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le général Savary reçut la lettre ci-jointe, n° I. du genéral Von Schoeler; il lui répondit par la lettre n° II. Pendant ce temps la garnison était insurgée, et le premier acte de la sédition fut de courir aux magasins d'eau-. de-vie, de les enfoncer et d'en boire outre mesure. Bientôt, animés par ces boissons spiritueuses, on se fusilla dans les rues, soldats contre soldals, soldats contre officiers, soldats contre bourgeois; le désordre était extrême. Le général Von Scholer envoya courrier sur courrier au général Savary, pour le prier de venir prendre possession de la place avant le moment fixé pour sa remise. Le général Savary accourut aussitôt, entra dans la ville à travers une grêle de balles, fit filer tous les soldats de la garnison par une porte, et les parqua dans une prairie. Il assembla ensuite les officiers, leur fit connaître que ce qui arrivait était un effet de la mauvaise discipline, leur fit signer leur cartel, et rétablit l'ordre dans la ville. On croit que dans le tumulte il y a eu plusieurs bourgeois de tués.

Monsieur le général,

N° I.

A peine la nouvelle de la reddition de la place s'estelle répandue ici, qu'un mécontentement universel, et même un esprit de révolte s'est manifesté parmi les officiers et dans toute la garnison. Je fais mon possible pour tranquilliser les esprits, et j'espère y parvenir; mais je vous supplie, monsieur le général, d'ajouter aux articles dont nous étions convenus, les deux suivans, et de me les envoyer par le porteur avant l'occupation de la porte et des forts. 1o Pour le simple soldat la permission de retourner à ses foyers; 2° pour les officiers l'assurance de leur existance future, en leur assignant le payement de leur solde sur les caisses des provinces occupées par les troupes françaises, pour que je me trouve dans la possibilité de remplir scrupuleusement la capitulation que j'ai signée.

Je vous proteste, monsieur le général, que cette mesure de précaution est absolument nécessaire; et je serais au désespoir si vous me supposiez d'autres motifs que ceux que je viens d'alléguer

J'ai l'honneur d'être avec la plus parfaite considération, monsieur le général,

Votre très-humble et très-obéissant serviteur,

Signé, DE SCHLER.

Hameln, le 21 novembre 1806.

N° II.

Oldendorf, le 21 novembre 1806.

A M. le général Schæler, commandant la garnison d'Hameln.

Monsieur le général,

Je ne suis point accoutumé à céder aux mouvemens de sédition et de révolte. J'ai parcouru toute la révolution de mon pays, et je sais comment on les appaise. Il ne sera rien changé à la capitulation d'Hameln je n'en ai plus le droit, puisqu'elle est annoncée officiellement à l'Empereur lui-même.

Depuis quand une troupe indisciplinée aurait-elle acquis le droit de faire ajouter à une capitulation des articles qui ne concerneraient que des intérêts particuliers ou purement mercantiles? Je vous le répete, Monsieur, la capitulation sera maintenue dans tout son contenu. Demain mes troupes se présenteront à neuf heures pour occuper les forts et les portes; je déclare que s'il leur est fait une insulte ou un refus de les livrer, je regarderai cela comme une infraction complette à la capitulation. J'ordonnerai aux troupes de se retirer, et dès ce moment tout ce qui sera fait prisonnier sera puni de mort, conformément à nos règlemens. Je rends chaque

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officier prussien responsable du moindre accident. Et vous Monsieur le général, que votre âge et vos longs services out rendu l'ennemi des mouvemens séditieux, je vous enjoins de me désigner ceux des officiers les plus mutins, pour que je puisse faire appesantir sur eux la vengeance que je me propose de tirer d'une pareille conduite. Vous voudrez bien faire assembler chez vous les vingt plus mauvaises têtes de chaque régiment, leur expliquer le contenu de ma lettre, et leur dire que si dans l'instant même tout ne rentre pas dans l'ordre, je les déclare chefs de bandes; que quand il plaira à la fortune de les mettre en mon pouvoir, je les ferai exécuter sur-le-champ. Si la moindre insulte est commise envers votre personne et celles des officiers-généraux et officiers supérieurs, ils

m'en feront raison.

Recevez, Monsieur le général, l'assurance de ma haute considération,

Signé, SAVARY.

TRENTE-SIXIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Posen, le 1er. décembre 1806.

Le quartier-général du duc de Berg était, le 27, à Lowiez (1).

Le général Benigsen, commandant l'armée russe, espérant empêcher les Français d'entrer à Warsovie, avait envoyé une avant-garde border la rivière de Bsura. Les avant-postes se rencontrèrent dans la journée du 26; les Russes furent culbutés. Le général Beaumont passa la Bsura à Lowiez, rétablit le pont, fua ou blessa plusieurs hussards russes, fit prisonniers plusieurs cosaques, et les poursuivit jusqu'à Blonic.

(1) Lowiez, petite ville de la Pologne prussienne, avec un superbe hâteau, dans le département de Warsovie, palatinat et près de Rava.

Le 27, quelques coups de sabre furent donnés entre les grands-gardes de cavalerie; les Russes furent poursuivis ; on leur fit quelques prisonniers.

Le 28, à la nuit tombante, le grand-duc de Berg, avec sa cavalerie, entra à Warsovie. Le corps du maréchal Davoust y est entré le 29. Les Russes avaient repassé la Vistule (1) en brûlant le pont. Il est difficile de peindre l'enthousiasme des Polonais. Notre entrée dans cette grande ville était un triomphe; et les sentimens que les Polonais de toutes les classes montrent depuis notre arrivée, ne sauraient s'exprimer.

L'amour de la patrie et le sentiment national est nonseulement conservé en entier dans le cœur du peuple, mais il a été retrempé par le malheur; sa première passion, son premier desir est de redevenir nation, et offrir leurs enfans, leur fortune, leur influence. Ce spectacle est vraiment touchant. Déjà ils ont partout repris leur ancien costume, leurs anciennes habitudes.

Le trône de Pologne se rétablira-t-il? et cette grande nation reprendra-t-elle son existence et son indépendance? Du fond du tombeau renaîtra-t-elle à la vie? Dieu seul, qui tient dans ses mains les combinaisons de tous les événemens, est l'arbitre de ce grand problême politique; mais certes il n'y eut jamais d'événement plus mémorable, plus digne d'intérêt ; et par une correspondance de sentimens qui fait l'éloge des Français, des traînards qui avaient commis quelques excès dans d'autres pays, ont été touchés du bon accueil du peuple, et n'ont eu besoin d'aucun effort pour se bien comporter.

Nos soldats trouvent que les solitudes de la Pologne contrastent avec les campagnes riantes de leur patrie; mais ils ajoutent aussitôt: Ce sont de bonnes gens que les Po

(1) Vistule (la), grand fleuve qui prend sa source aux monts Krapacs, frontières de la Silésie; passe à Cracovie, traverse la Galicie ou Pologne autrichienne, se dirige ensuite sur Warsovie et traverse la Pologne prussienne, au nord de laquelle il se jette dans la mer Baltique, par plusieurs embouchures.

lonais. Ce peuple se montre vraiment sous des couleurs intéressantes.

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» Il y a aujourd'hui un an, à cette heure même, que » vous étiez sur le champ mémorable d'Austerlitz. Les >> bataillons russes épouvantés fuyaient en déroute, ou, enveloppés, rendaient les armes à leurs vainqueurs. Le » lendemain ils firent entendre des paroles de paix; mais >> elles étaient trompeuses. A peine échappés par l'effet » d'une générosité peut être condamnable, aux désastres » de la troisième coalition, ils en ont ourdi une quatrième. » Mais l'allié sur la tactique duquel ils fondaient leur prin»cipale espérance, n'est déjà plus. Ses places fortes, ses

capitales, ses magasins, ses arsenaux, 280 drapeaux, » 700 pièces de bataille, cinq grandes places de guerre » sont en notre pouvoir. L'Oder, la Wartha, les déserts » de la Pologne, les mauvais temps de la saison n'ont pu » vous arrêter un moment. Vous avez tout bravé, tout » surmonté; tout a fui à votre approche.

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» C'est en vain que les Russes ont voulu défendre la capitale de cette ancienne et illustre Pologne ; l'Aigle française plane sur la Vistule. Le brave et infortuné Po» lonais, en vous voyant, croit revoir les légions de Sobieski de retour de leur mémorable expédition.

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» Soldats, nous ne déposerons point les armes que la paix générale n'ait affermi et assuré la puissance de nos » alliés, n'ait restitué à notre commerce sa liberté et ses » colonies. Nous avons conquis sur l'Elbe et l'Oder, Pondichery, nos établissemens des Indes, le Cap-de-BonneEspérance et les colonies espagnoles. Qui donnerait le droit de faire espérer aux Russes de balancer les des

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