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core bien loin des conditions sur lesquelles S. M. n'avait cessé d'insister, et auxquelles l'Angleterre avait plus que jamais le droit de prétendre; et le rejet formel des justes demandes de la Russie, aussi bien que le refus des conditions proposées par S. M. en faveur de ses autres alliés, ne laissèrent plus au Roi d'autre parti à prendre que d'or-, donner à son ministre de terminer cette discussion et de revenir en Angleterre.

Celle exposition courte et simple des faits n'a pas besoin de commentaires. Les premières ouvertures qui ont amené la négociation, ont été faites par l'ennemi, et S. M. les a écoutées avec un desir sincère de la paix. Chaque proposition qui a pu faire entrevoir la perspective la plus éloignée d'un accommodement, a été saisie avec avidité, et la négociation n'a point été rompue tant qu'on a conservé la plus légère espérance de lui voir prendre une heureuse issue. Les demandes de S. M. ont été conslamment justes et raisonnables; elles n'ont point eu pour objet de satisfaire une ambition personnelle, mais de remplir les devoirs que lui prescrivaient impérieusement Thonneur de sa couronne, ses engagemens avec ses alliés et les intérêts généraux de l'Europe.

C'est avec une douleur profonde que S. M. voit se prolonger les maux inséparables de la guerre; mais la redoutable responsabilité de malheurs qu'elle entraîne, retombe sur ses ennemis: et S. M, se repose avec confiance, pour le résultat de cette grande querelle, sur la justice de sa cause, sur les ressources et la bravoure de son peuple, sur la fidélité de ses alliés, et avant tout, sur la protection et l'appui de la divine providence.

En contribuant aux efforts immenses qu'une telle guerre doit nécessairement amener, les fidèles sujets de S. M. ne peuvent oublier qu'il y va de leurs plus chers intérêts; que quelques sacrifices qu'on leur demande, ils ne sont point comparables à la honte de céder aux prétentions injurieuses de Fennemi; que la prospérité, la force et l'indépendance de leur patrie sont essentiellement liées au maintien de la bonne foi et de l'honneur national, qu'en

défendant les droits et la dignité de l'Empire britannique, ils défendent le plus puissant boulevard de la liberté du Monde.

21 octobre 1806.

Observations sur cette déclaration.

On a peine à concevoir que sur des faits aussi authentiques et d'une si haute importance, le gouvernement anglais ait ose hasarder tant de fauses allégations. Accusé par l'opinion de l'Europe, d'avoir prolongé la guerre, il vcut aujourd'hui écarter cette odieuse responsabilité; mais les actes même de ses agens l'accusent, et ses assertions sont démenties par les faits. S. M. ne veut pour y répondre, que produire toutes les pièces de cette négociation, dont son amour pour la paix lui avait fait espérer un meilleur résultat.

Il est faux que le Gouvernement français ait fait avant la négociation aucune des ouvertures, aucune des offres que suppose la déclaration. Toutes ces suppositions ont été constamment déniées pendant le cours de la négociation, par le ministère de S. M. Il est faux que le Gouvernement français ait accepté la prétendue base qui est établie dans la déclaration, ni que S. M. britannique se soit réservé, avant d'entrer en négociation, de ne traiter que de concert avec ses alliés.

Il sera facile de se convaincre, par les réponses du ministre des relations extérieures à M. Fox, et sur-tout par celle n°. VI, que si le cabinet anglais avait tenu à cette réserve, jamais la négociation n'aurait pu s'ouvrir. Il sera facile de se convaincre par le texte même des pleins pouvoirs de lord Yarmouth, et plus évidemment encore par la lecture de la lettre de lord Lauderdale, n°. XIII, qu'avant de commencer la négociation, le cabinet anglais s'était entièrement et irrévocablement désisté de la prétention de traiter conjointement avec ses alliés. Comment un gouvernement ose-t-il se mettre ainsi publiquement en contradiction avec lui-même ?

L'exposé des faits qu'on va lire n'est pas, comme la

déclaration du Roi d'Angleterre, une publication hasardée et qu'il faut croire sur parole. Il est appuyé sur toutes les pièces de la négociation qui seront imprimées à la suite.

En février de cette année, il s'ouvrit entre les deux puissances une négociation directe de cabinet à cabinet. Elle commença sous de favorables auspices; et en se reportant à cette époque, on aime à rappeler un trait digne du noble caractère du ministre que l'Angleterre a perdu. Une lettre de M. Fox à S. A. le prince de Bénévent, le prévint qu'un individu s'était présenté à lui et avait offert d'attenter à la vie de l'Empereur. (Voyez cette lettre et la réponse du prince, nos. I et II ).

Les bases de la négociation s'établirent ensuite dans les lettres que s'écrivirent successivement les deux ministres; et après des discussions franches et soutenues avec ce ton de bienséance qui convient aux ministres de deux grandes puissances, il fut convenu qu'on adopterait pour base de la négociation, les deux principes suivans; 1o que les deux Etats auraient pour objets communs, que la paix fût honorable pour eux et leurs alliés respectifs, en même-temps qu'elle serait de nature à assurer autant qu'on le pourrait, le repos futur de l'Europe; 2° qu'il serait reconnu, en faveur de l'une et de l'autre puissance, qu'elles auraient tout droit d'intervention et de garantie pour les affaires continentales et pour les affaires maritimes. Voyez les nos. III et VIII). C'est à ces principes énoncés dans les notes de deux ministres, que le Gouvernement français s'est uniquement et persévéramment référé.

Lord Yarmouth vint à Paris; il présenta des pleins pouvoirs, et la négociation marcha vers son but. Il n'est point vrai, comme on l'avance dans la déclaration de S. M. britannique, que le cabinet des Tuileries, qui n'est pas assez mal habile pour traiter avec des ministres sans pouvoirs, ait trouvé insuffisans ceux de lord Yarmouth. La forme en est la même que celle des pouvoirs de lord Manchester en 1763, et les autorisations en sont même

plus complettes et plus étendues. (Voyez les nos. XI et XII).

Mais la cour de Londres trouva que les progrès de la discussion étaient trop rapides; elle craignit quelque entraînement à la paix. Pour tout ralentir, elle envoya sous le même titre un second ministre plénipotentiaire, et bientôt elle le laissa seul, lui prescrivant d'attendre dans une négociation apparente, le parti que prendrait la Russie sur le traité qui venait d'être négocié et conclu à Paris en

son nom.

On ose avancer dans la déclaration de S. M. britannique, que M. d'Oubril n'avait pas de pouvoirs pour traiter, et que S. M. l'Empereur et Roi avait pris dans ce traité même des engagemens qui, s'ils eussent été remplis, auraient amené la paix entre les deux cours. La lecture des pleins pouvoirs et du traité (Voyez les notes du Premier Bulletin de la Grande-Armée, pages 28, 29, etc.). répondra suffisamment a cette fausse allégation.

La France n'a pas eu le tort de manquer aux engagemens du traité qu'elle avait fait avec la Russie, mais elle a eu celui de les remplir avec trop de confiance et de précipitation. A peine la paix fut-elle signée, qu'elle ordonna de cesser la course contre le pavillon russe, et de rétablir toutes les relations commerciales avec la Russie.

Jusques-là tout était d'acord. La Russie et l'Angleterre avaient traité séparément, et la France n'avait eu d'autre but que celui de simplifier les discussions qui pouvaient amener un rapprochement durable, en refusant d'admettre ces deux puissances à négocier de concert, et à confondre des intérêts qui par leur nature étaient essentiellement distincts. Le traité avec la Russie était fait, la négociation avec l'Angleterre approchait progressivement de son terme; cette puissance se voyait en mesure de conclure à des conditions avantageuses pour elle, puisqu'elle gardait Malthe et le Cap de Bonne-Espérance.

Inutile modération de S. M. I. et R.! M. Fox tomba malade, il cessa d'assister au conseil, la faction, ennemie de la paix prévalut et tout changea. Lord Lauderdale vint

à Paris, la négociation se compliqua aussitôt et prit une marche rétrograde. On ne put se défendre du soupçon qu'il était venu pour la rompre, et qu'on l'avait choisi comme ami de M. Fox pour faire tomber sur les partisans de cet illustre ministre tout l'odieux de la rupture.

M. Fox aurait facilement dissipé cette intrigue; mais il allait mourir. Lord Lauderdale habitué à suivre un chef, ne dissimula plus le desir d'en trouver un dans le parti contraire, et de se rallier à d'autres principes. Son ton fut d'accord avec ses nouvelles vues: toutes ses lettres, toutes les réponses du Gouvernement (Voyez les nos XIII, XIV, XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIII, XXIV, XXV, XXVI, XXVII et XXVIII) prouvent à quel point S. M. I. tenait au rétablissement de la paix par la longue patience avec laquelle son ministre a supporté tant de brusqueries et d'emportemens. Elle ne voulut pas sacrifier à des questions de susceptibilité l'espérance même la plus éloignée d'un rapprochement entre les deux puissances.

Cependant l'Angleterre en suivant cette étrange négociation cherchait de toutes parts à lui susciter de nouveaux ennemis. Elle envoyait une escadre dans le Tage pour sonder l'opinion du Portugal et chercher à l'entraîner; elle menaçait la Porte Ottomane et lui offrait son alliance: elle intriguait en Russie pour faire changer le ministère qui avait envoyé M. d'Oubril, et préparait ainsi le refus de la ratification de son traité de paix: elle excitait la Prusse contre la France en lui persuadant qu'elle perdrait le Hanovre, province que la France lui avait laissé prendre; mais qu'elle n'avait garantie qu'autant que la Prusse ferait cause commune avec la France pour obliger l'Angleterre à faire la paix.

Les instigations de l'Angleterre auprès de la Prusse ont Eu tout le succès qu'elle en attendait. Cette puissance déclara la guerre, Lord Lauderdale demanda ses passeports et partit pour Londres.

M. Fox a voulu la paix. Tant qu'il a dirigé les affaires, les négociations ont été loyales et franches; après lui, on

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