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eu de suite, et les projets de lois en question ont été successivement adoptés.

(16 janvier.) Lorsqu'un créancier hypothécaire se croit frustré par la vente volontaire de l'immeuble qui formait son gage, la loi lui accorde le droit de provoquer la mise aux enchères et l'adjudication publique; mais il est tenu dans ce cas, entre autres conditions, de fournir caution jusqu'à concurrence du prix et des charges.

L'article 2185 du Code civil qui impose cette obligation, et l'article 832 du Code de procédure qui en règle l'exécution, n'avaient pas établi de distinction entre les diverses classes de créanciers qui pourraient avoir intérêt à requérir l'adjudication, en sorte qu'il n'avait pas été fait exception à l'égard du trésor public; d'où il résultait que le but de la caution étant de garantir la solvabilité du surenchérisseur, et le trésor ne pouvant jamais être réputé insolvable, il y avait, sinon contradiction, au moins lacune dans la législation sur ce point.

Tel était le principal motif d'un autre projet de loi ayant pour objet de dispenser le trésor de donner caution dans le cas de surenchère.

En fait cette disposition purement réglementaire ne semblait point devoir éprouver de contradiction; car si le trésor prétendait s'affranchir de l'obligation que le silence de la loi paraissait lui imposer, il lui suffisait d'invoquer les règles qui le placent hors du droit commun dans ses rapports avec les tiers, ainsi que cela avait eu lieu dans plusieurs cas de surenchère, où il s'était dispensé de fournir la caution exigée.

Aussi le projet fut-il moins un sujet de critiques que de doutes de la part des membres de l'opposition qui se firent entendre à cette occasion (MM. Méchin, Casimir Périer). Ainsi le dernier. faisait observer que si la législation était vicieuse pour l'État, elle devait l'être à plus forte raison pour les particuliers. Il pensait aussi qu'il eût été nécessaire que le ministre fût autorisé par une disposition spéciale à faire les fonds de la surenchère.

Ces objections ayant été répondues par M. Pardessus, la chambre

a voté sur le projet qui a été adopté à une majorité de 224 suffrages sur 237 votans. Il a passé le 17 février suivant à la Chambre des pairsàune majorité de 98 voix contre 24.

Le même jour (16 janvier) que la Chambre élective avait adopté le projet dont il vient d'être question, elle avait mis en délibération un autre projet de loi relatif à la réduction du droit de circulation des cidres, poirés et hydromels; projet obtenu comme une concession du ministère par les députés de plusieurs départemens de l'ouest qui, dans le but de se montrer favorables aux intérêts de la classe laborieuse, avaient fortement appuyé les pétitions adressées à la Chambre sur ce sujet ; pétitions d'ailleurs fondées à beaucoup d'égards en raison et en équité.

Le rapport fait par M. de Blangy le 13 janvier établissait qu'en réduisant le droit en question à 60 centimes au lieu de 80 par hectolitre, le gouvernement reconnaissait qu'il n'existait pas de proportion entre les vins et les cidres, et il résultait des calculs de la commission que pour rendre l'équilibre parfait, la réduction aurait dû être de 25 centimes au moins.

La commission exprimait le vœu d'une réduction générale des droits sur les boissons, et notamment de ceux qui se perçoivent à l'entrée des villes sur les vins et sur les cidres, convaincue qu'une plus grande consommation compenserait et au delà cette diminution. Elle concluait d'ailleurs à l'adoption du projet.

Un seul orateur, M. Durand d'Elcourt, a pris la parole pour représenter qu'il serait juste d'étendre cette réduction au droit de fabrication établi sur les bières, et de satisfaire ainsi aux nombreuses réclamations des départemens du Nord, du Pas-de-Calais, de la Somme et de ceux de l'ancienne Alsace, dont il se rendait l'organe.

(19 janvier.) Le projet a obtenu 142 suffrages sur 151 votans. Présenté à la Chambre des pairs le 12 février, sur le rapport de M. le duc de Brancas, il a reçu l'assentiment de cette Chambre le 6 mars suivant.

Nous n'avons fait qu'indiquer l'objet des premiers travaux législatifs de cette session, mais il faut nous arrêter à un autre projet concernant le tarif des postes, et sur lequel M. le comte de SaintAnn. hist. pour 1827.

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Cricq fit le 27 janvier un rapport au nom de la commission chargée d'en faire l'examen.

L'exposé des motifs rappelé par l'honorable rapporteur alléguait que la nécessité de demander dans le budget de 1828 un supplément de crédit de 3,500,000 francs, afin de mettre l'administration en état de compléter le service quotidien des postes sur toutes les routes, avait entraîné celle d'augmenter les taxes, afin de trouver à ce sacrifice une compensation telle qu'il n'altérát pas les moyens prévus par la bonté royale d'alléger les charges publiques plus

onéreuses.

«C'est un fait notoire, disait M. de Saint-Cricq, que depuis dix ans, et plus particulièrement encore dans ces derniers temps, d'importantes améliorations ont été introduites dans le service des postes : accélération dans le transport; multiplication des ordinaires dans presque tous les départemens; fixation plus commode des heures de départ et d'arrivée, rien, il faut le dire, n'a été négligé. L'administration a compris que dans le mouvement ascendant de nos industries de tout genre, c'était s'associer à leur vivifiante influence sur le bien-être de l'État que d'ajouter tous les jours à la fréquence, à la promptitude de leurs communications: faire que ces communications aient lieu chaque jour entre tous les points du royaume, de telle sorte qu'il n'y ait pas un département, pas une commune qui, chaque jour, ne puisse correspondre avec tous les départemens, toutes les communes de la France, ce ne sera pas là seulement une amélioration nouvelle; ce sera, nous nous plaisons à le croire, le complément de toutes les améliorations; ce sera, en ce qui touche au service des postes, le dernier terme de son action possible sur la vie industrielle et commerciale du pays. »

Le projet ainsi exposé présentait l'idée d'une amélioration utile; mais il s'y trouvait une disposition qui, par sa connexité avec la loi proposée sur la police de la presse, inspirait une grande défiance, et paraissait effectivement calculée pour seconder l'effet de cette loi dans les entraves qu'elle menaçait d'apporter à l'essor et à la propagation des écrits: nous voulons parler de l'article 8, portant élévation de la taxe pour le port des journaux et écrits périodiques; c'est sur cet article, considéré comme annexe du projet de loi de la presse, que repose tout l'intérêt de la discussion.

La loi du 27 février an VIII avait fixé à 4 centimes par feuille et à a centimes par demi-feuille le prix du transport des journaux et écrits périodiques. La dimension de la feuille avait été fixée par la loi du timbre à 25 centimètres carrés, et celle de la demi-feuille à

12 centimètres et demi. Le Moniteur atteignait alors seul la dimension de la feuille entière : tous les autres journaux se renfermaient dans celle de 12 centimètres et demi; mais depuis ils se sont étendus jusqu'à 17 centimètres et au delà, et comme la loi sur le timbre exige un centime pour chaque excédant de 5 centimètres, l'administration des postes était déja autorisée à percevoir 3 centimes au lieu de 2 pour la plupart des journaux autres que le Moniteur. Tel était le principal motif qui déterminait le gouvernement à proposer de régler la taxe à 5 centimes pour tous les imprimés sans distinction par chaque feuille de 30 décimètres; mais la commission, moins rigoureuse pour les brochures, ne croyait devoir admettre cette base que pour les journaux et ouvrages périodiques seulement, et proposait de modifier l'article 8 comme il suit:

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Le prix la transport des journaux, gazettes et ouvrages périodiques est fixé à cinq centimes pour chaque feuille de la dimension de trente centimètres carrés et au dessus.

- Le port sera augmenté de cinq centimes pour chaque trente décimètres ou fraction de trente décimètres excédant.

.

Le prix du transport sera le même, quelle que soit la distance parcourue dans le royaume; il devra être payé d'avance au lieu même du départ... »

(1a février.) La discussion ouverte, M. Benjamin Constant, premier orateur entendu, témoigna d'abord son étonnement de ce qu'il avait fallu dix années à l'administration pour chercher les moyens de remédier au vice de la loi du 27 frimaire an VIII.Toutefois il convenait, après avoir examiné les sept premiers articles, que malgré la charge immédiate qu'ils imposent au trésor, et la surcharge qui en résultera pour un assez grand nombre de contribuables, ces inconvéniens pourraient être balancés par des avantages profitables au commerce et à l'industrie, et, sous ce rapport, il reconnaissait le mérite du projet.

- Mais, ajoutait l'honorable député, l'article 8 a un effet moral qu'il importe d'autant plus de dévoiler que le calcul même ne justifie pas cet article; car il se fonde sur la supposition qu'en élevant le prix des journaux on ne diminuera point leur produit annuel; tandis que le plus simple bon sens nous indique qu'en doublant le port on diminuera le nombre des abonnés, et par conséquent le produit de la taxe. Le calcul est donc erroné; aussi n'est-il là que comme prétexte ou apologie. L'effet moral de l'article reste sans excuse; c'est donc cet article 8 que je viens discuter : il a été pour moi un trait de lumière.

Le projet qu'on vous propose, Messieurs, est la préface, l'avant-coureur, l'auxiliaire d'une autre loi dont nous aurons à nous occuper... L'article 8, tel que les ministres l'avaient présenté, devait atteindre non seulement la pensée développée dans les journaux, les brochures, les livres, mais l'indication même la plus sommaire des écrits où cette pensée serait déposée. Il frappait d'un triple ou quadruple droit ces catalogues apparemment séditieux par le nom seul des ouvrages qu'ils indiquent ; ces prospectus véhémentement suspects de crimes à venir; cette musique qui s'était crue jadis innocente, et dont l'ancien régime lui-même tolérait les excursions dans le domaine de la critique, mais que trouvent aujourd'hui coupable des ministres que tous les sous épouvantent, parce que tous les sons leur semblent accusateurs; enfin les avis de toute nature, les moyens de communication indispensables dans un pays laborieux, industriel, et qui a besoin de l'être, puisque chaque année son Gouvernement lui demande un milliard. Tout cela, messieurs, devait être sacrifié à l'idée dominante; les citoyens, les négocians, les spéculateurs, les entrepreneurs en tout genre, devaient, par une augmentation énorme de frais, être détournés de se transmettre l'un à l'autre le résultat de leurs travaux, leurs découvertes, leurs productions et les avantages que pouvaient retirer de ces production set de ces découvertes leurs professions respectives; sous le prétexte que des journaux peuvent être dangereux, des brochures criminelles, on paralysait la circulation de tout ce qui avait le malheur d'être imprimé. Autant vaudrait enfermer les citoyens dans leurs maisons, parce qu'il y a quelquefois des voleurs dans les rues. Votre commission a fait justice d'une partie de cette conception; on doit lui en savoir gré. Elle a été plus loin, elle a déclaré les journaux un besoin public; sachons-lui-en gré encore. Mais alors comment donc a-t-elle maintena la disposition qui les atteint? M'arrêterai-je à la singulière distinction de M. le rapporteur entre un impôt et le prix d'un service? L'impôt du tabac, celui du sel, ne sont-ils pas le prix d'un service? Et en nous élevant à des considérations plus générales, nous trouverons que tout impôt est le prix d'an

service. »

Suivant l'orateur, la question se réduisait à savoir s'il est juste, sage et politique de diminuer la circulation des journaux de la capitale, et de rendre impossible l'existence des journaux de département. Il examine ensuite quelle est l'utilité des journaux en général et celle des journaux de département en particulier.

Dans son opinion, les journaux sont l'unique moyen de communication entre les citoyens d'un même pays, un remède au danger le plus inhérent aux grands empires, celui de l'isolement des individus et même des provinces, isolement qui les empêche de profiter des découvertes et des productions les uns des autres. Ils offrent en outre, dans un pays comme la France, une condition indispensable de sûreté personnelle; car ce qui garantit la sûreté dans les petits États, c'est que l'injustice ne peut se commettre qu'en présence de tous, tandis que dans un pays vaste elle demeure igno

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