Page images
PDF
EPUB

mais il n'y avait ni sécurité dans les esprits, ni confiance dans les citoyens, ni accord dans le gouvernement, ni paix dans le

royaume.

Au milieu de ces calamités et de ces désordres, on parlait à Barcelone comme à Madrid, de projets d'expédition et d'amnistie, de changemens dans le ministère, de réformes dans l'administration. Il arriva vers cette époque à Cadix une frégate chargée de 692,974 piastres fortes (environ 3,500,000 fr.) pour S. M. Ce secours servit à parer aux besoins les plus urgens; mais on songeait à s'assurer des ressources plus régulières et plus certaines.

La prochaine évacuation de l'Espagne, l'arrangement des affaires de Portugal, dont nous allons donner les détails, et un projet d'amnistie générale remis sur le tapis, offraient une perspective encore vague, mais bien moins sombre que l'année dernière. On avait l'espérance d'un meilleur avenir.

CHAPITRE VIII.

PORTUGAL.

[ocr errors]

Etat des partis et des affaires. Défaite des insurgés. Arrivée des troupes anglaises. - Ouverture de la session ordinaire des cortès. — Discours du ministre de l'intérieur. - Discussions et décrets. Reprise des opérations militaires. —Nouvelle incursion, défaite et retraite des insurgés sur le territoire espagnol. Suite des travaux des cortès et clôture de la session.-Événemens divers. Amnistie. - Révolte à Elvas.-Maladie de la

régente. Division dans le gouvernement. - Changement de ministère. — Renvoi de M. de Saldanha. - Troubles à Lisbonne et à Porto. Décrets rendus au Brésil. - Nomination de l'infant don Miguel comme régent et lieutenant général du royaume. Effet de ces nouvelles en Portugal. Changement de système.-Suspension des paiemens de la banque. - Mariage du marquis de Loulé avec une infante.—Annonce de l'arrivée prochaine de l'infant don Miguel.

On trouve, en reprenant les affaires du Portugal au point où nous les avons laissées l'année dernière les partis en présence, avec des chances de succès et des forces à peu près égales. Les revers essuyés sur la fin de décembre par les royalistes peuvent être en partie attribués à la mésintelligence qui régnait entre leurs chefs. Le vicomte de Montalègre ne s'était soumis qu'à regret au commandement de son neveu le marquis de Chavès, dont il accusait la nullité et qui se laissait gouverner par le vicomte de Canellas. Plusieurs autres chefs partageaient ses sentimens, et les soldats ou paysans enrôlés sous leurs drapeaux n'étaient que trop disposés à se mutiner au premier échec... Mais toute la population des provinces dans lesquelles ils avaient porté la guerre (les Tras-os-Montes et le Haut-Reira) était dévouée à la cause qu'ils avaient embrassée; et dans les autres provinces il y avait, hors de la classe moyenne et marchande, fort peu d'attachement pour le système constitutionnel. Le parti royaliste voyait avec dépit les emplois de l'état livrés en grande partie à des chefs de la révolution de 1820; il soutenait que don Pédro, en devenant empereur du Brésil, et souverain de fait d'une nation considérée comme étrangère depuis

le traité de 1825 (29 août) avait perdu tout droit au trône; qu'il ne pouvait en conséquence donner une constitution, ni faire passer des droits, qu'il n'avait pas, à sa fille, au détriment de l'infant don Miguel, héritier légitime d'après les anciennes lois du royaume...

A ces objections, qu'on verra reproduites dans des circonstances plus décisives, le parti constitutionnel répondait que don Pedro ayant été reconnu comme héritier du trône par son père et comme roi de Portugal par la nation et par les puissances de l'Europe, était entré en possession de la souveraineté, que la constitution donnée au Portugal et la concession faite à sa fille émanaient d'une autorité légitime... Mais ces raisons n'étaient plus de nature à être discutées avec les armes de la raison. Le glaive était tiré et devait en décider. Les constitutionnels avaient pour eux un gouvernement organisé, les places fortes, le matériel de l'armée et de la marine, vingt-cinq à trente mille hommes de troupes régulières ou de milices, les fortunes du commerce et les lumières de la classe moyenne. Mais une partie de ces forces était employée à contenir la population des provinces de l'intérieur et la populace des villes dominées par les prêtres, presque tous ennemis de la constitution. A peine avait-on pu réunir dix à douze mille hommes sous les ordres des généraux d'Angeja, de Villaflor, Correa de Mello, Stubbs et Claudino, etc. Quant aux insurgés, ils n'avaient guère que 8,000 soldats déserteurs de l'armée; mais ils avaient trouvé en Espagne, dans le zèle du parti apostolique, de l'argent, des armes et des munitions, et dans les provinces de Tras-os-Montes et de Beira toute la population disposée à les seconder (1)... Une armée espagnole se rassemblait derrière eux et semblait destinée à soutenir leur cause. Mais de l'autre côté arrivaient des troupes anglaises envoyées pour

(1) Un des journaux de ce parti donnait l'état suivant des forces des insurgés, au commencement de janvier 1827: Avant-garde, commandée par Magessi, 2,000 hommes d'infanterie, 500 chevaux, 3 pièces de 12, 1 pièce de 6. Centre, commandé par Montalegre, 1 obusier, 4 pièces de canon, 4,000 hommes d'infanterie, 628 chevaux. Arrière-garde, sous les ordres de Telles-Jordao, 2 canons, 4,000 hommes d'infanterie, 378 chevaux: en tout, 10,000 hommes d'infanterie et 1,506 chevaux.

Ann. hist. pour 1827.

29

empêcher l'intervention espagnole. Le débarquement de ces étrangers avait rempli de joie les constitutionnels de Lisbonne; mais la masse du peuple les voyait d'un œil chagrin. Ils apportaient avec eux un matériel et une artillerie considérables (189 bouches à feu, suivant certains rapports) suffisans pour une armée de trente mille hommes : ils n'en débarquèrent que cinq à six mille, mais de troupes d'élite qui pouvaient être suivies d'autres et dont l'approche devait suffire pour contenir les Espagnols dans leur hostile neutralité. La présence de lord Beresford, qui arrivait en même temps à Lisbonne dans le dessein de commander en chef l'armée portugaise, avait beaucoup diminué de la joie qu'inspiraient aux constitutionnels les secours britanniques; on se souvenait avec amertume de son administration despotique. Il avait été repoussé trois fois dans trois occasions critiques en 1820, en 1823 et 1824 : on s'étonnait qu'il vînt une quatrième sans mission, à la faveur du débarquement. Mais le même sentiment national se manifestait contre lui, et malgré les efforts du ministre anglais sir W. A'Court, après bien des délibérations où le ministre de la guerre Saldanha, quoique malade, eut beaucoup d'influence, il fut décidé dans le conseil que le Portugal n'acceptait pas les services du noble lord, et le général sir W. Clinton resta, à la grande satisfaction de l'armée, chargé du commandement de la division anglaise, dont une partie occupa les forts de Lisbonne en conséquence d'une convention particulière du 19 janvier (voy. l'Appendice), et l'autre fut cantonnée à Coïmbre, mais seulement en corps d'observation.

Ici, comme dans toutes les guerres civiles où la fureur des partis n'admet ni repos, ni ménagemens, l'hiver n'avait point suspendu les opérations. Le marquis de Chavès, au commencement de janvier, avait rassemblé les divisions de Montalègre, Telles-Jordao, et Magessi, montant de dix à onze mille hommes, avec de l'artillerie tirée de la place d'Almeida, dans le dessein de percer sur Coïmbre et de soulever toute la province de Beira avant l'arrivée des Anglais. Le comte de Villaflor, qui avait son camp près de Conche da Beira, n'avait guère que sept mille hommes, lorsqu'il fut informé que les rebelles étaient dans les montagnes voisines ( la Sierra Es

trela); il n'hésita point à les attaquer (le 9 janvier) malgré leur nombre et l'avantage de leur position. L'affaire, qui dura depuis une heure de l'après-midi jusqu'à la nuit close, fut chaudement disputée, et la victoire long-temps incertaine. Mais le bruit s'étant tout à coup répandu dans les rangs du marquis de Chavès que les Anglais avaient débarqués et qu'ils s'étaient mis en marche à l'instant par la province de Beira, une terreur panique saisit les insurgés, qui commençaient à manquer de vivres, et qui se mutinèrent contre leurs chefs. Le désordre et la confusion s'ensuivirent. On quitta les positions avantageuses qu'on occupait; on fit reconduire l'artillerie dans Almeida, et la retraite devint bientôt une déroute dans laquelle les insurgés perdirent plus de monde que dans le combat. Quelques soldats se rendirent au comte de Villaflor. Les guérillas rentrèrent dans leurs foyers, le reste se retira encore avec ses chefs sur le territoire espagnol, d'où nous les verrons bientôt reparaître sur d'autres points.

Pendant que ces mouvemens militaires s'opéraient dans le Beira, il se passait à Lisbonne des événemens d'une autre nature et plus dignes de nous arrêter.

L'ouverture de la session ordinaire des cortès avait eu lieu le 2 janvier au palais d'Ajuda, avec toutes les formalités prescrites par la constitution; mais la princesse régente s'étant trouvée indisposée la veille, ou prétextant une indisposition, l'évêque de Viseu, ministre de l'intérieur, en avait fait l'ouverture.

Le discours que S. G. prononça en cette occasion exposait la nécessité de s'occuper des lois réglementaires pour l'exécution de la charte, et surtout des moyens de rétablir l'union. Il exprimait la reconnaissance de la nation portugaise envers le gouvernement britannique pour la résolution qu'il avait prise de la secourir dans le cas d'une agression étrangère; il annonçait que les autres nations de l'Europe « avaient reconnu que les institutions données au Portugal ⚫ émanaient d'une autorité légitime, et que si une seule(l'Espagne) « avait hésité, un meilleur conseil avait dissipé ses doutes et lui avait » Il « fait reconnaître la nécessité de se rendre au sentiment commun. »> se terminait inviter les membres des deux chambres à reprendre

par

« PreviousContinue »