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Ainsi, pour satisfaire l'ambition la plus injuste, la Prusse consent à rompre les liens qui l'unissaient à la France, à appeler de nouvelles calamités sur le Continent, dont V. M. youlait cicatriser les plaies et assurer la tranquillité, à provoquer un allié fidèle, à le mettre dans la cruelle nécessité de repousser la force par la force, et d'arracher encore son armée au repos dont il aspirait à la faire jouir, après tant de fatigues et de triomphes.

Je le dis avec douleur, je perds l'espoir que la paix puisse être conservée, du moment qu'on la fait dépendre de conditions que l'équité repousse et que l'honneur repousse également, proposées, comme elles le sont, avec un ton et des formes que le peuple français n'endura dans aucu temps et de la part d'aucune puissance, et qu'il peut moins que jamais endurer sous le règne de V. M.

Signé, CH. MAUR. TALLEYRAND, prince de Bénévent.
Mayence le 6 octobre 1806.

NOTE.

Le soussigné, ministre de S. M. Prussienne, par le même courrier porteur de la lettre à S. M. I., qu'il a eu l'honneur de transmettre aujourd'ui à S. Ex. M. le prince de Bénévent, a reçu l'ordre de s'acquitter des communications suivantes. Leur but est de ne plus laisser en suspens la relation des deux cours. Chacune d'elles est si éminemment intéressée à ne plus rester dans le doute sur les sentimens de l'autre, que le roi s'est flatté de voir S. M. l'EMPEREUR applaudir à sa franchise.

S, M. Prussienne a deposé dans la lettre susmentionnée, sa pensée toute entière, et l'ensemble des sujets de plainte qui, d'un allié fidèle et loyal, ont fait d'elle un voisin allarmé sur son existence, et nécessairement armé pour la défense de ses intérêts les plus chers. Cette lecture aura rapelé à S. M. I. et R. ce que la Prusse fut depuis long-temps à la France. Le souvenir du passé pourrait-il n'être pas pour elle le gage de l'avenir? et quel juge assez aveuglé pourrait croire que le roi eût été neuf ans envers la France, si conséquent et peut-être si partial, pour se placer volon

tairement avec elle dans un rapport différent, lui, qui plus d'une fois a pu la perdre peut-être, et qui ne connaît que trop aujourd'hui les progrès de sa puissance.

Mais si la France a dans ses souvenirs et dans la nature des choses, le gage des sentimens de la Prusse, il n'en est pas de même de cette dernière; ses souvenirs sont faits pour l'allaimer. Elle a été inutilement neutre, amie, alliée même. Les bouleversemens qui l'entourent, l'accroissesement gigantesque d'une puissance essentiellement militaire et conquérante qui l'a blessée successivement dans ses plus grands intérêts, et la menace dans tous, la laissent aujourd'hui sans garantie. Cet état de choses ne peut durer. Le roi ne voit presque plus autour de lui que des troupes françaises, ou des vassaux de la France prêts à marcher avec elle. Toutes les déclarations de S. M. I. annoncent que cette attitude ne changera point. Loin de là, de nouvelles troupes s'ébranlent de l'intérieur de la France. Déjà les journaux de sa capitale se permettent contre la Prusse un langage dont un souverain, tel que le roi, peut mépriser liafamie, mais qui n'en prouve pas moins ou les intentions, ou l'erreur du gouvernement qui le souffre. Le danger croît chaque jour. Il faut s'entendre d'abord, ou l'on ne s'entendrait plus.

Deux puissances qui s'estiment, et qui ne se craignent qu'autant qu'elles le peuvent, sans cesser de s'estimer ellesmêmes, n'ont pas besoin de détour pour s'expliquer. La France n'en sera pas moins forte pour être juste, et la Prusse n'a d'autre ambition que son indépendance et la sûreté de ses alliés. Dans la position actuelle des choses, elles risqueraient tout l'une et l'autre en prolongeant leur incertidude. Le soussigné a reçu l'ordre en conséquence de déclarer que le roi attend de l'équité de S. M. I.,

1°. Que les troupes françaises, qu'aucun titre fondé n'appelle en Allemagne, repassent incessamment le Rhin, toutes, sans exception, en commençant leur marche du jour même où le Roi se promet la réponse de l'Empereur, et en la poursuivant sans s'arrêter; car leur retraite instante, complette, est, au point où en sont les choses, le seul gage de sûreté que le Roi puisse admettre.

2o.

2o. Qu'il ne sera plus mis de la part de la France, aucun obstacle quelconque à la formation de la ligue du Nord, qui embrassera, sans aucune exception, tous les Etats non nommés dans l'état fondamental de la confédération du Rhin.

3o. Qu'il s'ouvrira sans délai une négociation pour fixer enfin d'une manière durable tous les intérêts qui sont encore en litige, et que pour la Prusse, les bases préliminaires en seront la séparation de Wesel de l'Empire français, et la réoccupation des trois abbayes par les troupes prus

siennes.

Du moment où S. M. aura la certitude que cette base est acceptée, elle reprendra l'attitude qu'elle n'a quittée qu'à regret, et redeviendra pour la France, ce voisin loyal et paisible qui tant d'années a vu sans jalousie la gloire d'un peuple brave, et desiré sa prospérité. Mais les dernières nouvelles de la marche des troupes françaises, imposent au Roi l'obligation de connaître incessamment ses devoirs. Le soussigné est chargé d'insister avec instance sur une réponse prompte, qui, dans tous les cas, arrive au quartiergénéral du Roi le huitième octobre; S. M. conservant toujours l'espoir qu'elle y sera assez tôt pour que la marche inattendue et rapide des événemens, et la présence des troupes, n'aient pas mis l'une ou l'autre partie dans l'obligation de pourvoir à sa sûreté.

Le soussigné a l'ordre sur-tout de déclarer de la manière la plus solennelle, que la paix est le vœu sincère du Roi; qu'il ne demande que ce qui peut la rendre durable. Les motifs de ses alarmes, les titres qu'il avait à attendre de la France un autre rapport, sont développés dans la lettre du Roi à S. M. I. et sont faits pour obtenir de ce monarque le dernier gage durable d'un nouvel ordre de choses.

Le soussigné saisit cette occasion pour renouveler à S. Exc. M. le prince de Bénévent, l'assurance de sa haute considération.

Signé, KNOBELSDORFF.

Paris, le 1er octobre 1806

PROCLAMATION de l'Empereur et Roi, à l'armée Française.

SOLDATS,

« L'ordre pour votre rentrée en France était parti; vous vous en étiez déja rapprochés de plusieurs marches. Des fêtes triomphales vous attendaient, et les préparatifs pour Vous recevoir étaient commencés dans la capitale.

Mais, lorsque nous nous abandonnions à cette trop confiante sécurité, de nouvelles trames s'ourdissaient sous le masque de l'amitié et de l'alliance. Des cris de guerre se sont fait entendre à Berlin; depuis deux mois, nous sommes provoqués tous les jours davantage.

La même faction, le même esprit de vertige qui, à la faveur de nos dissentions intestines, conduisit, il y a 14 ans, les Prussiens au milieu des plaines de la Champagne, domine dans leurs conseils. Si ce n'est plus Paris qu'ils veulent brûler et renverser jusques dans ses fondemens, c'est aujourdhui, leurs drapeaux qu'ils se vantent de planter dans les capitales de nos allies; c'est la Saxe qu'ils veulent obliger à renoncer, par une transaction honteuse, à son indépendance, en la rangeant au nombre de leurs provinces; c'est, enfin, vos lauriers qu'ils veulent arracher de votre front. Ils veulent que nous évacuions l'Allemagne à l'aspect de leur armée! Les insensés!!! Qu'ils sachent donc qu'il serait mille fois plus facile de détruire la grande capitale que de flétrir l'honneur des enfans du Grand-Peuple et de ses alliés. Leurs projets furent confondus alors; ils trouvèrent dans les plaines de Champagne la défaite, la mort et la honte; mais les leçons de l'expérience s'effacent, et il est des hommes chez lesquels le sentiment de la haine et de la jalousie ne meurt jamais.

Soldats, il n'est aucun de vous qui veuille retourner en France par un autre chemin que par celui de l'honneur. Nous ne devons y rentrer que sous des arcs de triomphe.

Eh quoi! aurions-nous donc bravé les saisons, les mers, les déserts; vaincu l'Europe plusieurs fois coalisée contre nous; porté notre gloire de l'orient à l'occident, pour retourner aujourd'hui dans notre patrie comme des

transfuges, après avoir abandonné nos alliés, et pour entendre dire que l'Aigle française a fui épouvantée à l'aspect des armées prussiennes... Mais déjà ils sont arrivés sur nos avant-postes...

Marchons donc, puisque la modération n'a pu les faire sortir de cette étonnante ivresse. Que l'armée prussienne éprouve le même sort qu'elle éprouva il y a quatorze ans! qu'ils apprennent que s'il est facile d'acquérir un accroissement de domaine et de puissance avec l'amitié du GrandPeuple, son inimitié (qu'on ne peut provoquer que par l'abandon de tout esprit de sagesse et de raison) est plus terrible que les tempêtes de l'Océan.

Donné en notre quartier impérial à Bamberg, le 6 octobre 1806. »

Signé, NAPOLÉON.

Pour ampliation,

Le major-général, prince de Neufchatel et Valengin. Signé, maréchal BERTHIER.

DECRET impérial daté du quartier-général de Bamberg, le 7 octobre:

er

ART. 1. Tous les français au service militaire de la Prusse sont rappelés.

2 Ceux qui, avec ou sans autorisation, sont dans ce service en qualité d'officiers, et qui, en exécution de l'art. 1.er, ne seront pas rentrés sur le territoire de l'Empire français dans le mois de la date du présent, perdront, conformément à l'article 21 du code civil, leur qualité de français, ne pourront rentrer en France qu'avec notre permission, et recouvrer la qualité de français qu'en remplissant les conditions imposées à l'étranger pour devenir citoyen.

3. Ceux desdits officiers qui seraient pris les armes à la main, seront punis de mort.

4. Ceux desdits officiers qui seraient pris sur le territoire étranger, même sans avoir les armes à là main,

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