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milieu même des revers son auguste chefaurait rejettées avec dédain.

La modération a ses bornes; un juste ressentiment doit lui succéder quand la nation est outragée et qu'on la provoque par la plus inconcevable aggression. Puisse le sang qui va couler être à jamais reproché à ces conseillers sinistres qui égarent les rois, et qui, les aveuglant sur leurs véritables intérêts, les précipitent dans des périls qui peuvent ébranler leur trône!

L'Empereur marche à la tête de ses braves légions toujours animées du même esprit, toujours fidelles et toujours dévouées. Imitons dans l'intérieur leur noble et généreux exemple; et s'il ne nous est pas donné, comme à notre valeureuse jeunesse, de verser notre sang pour la plus juste des causes, au moins servons-là de tous nos efforts et de tous nos moyens. Nul Français ne peut être indifférent sur d'aussi chers intérêts sans devenir criminel; mais indépendamment des obligations qui sont communes aux fonctionnaires publics et aux autres citoyens, ceux-là en ont de particulières à remplir, et qui doivent leur être toujours présentes dans les conjonctures où nous sommes. Ainsi, pendant l'absence de l'Empereur, tous doivent redoubler de zèle, de vigilance et d'activité, de manière que, pendant son absence, son esprit semble encore résider parmi nous et animer toutes les parties de l'administration publique. Ceci s'adresse principalement à vous, Messieurs, qui êtes spécialement chargés du maintien de l'ordre public et de la poursuite des délits qui peuvent y porter atteinte. Sentinelles vigilantes et infatigables, ne laissez pas espérer au crime un seul moment de relâchement ou de sommeil; attachezvous sur-tout à l'entière répression de ces délits odieux que je vous ai signalés dans ma circulaire du 3 de ce mois; tout ce qui nuit à la conscription est une véritable plaie de l'Etat : c'est par la vigueur et la constance dans l'application du remède, qu'on viendra à bout de la guérir.

En un mot, ne négligez rien pour répondre à la confiance dont S. M. vous a honorés, et méritez qu'à son retour elle daigne approuver votre conduite, ce qui sera pour vous la plus douce comme la plus glorieuse récompense.

Recevez, Messieurs, l'assurance de mes sentimens affectueux,

REGNIER.

PREMIER

BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Bamberg (1), le 8 octobre 1806.

La paix avec la Russie conclue et signée le 20 juillet, des négociations avec l'Angleterre, entamées et presque conduites à leur maturité, avaient porté l'alarme à Berlin. Les bruits vagues qui se multiplièrent, et la conscience des toits de ce cabinet envers toutes les puissances qu'il avait successivement trahies, le portèrent à ajouter croyance aux bruits répandus qu'un des articles secrets du traité conclu avec la Russie, donnait la Pologne au prince Constantin, avec le titre de Roi; la Silésie à l'Autriche, en échange de Ja portion autrichienne de la Pologne, et le Hanovre à l'Angleterre. Il se persuada enfin que ces trois puissances étaient d'accord avec la France, et que de cet accord résultait un danger imminent pour la Prusse.

Les torts de la Prusse envers la France remontaient à des époques fort éloignées. La première, elle avait armé pour profiter de nos dissentions intestines. On la vit ensuite. courir aux armes au moment de l'invasion du duc d'Yorck en Hollande, et lors des événemens de la dernière guerre, quoiqu'elle n'eût aucun motif de mécontentement contre la France, elle arma de nouveau, et signa, le 1er octobre 1805, ce fameux traité de Potsdam, qui fut, un mois après, remplacé par le traité de Vienne.

Elle avait des torts envers la Russie qui ne peut oublier

(1) Bamberg est une grande et célèbre ville, l'une des plus belles de 'Allemagne, appartenant au Roi de Bavière, capitale du ci-devant évêché de son nom, autrefois impériale, tout près du Mein, près du confluent de cette rivière avec la Reduitz, à 36 m. de Nuremberg, autant de Bareith, 45 de Cobourg, 205 de Stutgard, 200 de Francfort, 122 lieues de Vienue. On donne à cette ville 20,000 habitans. Les Français la prirent en thermidor an 4, 1796, et dans la campagne actuelle elle a eté le premier quartier-général de la Grande-Armée.

l'inexécution du traité de Potsdam et la conclusion subséquente du traité de Vienne.

Ses torts envers L'Empereur d'Allemagne et le corps germanique, plus nombreux et plus anciens, ont été connus de tous les temps. Elle se tint toujours en opposition avec la diète. Quand le corps germanique était en guerre, elle était en paix avec ses ennemis. Jamais ses traités avec l'Autriche ne recevaient d'exécution, et sa constante étude était d'exciter les puissances au combat, afin de pouvoir, au moment de la paix, venir recueillir les fruits de son adresse et de leurs succès.

Ceux qui supposeraient que tant de versatilité tient à un défaut de moralité de la part du prince, seraient dans une grande erreur. Depuis quinze ans, la cour de Berlin est une arène où les partis se combattent et triomphent tour-à-tour; l'un veut la guerre, et l'autre veut la paix. Le moindre événement politique, le plus léger incident donne l'avantage à l'un ou à l'autre, et le Roi, au milieu de ce mouvement des passions opposées, au sein de ce dédale d'intrigues, flotte incertain sans cesser un moment d'être honnête homme.

Le 11 août, un courier de M. le marquis de Lucchesini arriva à Berlin, et y porta, dans les termes les plus positifs, l'assurance de ces prétendues dispositions par lesquelles la France et la Russie seraient convenues par le traité du 20 juillet, de rétablir le royaume de Pologne, et d'enlever la Silésie à la Prusse. Les partisans de la guerre s'enflammèrent aussitôt ; ils firent violence aux sentimens personnels du Roi; 40 couriers partirent dans une seule nuit, et l'on courut aux armes.

La nouvelle de cette explosion soudaine parvint à Paris le 20 du même mois. On plaignit un allié si cruellement abuse; on lui donna sur-le-champ des explications, des assurances précises, et comme une erreur manifeste était le seul motif de ces armemens imprévus, on espéra que la réflexion calmerait une effervescence aussi peu motivée.

Cependant le traité signé à Paris, ne fut pas ratifié à

·

Saint-Petersbourg (1), et des renseignemens de toute espèce ne tardèrent pas à faire connaître à la Prusse, que M. le

(1) Il n'est point inutile de donner ici les pouvoirs de M. d'Oubril, et de rappeler le traité de paix avec la Russie.

Pleins-pouvoirs de M. d'Oubril.

Nous, Alexandre 1er., Empereur et Autocrate de toutes les Russies, etc. etc. etc. (Suit le titre entier de S. M.)

Portant constamment notre sollicitude à la conservation en Europe du calme et de la tranquillité, et étaut mus par un desir sincère de mettre fin à la mésintelligence, et de rétablir la bonne harmonie avec la France sur des bases solides, nous avons jugé bon de commettre ce soin à une personne jouissant de notre confiance. A cet effet, nous avons choisi, nommé et autorisé notre amé et féal Pierre Oubril, notre conseiller d'Etat et chevalier des Ordres de Saint-Wolodimir de la troisième classe, de Sainte-Anne de la seconde et de Saint-Jean-de-Jérusalem, comme nous le choisissons, nommons et autorisons par les présentes, à l'effet d'atteindre ce but, d'entrer en pourparlers avec celui ou ceux qui y seront suffisamment autorisés de la part du Gouvernement français, de conclure et signer avec eux un acte ou convention sur des bases propres à affermir la paix qui sera rétablie entre la Russie et la France, comme à la préparer entre les autres puissances belligérantes de l'Europe.

Promettons, sur notre parole impériale, d'avoir pour bon, et d'exécuter fidellement tout ce qui aura été arrêté et signé par notredit plénipotentiaire; de même de donner notre ratification impériale dans le terme auquel elle aura été promise.

En foi de quoi nous avons signé ce plein-pouvoir, et y avons fait apposer le sceau de notre Empire.

Donné à Saint-Pétersbourg, le 30 avril 1806, et de notre règne la sixième année.

Signé, ALEXANDRE.

Contresigné, prince ADAM CZARTORYSKI.

Certifié pour traduction conforme à l'original,

PIERRE D'OUBRIL.

entre

Copie du Traité de paix conclu à Paris, le juillet 1806, S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et S. M. l'Empereur de toutes les Russies.

S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et S. M. l'Empereur de toutes les Russies voulant arrêter l'effusion du sang

marquis de Lucchesini avait puisé ses renseignemens dans les réunions les plus suspectes de la capitale, et parmi

occasionnée par la guerre qui a lieu entre leurs Etats et sujets respectifs, et voulant en outre contribuer mutuellement autant qu'il est en elles à la pacification générale de l'Europe, ont résolu de conclure un traité de paix définitif, et ont nommé en conséquence pour plénipotentiaires, savoir:

S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, M. HenriJacques-Guillaume Clarke, général de division, conseillerd'état et secrétaire du cabinet, grand-officier de la Légiond'honneur,

Et S. M. l'Empereur de toutes les Russies, M. Pierre d'Oubril, son conseiller-d'état et chevalier des ordres de SaintWolodimir de la troisième classe, de Sainte-Anne de la seconde, et de Saint-Jean de Jérusalem;

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins-pouvoirs, sont convenus des articles ci-après :

Art. I. Il y aura, à compter de ce jour, paix et amitié à perpétuité entre S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, et S. M. l'Empereur de toutes les Russies, leurs héritiers et successeurs, leurs Etats et sujets respectifs.

II. En conséquence de l'article Ier, les hostilités entre les deux nations cesseront dès à présent de toutes parts, tant sur terre que sur mer.

Les ordres nécessaires pour cette cessation seront expédiés dans les vingt-quatre heures qui suivront la signature du présent traité. Tous les bâtimens de guerre ou autres appartenant à l'une des deux puissances ou à leurs sujets respectifs, et qui seront pris dans quelque partie du Monde que ce soit, après la signature du présent traité définitif, seront restitués.

III. Les troupes russes remettront aux troupes françaises le territoire connu sous le nom de Bouches du Cattaro, qui appartient ainsi que la Dalmatie à S. M. l'Empereur des français comme Roi d'Italie, en vertu de l'article IV du traité de Presbourg.

Les troupes russes auront toutes les facilités convenables pour évacuer soit les bouches du Cattaro, soit les territoires de Raguse, de Monténégro et de la Dalmatie, si les circonstances de la guerre les avaient engagées à y entrer..

Au moment même de la signification du présent traité, les commandans respectifs de terre et de mer s'entendront mutuellement soit pour l'évacuation, soit pour la remise des pays désignés au présent traité.

D'une autre part, les troupes françaises évacueraient également

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