Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

CINQUANTE-UNIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Warsovie, le 14 janvier 1807.

Le 29 décembre, la dépêche ci-jointe du général Benigsen parvint à Koenigsberg, au Roi de Prusse. Elle fut sur-le-champ publiée et placardée dans toute la ville, où elle excita les transports de la plus vive joie. Le Roi reçut publiquement des complimens; mais le 31 au soir, on apprit par des officiers prussiens et par d'autres relations du pays, le véritable état des choses. La tristesse et la consternation furent alors d'autant plus grandes, qu'on s'était plus entièrement abandonné à l'allégresse. On songea dès-lors à évacuer Koenigsberg, et l'on en fit sur-le-champ tous les préparatifs. Le trésor et les effets les plus précieux furent aussitôt dirigés sur Memel. La Reine, qui était assez malade, s'embarqua le 3 janvier pour cette ville. Le Roi partit le 6 pour s'y rendre. Les débris de la division du général Lestocq se replièrent aussi sur cette place, en laissant à Koenigsberg deux bataillons et une compagnie d'invalides.

Le ministère du Roi de Prusse est composé de la manière suivante :

M. le général Zastrow est nommé ministre des affaires étrangères;

M. le général Ruchel, encore malade de la blessure qu'il a reçue à la bataille d'Jena, est nommé ministre de la guerre;

M. le président de Sagebarthe est nommé ministre de l'intérieur.

Voici en quoi consistent maintenant les forces de la monarchie prussienne :

Le Roi est accompagné par 1500 hommes de troupes, tant à pied qu'à cheval ;

Le général Lestocq a, à-peu-près, 5000 hommes, y compris les deux bataillons laissés à Koenigsberg avec la compagnie d'invalides;

Le lieutenant-général Hamberger commande à Dantzick,

où il a 6000 hommes de garnison. Les habitans ont élé désarmés. On leur a intimé qu'en cas d'alerte, les troupes feront feu sur tous ceux qui sortiront de leurs maisons. Le général Gutadon commande à Colberg avec 1800 hommes.

Le lieutenant-général Courbière est à Graudentz avec 3000 hommes.

Les troupes françaises sont en mouvement pour cerner et assiéger ces places.

Un certain nombre de recrues que le Roi de Prusse avait fait réunir, et qui n'étaient ni habillés ni armés, ont été licenciés, parce qu'il n'y avait plus de moyen de les contenir.

Deux ou trois officiers anglais étaient à Koenigsberg, et faisaient espérer l'arrivée d'une armée anglaise.

Le prince de Pless a en Silésie 12 ou 15,000 hommes enfermés dans les places de Brieg, Neiss, Schweidnitz et Kossel, que le prince Jérôme a fait investir.

Nous ne dirons rien de la ridicule dépêche du général Benigsen; nous remarquerons seulement qu'elle paraît contenir quelque chose d'inconcevable. Ce général semble accuser son collégue le général Buxhowden; il dit qu'il était à Makow. Comment pouvait-il ignorer que le général Buxhowden était allé jusqu'à Golymin où il avait été battu? Il prétend avoir remporté une victoire, et cependant il était en pleine retraite à dix heures du soir, et cette retraite fut si précipitée qu'il abandonna ses blessés. Qu'il nous montre une seule pièce de canon, un seul drapeau français, un seul prisonnier, hormis douze ou quinze hommes isolés qui peuvent avoir été pris par les cosaques sur les derrières de l'armée, tandis que nous pouvons lui montrer 6000 prisonniers, deux drapeaux qu'il a perdus près de Pultusk, et 3000 blessés qu'il a abandonnés dans sa fuite. Il dit encore qu'il a eu contre lui le grand-duc de Berg et le maréchal Davoust, tandis qu'il n'a eu affaire qu'à la division Suchet, du corps du maréchal Lannes; le 17° régiment d'infanterie légère, le 34 de ligne, le 64° et le 88°, sont les seuls régimens qui se soient battus contre

e

lui. Il faut qu'il ait bien peu réfléchi sur la position de Pultusk, pour supposer que les Français voulaient s'emparer de cette ville. Elle est dominée à portée de pistolet.

Si le général Buxhowden a fait, de son côté, une relation aussi véridique du combat de Golymin, il deviendra évident que l'armée française a été battue, et que par suite de sa défaite, elle s'est emparée de 100 pièces de canon et de 1,600 voitures de bagages; de tous les hôpitaux de l'armée russe; de tous ses blessés, et des importantes positions de Sieroch, de Pultusk, d'Ostrolenka, et qu'elle a obligé l'ennemi à reculer de 80 lieues.

Quant à l'induction que le général Benigsen veut tirer de ce qu'il n'a pas été poursuivi, il suffira d'observer qu'on se serait bien gardé de le poursuivre, puisqu'il était débordé de deux journées, et que, sans les mauvais chemins qui ont empêché le maréchal Soult de suivre ce mouvement, le général russe aurait trouvé les Français à Ostrolenka.

Il ne reste plus qu'à chercher quel peut être le but d'une pareille relation? Il est le mème, sans doute, que celui que se proposaient les russes dans les relations qu'ils ont faites de la bataille d'Austerlitz? Il est le même, sans doute, que celui des ukases par lesquels l'Empereur Alexandre refusait la grande décoration de l'ordre de Saint-Georges, parce que, disait-il, il n'avait pas commandé à cette bataille, et acceptait la petite décoration pour les succès qu'il y avait obtenus, quoique sous le commandement de l'Empereur d'Autriche.

Il y a cependant un point de vue sous lequel la relation du général Benigsen peut être justifiée. On a craint sans doute l'effet de la vérité, dans les pays de la Pologne prussienne et de la Pologne russe que l'ennemi avait à traverser si elle y était parvenue avant qu'il eût pu mettre ses hôpitaux et ses détachemens isolés à l'abri de toute insulte.

[ocr errors]

Ces relations aussi évidemment ridicules peuvent avoir encore pour les Russes l'avantage de retarder de quelques jours l'élan que des récits fidelles donneraient aux Tures; et il est des circonstances où quelques jours sont un délai

d'une certaine importance. Cependant l'expérience a prouvé que toutes ces ruses vont contre leur but, et qu'on toutes choses la simplicité et la vérité sont les meilleurs moyens de politique.

Ci joint le journal du siége de Breslaw (1).

PIÈCES annexées au précédent Bulletin.

Journal des opérations du siége de Breslaw par le corps d'armée du prince Jérome Napoléon, depuis le 7 décembre 1809 jusqu'au 9 janvier 1807.

La place de Glogau s'étant rendue, le 2 décembre, au général Vandamme, qui se trouvait à la tête de la division des troupes du Roi de Wurtemberg, ce général reçut, le 4, l'ordre de se porter sur Breslaw, pour investir cette place sur la rive gauche de l'Oder, tandis que le prince Jérôme, qui étoit à Kalisch avec deux divisions bavaroises,

(1) Breslaw, grande ville d'Allemagne, capitale de la Silésie sur l'Oder, qui est fort large en cet endroit, à 50 m. de Schweidnitz, 38 de Brieg, 225 de Cracovie, 295 de Berlin, 2:5 de Prague, 178 d'Olmutz, et 72 lieues de Vienne. Cette ville, anciennement libre et impériale, appartient, depuis 1741, au Roi de Prusse, qui lui a conservé ses priviléges, et lui a accordé le troisième rang parmi les principales villes de Prusse et de Brandebourg, en y établissant un conseil de régence. C'est dans cette ville que fut signé, le 11 juin 1742, le traité de paix entre l'héritière de la maison d'Autriche et le Roi de Prusse; ce prince ayant repris les armes en 1744, ce même traité servit de base à celui qui fut fait à Dresde le 25 décembre 1745. Les Autrichiens s'emparèrent de cette ville à la suite d'une bataille, le 24 novembre 1757, et ils l'évacuèrent le 19 décembre suivant. Ils la canonnèrent encore le 1er août 1760, ce qui causa l'embrâsement du palais royal et d'une partie de la ville. Elle compte aujourd'hui environ 60,000 habitans; les places et les édifices publics y sont très-beaux, entre autres l'hôtel-de-ville; néanmoins les rues en sont presque toutes étroites et angulaires. Il y a une université et un sénat, composé de 15 sénateurs, dont 11 sont nobles ou de familles nobles; les 4 autres sont tirés des corps des brasseurs, des merciers, des fabricants de draps et des bouchers. Ses principales manufactures sont les draps, les étoffes de laine ou moitié soie, les bas de laine, le papier, Ja poudre, les chapeaux. Il y a beaucoup de teinturiers, de taneurs et de pelletiers établis sur l'Ohlau, qui traverse la ville. Le commerce d'exportation y est considérable; il consiste en toiles de Silésie, garance, lius, laines et draps.

devait venir par la rive droite en completter l'investissement et prendre le commandement général.

Le général Vandamme envoya trois régimens de cavalerie wurtembergoise, sous le commandement du général Montbrun, commencer l'investissement de Breslaw, et arriva lui-même, le 6, à Lissa (1), avec la tête de l'infanterie.

Le 7, le général Vandamme reconnut à la hâte, avec le général Pernety, commandant l'artillerie, et le colonel du génie Blein, la partie occidentale de la place, dont on savait la garnison forte de 6,000 hommes, et on détermina l'emplacement de deux tranchées et de deux batteries incendiaires à droite et à gauche du fauxbourg SaintNicolas, cette dernière s'appuyant à l'Oder. Les troupes bavaroises ne pouvaient arriver que le lendemain au soir au plus tôt, et l'on ne pouvait songer à un établissement vers le Haut-Oder; car on avait à craindre d'être surpris par les détachemens que pouvaient envoyer les garnisons de Schweidnitz, Glatz (2), Neiss (3), Brieg, etc.

Le défaut de travailleurs fit que, dans la nuit du 7 au 8, on ne put qu'ouvrir deux communications vers l'emplacement des batteries projetées.

Les batteries ne furent donc commencées que la nuit du 8 au 9, et en état de tirer que le matin du 10. Le prince Jérôme arriva le à Hundsfeld (4) avec la

9

(1) Lissa, bourg de Silésie, où le Roi de Prusse défit les Autrichiens, le 5 décembre 1757, à 18 m. de Breslaw.

(2) Glatz, ville et forteresse importante de la Haute-Silésie, sur une montagne, au bord de la Neiss, à 55 m. de Konigsgratz, autant de Neiss, 100 de Breslaw. C'est la capitale d'un comté qui a 80 m. de long sur 45 de large Ce comté fut cédé au Roi de Prusse, par la Reine de Hongrie, à la paix de 1742 et à celle de 1745.

(3) Neiss, jolie et forte ville de la Basse-Silésie, au confluent de la Gila et de la Neiss, à 50 m. de Brieg, 84 de Breslaw, et 55 lieues de Vienne. Elle est la résidence de l'évêque de Breslaw. Les Prussiens la prirent en 1741, et la firent fortifier. Les Autrichiens l'assiégèrent vainement en 1758 et 1762. Elle est commerçante, et a une foire fameuse pour les vins, en janvier.

(4) Hundsfeld, bourg de Silésie, sur la rivière de Weyda, à 20 m. d'Oels, et 10 de Breslaw. Les Polonais y remportèrent, en 1109, une victoire signalée sur les Allemands,

« PreviousContinue »