Page images
PDF
EPUB

lutionnaires répandues dans les journaux de l'opposition, et que ceux-ci à leur tour signalaient, ainsi que nous l'avons déja dit, comme l'œuvre de la police, et rapportaient aux manoeuvres d'un parti, qui se voyant vaincu dans les colléges d'arrondissement, avait intérêt à faire croire que la révolution allait renaître avec toutes ses fureurs pour donner aux élections des grands colléges une direction nouvelle moyen qui n'y fut pas, à vrai dire, sans effet.

Il faut aussi remarquer que les journaux ministériels qui dans l'origine, avant les élections d'arrondissement, repoussaient, les candidats de l'opposition royaliste comme ceux de l'opposition libérale, effrayés alors du triomphe de celle-ci aux petits colléges, avaient insensiblement changé de langage et ne faisaient plus actuellement de différence entre les royalistes naguère surnommés les pointus dans les salons ministériels, et ceux du parti-Villèle, désignation maintenant avouée par les amis du ministère; aussi redoublait-on, des deux côtés, d'efforts et d'intrigues, pour s'assurer des grands colléges, dont les choix devaient en définitive décider de la majorité.

(24 et 25 novembre.) Cette fois encore la capitale offrit une immense majorité de suffrages (15 à 1600 sur 2039 votans) en faveur des candidats de l'opposition libérale, MM. Alexandre de Laborde, Odier, Vassal et Lefèvre, le premier célèbre comme savant, écrivain, philantrope, les trois autres banquiers renommés; défaite dont le parti contraire se consola en l'attribuant à l'influence des potentés, mais qui n'en était pas moins comme une protestation éclatante contre la conduite tenue par la police lers des derniers troubles.

Dans les provinces où les relations ministérielles avaient répandu l'épouvante et où la propriété territoriale domine les grands colléges, les trois quarts des suffrages et des nominations furent en faveur des candidats du ministère ou de ceux de l'opposition royaliste qu'il avait acceptés. La reparurent des noms fameux oubliés ou repoussés dans les arrondissemens: M. Ravez, nommé le même jour à Bordeaux et à Lille; M. le comte de Labourdonnaye à Angers, M. Delalot à Angoulême, MM. Bacot de Romans à Tours, de Sallabéry

à Blois, de Boisbertrand à Poitiers, etc. Quelques départemens, l'Aisne, la Seiue-Inférieure, le Bas-Rhin, renforcèrent encore le parti libéral, mais pas assez toutefois pour lui garantir la majorité.

Les élections terminées, chaque parti fit, à son avantage, le calcul de ses forces respectives; mais le résultat le moins équivoque, avoué par tout le monde, était que sur 428 députés qui composaient la nouvelle Chambre (non compris les deux députés de la Corse), il ne s'en trouvait que 181 de l'ancienne, et que sur 332 présidens de colléges, dont il fallait réduire le nombre, comme candidats présentés, à 282, puisque 50 étaient pairs de France, il n'y en avait eu que 119 élus.

A tous les calculs qui tendaient à établir la nécessité de la retraite prochaine du ministère devant la majorité ennemie qui l'attendait à la Chambre élective, les écrivains ministériels en opposaient qui n'étaient pas non plus dénués de vraisemblance; ils réduisaient de beaucoup le nombre et la prépondérance des libéraux; mais ils ne dissimulaient pas, ils exagéraient même le danger de la propagation de leurs doctrines et l'affaiblissement du parti royaliste par ses divisions, d'où résultait la nécessité de se réunir pour la défense du trône et l'intérêt même de ce parti. La monarchie ne pouvait être sauvée, selon eux, que par la conservation du ministère actuel, qui affectait d'ailleurs une confiance qu'il n'avait pas dans la majorité de la Chambre élective. Le tableau général des élections offrait à l'un de ses écrivains un aspect bien rassurant pour les amis du trône et de nos institutions... « Le ré⚫sultat de cette mesure (la dissolution de la Chambre des députés), disait-il, est honorable pour le ministère qui l'a prévu. En exa«minant ce résultat en publiciste qui s'élève au-dessus des passions « du moment, on trouve une grande majorité pour la couronne * dans les deux Chambres (1). »

[ocr errors]

a

Ainsi l'on chantait victoire dans les camps opposés. Le ministère

(1) Moniteur du 5 décembre.

célébra la sienne en distribuant des décorations à ceux de ses agens qui l'avaient heureusement secondé. Tout le mois de décembre se passa en débats, en injures, en querelles, en menées ouvertes et secrètes. La guerre de la presse périodique continua avec plus d'acharnement que jamais entre les journaux de l'opposition dont le résultat des élections avait singulièrement accru l'influence, et les feuilles ministérielles qui signalaient avec aigreur la puissance du journalisme et lui attribuaient les nominations qui leur faisaient ombrage et la corruption graduelle de l'opinion publique.

Déjà les nouveaux députés les plus influens, ceux qu'on regardait comme les chefs des partis ou sections de partis, se réunissaient pour s'assurer de leurs forces ou concerter la marche qu'ils auraient à suivre ; et quoiqu'on ne puisse rien assurer avec une certitude historique, il est permis de croire, ainsi que le bruit s'en est répandu, que de son côté M. le président du conseil fit inutilement auprès de quelques membres de l'opposition royaliste des tentatives pour les ramener à son parti et en appeler quelques uns dans son administration.

Quoi qu'on puisse penser de l'exactitude de ces conjectures, l'année finit sans qu'on sût positivement à quoi s'en tenir ni sur la force réelle des partis dans la nouvelle Chambre, ni sur le sort du ministère, ni sur l'issue des querelles politiques et religieuses, si envenimées que la question du rétablissement de la censure fut encore agitée, dit-on, dans le conseil.

[ocr errors]

Au milieu des graves événemens qui viennent de se passer sous nos yeux, l'histoire ne peut s'arrêter à des mesures d'administration dont on trouvera la nomenclature dans l'Appendice. On se contentera de faire remarquer quelques ordonnances rendues sur la fin de novembre, portant répartition de crédits accordés aux divers ministères pour l'exercice 1828, espèce de concession tardive mais encore incomplète, au système de spécialité invoqué depuis si long-tems par l'opposition.

Dans l'administration de la justice, plusieurs actes offrent une

certaine importance historique par l'intérêt de parti qu'ils ont excité. Tels sons les procès criminels intentés à deux prêtres (Molitor et Contrafatto) pour attentats à la pudeur dans l'exercice de leurs fonctions. On a déjà vu comment la censure avait agi dans l'affaire de Contrafatto. Un mémoire publié par ce dernier après sa condamnation a laissé sur sa cause des impressions presque aussi fâcheuses que les plaintes de ses victimes.

De tous les procès en matière de délits de la presse, le plus remarquable est celui du Courrier Français, dont il a été parlé plus haut, et dont l'issue fut un échec sensible pour le ministère. Dans quelques autres, intentés à des individus qui vendaient des livres sans être munis de brevets de libraires, des tribunaux avaient refusé de prononcer l'amende de 500 fr. portée par un règlement de 1723, aboli par la loi de 1791; et malgré une ordonnance nou'velle (1er septembre) qui déclarait que la pénalité devait être censée rétablie avec la défense d'exercer sans brevet, quelques tribunaux ont encore persisté dans le refus de l'appliquer, en demandant à cet égard une interprétation législative. On ne cite ces faits que pour montrer le dissentiment qui se manifestait entre l'administration et les corps judiciaires.

En considérant la situation matérielle du pays, on y trouve cette année quelques raisons d'expliquer le malaise, l'inquiétude et l'agitation des esprits. Le commerce extérieur était en souffrance ou dans la détresse par les troubles du Levant, par l'état critique des nouveaux états américains, et surtout d'Haïti, dont on s'était promis tant d'avantages. L'industrie, dont l'exposition nouvelle attestait le perfectionnement dans plusieurs branches, ne trouvait plus de consommation suffisante à l'accroissement de ses produits. L'agriculture, encouragée dans quelques départemens par la hausse du prix des grains, avait souffert, dans la plupart, de la pénurie des récoltes, ce qui nécessita dans plusieurs l'importation des graits étrangers, et occasionna dans la Sarthe, à Mamers, des troubles qui n'ont pourtant pas eu de suites sérieuses.

On a signalé dans la session législative suivante un décroissement

sensible dans les produits des revenus publics de cette année, évalués par le budget de 1827 à.... Ils ne se sont élevés qu'à.....

911,809,000 fr. 908,348,000,

ce qui offrait pour cet exercice une diminution de. 3,461,000, et sur les produits de l'année 1826 celle de....... 15,847,000;

Des plaintes graves se sont élevées sur le système suivi depuis quelques années dans l'organisation de l'armée. C'est aux discussions de la tribune qu'il faut recourir pour en juger.

Quant à la marine française, elle a déployé cette année une énergie digne de ses plus belles époques. Le personnel des bâtimens de l'État, qui ne s'élevait pas à moins de 22,000 hommes, n'avait pas été employé à de vaines parades et à de simples évolutions d'exercice.

La France était encore en paix avec toutes les nations, lorsque des événemens extérieurs vinrent la forcer de défendre l'honneur de son pavillon.

Il existait depuis quelques mois entre le Gouvernement de France et le dey d'Alger, des difficultés au sujet de la demande faite par ce dernier de l'extradition du juif Nathan Backri, comme débiteur envers des sujets algériens, par suite de la liquidation de sommes dues par la France pour des grains fournis par ces derniers en 1793 et 1794 (1).

D'autres sujets de mécontentement survinrent. Des navires de commerce français furent visités par des corsaires algériens qui en pillèrent deux. De son côté, le dey se plaignit encore de се que la

(1) Cette ancienne dette avait été liquidée par une convention conclue le 10 novembre 1819, à 8 millions qui furent payés par autorisation d'une loi spéciale (voir Ann. hist. pour 1819, pag. 252, et 1720, pag. 213 et 215) entre les mains du père de Nathan Backri, fondé de pouvoir des créanciers; mais ce mandataire ayaut retenu des sommes considérables pour frais de liquidation, ses commettans refusèrent de recevoir celles qu'il leur offrait comme étant trop an dessous de la valeur des fournitures faites. Il était mort depuis, et son fils, naturalisé français, se trouvait responsable aux yeux des créanciers et du dey, qui ne cessait de demander son extradition, ce à quoi le consul ne croyait pas devoir consentir d'après les règles du droit des gens.

« PreviousContinue »