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DE

LA GRANDE ARMÉE

EN PRUSSE, etc.

PENDANT L'AN 1806, etc.

DISCOURS de son S. A. S. Monseigneur le Prince Archichancelier de l'Empire Français au Sénat, le 14 octobre 1806.

MESSIEURS,

La lettre que S. M. l'Empereur et Roi écrit au Sénat, et les communications que je viens faire de sa part, ont pour objet de vous instruire d'une résolution devenue nécessaire par la conduite du gouvernement prussien.

» On se demande quelles sont les causes d'une rupture difficile à prévoir, d'après la bonne intelligence qui, depuis plusieurs années, a régné entre la France et la Prusse, et surtout, d'après les rapports d'intérêts communs aux deux Nations.

» La solution de cette question se trouve dans les rap. ports faits à S. M. par son ministre des relations extérieures, et dans plusieurs notes échangées par les ministres des deux puissances.

» La lecture que vous allez entendre de ces pièces vous convaincra, Messieurs, que S. M. n'a rien négligé pour la

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conservation de la paix, et qu'elle en a eu long-temps l'espérance. Vous reconnaîtrez aussi que la dignité de sa couronne et les obligations qu'imposent à S. M. la protection et la garantie qu'elle accorde aux Etats confédérés du Rhin, ont dû la determiner à repousser la force par la force.

» Aucun souverain n'est moins que l'Empereur dans le cas de redouter la guerre; aucun ne sera, dans tous les temps, plus disposé à arrêter l'effusion du sang, par le rétablissement de la paix.

» Dans la guerre qui commence, comme dans celles qui ont eté si glorieusement terminées, S. M. a pour elle le témoignage de sa conscience et la justice de sa cause : elle compte sur l'amour de ses peuples et sur le courage de ses armees; elle place aussi une confiance entière dans votre zèle, si souvent éprouvé pour son service et pour le bien de l'Etat, qui en est inséparable. »

LETTRE de S. M. l'Empereur et Roi à MM. les Président et Membres du Sénat.

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« SENATEURS,

» Nous avons quitté notre capitale, pour nous rendre » au milieu de notre armée d'Allemagne, dès l'instant que » nous avons su avec certitude qu'elle était menacée sur ses » flancs par des mouvemens inopinés. A peine arrivé sur »les frontières de nos Etats, nous avons eu lieu de recon» naître combien notre présence y était nécessaire, et de » nous applaudir des mesures défensives que nous avions prises avant de quitter le centre de notre Empire. Déjà » les armées prussiennes, portées au grand complet de » guerre, s'étaient ébranlées de toutes parts; elles avaient dépassé leurs frontières; la Saxe était envahie; et le »sage prince qui la gouverne était forcé d'agir contre sa volonté, contre l'intérêt de ses peuples. Les armées prus» siennes étaient arrivées devant les cantonnemens de nos troupes. Des provocations de toute espèce, et même des » voies de fait, avaient signalé l'esprit de haine qui ani

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»mait nos ennemis, et la modération de nos soldats, qui, tranquilles à l'aspect de tous ces mouvemens, étonnés » seulement de ne recevoir aucun ordre, se reposaient » dans la double confiance que donne le courage et le bon » droit. Notre premier devoir a été de passer le Rhin nousmêmes, de former nos camps et de faire entendre le cri » de guerre. Il a retenti au cœur de tous nos guerriers. Des marches combinées et rapides les ont portés en un » clin-d'œil au lieu que nous leur avions indiqué. Tous nos camps sont formés; nous allons marcher contre les ar» mées prussiennes, et repousser la force par la force. » Toutefois, nous devons le dire, notre cœur est péni»blement affecté de cette prépondérance constante qu'obtient en Europe le génie du mal, occupé sans cesse » à traverser les desseins que nous formons pour la tranquillité de l'Europe, le repos et le bonheur de la génération présente, assiégeant tous les cabinets par » tous les genres de séductions, et égarant ceux qu'il » n'a pu corrompre, les aveuglant sur leurs véritables in» térêts, et les lançant au milieu des partis sans autre guide » que les passions qu'il a su leur inspirer. Le cabinet de » Berlin lui-même n'a point choisi avec délibération le parti

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qu'il prend; il y a été jeté avec art et avec une malicieuse » adresse. Le roi s'est trouvé tout-à-coup à cent lieues de sa » capitale, aux frontières de la confédération du Rhin, au » milieu de son armée et vis-à-vis des troupes françaises » dispersées dans leurs cantonnemens, et qui croyaient » devoir compter sur les liens qui unissaient les deux Etats, » et sur les protestations prodiguées en toutes circonstances » par la cour de Berlin. Dans une guerre aussi juste, où nous ne prenons les armes que pour nous défendre, que » nous n'avons provoquée par aucun acte, par aucune prétention, et dont il nous serait impossible d'assigner la » véritable cause, nous comptons entièrement sur l'appui » des lois et sur celui de nos peuples, que les circonstances appellent à nous donner de nouvelles preuves de leur » amour, de leur dévouement et de leur courage. De notre » côté, aucun sacrifice personnel ne nous sera pénible, aucun danger ne nous arrêtera, toutes les fois qu'il s'a

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» gira d'assurer les droits, l'honneur et la prospérité de » nos peuples.

» Donné en notre quartier impérial de Bamberg, le 7 » octobre 1806. »

Signé, NAPOLÉON.

Par l'Empereur,

Le ministre secrétaire-d' Etat, signé H. B. MAREt.

PREMIER Rapport adressé à S. M. l'Empereur et Roi, par le ministre des relations extérieures, le 3 octobre 1806.

SIRE,

Votre Majesté, à la première nouvelle qu'elle reçut des armemens de la Prusse, fut long-temps sans y croire. Forcée d'y croire, elle se plut à les attribuer à un mal-entendu. Elle espéra que ce mal-entendu serait promptement éclairci, et qu'aussitôt ces armemens cesseraient.

Les espérances de V. M. avaient leur source dans son amour constant pour la paix. Elles ont été trompées. La Prusse n'en est plus à méditer la guerre, elle la fait par quels motifs? Je l'ignore, et je ne lui en connais aucun.

Si la Prusse eût eu quelque raison d'armer, se serait-elle obstinée à les taire? le ministre de V. M. à Berlin n'en auraitil pas été instruit? M. de Knobelsdorff n'aurait-il pas été chargé de les faire connaître? Tout au contraire, M. de Knobelsdorff n'a apporté à V. M. qu'une lettre du roi fort amicale, et il a reçu des assurances également amicales de la bouche même de V. M. Le ministre de V. M. à Berlin voyait les préparatifs se poursuivre, l'arrogance s'accroître, les provocations s'accumuler, à mesure que V. M. montrait plus de modération et d'impassibilité. Mais s'il demandait quels pouvaient être les griefs de la Prusse, on n'en articulait aucun, on ne lui donnait aucune explication; de sorte que sa présence était devenue inutile à Berlin; de sorte qu'il n'y etait plus que le témoin de procédés et de mesures contraires à la dignite de la France.

En supposant que des bruits absurdes, accueillis avec

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