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que ce pays offre d'intéressant, les fortifications, les canaux, sites historiques, visité les hôpitaux, les ateliers industriels, tous les établissemens publics de quelque importance, et répandu partout des consolations, des encouragemens et des bienfaits, revint par Arras, Amiens et Beauvais, au milieu du même enthousiasme de la population, et rentra à Saint-Cloud le 20 septembre, plein de santé, enchanté d'un voyage auquel la malveillance avait prêté des motifs dont la supposition était injurieuse, si elle n'eût été ridicule (1). Sa Majesté, qui dans sa jeunesse avait parcouru les mêmes contrées, frappée des améliorations en tout genre que présentait l'aspect des villes et des campagnes, en avait témoigné à plusieurs reprises sa satisfaction. A Saint-Quentin seulement, où l'industrie souffrait en ce moment par défaut d'écoulement de ses produits, il avait été présenté à S. M. une pétition pour la supplier de la protéger par des mesures plus efficaces contre la concurrence de l'étranger. Mais en général, le Roi rapportait de son voyage l'idée chère à son cœur de la prospérité ou du moins de l'aisance répandue dans toutes les classes de ses sujets, et le désir ardent de l'augmenter

encore.

Une grande question, la plus importante peut-être dans le régime représentatif, était alors l'objet général de l'attente publique et des délibérations du conseil : la dissolution de la Chambre des députés.

Depuis long-temps les journaux de l'opposition ne cessaient de rappeler aux citoyens qui payaient le cens électoral, les obligations que leur imposait la loi nouvelle pour l'organisation du jury, et de leur recommander de se faire inscrire sur les listes avant l'expiration du délai prescrit: exhortations dictées bien moins par le zèle de fournir de nombreux auxiliaires à la justice, que par le désir de s'assurer la majorité des suffrages aux élections qu'on annonçait comme prochaines.

(1) Il devait, disait-on, dès que le Roi serait au milieu de son armée, paraître un manifeste qui déclarerait la Charte abolie et la monarchie rétablie sur ses anciennes bases, etc. etc.

Ici l'intérêt du parti libéral était évident; tout devait lui faire désirer la dissolution d'une Chambre où il était si faible, où il n'avait repris quelque crédit que par des secours reçus d'un côté ennemi, et qui pouvaient lui échapper encore: il n'avait qu'à gagner dans la chance des élections générales; celles de M. Bignon à Rouen, de M. Dupin à Mamers, et du général La Fayette à Meaux, venaient de le prouver.

Mais quels pouvaient être, du côté du ministère, les motifs assez puissans pour lui faire risquer une mesure aussi hardie? l'examen de la dernière session nous les a fait pressentir (voy. pag. 241): la nécessité de se refaire une majorité qui lui avait manqué dans la Chambre des pairs; l'impossibilité de l'obtenir sans une promotion nombreuse, et de faire cette promotion sans y comprendre une partie des membres de la Chambre dissoute qui s'étaient signalés par leur zèle à soutenir le système ministériel; la crainte d'épronver de nouvelles défections dans le côté droit; le scrupule déja montré par quelques députés de s'arroger le bénéfice de la septennalité qu'ils avaient votée, et de siéger après l'expiration des cinq années pour lesquelles leurs commettans les avaient élus; enfin l'idée que si les élections générales étaient retardées de deux ans, elles seraient encore moins favorables au ministère, par des circonstances extérieures qu'il pouvait prévoir on par les progrès toujours croissans de l'opinion constitutionnelle; telles étaient les considérations généralement supposées en faveur de la mesure en question.

Enfin, soit que les ministres se fussent fait illusion sur la disposition des esprits à leur égard, soit qu'ils comptassent sur le succès des moyens qu'ils pouvaient employer pour influencer ou diriger les élections, ils se décidèrent pour ce parti dangereux; et le surlendemain de la fête du Roi, au milieu des réjouissances publiques et des distractions que donne toujours à l'opinion l'exposition des produits nouveaux de la peinture et de la sculpture, le public vit enfin dans le Moniteur cette fameuse ordonnance (du 5 novembre), qui dissolvait la Chambre des députés, convoquait les colléges électoraux dans tout le royaume pour les 17 et 24 novembre,

et fixait l'ouverture de la session prochaine au 5 février 1828. Le même jour parut la liste des présidens de colleges, avec une autre ordonnance qui nommait 76 pairs nouveaux, pris pour la plupart dans la majorité ministérielle de la Chambre dissoute, et aussi celle qui prononçait la suppression de la censure. (Voir l'Appendice.)

Il serait difficile de rendre l'impression profonde que ces mesures, bien qu'attendues, produisirent dans tous les partis et dans toutes les classes. Les ordonnances que nous venons de citer n'étaient précédées d'aucun considérant; mais le journal officiel donna bientôt l'explication de leurs motifs, ou du moins de ceux qu'il convenait au ministère de faire connaître.

« La première, disait-il (1), était en quelque sorte une conséquence du système de la septennalité qu'il fallait substituer avec précaution au régime quinquennal qu'elle avait remplacé. La septennalité est une question de haute raison politique jugée par tous les bons esprits; mais le texte écrit qui régissait le système antérieur et les droits que ce système avait créés n'étaient peut-être pas encore assez effacés de nos lois et nos mœurs politiques, pour que la sagesse du Gouvernement ne crût pas devoir ménager une transition entre la durée légale des pouvoirs concédés pour cinq ans et la nouvelle législation qui les consacre pour sept années; c'est ainsi que la septennalité respectant à la fois les prérogatives royales et les habitudes du pays, s'introduit doucement dans nos Codes et dans nos mœurs.

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Nous éviterons donc d'employer le mot de dissolution en parlant de l'appel fait aux élections générales, parce que dans la langue des journaux on attache à ces mots un sens plus expressif que dans le langage constitutionnel de l'ordonnance... En effet la liste des présidens de colléges prouve que la couronne en présentant les anciens députés par la candidature royale à la réélection populaire, demande au pays plutôt des garanties de darée pour an système conservateur, que des changemens toujours aventureux : ce qui n'exclut pas toutefois les modifications que le cours des temps et des idées apporte dans les rapports nouveaux qui s'établissent naturellement entre les députés et leurs commettans. L'explication de cette mesure se trouve donc trop naturellement dans la législation électorale elle-même et dans la liste des prési dens, pour qu'il soit nécessaire d'y donner beaucoup de développemens.

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Quelques idées générales puisées dans l'esprit de nos institutions suffiront également pour expliquer à tous les hommes pénétrés de l'importance de la pairie, les choix qui viennent d'en élargir les bases et par conséquent d'en augmenter la prépondérance.

La Charte a retenu et consacré le droit incontestable que possède le Roi de créer des pairs à volonté.

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L'exercice de ce droit ne peut être suspendu ou modéré que par des considérations dont le Roi seul est juge. En Angleterre la pairie s'est formée d'elle

(1) Moniteur du 7 novembre.

même contemporaine de la royauté; nombreuse et puissante dès l'origine, elle n'a eu besoin en quelque sorte que d'être entretenue par des adjonctions et des remplacemens dont l'usage plus que la loi limite la faculté. En France, au contraire, le Roi a commencé dès la première pierre l'édifice de la pairie, et cette institution a dù s'élever et s'est élevée successivement sous la main qui l'avait fondée.

La Chambre élective est toute nommée par le peuple, et le Roi n'y participe que par la nomination des présidens des colléges électoraux dont les fonctions se bornent à recueillir les votes et à signer le procès verbal de l'élection. Le nombre des députés est fixé par la loi, et le peuple est obligé de remplir aussitôt les places vacantes par démission ou par mort. La Chambre des députés est donc toujours complète; on peut dire qu'elle est toujours jeane; car elle puise dans sa réélection périodique et plus encore dans la dissolution, s'il y a lieu, un renouvellement de vie, de jeunesse et de force. Cette chambre est donc constitutionnellement populaire indépendamment de l'opinion personnelle de ses membres : elle est populaire dans son origine et sa composition; populaire dans sa fonction spéciale, l'octroi et le contrôle de l'impôt, qui est la plus grande affaire du peuple qui le paye.

« La Chambre des pairs est nommée par le Roi; le nombre de ses membres n'est point fixé; le Roi n'est pas obligé de remplir les places que la mort des individus ou l'extinction des familles laisse vacantes. Ainsi à tous les avantages dont jouit la Chambre des communes plus nombreuse, toujours complète et toujours jeune, la Chambre des pairs ne peut opposer que son immobilité héréditaire, qui est autant une cause d'inaction qu'un principe de force.

La constitution, il est vrai, a voulu suppléer à ce qui peut manquer à la Chambre des pairs en force numérique et en avantage de position par des prérogatives et par des priviléges; mais aujourd'hui, moins que jamais, et en France moins que partout ailleurs, les prérogatives et les priviléges sont une force.

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C'est une erreur trop accréditée de croire que la richesse de quelques pairs, de tons, si l'on vent, ajoute à la force de la pairie.

K

* (Ici le journal officiel établit une différence entre la richesse féodale ou politique des pairs d'Angleterre et la fortune toute personnelle ou domestique des pairs de France.) En Angleterre la Chambre des Pairs a, comparativement à celle des communes, une importance qui pourrait être moindre même sans dangers, si l'on considère que la Chambre des communes y est, pour ainsi dire, fille de la pairie, qui, avec la couronne, a une si grande influence sur les élections où les pairs font admettre leurs fils, leurs frères, leurs parens, leurs obligės.

«En France rien de semblable. La Chambre des pairs ne s'élève qu'aux deux tiers à peu près de la Chambre des députés, et avec une population double de celle de l'Angleterre; notre Chambre des députés ne forme guère que les deux tiers de la Chambre des communes, et la pairie française égale à peine celle de l'Angleterre.

La force de résistance de la Chambre des pairs doit donc être dans le nombre de ses membres et surtout dans l'esprit qui les anime. D'ailleurs une Chambre nombreuse a moins à subir l'influence des partis qui peuvent s'y former, parce qu'il reste au milieu d'eux une portion plus ou moins considérable étrangère à leurs divisions et qui peut en prévenir le danger.

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Et quand nous disons une Chambre nombreuse, c'est uniquement parce qu'une Chambre législative, dans un pays étendu et peuplé comme la France, doit être nombreuse pour avoir ses racines dans toutes les parties du royaume

et non pas seulement dans la capitale; qu'ainsi répandue sur tous les points et partout présente, elle tient à tous les intérêts et donne partout le conseil et l'exemple de tous les devoirs, de toutes les affections monarchiques; et si ce pouvoir populaire a partout ses députés et ses défenseurs, il est convenable, naturel, nécessaire que le pouvoir monarchique ait partout les siens.

Ce n'est pas pour l'avantage de quelques familles que la pairie est instituée, mais pour la défense du pouvoir royal et la stabilité de l'Etat ; c'est pour qu'une régence, une minorité, trouvent au besoin dans une Chambre forte et monarchique conseil et appui.

« Il est dans la nature du Gouvernement représentatif que la Chambre toute nommée par le peuple devienne de plus en plus populaire. Il faut donc que la Chambre nommée par le Roi reçoive toute la force que la constitution permet de lui donner. En Angleterre l'aristocratie a gagné ce que la royauté a perdu. En France la royauté ne perdrait qu'au profit de la démocratie. Une pairie bornée à un petit nombre de familles comparé à la population totale, ressemble à un privilége. Etendue à un plus grand nombre, mieux proportion. née à la population, elle est une institution; et c'est d'institutions que la France a besoin. .

Il nous a paru juste et digne de l'impartialité de l'histoire de mettre sous les yeux du lecteur les motifs avoués par le ministère pour la justification des grandes mesures qu'il venait de conseiller à la couronne il nous est maintenant permis de laisser parler l'opposition.

Les journaux à peine rendus à leur liberté se déchaînèrent avec plus de violence que jamais contre le système d'oppression sous lequel ils avaient gémi durant quatre mois; ils mirent au grand jour tout ce que la censure avait voulu cacher au public; ils repassèrent avec amertume les actes du ministère, les projets de loi qu'il avait présentés et qu'il pouvait reproduire, le licenciement de la garde nationale parisienne, le rétablissement de la censure, les transactions commerciales avec le Mexique, les difficultés survenues avec la régence d'Alger; il n'est pas même jusqu'au traité du 6 juillet, conclu pour arracher à l'obstination ottomane l'indépendance de la Grèce, et jusqu'à la victoire de Navarin, qui ne donnassent lieu à des reproches et à des réflexions piquantes pour l'amour-propre ministériel; mais la dissolution de la Chambre élective dominait toutes les idées, était le sujet intarissable de toutes les discussions critiques, comme les réélections l'objet de tous les vœux et de toutes les craintes.

On reprochait surtout au ministère d'avoir avili la dignité de la Chambre héréditaire en y jetant, à côté de quelques noms illustres

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