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L'affaire est honteuse pour nous. Le matin, nous étions victorieux. Une seule faute, celle de n'avoir point assez fortifié notre aîle gauche, fut cause du malheur qui nous arriva le soir et de notre entière défaite. Tout ce qui ne put passer sur le pont, fut obligé de se jetter dans l'Alle. Je fus fait prisonnier. Notre aîle gauche devait chasser l'ennemi du bois; nous y fîmes toute la journée un feu très-vif sans jamais y parvenir, jusqu'à ce qu'un régiment de chasseurs courut à l'ennemi avec d'affreux houras, les chassa du bois, mais se trouva enfin sous le feu d'une batterie qui était cachée, et qui l'accabla de boulets et de mitraille.....

(L'officier russe raconte alors la manière dont il fut fait prisonnier, et dont il parvint à s'échapper en passant la rivière devant un piquet de Cosaques.)

Alors je trouvai l'armée en pleine déroute, et elle se retira en désordre jusqu'aux frontières de la Russie. Dieu, sait ce que tout cela deviendra. Nous desirons tous la paix, et nous espérons qu'elle ne peut plus tarder.

QUATRE-VINGT-UNIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE.

Tilsitt, le 21 juin 1807.

A la journée d'Heilsberg, le grand-duc de Berg passa sur la ligne de la 3e division de cuirassiers, au moment où le 6e régiment de cuirassiers venait de faire une charge. Le colonel d'Avenay, commandant ce régiment, son sabre dégouttant de sang, lui dit : « Prince, faites la revue de mon régiment, vous verrez qu'il n'est aucun soldat dont le sabre ne soit comme le mien. »

Les colonels Colbert, du 7e de hussards; Lery, du 5o, se sont fait également remarquer par la plus brillante intrépidité. Le colonel Borde-Soult, du 22e de chasseurs, a été blessé. M. Guehenenc, aide-de-camp du maréchal Lannes, a été blessé d'une balle au bras.

Les généraux aides-de-camp de l'Empereur, Reille et

Bertrand, ont rendu des services importans. Les officiers d'ordonnance de l'Empereur, Bongars, Montesquiou, Labiffe, ont mérité des éloges pour leur conduite.

Les aides-de-camp du prince de Neufchâtel, Louis de Périgord, capitaine, et Pivé, chef d'escadron, se sont fait remarquer.

Le colonel Curial, commandant les fusiliers de la garde, a été nommé général de brigade.

Le général de division Dupas, commandant une division sous les ordres du maréchal Mortier, a rendu d'importans services à la bataille de Friedland.

Les fils des sénateurs Pérignon, Clément de Ris et Garan de Coulon, sont morts avec honneur sur le champ de bataille.

Le maréchal Ney s'étant porté à Gumbinnen (1), a arrêté quelques parcs d'artillerie ennemie, beaucoup de convois de blessés, et fait un grand nombre de prisonniers.

QUATRE-VINGT-DEUXIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMÉE. Tilsitt, le 22 juin 1807,

En conséquence de la proposition qui a été faite par le commandant de l'armée russe, un armistice a été conclu dans les termes suivans:

ARMISTICE.

S. M. l'Empereur des Français, etc. etc., et S. M. l'empereur de Russie, voulant mettre un terme à la guerre qui divise les deux nations, et conclure, en attendant, un armistice, ont nommé et muni de leurs pleins - pouvoirs, savoir: d'une part, le prince de Neufchâtel, major-général

(1) Gumbinnen, ville de Prusse, capitale du département de la Lithuanie, et siége de la Chambre, est assez régulièrement bâtie, dans une contrée agréable et avantageuse, sur la rivière de Pisse, à 15 m. d'Insterbourg, et 115 de Koenigsberg.

de la Grande-Armée, et de l'autre, le lieutenant-général prince Labanoff de Rostow, chevalier des ordres de SaintAnne, grand-croix, etc., lesquels sont convenus des dispositions suivantes :

ART. 1er. Il y aura armistice entre l'armée française et l'armée russe, afin de pouvoir, dans cet intervalle, négocier, conclure et signer une paix qui mette fin à une effusion de sang si contraire à l'humanité.

II. Celle des deux parties contractantes qui voudra rompre l'armistice, ce que Dieu ne veuille, sera tenue de prévenir au quartier-général de l'autre armée, et ce ne sera qu'après un mois de la date des notifications que les hostilités pourront recommencer.

III. L'armée française et l'armée prussienne conclueront un armistice séparé, et à cet effet des officiers seront nommés de part et d'autre. Pendant les quatre ou cinq jours nécessaires à la conclusion dudit armistice, l'armée française ne commettra aucune hostilité contre l'armée prussienne.

IV. Les limites de l'armée française et de l'armée russe, pendant le temps de l'armistice, seront depuis le CurischHaff, le Thalweg du Niémen; et en remontant la rive gauche de ce fleuve jusqu'à l'embouchure de Lorasna à Schaim, et montant cette rivière jusqu'à l'embouchure du Bobra, suivant ce ruisseau par Bogari, Lipsk, Stabin, Dolistowo, Goniondz, et Witzna jusqu'à l'embouchure du Bobra dans la Narew, et delà remontant la rive gauche de la Narew par Tykoczyn, Surasz, Narew jusqu'à la frontière de la Prusse et de la Russie; la limite dans le CurischNéring sera à Nidden.

V. S. M. l'Empereur des Français et S. M. l'empereur de Russie nommeront, dans le plus court délai, des plenipotentiaires munis des pouvoirs nécessaires pour négocier, conclure et signer la paix définitive entre ces deux grandes et puissantes nations.

VI. Des commissaires seront nommés de part et d'autre, à l'effet de procéder sur-le-champ à l'échange, grade par grade, et homme par homme, des prisonniers de guerre.

VII.

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VII. L'échange des ratifications du présent armistice sera fait au quartier général de l'armée russe dans quarantehuit heures, et plus tôt si faire se peut.

Fait à Tilsitt, le 21 juin 1807.

Signés, le prince de Neufchâtel maréchal,

ALEXANDRE Berthier;

Le prince LABANOFF DE ROSTOW.

L'armée française occupe tout le Thalv eg du Niémen, de sorte qu'il ne reste plus au roi de Prusse que la petite ville et le territoire de Memel.

Proclamation de S. M. l'Empereur et Roi, à la
Grande-Armée.

SOLDATS,

Le 5 juin nous avons été attaqués dans nos cantonnemens par l'armée russe. L'ennemi s'est mépris sur les causes de notre inactivité. Il s'est apperçu trop tard que notre repos était celui du lion, il se repent de l'avoir troublé.

Dans les journées de Guttstadt, de Heilsberg, dans celle à jamais mémorable de Friedland, dans dix jours de campagne enfin, nous avons puis cent vingt pièces de canon, sept drapeaux; tué, blesse ou fait prisonniers soixante mille Russes; enlevé à l'armée ennemie tous es magasins, ses hôpitaux, ses ambulances; la place de Kœnigsberg, les trois cents bâtimens qui étaient dans ce port, charges de toute espèce de munitions; cent soixante mille fusils que l'Angleterre envoyait pour armer nos ennemis.

Des bords de la Vistule, nous sommes arrives sur ceux du Niemen avec la rapidité de l'aigle. Vous célebrates à Austerlitz l'anniversaire du couronnement; vous avez cette année dignement célébré celui de la bataille de Ma rengo, qui mit fin à la guerre de la seconde coalition,

Français, vous avez été dignes de vous et de moi. Vous rentrerez en France couverts de tous vos lauriers, et après avoir obtenu une paix glorieuse qui porte avec elle la garantie de sa durée. Il est temps que notre patrie vive en repos, à l'abri de la maligue influence de l'Angleterre. Mes bienfaits vous prouveront ma reconnaissance et toute l'étendue de l'amour que je vous porte.

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Au camp impérial de Tilsitt, le 22 juin 1807.

QUATRE-VINGT-TROISIÈME BULLETIN DE LA GRANDE-ARMĖB.

Tilsitt, le 23 juin 1807.

Ci-joint la capitulation de la place de Neiss.

La garnison, forte de six mille hommes d'infanterie et 'de trois cents hommes de cavalerie, a défilé le 16 juin devant le prince Jérôme. On a trouvé dans la place trois cents milliers de poudre et trois cents bouches à feu.

Capitulation de la forteresse de Neiss et forts dépendans.

Après la conférence du 29 et l'armistice qui a eu lieu du 28 au 30 mai, il a été convenu entre Son Exc. M. le général de division Vandamme, grand-officier de la légion d'honneur, décoré du grand cordon, chevalier grand-croix de l'Ordre Royal de Hollande, et grand-croix de l'Ordre du Mérite militaire de Wurtemberg, commandant les troupes du siége, muni de pleins-pouvoirs de S. A. I. le prince Jérôme-Napoléon, commandant en chef en Silésie les troupes françaises et alliées de S. M. l'Empereur Napoléon, d'une part;

Et S. Exc. M. le baron de Stensen, lieutenant-général aux armées de S. M. le roi de Prusse, gouverneur de la forteresse de Neiss;

Et M. de Weger, général-major aux armées de S. M. le roi de Prusse, chevalier de l'Ordre pour le Mérite, commandant de la forteresse de Neiss.

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