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drapeaux, et tué, blessé ou pris plus de 40,000 hommes. Les braves qui de notre côté sont restés sur le champ d'honneur sont morts d'une mort glorieuse; c'est la mort des vrais soldats. Leurs familles auront des droits constans à notre sollicitude et à nos bienfaits.

Ayant ainsi déjoué tous les projets de l'ennemi, nous allons nous rapprocher de la Vistule, et rentrer dans nos cantonnemens. Qui osera en troubler le repos, s'en repentira; car au-delà de la Vistule, comme au-delà du Danube, au milieu des frimats de l'hiver, comme au commencement de l'automne, nous serons toujours les soldats français, et les soldats français de la GrandeArmée.

SOIXANTE-DEUXIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE. Liebstadt, le 21 février 1807.

La droite de la Grande-Armée a été victorieuse, comme le centre et la gauche. Le général Essen, à la tête de 25,000 hommes, s'est porté sur Ostrolenka, le 15, par les deux rives de la Narew. Arrivé au village de FlaciesLawowa, il rencontra l'avant-garde du général Savary, commandant le 5° corps.

Le 16 à la pointe du jour, le général Gazan se porta avec une partie de sa division à l'avant-garde. A neuf heures du matin il rencontra l'ennemi sur la route de Nowogrod, l'attaqua, le culbuta, et le mit en déroute. Mais au même moment, l'ennemi attaquait Ostrolenka par la rive gauche. Le général Campana, avec une brigade de la division Gazan, et le général Ruffin, avec une brigade de la division du général Oudinot, défendaient cette petite ville. Le général Savary y envoya le général de division Reille, chef de l'état-major du corps de l'armée. L'infanterie russe sur plusieurs colonnes, voulut emporter la ville. On la laissa avancer jusqu'à la moitie des rues. On marcha à elle au pas de charge, elle fut culbutée trois fois, et laissa les rues couvertes de morts. La perte de l'ennemi fut si grande qu'il abandonna la ville et prit position derrière les monticules de sable qui la couvrent.

Les divisions des généraux Suchet et Oudinot avancèrent; à midi, leurs têtes de colonnes arrivèrent à Ostrolenka. Le général Savari rangea sa petite armée de la manière suivante :

Le général Oudinot sur deux lignes commandait la gauche; le général Suchet le centre; et le général Reille commandant une brigade de la division Gazan formait la droite. Il se couvrit de toute son artillerie, et marcha à l'ennemi. L'intrépide général Oudinot se mit à la tête de la cavalerie, fit une charge qui eut du succès, et tailla en pièces les cosaques de l'arrière-garde ennemie. Le feu fut très-vif, l'ennemi ploya de tous côtés et fut mené battant pendant trois lieues.

Le lendemain l'ennemi a été poursuivi plusieurs lieues, mais sans qu'on pût reconnaître que sa cavalerie avait baltu en retraite toute la nuit. Le général Suwarow et plusieurs autres officiers ennemis ont été tués. L'ennemi a abandonné un grand nombre de blessés. On en avait ramassé 1,200; on en ramassait à chaque instant. Sept pièces de canons et deux drapeaux sont les trophées de la victoire. L'ennemi a laissé 1,300 cadavres sur le champ de bataille. De notre côté, nous avons eu 60 hommes de tués et 4 à 500 blessés. Mais une perte vivement senlie est celle du général de brigade Campana, qui étoit un officier d'un grand mérite et d'une grande espérance. Il était né dans le département de Marengo. L'Empereur a été très peiné de sa perte. Le 103 régiment s'est particulièrement distingué dans cette affaire. Parmi les blessés sont le colonel du Hamel, du 21° régiment dinfanterie légère, et le colonel d'artillerie Nourrit.

L'Empereur a ordonné au 5° corps de s'arrêter et de prendre ses quartiers d'hiver. Le dégel est affreux. La saison ne permet pas de rien faire de grand. C'est celle du repos. L'ennemi a le premier levé ses quartiers, il s'en repent.

SOIXANTE-TROISIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE

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Osterode, le 28 février 1807.

Le capitaine des grenadiers à cheval de la garde impériale, Auzouï, blessé à mort à la bataille d'Eylan, était couché sur le champ de bataille. Ses camarades viennent pour l'enlever et le porter à l'ambulance. Il ne recouvre ses esprits que pour leur dire : « laissez-moi, mes amis, je meurs content, puisque nous avons la victoire, et » que je puis mourir sur le lit d'honneur, environné det canons pris à l'ennemi et des débris de leur défaite. » Dites à l'Empereur que je n'ai qu'un regret; c'est que, » dans quelques momens, je ne pourrai plus rien pour son service et pour la gloire de notre belle France.... » A elle mon dernier soupir ». L'effort qu'il fit pour prononcer ces paroles, épuisa le peu de forces qui lui restaient. Tous les rapports que l'on reçoit s'accordent à dire que l'ennemi a perdu à la bataille d'Eylan vingt généraux et 900 officiers tués et blessés, et plus de 30,000 hommes hors de combat.

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Au combat d'Ostrolenka, du 16, deux généraux russes ont été tués et trois blessés.

S. M. a envoyé à Paris les seize drapeaux pris à la bataille d'Eylan. Tous les canons sont déjà dirigés sur Thorn. S. M. a ordonné que ces canons seraient fondus, et qu'il en serait fait une statue en bronze du général d'Hautpoul, commandant la 2o divison de cuirassiers, dans son costume de cuirassier.

L'armée est concentrée dans ses cantonnemens derrière

la Passarge, appuyant sa gauche à Marienwerder, à l'île du Nogat et à Elbing, pays qui fournissent des ressources.

Instruit qu'une division russe s'était portée sur Braunsberg à la tête de nos cantonnemens, l'Empereur a ordonné qu'elle fut attaquée. Le prince de Ponte-Corvo chargea de cette expédition le général Dupont, officier d'un grand mérite. Le 26, à deux heures après-midi, le général Dupont se présenta devant Braunsberg, attaqua la division ennemie,

forte de 10,000 hommes, la culbuta à la bayonnette, la chassa de la ville et lui fit repasser la Passarge, lui prit 16 pièces de canon, 2 drapeaux, et lui fit 2000 prisonniers. Nous avons eu très-peu d'hommes tués.

Du côté de Guttstadt, le général Léger-Belair se porta au village de Peterswalde à la pointe du jour du 25, sur l'avis qu'une colonne russe était arrivée dans la nuit à ce village, la culbuta, prit le général baron de Korff qui la commandait, son état major, plusieurs lieutenans-colonels et officiers, et 400 hommes. Cette brigade était composée de 10 bataillons, qui avaient tellement souffert qu'ils ne formaient que 1600 hommes présens sous les armes.

L'Empereur a témoigné sa satisfaction au général Savary pour le combat d'Ostrolenka, lui a accordé la grande décoration de la Legion-d'honneur, et l'a rapelé près de sa personne. S. M. a donné le commandement du 5° corps au maréchal Massena le maréchal Lannes continuant à être malade.

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A la bataille d'Eylan, le maréchal Augereau couvert de rhumatismes, était malade el avait à peine connaissance; mais le canon réveille les braves: il revole au galop à la tête de son corps, après s'être fait attacher sur son cheval. Il a été constamment exposé au plus grand feu, et a mêine été légèrement blessé. L'Empereur vient de l'autoriser à rentrer en France pour y soigner sa santé.

Les garnisons de Colberg et de Dantzick profitant du peu d'attention qu'on avait fait à elles, s'étaient encouragées par différentes excursions. Un avant-poste de la division italienne a été attaqué, le 16, à Stargard (1), par un parti de 800 hommes de la garnison de Colberg. Le général Bonfanti n'avait avec lui que quelques compagnies du 1 régiment de ligne italien, qui ont pris les armes à temps, ont marché avec résolution sur l'ennemi, et l'ont mis en déroute.

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(1) Stargard est une ville de la Pomeranie Prussienne, sur l'Ihna, à 40 m. de Stettin, 88 de Kustrin; elle était autrefois anséatique. On y compte environ 6,000 habitans.

Le général Teulié, de son côté, avec le gros de la division italienne, le régiment de fusiliers de la garde et la première compagnie de gendarmes d'ordonnance, s'est porté pour investir Colberg. Arrivé à Naugarten, il a trouvé l'ennemi retranché, occupant un fort hérissé de pièces de canon. Le colonel Boyer, des fusiliers de la garde, est monté à l'assaut. Le capitaine de la compagnie des gendarmes, M. de Montmorency, a fait une charge qui a eu du succès. Le fort a été pris, 300 hommes faits prisonniers et six pièces de canon enlevées. L'ennemi a laissé cent hommes sur le champ de bataille.

Le général Dabrowsky a marché contre la garnison de Dantzick; il l'a rencontrée à Dirschau (1), l'a culbutée, lui a fait 600 prisonniers, pris sept pièces de canon, et l'a poursuivie plusieurs lieues l'épée dans les reius. Il a été blessé d'une balle. Le marechal Lefebvre etait arrivé sur ces entrefaites au commandement du 10° corps il avait été joint par les Saxons, et il marchait pour investir Dantzick.

Le temps est toujours variable. Il gelait hier; il dégèle aujourd'hui. L'hiver s'est ainsi passé. Le thermomètre n'a jamais été à plus de cinq degrés.

SOIXANTE-QUATRIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Osterode, le 2 mars 1807.

La ville d'Elbing fournit de grandes ressources à l'armée : on y a trouvé une grande quantité de vins et d'eau-de-vie. Ce pays de la basse Vistule est très-fertile.

Les ambassadeurs de Constantinople et de Perse sont entrés en Pologne, et arrivent à Warsovie,

Après la bataille d'Eylan, l'Empereur a passé tous les jours plusieurs heures sur le champ de bataille, spectacle horrible, mais que le devoir rendait nécessaire. Il a fallu

(1) Dirschau, petite ville de la Prusse occidentale, sur la rive de la Vistule, à 32 m. de Dantzick.

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