées, que de vengeances, que d'atrocités formeraient le cortège de cette restauration ! Le cœur d'un prêtre peut-il bien ne pas avoir horreur de tant de calamités? Pour obvier à tant de maux, nous voyons que beaucoup des puissances les plus civilisées en Europe et au dehors ont déjà reconnu le nouveau royaume d'Italie, et les autres montrent qu'elles s'apprêtent à le reconnaître très-promptement, si j'en excepte pourtant celles qui ne le pourraient pas sans mettre en péril leurs intérêts matériels.

XLIII. En dépit de tout cela, il y a dans le clergé un grand nombre d'hommes dont on ne sait si l'on doit le plus admirer la sottise ou la cruauté, qui vont songeant à un prochain retour au passé. Ce qui entretient leurs désirs en dehors de leurs folles appréciations sur l'état présent des choses, c'est cette promesse du Christ que contre son Église les forces de l'enfer ne prévaudront jamais. A coup sûr, leur désir aurait un fondement solide, si l'existence d'un royaume d'Italie et la perte du domaine temporel équivalait à une victoire de l'enfer sur l'Église de Dieu. Mais si cela était vrai, il s'ensuivrait l'intolérable absurdité que, malgré les divines promesses, l'enfer aurait déjà triomphé de l'Église depuis sa naissance. Qu'ils renoncent donc, ces rêveurs, à caresser la chimère d'un retour impossible, et qu'ils se persuadent à la fin que les choses restant dans les termes où elles se trouvent, l'unique parti qui leur reste à prendre est celui de la conciliation.

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